SEANCE DU 10 DECEMBRE 2001


M. le président. L'amendement n° II-178, présenté par MM. Lise, Miquel, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Haut, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Après l'article 53, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« A. - Aux a et b du 1 du I de l'article 208 quater du code général des impôts, l'année "2001" est remplacée par l'année "2006".
« B. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du paragraphe A sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel. L'article 208 quater du code général des impôts permet sous certaines conditions aux sociétés qui entreprennent une activité nouvelle susceptible de concourir au développement des départements d'outre-mer et d'entraîner la création d'emplois nouveaux d'être totalement ou partiellement exonérées d'impôt sur les sociétés pendant une période de dix ans. Je souligne que l'application de ce régime de faveur est subordonnée à l'agrément du ministre chargé du budget.
Dans le souci de soutenir le développement économique des départements d'outre-mer et d'aligner sa durée d'application sur celle d'autres régimes d'aide fiscale à l'investissement outre-mer, nous proposons au Sénat de reconduire pour cinq ans ce dispositif qui arrive à échéance le 31 décembre 2001.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il semble que les auteurs de cet amendement, que la commission a examiné de façon très attentive, puisent leurs informations à de bonnes sources !
Il s'agit de proroger pour cinq ans un dispositif qui arrivait à échéance à la fin de 2001. Ce dispositif, qui concerne l'outre-mer, repose sur un système d'agrément. L'exonération d'impôt sur les sociétés est accordée en vue de favoriser, dit l'article 208 quater du code général des impôts, « le développement économique et social des départements d'outre-mer et la création d'emplois nouveaux dans le cadre des directives du plan de modernisation et d'équipement ».
Mes chers collègues, on nous demande donc de proroger pour cinq ans un dispositif qui s'inscrit dans le cadre des directives du plan de modernisation et d'équipement ! Or, qui connaît les directives du plan de modernisation et d'équipement ? Où sont-elles écrites ? Comment peuvent-elles servir de guide pour une politique d'agrément ? Il est clair que, ces directives ayant disparu, puisqu'elles appartiennent à une autre époque, l'agrément devient parfaitement discrétionnaire ; il est tout aussi clair qu'un agrément discrétionnaire conduit l'administration qui le délivre à remplacer le législateur, car seul ce dernier est compétent pour fixer l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures. Chacun le sait ! Le Conseil constitutionnel, en particulier, a rappelé, notamment dans une décision de 1987, que, « à défaut d'autres critères fixés par la loi, l'exigence d'un agrément n'a pas pour conséquence de conférer à l'autorité ministérielle le pouvoir [...] de déterminer le champ d'application d'un avantage fiscal ».
En définitive, la commission des finances est assez embarrassée parce que, sur le fond, ce dispositif très consensuel lui convient. Voir notre ami Gérard Miquel et son groupe plaider pour des exonérations d'impôt sur les sociétés, même outre-mer, nous fait plaisir puisque cela va dans le bon sens, mais les considérations juridiques que je viens d'évoquer nous « refroidissent » quelque peu.
Madame le secrétaire d'Etat, nous serons heureux de vous entendre sur le point de constitutionnalité que j'ai soulevé. Sur le fond, la commission s'en remettra à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je ne verrais que des avantages à ce que la rédaction de l'article 208 quater du code général des impôts soit améliorée. Par conséquent, si M. le rapporteur général souhaite formuler des propositions sur ce point, je les examinerai très attentivement. Il me semble que les navettes ont pour objet de permettre l'amélioration des textes !
Sur le fond, nous ne reprendrons pas le débat de tout à l'heure sur les avantages respectifs des prorogations, des renouvellements et des pérennisations. Je crois que l'amendement est utile et j'y suis donc favorable. En outre, je lève le gage.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Chacun se déterminera par rapport à la Constitution !
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° II-178 rectifié.
Je vais le mettre aux voix.
M. Denis Badré. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Je partage les inquiétudes qu'éprouve M. le rapporteur général quant au fond. Cela étant, le régime d'exonération en question est tout à fait efficace : nos collègues Jean-Paul Virapoullé et Anne-Marie Payet nous l'ont dit bien souvent.
Après réflexion, les membres du groupe de l'Union centriste estiment qu'il convient de proroger le dispositif pour cinq ans et ils voteront donc l'amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-178 rectifié, accepté par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 53.
L'amendement n° II-179, présenté par MM. Lise, Miquel, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Haut, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Après l'article 53, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« A. - Dans le IV de l'article 217 bis du code général des impôts, l'année "2001" est remplacée par l'année "2006". »
« B. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du paragraphe A sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Miquel.
M. Gérard Miquel. L'article 217 bis du code général des impôts prévoit, pour l'imposition des résultats des exercices clos jusqu'au 31 décembre 2001, que les résultats provenant d'exploitations situées dans les départements d'outre-mer et appartenant à des secteurs bien spécifiques de l'économie ne sont retenus, pour l'établissement de l'assiette de l'impôt sur les sociétés, qu'à hauteur des deux tiers de leur montant.
Nous proposons au Sénat de reconduire ce dispositif pour cinq ans, afin de soutenir le développement économique et, par voie de conséquence, l'emploi dans les départements d'outre-mer.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je me réjouis vraiment de cette initiative du groupe socialiste du Sénat, qui, par la voix de notre collègue Gérard Miquel, propose une baisse importante du taux réel de l'impôt sur les sociétés. Je crois d'abord rêver, puis, tout d'un coup, je reviens sur terre : ce n'est qu'outre-mer que cette conviction nouvelle est mise en application ! J'espère toutefois, mon cher collègue, que l'élan dont vous faites preuve en cette période marquée par l'esprit de Noël, au cours de laquelle chacun s'ouvre aux autres, ne se limitera pas, à l'avenir, à nos beaux départements d'outre-mer. (Sourires.)
Quoi qu'il en soit, cette proposition, qui relève d'une excellente inspiration - je pense, madame le secrétaire d'Etat, que nous en aurons une preuve tangible dans un instant ! - ne peut que favoriser le développement économique des départements d'outre-mer. Le dispositif visé est tout à fait cohérent avec les réductions d'impôts pour investissements outre-mer que le Sénat a adoptées l'an passé, sur l'initiative des différents groupes de sa majorité.
On peut d'ailleurs souligner l'importance de cet abattement d'un tiers de l'impôt sur les sociétés, mesure dont la prorogation pour cinq ans est devenue habituelle et consensuelle. Elle profite à la plupart des activités économiques des départements d'outre-mer, à l'exception, pour l'essentiel, de la distribution. Pour 2001, son coût est évalué à 289 millions de francs, soit 44 millions d'euros.
En conclusion, la commission des finances émet un avis favorable sur l'amendement n° II-179.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est également favorable à cet amendement. Pour éviter à M. le rapporteur général de commenter les sources de celui-ci, j'indique qu'il s'agit des meilleures, à savoir le code général des impôts. (Sourires.)
Par ailleurs, le Gouvernement lève le gage.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° II-179 rectifié.
Je vais le mettre aux voix.
M. Bernard Angels. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Monsieur le rapporteur général, vous n'avez pas de leçon à nous donner s'agissant de l'impôt sur les sociétés, car ce Gouvernement a agi pour l'alléger alors que vous n'avez fait que l'alourdir !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous aviez de l'argent !
M. Bernard Angels. Ironiser est facile, mais les sociétés ont été mieux traitées ces cinq dernières années qu'au temps où vos amis étaient au pouvoir. Vos conceptions sont archaïques ! vous tenez toujours le même discours ! (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.) A vous entendre, nous aurions massacré les sociétés. Voilà ce que disaient vos slogans voilà vingt ans, mais ce n'est pas la vérité !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous verrons bien !
M. Pierre Laffitte. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Le groupe du RDSE, qui comprend notamment dans ses rangs le sénateur de la Guyane et un représentant de la Martinique, est très favorable à cet amendement et le votera donc.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-179 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 53.
Je suis maintenant saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° II-81 rectifié est présenté par MM. Ostermann, Joyandet, Oudin, Besse et Demuynck, Mme Olin, MM. Cazalet et Calmejane, Mme Michaux-Chevry, MM. Darcos, Dufaut, Gaillard, Gournac, Hamel, Lardeux, de Richemont, Gruillot, Lassourd, Gérard, César, Doublet, Goulet, Murat, Fournier, Ginésy, Leclerc, Rispat, Braye, Dubrule, de Broissia, Legendre, Caldaguès, Vial et Doligé et Mme Brisepierre.
L'amendement n° II-104 rectifié est présenté par M. Badré et les membres du groupe de l'Union centriste.
L'amendement n° II-155 est présenté par MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
Tous trois sont ainsi libellés :
« Après l'article 53, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 278 septies du code général des impôts, il est inséré un article 278 octies ainsi rédigé :
« Art. 278 octies. - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 5,5 % en ce qui concerne :
« a) La fourniture de repas à consommer sur place ;
« b) Les ventes de boissons non alcoolisées réalisées à l'occasion des prestations visées au a. ci-dessus. »
« II. - La perte de recettes générée par l'application des dispositions du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
« III. - Les dispositions du I et du II ci-dessus entreront en vigueur le 1er janvier 2003. »
L'amendement n° II-105 rectifié, présenté par M. Badré et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Après l'article 53, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est ajouté au code général des impôts un article 281 decies ainsi rédigé :
« Art. 281 decies - La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 12 % en ce qui concerne :
« a) La fourniture de repas à consommer sur place ;
« b) Les ventes de boissons non alcoolisées réalisées à l'occasion des ventes définies au a) ci-dessus. »
« II. - La perte de recettes générée par l'application des dispositions du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
« III. - Les dispositions du I et du II ci-dessus entreront en vigueur le 1er janvier 2003. »
L'amendement n° II-150, présenté par MM. Collin et Baylet, est ainsi libellé :
« Après l'article 53, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 279 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ... les prestations de vente à consommer sur place de produits alimentaires et de boissons non alcoolisées. »
« II. - Les dispositions du I entrent en vigueur le 1er janvier 2003.
« III. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Cazalet, pour défendre l'amendement n° II-81 rectifié.
M. Auguste Cazalet. Nous sommes un certain nombre à avoir cosigné l'amendement de notre collègue et ami M. Ostermann. Nous étions aussi un certain nombre représentant tout l'éventail politique, et tous les sénateurs des Pyrénées-Atlantiques, à participer à la manifestation des restaurateurs qui s'est déroulée à Pau. Je tenais à le préciser, car les restaurateurs ne comprennent pas pourquoi ils sont soumis à deux taux de TVA différents : 5,5 % pour la vente à emporter et la livraison des repas à domicile, et 19,6 % pour la restauration à consommer sur place.
Le taux de 19,6 % met en difficulté un certain nombre de restaurateurs qui ne peuvent assurer la rentabilité de leurs équipements, notamment en zone rurale, où les prix pratiqués sont bien souvent en deçà de ceux qui sont pratiqués par leurs concurrents.
Ces deux taux entraînent aussi des difficultés de comptabilité au sein d'une même entreprise.
L'amendement n° II-81 rectifié vise donc à assujettir le secteur de la restauration dite « traditionnelle » au taux réduit de TVA, comme le secteur de la vente à emporter, soit 5,5 % à compter du 1er janvier 2003. (Très bien ! sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Badré, pour défendre l'amendement n° II-104 rectifié.
M. Denis Badré. Cet amendement est identique au précédent, et Mme le secrétaire d'Etat n'en sera pas étonnée : en effet, voilà longtemps que nous parlons de ce sujet ! Mais il existe une solution pour que nous n'en parlions plus : que la mesure soit définitivement adoptée !
Nous avons longuement évoqué cette question lors de la première partie du projet de loi de finances, ainsi que l'année dernière et un certain nombre d'autres fois. Je crois que tout a été dit sur ce sujet, et que nous savons tous tout : nous savons combien les difficultés apparaissent aux limites de la restauration rapide, de la restauration collective et la restauration traditionnelle ; nous savons combien il existe encore, à la marge, d'injustices et de situations complètement aberrantes ! Dans ce contexte, la seule manière de traiter le problème me paraît d'assujettir l'ensemble du secteur à un taux de 5,5 %, comme l'ont fait maintenant tous les pays touristiques.
Lors de notre débat sur la définition de la liste des services à haute intensité de main-d'oeuvre qui pourraient passer au taux réduit de TVA, nous avions déjà évoqué le secteur de la restauration, et vous nous aviez dit que la France n'était pas le seul pays à ne pas avoir adopté ce taux, puisque le Portugal était dans le même cas. Néanmoins, le Portugal, entre-temps, a bénéficié d'une dérogation. Dorénavant, la France est le seul pays à ne pas avoir adopté le taux réduit ! Cela ne peut pas durer si nous voulons, d'une part, qu'une certaine équité règne entre les restaurateurs français et leurs partenaires du reste de l'Union européenne et, d'autre part, que disparaissent les difficultés aux limites des différents secteurs de la restauration. La seule solution est donc d'instaurer le taux de 5,5 % pour tous ces derniers.
Je ferai deux rappels.
S'agissant tout d'abord du coût de la mesure, une analyse rapide du chiffrage de la mesure amenait vos services, madame le secrétaire d'Etat, à expliquer, dans un premier temps - mais je pense que nous n'en sommes plus là -, que ce coût s'élèverait à 30 milliards de francs - 170 milliards de francs de chiffre d'affaires total de la restauration en France multipliés par la différence entre 19,6 % et 5,5 %, soit 14,1 % -, ce qui était trop cher !
Je réponds à cela que le chiffre d'affaires concerné par l'amendement est non pas de 170 milliards de francs, mais de 40 milliards de francs dans la mesure où un certain nombre de secteurs sont déjà assujettis à un taux réduit de TVA et où un certain nombre de produits - je pense notamment aux boissons alcoolisées - resteraient bien entendu soumis au taux de TVA de 19,6 %. De proche en proche, nous arrivons à ne faire bénéficier de cette mesure que 40 milliards de francs de chiffre d'affaires. Le coût de la mesure est donc ramené de 30 milliards de francs à moins de 7 milliards de francs ; il est par conséquent beaucoup moins élevé que vous ne le disiez, même si un montant de 7 milliards de francs reste très important. Mais cette mesure aurait une incidence économique et sociale tout à fait considérable.
Par ailleurs, Bruxelles n'autorise par un tel passage au taux réduit, allez-vous me dire, madame le secrétaire d'Etat. C'est vrai, et je suis le premier à le reconnaître et à l'affirmer.
Néanmoins, la sixième directive sur le passage éventuel au taux réduit de TVA prévoit deux voies possibles : l'application de l'annexe H et la dérogation prévue à l'article 28.
Pour le moment, la commission ne veut pas toucher à l'annexe H, sauf lorsque les enseignements de l'expérimentation sur les services à haute intensité de main-d'oeuvre auront été tirés.
Vous me rappeliez, lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, que nous nous donnions un an de plus - cela me paraît une bonne chose - et que vous souhaitiez profiter de ce délai pour que nous puissions travailler ensemble sur les sujets restant posés. Je vous ai indiqué combien nous étions disposés à le faire, tant ces questions sont importantes.
Aujourd'hui, la voie de l'annexe H n'est à mon avis effectivement pas ouverte, mais nous allons travailler pour voir si, dans les dix-huit prochains mois, cette voie peut permettre de régulariser définitivement la question.
Mais nous demandons que, en attendant, et en application de l'article 28, qui autorise des dérogations, la France, comme le Portugal a pu le faire, puisse bénéficier immédiatement de cette mesure.
M. le président. La parole est à M. Trucy, pour présenter l'amendement n° II-155.
M. François Trucy. Le groupe des Républicains et Indépendants s'associe à cette démarche tendant à la réduction du taux de TVA et présente un amendement identique.
Quand une anomalie persiste, c'est aux parlementaires d'insister pour la faire cesser ; quand elle s'aggrave du fait de la disparité européenne et que les effets de la concurrence en sont accrus, c'est une raison supplémentaire de déposer un tel amendement.
M. le président. La parole est à M. Badré, pour présenter l'amendement n° II-105 rectifié.
M. Denis Badré. Il s'agit d'un amendement de repli, qui vise à adopter deux taux réduits de TVA.
Si, effectivement - mais je ne l'imagine pas un instant ! -, la Haute Assemblée ne votait pas les amendements identiques, je me replierai sur l'amendement n° II-105 rectifié. Mais je pense qu'il n'aura plus de raison d'être du fait de l'adoption des amendements n°s II-81 rectifié, II-104 rectifié et II-155 ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° II-150 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Depuis longtemps, la commission des finances a la conviction que les professions de la restauration ne sont pas correctement traitées en matière de fiscalité indirecte.
Nous avons adopté successivement différentes positions sur ce problème important de notre fiscalité. Nous avons déjà voté, lors de la discussion de projets de loi de finances, un amendement visant à réduire le taux de la TVA à 5,5 %. Nous avons surtout mené, notamment sous la conduite de Denis Badré, une réflexion de fond sur les taux de TVA et les contraintes européennes auxquelles nous sommes soumis. Ces contraintes, si elles peuvent, à certains égards, être considérées comme une chance, déterminent aussi la manière dont nous pouvons aborder des questions comme celle-ci.
Nous avons pu, de ce point de vue, faire justice de réponses trop rapides sur la réputée « euro-incompatibilité » de l'évolution nécessaire au secteur de la restauration.
En réalité, mes chers collègues, il s'agit d'un problème de volonté, au sein des instances européennes, de nos autorités nationales à qui il appartient de pondérer les priorités respectives de tel ou tel secteur. Et il appartient surtout à l'Etat de faire prévaloir une vision et une politique claires en matière de fiscalité indirecte.
Le 26 novembre dernier, lors de notre séance du soir, vous ne pouviez être parmi nous, madame le secrétaire d'Etat, et M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est donc venu représenter le Gouvernement dans cet hémicycle. Nous avons alors profité de sa présence pour avoir un véritable débat d'orientation, un débat de portée générale sur des questions un peu globales de politique fiscale, notamment dans le domaine de la fiscalité indirecte. Si, bien entendu, et comme il se doit, nous n'étions pas d'accord - sinon, il n'y aurait pas de vie parlementaire ! -, nous sommes néanmoins revenus sur toute une série de choses qui se sont produites depuis 1997.
Nous sommes d'abord revenus sur les promesses bien rapides faite en 1997 de réduire le taux général de la TVA.
Nous sommes revenus sur la politique de baisse ciblée de TVA, notamment au profit des métiers du bâtiment. Nous avons évoqué la réduction d'un point du taux général de TVA à laquelle il a été procédé : d'un coût de 20 milliards de francs, cette diminution ne s'est traduite par aucun profit économique pour personne et a même, au contraire, engendré une perte de ressources récurrente pour l'Etat. Cet argent s'est dilué dans les sables. Or, c'est bien de cet argent - nous sommes à un ordre de grandeur assez voisin - dont nous aurions besoin aujourd'hui pour créer de l'activité et des emplois dans les secteurs de la restauration.
Il ne s'agit pas, madame le secrétaire d'Etat, de faire plaisir à une profession, si respectable soit-elle. Nous ne raisonnons pas en ces termes. Nous sommes ici non pas pour faire plaisir à quiconque, mais pour faire avancer les affaires de la France, et surtout l'emploi et l'activité économique. Or, qui connaît une branche d'activité aussi intensive en main-d'oeuvre que la restauration ? Qui peut nier qu'aujourd'hui, dans les circonstances actuelles, avec la remontée du taux de chômage touchant en particulier les personnes les moins qualifiées à laquelle nous sommes malheureusement confrontés, la restauration pourraît être un secteur offrant à un grand nombre de personnes, sur le marché du travail, notamment aux jeunes, des moyens d'existence décents ? Qui peut aujourd'hui prétendre le contraire ?
Or, madame le secrétaire d'Etat, l'argent a été consommé à hauteur de 20 milliards de francs pour une baisse d'un point du taux général de la TVA qui, je le répète, n'a eu aucun effet tangible et mesurable, sauf de diminuer de 20 milliards de francs les recettes de l'Etat, et donc les marges de manoeuvre dont vous pouvez aujourd'hui disposer.
Madame le secrétaire d'Etat, il est particulièrement important que le Sénat vous réaffirme, tous groupes politiques confondus, je l'espère, sa volonté de voir évoluer ce problème. C'est une position de principe qu'il convient de prendre, mes chers collègues, une position à laquelle la commission des finances, une nouvelle fois, vous appelle en souscrivant aux excellents plaidoyers qui ont été faits par Auguste Cazalet, Denis Badré et François Trucy.
Bien sûr, je n'évoquerai pas l'amendement de repli, car qui peut le plus peut le moins ! Mais mieux vaut, s'agissant d'un vote de principe, voter l'amendement plein, c'est-à-dire les amendements identiques n°s II-81 rectifié, II-104 rectifié et II-155, ce à quoi vous appelle la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Comme cela a été indiqué, le débat a déjà eu lieu lors de la discussion de la première partie du projet de la loi de finances.
M. Denis Badré. C'est vrai que vous n'étiez pas là !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je n'étais certes pas là,...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, et M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas un reproche !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. ... mais vous avez en conséquence eu la chance et le privilège d'avoir comme interlocuteur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ! Je pense donc que j'ai été avantageusement remplacée ! (Protestations sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Mais non !
M. Denis Badré. C'est impossible !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Ce n'est pas ce que nous voulions dire !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. A la différence de beaucoup d'entre vous, je n'ai pas la capacité de dire que l'on ne va pas relancer le débat tout en le relançant quand même ! En effet, vous arrivez - et je salue cette performance - à reprendre d'une manière extraordinairement rapide, synthétique et ramassée l'ensemble des arguments qui ont déjà été longuement développés.
M. Denis Badré. Nous pouvons faire plus long si vous voulez ! (Sourires.)
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Ce n'est pas un appel à en faire plus ! Mais chacun a pu rappeler les arguments qui avaient déjà été développés, et je tenais à le souligner.
Je ne veux pas me répéter et dire à nouveau pour quelles raisons, de l'avis du Gouvernement, la baisse de la TVA n'est pas le meilleur moyen de répondre aux difficultés auxquelles est actuellement confronté le secteur de la restauration. Je pensais que nos débats - celui de cette année, auquel je ne participais pas, mais aussi celui de l'année dernière - ont permis de renvoyer les incantations très loin de nous. Ces débats sont utiles et font avancer la pédagogie.
En matière de fiscalité indirecte - je le regrette une fois encore -, on ne peut pas résumer, comme M. le rapporteur général l'a fait, la politique du Gouvernement à la baisse d'un point du taux de la TVA réalisée en avril 2000. D'ailleurs, je m'étonne un peu, monsieur le rapporteur général, que vous regrettiez ce point ; je pense que les Français apprécieront les commentaires que vous avez formulés à cet égard.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ils ne s'en sont pas rendu compte.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. En outre, ce jugement me paraît quelque peu partiel, à défaut d'être partial, puisque vous avez omis de rappeler une autre mesure dont nous avons longuement débattu, dont l'efficacité n'est pas en cause, celle qui a consisté à baisser le taux de la TVA sur les travaux effectués dans les logements.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s II-81 rectifié, II-104 rectifié et II-155.
M. Denis Badré. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Je souhaite revenir brièvement sur deux points à la suite de l'échange que nous venons d'avoir avec vous, madame la secrétaire d'Etat.
Tout d'abord, vous dites que nous devons faire de la pédagogie. Vous avez raison ! Mais, pour nous, il ne s'agit pas uniquement de pédagogie. Il y a un vrai problème.
En fait, la France constitue en ce moment une anomalie. Lors du débat au cours duquel devait être établie la liste des services à haute intensité de main d'oeuvre qui devaient participer à l'expérimentation du passage au taux réduit de TVA, la question s'était posée de savoir si la restauration devait figurer sur cette liste. On nous avait alors clairement répondu : la France est le seul pays de l'Union européenne à faire cette demande ; on ne peut donc pas aller contre tous nos partenaires européens, il vaut mieux ne pas aborder le sujet et éviter d'essuyer un revers inévitable.
Mais, mes chers collègues, si nos partenaires ne demandaient pas le taux réduit pour la restauration, c'est parce qu'ils l'avaient déjà ! Ils préféraient le demander pour d'autres services !
Dès lors, nous nous sommes retrouvés seuls par la force des choses ; nous n'étions pas en situation de faire prendre en compte notre préoccupation. Dans ces conditions, le Gouvernement a « calé ».
C'est pourquoi Philippe Marini disait, très justement, à l'isntant que c'est une affaire de volonté politique. Pour notre part avec la sagesse du Sénat, mais avec la volonté d'avancer et non pas simplement celle de faire de la pédagogie, en cette deuxième partie de loi de finances, nous avons décidé de limiter notre action à deux domaines sur lesquels nous voulons effectivement attirer l'attention pour que le Gouvernement « prenne les affaires en main » et obtienne de Bruxelles la dérogation nécessaire.
La restauration et les prestations des avocats sont en effet les deux seuls sujets que nous avons retenus. Nous avons laissé tomber, le chocolat, madame le secrétaire d'Etat, bien à contrecoeur, croyez-le !
Nous n'allons pas reparler du chocolat, bien évidemment, mon propos étant simplement d'exprimer notre volonté d'avancer sur un certain nombre de sujets sur lesquels il existe une vraie disparité de situation avec nos partenaires, lesquels sont ravis de nous voir conserver un taux de 19,6 %.
En tout état de cause, cette situation doit changer : il faut absolument que ces amendements soient adoptés pour que le Gouvernement prenne en compte la volonté du Parlement.
M. Paul Blanc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Je me réjouis de la façon dont s'est engagé le débat car, moi aussi, j'ai été confronté, voilà à peine quinze jours, au syndicat des hôteliers et restaurateurs dans mon département.
Je me trouvais alors avec trois parlementaires socialistes, qui ont indiqué qu'ils étaient tout à fait d'accord, eux, pour souscrire aux souhaits de la profession, mais que ce n'était pas possible en raison des contraintes de l'Europe. Je suis donc très heureux des propos de notre collègue Denis Badré.
Je me félicite également, madame la secrétaire d'Etat, que vous n'ayez pas évoqué cette contrainte européenne, ce qui conforte les propos de Denis Badré.
Mais je voudrais surtout attirer l'attention de notre assemblée sur la situation de régions frontalières comme le département des Pyrénées-Orientales, où les professionnels de la restauration sont obligés de faire face à la concurrence des Espagnols. Eux, bénéficient d'une TVA à taux réduit. Or, vous le savez, madame la secrétaire d'Etat, aujourd'hui, il n'y a plus de Pyrénées : en moins de trente minutes, on va de Perpignan à Figueras, si bien que les restaurateurs espagnols ont un avantage certain par rapport à leurs homologues français.
Dans ces conditions, je voterai bien entendu ces amendements sans aucune hésitation.
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. En cette période où bien des portes s'ouvrent, où l'argent public se déverse, à la suite de pressions diverses, je pense que notre vote pourrait aider le Gouvernement à s'en sortir et peut-être à échapper - qui sait ? - à la nécessité d'octroyer cette mesure si, par exemple, demain, les restaurateurs et les personnels de restauration étaient tentés d'imiter tel ou tel exemple fameux.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Madame la secrétaire d'Etat, il est tout de même paradoxal, alors que la France est la première destination touristique au monde et l'une des premières destinations gastronomiques, que nous fassions tout pour gâcher nos chances.
Pour mon département, la Vendée, le deuxième département à vocation touristique de France, il en résulte une contre-publicité tout à fait extraordinaire.
J'ajouterai que la double taxation n'est pas toujours bien appliquée.
Ainsi, dans un établissement de restauration rapide, on vous demandera si vous voulez consommer sur place ou non. Un taux différent et donc un prix différent est appliqué dans chaque cas : pour un même sandwich, on appliquera tantôt le taux de 5,5 %, tantôt le taux de 19,6 %. Cependant, madame la secrétaire d'Etat, il existe un établissement public de restauration qui applique le même prix, que vous mangiez sur place ou que vous emportiez la consommation. Devinez quel est cet établissement : c'est le bar du TGV !
Eh oui, madame la secrétaire d'Etat ! Et qui se met la différence dans la poche ?
Vous êtes-vous posé la question ? C'est intéressant. Pour ma part, je trouve cela scandaleux. Vous devriez regarder d'un peu plus près les distorsions que peut engendrer dans le monde de la restauration cette double taxation à 5,5 % et à 19,6 % !
Aussi, je crois que le Sénat fera oeuvre de sagesse et d'assainissement en votant un taux unique.
M. Thierry Foucaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Le groupe communiste républicain et citoyen souscrit aux propos que nous venons d'entendre. En conséquence, nous ne voterons pas contre les amendements qui nous sont présentés. Nous avons d'ailleurs défendu nous-même des amendements de ce type à plusieurs reprises. Nous avons, je le rappelle, déposé des amendements sur les produits de première nécessité, comme les denrées alimentaires, la margarine, par exemple.

Mais, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, n'en déplaise à M. le rapporteur général, qui insiste sur les baisses de TVA, je me rappelle avoir entendu des propos et pris acte de votes qui n'allaient pas exactement dans le même sens. Au demeurant, monsieur le rapporteur général, puisque vous avez évoqué la question de principe à laquelle j'adhère, il faudrait peut-être l'appliquer !
Permettez-moi d'ajouter encore une remarque.
Lorsque nous avons proposé que le taux de TVA passe de 19,6 % à 18,6 %, on nous a répondu qu'il valait mieux faire des baisses de TVA ciblées. Certes, des gestes ont été faits en ce sens, mais ils ne sont pas suffisants.
C'est en considération de tous ces éléments que nous voterons les amendements qui nous sont présentés ce soir.
M. Pierre Laffitte. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Dans mon département, les Alpes-Maritimes, département hautement touristique, et, qui plus est, proche de l'Italie, il est bien certain que le problème posé par l'existence de taux différents est tout à fait criant.
Ce que les restaurateurs ne comprennent pas, c'est la différence de taux appliqués à la vente à emporter et donc en fait celui qui est appliqué à certaines grandes chaînes de restauration.
J'avais d'ailleurs déjà proposé que l'on unifie les taux sans qu'il en coûte un sou à l'Etat. Le ministère des finances m'a rétorqué que c'était impossible, qu'il faudrait créer un nouveau taux et que l'Europe ne l'accepterait pas.
En l'occurrence, l'abaissement au taux minimal me paraît et possible et souhaitable : avec mon groupe, je voterai l'amendement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-81 rectifié, II-104 rectifié et II-155, acceptés par la commission et repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 53, et l'amendement n° II-105 rectifié n'a plus d'objet.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures cinquante.)