SEANCE DU 27 NOVEMBRE 2000


M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-40, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 11, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 151 sexies du code général des impôts est complété in fine par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour le calcul des plus-values réalisées lors de la vente d'un fonds de commerce, lorsque le bien est cédé plus de cinq ans après son acquisition, le prix d'acquisition est révisé proportionnellement à la variation de l'indice moyen annuel des prix à la consommation depuis l'acquisition. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-98, MM. Grignon, Badré, Bécot, Fréville, Hérisson, Hoeffel, Machet et Richert proposent d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa de l'article 151 septies du code général des impôts, le mot : "double" est remplacé par le mot : "triple".
« II. - Le sixième alinéa de l'article 151 septies du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Des règles prévues aux articles 150 A et 150 J pour les biens non amortissables et les terres à usage agricole et forestier. »
« III. - Dans l'article 202 bis du code général des impôts, le mot : "double" est remplacé par le mot : "triple".
« IV. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application des I, II et III ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-259, MM. Joly et Othily proposent d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le sixième alinéa de l'article 151 septies du code général des impôts est rédigé ainsi :
« Des règles prévues aux articles 150 A et 150 J pour les biens non amortissables et les terres à usage agricole et forestier. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-40.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'an dernier déjà, nous avions déposé un amendement visant à prendre en compte, pour le calcul des plus-values résultant de la vente d'un fonds de commerce possédé depuis plus de cinq ans, l'inflation constatée sur la durée de l'exploitation.
Nous avons, en effet, mes chers collègues, que la plus-value imposable d'un professionnel libéral qui cède sa clientèle est déterminée par la différence entre le prix d'achat et le prix de cession, sans prise en compte de l'inflation au niveau du calcul du prix de revient. Ce régime fiscal est différent du régime des plus-values immobilières qui, lui, introduit un correctif en fonction de la variation de l'indice annuel des prix à la consommation.
Les arguments qui nous ont été opposés l'an dernier sur l'absence de correctif applicable au prix d'achat du fonds de commerce s'agissant d'un professionnel libéral, d'un artisan ou d'un commerçant ne nous semble pas pouvoir emporter notre conviction du fait de la très forte augmentation du taux de taxation des plus-values professionnelles à long terme qui a résulté des nouveaux prélèvements sociaux opérés au cours de ces dernières années, lesquels représentent une ponction supplémentaire de 10 % sur la marge dégagée.
Il convient de rappeler que, si les plus-values professionnelles à long terme bénéficient d'un taux de taxation plus favorable depuis 1965, c'est précisément pour tenir compte du fait que les plus-values proviennent pour une part des effets de la hausse générale des prix.
Avec un taux qui n'est plus de 16 % mais de 26 %, CSG et CRDS comprises, il est désormais difficile de parler d'un régime de faveur.
Nous souhaitons donc, madame le secrétaire d'Etat, que notre amendement soit pris en compte car, en tant qu'élus locaux, nous nous trouvons souvent face à des commerçants, des artisans, des professionnels libéraux qui, se retirant après un long exercice professionnel, sont surpris du résultat de la cession de leur outil de travail dans la mesure où le calcul est effectué par référence à un prix d'achat très ancien, remontant à une époque où la valeur de la monnaie était sans commune mesure avec celle d'aujourd'hui.
C'est une question d'équité à l'égard de professionnels qui quittent leur activité que de modifier, par la prise en compte de l'érosion monétaire, le calcul de la plus-value sur laquelle l'imposition sera établie.
M. le président. La parole est à M. Machet, pour défendre l'amendement n° I-98.
M. Jacques Machet. Le présent amendement a pour objet d'aménager la fiscalité applicable aux ventes de fonds de commerce.
Les paragraphes I et III ont pour objet de porter l'exonération des plus-values réalisées dans le cadre d'une activité agricole, artisanale, commerciale ou libérale au triple des limites actuelles.
Le régime d'imposition des plus-values sur l'ensemble des éléments d'actif non amortissables - fonds de commerce, clientèle, droit au bail - doit être revu dans le sens d'une plus grande homogénéité avec le système des plus-values immobilières privées pour les entreprises passibles de l'impôt sur le revenu. Tel est l'objet du paragraphe II, qui ne s'applique qu'aux entreprises réalisant des bénéfices industriels et commerciaux au sens de l'article 34 du code général des impôts.
M. le président. La parole est à M. Joly, pour défendre l'amendement n° I-259.
M. Bernard Joly. Cet amendement étant très proche de celui de la commission, j'ajouterai simplement que le régime envisagé comporte une réduction de l'impôt proportionnelle à la durée de détention du bien avec exonération automatique au-delà d'une certaine période et qu'il permet, en outre, de tenir compte de l'érosion monétaire et de ne pas taxer une plus-value nominale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-98 et I-259 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les auteurs des amendements n°s I-98 et I-259 manifestent une intention tout à fait identique à celle de la commission. Si le dispositif proposé est un peu différent, je crois que nous souhaitons la même chose en recourant à des formules distinctes. Aussi, je leur propose de retirer leurs amendements pour se rallier à celui de la commission, qui est d'ailleurs complété par l'amendement n° I-277 visant à élargir le bénéfice de l'amortissement aux acquisitions de valeurs incorporelles, amendement que le Sénat a déjà adopté. Ces deux mesures me semblent de nature à satisfaire entièrement les auteurs des amendements n°s I-98 et I-259.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-40, I-98 et I-259 ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Ces trois amendements, d'inspirations voisines, visent à faire en sorte que le prix de revient des fonds de commerce cédés plus de cinq ans après leur acquisition soit, pour le calcul de la plus-value réalisée à cette occasion, revalorisé à hauteur de la hausse des prix intervenue depuis cette acquisition.
Je rappellerai tout d'abord que les plus-values professionnelles au sens fiscal correspondent, sauf cas exceptionnel, aux plus-values déterminées à partir de la comptabilité de l'exploitant et traduisent bien son enrichissement.
Un dispositif d'indexation du coût de revient des éléments d'actifs destiné à intégrer l'effet de l'évolution des prix serait donc contraire au principe du nominalisme monétaire sur lequel se fonde la détermination des comptes.
En outre, cette prise en compte est forfaitairement assurée par l'imposition à un taux réduit et non pas au taux du barème progressif.
Par ailleurs, je voudrais faire incidemment remarquer que les fonds de commerce sont bien souvent, non pas acquis à titre onéreux ou gratuit, mais créés de toutes pièces et qu'ils ne sont pas, dans ce cas, inscrits à l'actif de l'entreprise, ce qui revient à leur attribuer au moment de la cession un prix de revient nul, que le dispositif d'indexation que vous proposez dans l'amendement n° I-14 ne permettrait absolument pas de réévaluer, puisque zéro fois x égale zéro.
Enfin, je rappellerai que les plus-values professionnelles réalisées dans le cadre d'une activité agricole, artisanale, commerciale ou libérale exercée depuis au moins cinq ans sont exonérées, en application de l'article 151 septies du code général des impôts, lorsque le chiffre d'affaires de l'exploitation n'excède pas le double des limites du régime des micro-entreprises et qu'elles peuvent, si ce n'est pas le cas, faire l'objet de reports.
Dans ces conditions, je demanderai à MM. Machet et Joly de bien vouloir retirer leurs amendements.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je souhaiterais simplement donner un exemple pratique de l'application de la règle dont Mme la secrétaire d'Etat souhaite le maintien.
Tous ceux qui sont au service de leurs concitoyens dans nos villes, dans nos villages, dans l'exercice d'activités de commerce ou d'artisanat libéral, sont souvent installés depuis un grand nombre d'années. Or, au moment où ils souhaitent céder leur activité - quand ils trouvent un repreneur - ils se voient percevoir, en moyenne, 25 % du prix de cession.
Au nom du principe fiscal que Mme la secrétaire d'Etat vient de rappeler, devons-nous en rester là ? Ce n'est pas raisonnable.
S'il est vrai, madame la secrétaire d'Etat, qu'à l'origine cette réévaluation ne s'opérait pas dès lors que le taux d'imposition était forfaitaire et faible, cela avait un sens, mais aujourd'hui, avec la CSG, ce taux n'est plus faible ; il est même élevé. Dès lors, il n'est plus admissible qu'un quart du prix du travail de toute une vie professionnelle soit prélevé par l'Etat. C'est un élément non négligeable dans la retraite de ces personnes qui partent à l'issue de quarante, voire de cinquante années de travail.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Le nominalisme, qui est incontestable au plan du droit actuel, madame la secrétaire d'Etat, ne répond pas à la préoccupation réelle des Français. Nous, qui sommes à leur contact toute la journée, connaissons le caractère insupportable de la situation que je viens d'exposer.
C'est la raison pour laquelle il me semble nécessaire de suivre la proposition de la commission, qui peut sans doute être améliorée. Vous avez cité le cas des fonds de commerce qui ont été créés, madame la secrétaire d'Etat. On pourrait ajouter que, dès lors que les titulaires de ces fonds de commerce avaient choisi d'être au régime du réel, avant l'année où ils devenaient obligatoirement soumis à ce régime fiscal, ils avaient la possibilité de dévaluer leur fonds de commerce.
Les situations sont très diverses, certes, mais, si nous voulons véritablement progresser, suivons M. le rapporteur général ! Nous aurons ainsi marqué notre volonté de faire en sorte que ceux qui se sont mis au service des autres dans des activités utiles aux habitants de nos villes et de nos villages, je le répète, ne se voient pas prélever 25 % du fruit de leur travail.
M. le président. L'amendement n° I-98 est-il maintenu, monsieur Machet ?
M. Jacques Machet. Je le retire au bénéfice de l'amendement de la commission.
M. le président. L'amendement n° I-98 est retiré.
L'amendement n° I-259 est-il maintenu, monsieur Joly ?
M. Bernard Joly. Je le retire.
M. le président. L'amendement n° I-259 est retiré.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-40, repoussé par le Gouvernement.
M. Paul Loridant. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
M. Bernard Angels. Le groupe socialiste également.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 11.

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