SEANCE DU 28 NOVEMBRE 2000


M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-52, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, avant l'article 26, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la dernière phrase du premier alinéa du I de l'article 57 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998), les mots : "33 % en 2001" sont remplacés par les mots : "50 % en 2001".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-137 rectifié, Mme Beaudeau, MM. Foucaud et Loridant proposent d'insérer, avant l'article 26, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la dernière phrase du premier alinéa du I de l'article 57 de la loi de finances pour 1999 (n° 99-1266 du 30 décembre 1998), les mots : "33 % en 2001" sont remplacés par les mots : "50 % à partir de 2001".
« II. - Pour compenser l'augementation du prélèvement sur recettes résultant du I ci-dessus, le taux prévu au 2 de l'article 200 A du code général des impôts est relevé à due concurrence. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-52.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le Sénat a déjà voté des amendements équivalents à l'occasion de l'examen des deux derniers projets de loi de finances. Nous proposons de porter à 50 % la fraction du taux de croissance du produit intérieur brut prise en compte pour l'indexation de l'enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivités locales.
Avec cette indexation, la dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP, redeviendrait une vraie variable d'ajustement : son montant baisserait lorsque l'augmentation des concours de l'Etat serait jugée trop rapide.
Aujourd'hui, en effet, la DCTP est détournée de son rôle et devient une dotation sacrifiée, qui permet à l'Etat de réaliser des économies budgétaires. Les élus locaux, quelle que soit leur tendance, ne le comprennent pas.
La commission des finances se prononce donc une nouvelle fois pour que le partage de la croissance soit un peu plus profitable aux budgets locaux.
M. le président. La parole est à M. Foucaud, pour présenter l'amendement n° I-137 rectifié.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement vise à reprendre une proposition que nous avons déjà souvent formulée. Il s'agit de porter dès 2001 à 50 % du taux de croissance du PIB le chiffre à prendre en compte pour l'évolution de l'enveloppe normée.
Je tiens à me féliciter du nouveau pacte de croissance et de solidarité mis en place par le Gouvernement et la majorité plurielle. Il est largement plus favorable aux collectivités que le pacte de stabilité institué par le gouvernement Juppé. Cela étant, les parlementaires et les élus communistes ont continué et continuent à demander une évolution qui prenne mieux en compte la croissance.
Les collectivités locales, qui réalisent 75 % des investissements publics, doivent bénéficier de la croissance. Ce sont des acteurs économiques qui réinvestissent et contribuent ainsi à la santé de l'économie.
Si cette analyse est constante chez les parlementaires communistes, on ne peut pas en dire autant pour nos collègues de la majorité sénatoriale, qui n'hésitent pas à proposer aujourd'hui des solutions qu'ils ont toujours réfutées auparavant.
C'est le cas, monsieur le rapporteur général, pour les mécanismes d'évolution de l'enveloppe normée. Vous êtes à l'origine d'un pacte de stabilité niant tout partage des fruits de la croissance avec les collectivités territoriales...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ah bon ?
M. Thierry Foucaud. ... et vous vous affichez comme leur défenseur quand vous êtes dans l'opposition. Cela sent les élections ! (Exclamations sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Parce que vous, vous ne préparez pas les élections, monsieur Foucaud ? Cela m'étonnerait de vous ! J'en serais très surpris !
M. Thierry Foucaud. Vos revirements ne nous empêcheront cependant pas d'être constants dans nos positions et de voter ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-52 et I-137 rectifié.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Cet après-midi, j'ai rappelé que les concours de l'Etat aux collectivités locales avaient été maintenus en francs constants sur l'ensemble de la période 1996-1998. C'est d'ailleurs à cette époque que la DCTP, évoquée à l'instant par M. le rapporteur général, a été utilisée en tant que variable d'ajustement du premier pacte de stabilité, puis du contrat de croissance et de solidarité.
Je rappelle aussi que, cette année, la DCTP ne diminue que de 5,4 %, ce qui est une baisse historiquement faible par rapport à celles qu'elle a pu connaître dans le passé.
Le Gouvernement n'a pas décidé de reconduire ce système, qui avait été plus imposé que négocié avec les élus locaux. Il a fait participer les activités locales aux fruits de la croissance en intégrant une part de plus en plus importante de cette dernière : après 20 % en 1999, la part du PIB prise en compte pour l'indexation des dotations incluses dans le pacte est passée à 25 % en 2000 et elle est porté à 33 % pour 2001, ce qui justifie les 4 milliards de francs supplémentaires inscrits en 2001 au titre des concours aux collectivités locales.
A ces 4 milliards de francs venant en sus de ce qu'aurait été la stricte indexation sur les prix s'ajoutent les abondements exceptionnels que nous avons évoqués et qui concernent la DSU, la DSR et le FNP.
Ainsi, le total des sommes supplémentaires par rapport au pacte Juppé atteint 6,2 milliards de francs en 2001. Vous souhaitez accroître encore l'effort en faveur des collectivités locales en portant ce taux de 33 % à 50 %. Sachez que l'adoption de cette mesure aurait, pour les finances publiques, un coût important : plus de 940 millions de francs en 2001.
Je crois que ni la situation économique et financière des collectivités locales ni les engagements de réduction des déficits publics - auxquels vous êtes à juste titre très attentif, monsieur le rapporteur général - ne sont compatibles avec une telle augmentation.
En conséquence, je souhaite le retrait de ces deux amendements.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-52.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Madame le secrétaire d'Etat, dès lors que le taux de la croissance de l'enveloppe normée est inférieur au taux de la DGF, il faut nécessairement procéder à un ajustement. D'où ma question : quelle sera la variable d'ajustement ? Si c'est la DCTP, cela veut dire clairement que les collectivités qui avaient perdu des bases de taxe professionnelle en 1987 à la suite de l'abattement de 16 % continueront à voir se réduire la compensation à laquelle elles ont droit.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je confirme à M. Fréville que c'est bien la DCTP qui constitue la variable d'ajustement. Comme il l'a très justement expliqué, si la DGF croît plus vite que le total des dotations aux collectivités locales, compte tenu du mécanisme d'indexation du contrat, il faut bien qu'il y ait une variable d'ajustement. Ce mécanisme n'est pas nouveau puisqu'il date de 1996. Ce qui est effectivement nouveau, c'est que, grâce à la forte croissance de l'économie française, la chute de la DCTP est considérablement atténuée en 2001. (M. Lassourd s'esclaffe.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous avais interrogée cet après-midi, madame le secrétaire d'Etat, sur la poursuite du contrat de croissance en 2002. Vous m'avez répondu que cela était annoncé dans un discours du Premier ministre. J'ai relu le passage du discours en question, mais je n'y ai pas trouvé de chiffre. Le pourcentage sera-t-il de 33 %, de 50 %, de 75 % de 100 %, de rien du tout ? Quelle est la proportion du taux de croissance qui sera prise en compte dans le calcul de l'évolution de l'enveloppe normée pour 2002 ? Vous est-il possible de nous donner au moins quelques indications sur ce sujet ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur général, le Premier ministre a effectivement dit dans son discours que le contrat serait reconduit en 2002. Ce que je suis en mesure de vous indiquer, c'est que les hypothèses que nous faisons sur la croissance économique, qui est prise en compte dans le contrat, sont telles qu'il n'y a pas lieu d'avoir des inquiétudes sur la progression des concours de l'Etat aux collectivités locales en 2002.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-52, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, avant l'article 26, et l'amendement n° I-137 rectifié n'a plus d'objet.

Article 26