SEANCE DU 7 DECEMBRE 2001


M. le président. L'amendement n° II-13, présenté par Mme Bocandé, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Après l'article 70, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le fonds national mentionné à l'article L. 961-13 du code du travail est autorisé à verser 15 244 902 euros en 2002 aux organismes paritaires collecteurs agréés pour recevoir les contributions des employeurs prévues à l'article 30 de la loi de finances pour 1985 (n° 84-1208 du 29 décembre 1984). A cette fin, le compte unique prévu par le I de l'article 45 de la loi de finances rectificative pour 1986 (n° 86-1318 du 30 décembre 1986) est chargé de recevoir ce versement. »
La parole est à Mme Bocandé, rapporteur pour avis.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. Compte tenu de l'importance de cet amendement, je souhaite vous l'exposer en détail.
Il tend à assurer le financement des contrats de qualification en 2002, dont j'ai montré toute la fragilité dans mon propos introductif. A cet effet, le comité paritaire du congé individuel de formation, le COPACIF, autorise à verser l'équivalent de 100 millions de francs à l'Association de gestion du fonds des formations en alternance, l'AGEFAL, en 2002. Cela permettra de rétablir la situation de trésorerie de l'AGEFAL, afin qu'elle puisse garantir ses engagements, sans assécher totalement la trésorerie du COPACIF.
Je précise qu'il vise également à se substituer aux prélèvements d'autorité sur le COPACIF envisagés par le Gouvernement. Il me semble, en effet, préférable d'autoriser une mutualisation des disponibilités des fonds nationaux de la formation professionnelle, afin d'assurer une affectation effective des contributions versées à ce titre en faveur de la formation continue et de l'alternance.
Toutefois, il ne s'agit ici que d'une mutualisation à la fois transitoire et facultative : transitoire, car elle ne vaut que pour 2002, notre législation interdisant pour l'instant de tels transferts de trésorerie ; facultative, car elle n'ouvre qu'une possibilité. Ce sera alors aux conseils d'administration des deux fonds de décider, en fonction des besoins constatés, s'ils utilisent cette faculté.
La commission des affaires sociales a bien conscience que cet amendement de bon sens n'apporte toutefois qu'une réponse ponctuelle à un problème qui risque de devenir récurrent. Aussi me paraît-il hautement souhaitable d'explorer dès à présent les voies d'une nouvelle mutualisation des fonds de l'alternance.
Je crois désormais nécessaire d'autoriser une nouvelle forme de péréquation entre les disponibilités de ces fonds, en fonction des besoins et en accord avec les partenaires sociaux gestionnaires. Mais cette suggestion dépasse le stricte cadre de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Au 31 octobre 2001 - ce sont les derniers chiffres portés à notre connaissance - la situation financière de l'AGEFAL était la suivante : 865 millions de francs de trésorerie pour un total d'engagements de 2,739 milliards de francs.
Par conséquent, l'AGEFAL n'est pas confrontée à une insuffisance de trésorerie en tant que telle. Elle a invité les organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, déficitaires à réguler leurs engagements - durée, coût horaire - en fonction des ressources dont ils disposent. On notera qu'il est question non pas de refuser des contrats, bien évidemment, mais d'ajuster les niveaux.
De fait, on ne constate pas pour l'instant de ralentissement des entrées de jeunes en contrat de qualification, puisque, à la fin du mois de septembre, sur un ensemble cumulatif de neuf mois, 75 500 contrats ont été enregistrés contre 74 300 pour l'année 2000, qui était pourtant une année de forte augmentation, avec plus de 10 % de contrats supplémentaires enregistrés par rapport à 1999.
Le Gouvernement s'est engagé, par une lettre du 16 octobre 2001, à apporter la garantie de l'Etat à l'AGEFAL en cas de difficulté de trésorerie. En dépit des cet engagement, encore rappelé par Mme le secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle lors du débat budgétaire à l'Assemblée nationale, des craintes subsistaient. La décision prise par l'AGEFAL lors de son dernier conseil d'administration de dégager plus de 300 millions de francs pour les structures qui connaîtraient des difficultés doit permettre de répondre à ces craintes.
De surcroît, l'AGEFAL a été reçue tout récemment - le 27 novembre dernier - par Mme Péry pour étudier les voies et les moyens d'assurer que les engagements présents et à venir sur le financement de l'alternance seront tenus et, s'il y a lieu, que les garanties données seront mises en oeuvre en temps utile.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Bocandé, rapporteur pour avis.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. Monsieur le secrétaire d'Etat, cet avis défavorable m'étonne et me déçoit.
Vous fondez votre argumentation sur l'année 2001. Or nous examinons un projet de loi de finances, donc un budget prévisionnel qui sera exécuté en 2002. Précisément, d'après les renseignements en ma possession, il semblerait que les chiffres, qui sont effectivement positifs en 2001, seraient négatifs en 2002.
M. Alain Gournac. C'est même Mme le ministre qui nous l'a dit !
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. Tout à fait !
La solution proposée me semblait de bon sens, puisqu'elle permettait à votre gouvernement de respecter à bon compte la parole donnée. Je vous rappelle que, plusieurs fois, le Gouvernement s'était engagé, au cas où des diffcultés se produiraient, à venir au secours des fonds.
Vous nous dites, aujourd'hui, que vous interviendrez si... Mais, avec notre proposition, et c'est tout son mérite, nous intervenons par avance, nous n'attendons pas que les problèmes soient là !
Après tous les prélèvements que le Gouvernement a opérés sucessivement sur les fonds de l'alternance - je rappelle que, depuis 1997, 1,5 milliard de francs ont été prélevés sur les fonds de la formation professionnelle -...
M. Paul Blanc. Voilà !
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. ... proposer comme unique solution pour l'AGEFAL une ligne de trésorerie qui aura forcément pour conséquence, en fait, un endettement ou une gestion financière plus tendue encore, ne me semble pas satisfaisant du tout.
M. Alain Gournac. A moi non plus !
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. Au surplus, la solution que j'ai proposée a reçu l'accord des partenaires sociaux gestionnaires de l'AGEFAL et du COPACIF. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-13.
M. Gilbert Chabroux. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Nous prenons bonne note des informations que vous nous avez données, monsieur le secrétaire d'Etat, ainsi que des engagements que vous prenez, mais nous avons des observations à formuler.
Depuis 1996 et la première ponction opérée par le gouvernement d'alors sur la trésorerie de l'AGEFAL, le groupe socialiste n'a cessé de dire à ces différents interlocuteurs sa réticence devant un tel procédé.
Si une ponction de nature très occasionnelle et sur une trésorerie pléthorique peut se concevoir, une ponction répétée sur une trésorerie qui ne peut, dès lors, manquer de s'affaiblir ne constitue en aucun cas une politique durable de financement. Cela résout temporairement un problème pour en créer immédiatement un autre. Nous ne pouvons que réitérer cette observation.
Pour autant, nous ne souscrivons pas à l'initiative de Mme le rapporteur,...
M. Alain Gournac. Ah !
M. Gilbert Chabroux. ... qui consiste à procéder à une mutualisation subreptice des fonds de la formation. Il serait pour le moins utile d'entendre au préalable les partenaires sociaux et d'avoir un débat public et ouvert sur le sujet : il s'agit de sommes considérables, mes chers collègues. Et, je pose la question : quel contrôle s'exercerait ensuite sur ces manipulations ?
Le groupe socialiste ne pourra donc pas voter l'amendement présenté par notre collègue Mme Bocandé, qui ne permet pas - mais le pouvons-nous ici, dans ce débat ? - de résoudre un problème d'une tout autre ampleur.
Au demeurant, l'embarras dans lequel nous nous trouvons tous - vous aussi - ne fait que nous renvoyer à l'échec de la négociation interprofessionnelle sur la formation.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Mais non !
M. Paul Blanc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Je voterai cet amendement.
Lorsque la commission a reçu Mme Guigou, j'avais déjà soulevé cette question. La seule réponse qui m'avait été donnée alors, c'est que, effectivement, il n'y avait pas de difficultés de trésorerie, mais que l'on permettrait d'ouvrir une ligne... de trésorerie ! J'avoue que je ne comprends pas pourquoi. Dans une entreprise, quand vous n'avez pas de difficulté de trésorerie, vous n'avez pas besoin d'ouvrir une ligne ! Cela me paraît donc tout à fait contradictoire avec ce que je viens d'entendre.
Aussi, parce que Mme Bocandé nous propose une solution constructive, parce qu'elle essaye de nous sortir de l'impasse dans laquelle nous nous trouvons, je voterai bien entendu, et des deux mains, l'amendement n° II-13.
M. Alain Gournac. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Je voterai également cet amendement, parce que je ne peux pas accepter que le Gouvernement nous dise une chose en commission - et vous étiez présent, ce jour-là, cher collègue Chabroux - et une autre en séance publique.
Notre collègue Gilbert Chabroux, qui s'exprimait au nom du parti socialiste, a eu les pires difficultés...
M. Gilbert Chabroux. Quelles difficultés ?
M. Alain Gournac. ... pour expliquer son vote contre l'amendement. Que d'allers et de retours : il est pour, il est contre, il est pour, il est contre, et donc il est pour ? Eh bien, non ! Il est contre ! (Sourires.)
Il est tout de même tout à fait incroyable que nous ne puissions pas nous retrouver sur un dispositif d'une nature aussi technique. D'ailleurs, le début de l'explication de notre collègue venait à l'évidence à l'appui de Mme Bocandé.
M. Roland Muzeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. En réponse à nos questions, ce matin, Mme la ministre nous a indiqué très clairement que le Gouvernement avait pris des décisions pour garantir l'activité de l'AGEFAL. Cette information a été discutée à l'Assemblée nationale.
Les propos tenus à l'instant par M. le secrétaire d'Etat sur les questions budgétaires pour 2001 et le bouclage de l'année en cours, ajoutés à l'intervention de Mme Guigou, ce matin, concernant le présent projet de budget pour 2002 sont de nature à laisser penser que, pour régler cette question délicate, la bonne volonté mais aussi la clairvoyance sont de rigueur.
La mutualisation que propose Mme le rapporteur pour avis mériterait une longue discussion et des compléments d'information.
MM. Jean Chérioux et Alain Gournac. Oui !
M. Roland Muzeau. Le souci exprimé par notre commissaire est digne d'intérêt, mais il faut aussi savoir entendre les assurances qui nous ont été données tant à l'Assemblée nationale qu'ici, au Sénat.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Bocandé, rapporteur pour avis.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. Je tenais simplement à rassurer notre collègue, M. Gilbert Chabroux.
Un instant, j'ai moi-même eu l'impression qu'il allait voter avec nous cet amendement,...
M. Alain Gournac. Eh oui ! Nous aussi !
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. ... parce qu'il avait l'air de dire que la solution proposée était bonne.
M. Gilbert Chabroux. Non ! Il y a une deuxième partie !
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. Mais la chute est brutale, et c'est malheureusement le contraire !
Je veux remercier notre collègue Roland Muzeau, qui s'oriente vers les mêmes conclusions.
Donc, je vous rassure, monsieur Chabroux, j'ai bien dit que ce dispositif était facultatif et transitoire.
Il est facultatif, car il fallait d'abord qu'il y ait un besoin constaté, et que les deux gestionnaires de fonds soient d'accord.
Il est transitoire, car notre législation ne nous permet pas d'opérer les transferts actuellement au titre de cette mutualisation.
Mais il s'agissait pour nous d'ouvrir une piste de réflexion pour l'avenir.
M. Gilbert Chabroux. D'accord !
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. Je partage avec vous ce point de vue : il faudra associer les partenaires sociaux à cette réflexion.
M. Gilbert Chabroux. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-13, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 70.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° II-14 est présenté par Mme Bocandé, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° II-84 rectifié est déposé par MM. Ostermann, Masson, Trégouët, Legendre, Schosteck, Leclerc, Murat, Braye, Dufaut, Souvet, Lanier, Eckenspieller, Doublet, Pierre André, Dubrule, Gournac, de Richemont, Besse, Duvernois, Cazalet, Demuynck, Gerbaud, Calmejane, Guerry, César, Lassourd et Del Picchia et Mme Michaux-Chevry.
Tous deux sont ainsi libellés :
« Après l'article 70, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le IV-0 bis de l'article 244 quater C du code général des impôts est ainsi modifié :
« A. Dans la première phrase, les mots : "des années 1999 à 2001" sont remplacés par les mots : "des années 2002 à 2004" et l'année : "1998" par l'année : "2001".
« B. Dans la seconde phrase, l'année : "1999" est remplacée par l'année : "2002".
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »




L'amendement n° II-102, présenté par MM. Adnot, Darniche, Seillier et Türk, est ainsi libellé :
« Après l'article 70, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le deuxième alinéa du I de l'article 244 quater C du code général des impôts, le pourcentage : "35 %" est remplacé par le pourcentage : "50 %".
« II. - Dans le IV-0 bis de l'article 244 quater C du code général des impôts, les années : "1998", "1999" et "2001" sont respectivement remplacées par les années : "2001", "2002" et "2004".
« III. - Les pertes de recettes résultant du I et du II ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à Mme Bocandé, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-14.
Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à reconduire à l'identique, et pour une nouvelle période de trois ans, le mécanisme du crédit d'impôt formation.
Nous considérons, en effet, que cette incitation fiscale permet de renforcer l'effort de formation des entreprises au moment où il marque le pas. Certes, j'ai bien noté que l'Assemblée nationale a adopté, le mercredi 3 décembre, au soir, lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2001, un amendement reconduisant le dispositif au profit des seules entreprises réalisant moins de 50 millions de francs de chiffres d'affaires. Il me semble toutefois plus pertinent de reconduire ce crédit d'impôt pour l'unifier, quelle que soit la taille de l'entreprise, afin que ce dispositif soit en conformité avec la réglementation communautaire.
M. le président. La parole est à M. Gournac, pour défendre l'amendement n° II-84 rectifié.
M. Alain Gournac. Cet amendement est identique à celui de la commission des affaires sociales.
Avec vingt-huit de mes collègues, je veux dire combien il est important de pouvoir reconduire, pour les années 2002 à 2004, le mécanisme de crédit d'impôt en faveur des formations professionnelles.
M. le président. L'amendement n° II-102 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s II-14 et II-84 rectifié ?
M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial. La commission est favorable à ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Je voudrais qu'il soit pris acte par le Sénat que se sont engagés, à ce sujet, un débat et un dialogue.
Le projet de loi de finances rectificative prévoyait initialement de ne pas reconduire un dispositif qui parvenait à son terme. L'effet incitatif n'était plus tout à fait démontré, dans la mesure où les entreprises avaient largement reconstitué leurs moyens d'initiative en matière de formation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, aux remarques que vous avez formulées, je réponds qu'une partie de votre attente a été prise en compte : le Gouvernement a finalement décidé de remettre en place ce dispositif, mais uniquement en faveur des PME.
Vous avez donc en partie satisfaction : la mesure incitative est maintenue en faveur des PME mais, parce qu'elle n'a plus d'effet sur les grandes entreprises, il ne sert à rien de mobiliser pour elles l'argent public. Il s'agit donc de distinguer les situations dans un dialogue bien compris.
En conséquence, le Gouvernement demande aux auteurs de ces deux amendements identiques de bien vouloir les retirer. A défaut, il invitera le Sénat à les rejeter.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-14 et II-84 rectifié, acceptés par la commission et repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 70.

Article 70 bis