SEANCE DU 27 MARS 2001


M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 1010, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Jean Boyer. Ma question porte sur l'aide à domicile en milieu rural, l'ADMR.
Pour la première fois en cinquante années d'existence, les intervenants de l'aide à domicile sont descendus dans la rue ; c'était le 21 octobre dernier. Cette manifestation a réuni environ 8 000 personnes venues exprimer le mécontentement d'un secteur qui n'est pas reconnu et qui se caractérise par un manque criant de financements publics et des conditions d'emploi particulièrement précaires.
Le secteur de l'aide à domicile a pris une importance considérable dans notre pays. L'aide à domicile en milieu rural représente à elle seule 2 700 associations locales, 38 000 professionnels et 100 000 bénévoles. Chaque année, elle aide 250 000 personnes - des personnes âgées pour la plupart, mais aussi des familles - pour des difficultés passagères, une grossesse ou un veuvage, par exemple.
La demande est en pleine croissance, mais ce secteur de l'aide à domicile peine à recruter étant donné les mauvaises conditions de salaires et d'emploi.
Ce secteur essentiel n'est pas suffisamment pris en compte par les pouvoirs publics.
En ce qui concerne les 35 heures, l'accord signé en juillet dernier dans la branche a fait l'objet d'un agrément tardif, le 1er mars dernier, par le ministère de l'emploi et de la solidarité. Etant donné que les gains de productivité potentiels dans le secteur de l'aide à domicile sont faibles, pouvez-vous nous indiquer comment vous allez financer l'augmentation des coûts due aux 35 heures ?
De plus, les rémunérations dans ce secteur sont faibles. La grille des salaires de la convention collective des organismes d'aide ou de maintien à domicile démarre très en dessous du SMIC. Lorsqu'une personne est recrutée, elle a la certitude de rester au SMIC pendant onze années.
Toute augmentation de la valeur du point nécessite l'accord du ministère. Or vous refusez de le donner. Allez-vous persister longtemps dans ce refus ?
Voilà probablement l'un des méfaits de l'absence de parité. La profession est essentiellement féminisée. Gageons que, s'il y avait 50 % d'hommes, la grille aurait été revalorisée depuis longtemps !
La profession souffre d'un manque de considération manifeste. Pour valoriser l'image de ce métier, des démarches qualité ont été entreprises. L'ADMR a lancé la sienne, il y a trois ans, et le secteur de l'aide à domicile vient de se doter d'une norme AFNOR officielle depuis le 19 septembre dernier.
Mais cet accent sur la qualité ne suffira pas à attirer des salariés si l'on ne propose pas de meilleurs salaires, un droit à la formation pour tous et des évolutions de carrière. Alors, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'allez-vous faire ?
Entre les deux tours des élections législatives de 1997, M. Lionel Jospin avait écrit à l'Union nationale des associations de soins et services d'aide à domicile, l'UNASSAD, qu'en effet l'aide à domicile devait procurer « de vrais emplois » et que les salariés devaient bénéficier de la « reconnaissance sociale » et de la « dignité ». Allez-vous enfin mettre en oeuvre ces convictions ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Monsieur le sénateur, les associations d'aide à domicile sont des acteurs essentiels de la prise en charge des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées. Il faut les conforter dans leur mission ; c'est pourquoi le Gouvernement a pris, depuis maintenant quatre ans, des mesures importantes pour soutenir à la fois le développement des moyens et la qualité des services d'aide à domicile.
Le Gouvernement a exonéré totalement de charges sociales les associations d'aide ménagère en 1999, afin d'améliorer leurs conditions économiques et de les rendre plus attractives face à l'emploi direct : c'est une incitation au recours aux services de qualité.
Le nombre de places en services de soins infirmiers à domicile, les SSIAD, a été considérablement accru avec 2 000 places supplémentaires par an depuis 1998 et l'engagement d'un plan sur cinq ans à partir de 2001 permettant de doubler le nombre de places créées chaque année.
L'augmentation de 1 850 à 5 000 du nombre de places d'auxiliaires de vie annoncée par le Premier ministre se met en place dès cette année.
Enfin, bien évidemment, l'allocation personnalisée à l'autonomie, l'APA, va être l'occasion d'intensifier cet effort pour développer les moyens et la qualité des services d'aide à domicile.
La solvabilisation permise par l'APA permettra aux personnes âgées de recourir plus facilement à des associations prestataires de qualité. Le nombre des personnes concernées passera de 150 000 à plus de 800 000. Ce progrès considérable, qui est imminent, va changer considérablement la réalité du secteur.
Le montant des plans d'aides sera modulé pour tenir compte de la différence de qualité entre les services d'aide à domicile et l'emploi direct, ce qui n'est pas le cas actuellement.
La mise en oeuvre de la réduction du temps de travail dans ce secteur sera l'occasion de promouvoir la professionnalisation : augmentation de 10 % des rémunérations pour fidéliser, motiver, mieux recruter les salariés et faire régresser la précarité dans ce secteur, due, vous l'avez dit, à l'augmentation de la durée du travail des « petits » contrats, moins de dix heures par semaine. L'objectif est, grâce à ces mesures, de faire régresser ces petits contrats. Je vous informe d'ailleurs que Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité a agréé l'accord de branche qui sera prochainement mis en oeuvre.
Enfin, le projet de loi sur l'APA institue un fonds de modernisation de l'aide à domicile qui permettra, en concertation avec les professionnels, d'améliorer la qualité des services : financement de formation, d'actions innovantes, aides à la création d'associations dans des zones mal équipées.
Au total, le projet du Gouvernement et les mesures qui l'accompagnent constituent une incitation forte à recourir aux services de professionnels de qualité qu'emploient les associations d'aide à domicile et permettra vraiment de structurer ce secteur.
Pour travailler sur les services de proximité et sur certains des aspects qui touchent à ce secteur, et pour avoir suivi cette politique sur tout un territoire régional, j'ai la conviction que ce secteur est voué à un grand développement, mais qu'il ne pourra se développer massivement que grâce à la qualité, celle du recrutement et celle des relations entre les prestataires et les bénéficiaires. Je fais confiance à la vie. Les mesures qui ont été prises permettront de définir un cadre complètement rénové. La demande sociale forte s'accompagnera, j'en suis persuadé, d'un recrutement qui ne peut se traduire demain que par le mot « qualité ».
M. Jean Boyer. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre réponse positive. Nous en avions besoin, et je pense que la France rurale qui - disons-le très clairement - n'a pas été, jusqu'à présent, « la tasse de thé » du Gouvernement, s'en réjouira.
Sans une telle réponse, les personnels de l'ADMR auraient démissionné et il aurait alors fallu trouver un modus vivendi permettant aux 250 000 personnes aidées d'être accueillies dans des établissements adéquats. Votre réponse est une réponse d'espoir. Souhaitons qu'elle se concrétise. C'est mon souhait très personnel.
M. le président. C'est un souhait qui n'est pas seulement le vôtre...

PRISE EN CHARGE DES PERSONNES
ATTEINTES DE DÉGÉNÉRESCENCE MACULAIRE