SEANCE DU 27 NOVEMBRE 2000


M. le président. Par amendement n° I-113, Mme Beaudeau, MM. Foucaud, Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les dispositions du dernier alinéa de l'article 885 A du code général des impôts sont remplacées par les dispositions suivantes :
« A compter d'une valeur de 6 000 000 francs et à l'exception de ceux détenus par les redevables de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices non commerciaux, les biens professionnels sont pris en compte pour l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune. Leur valeur est toutefois l'objet d'un abattement de 50 % et est intégrée à l'assiette imposable selon les règles définies à l'article 885 U bis . »
« II. - Après l'article 885 U du même code, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Les biens professionnels sont inclus dans les bases de l'impôt pour 50 % de leur valeur. Le taux d'intégration varie pour chaque contribuable en fonction de l'évolution du ratio masse salariale/valeur ajoutée des sociétés et entreprises où sont situés les biens professionnels qu'ils possèdent sur la base suivante :



ÉVOLUTION DU RATIO

Masse salariale/valeur ajoutée

% TAUX

d'intégration

Egale ou supérieure à une évolution de 2 points 15
Egale ou supérieure à une évolution de 1 point 35
Egale à 1 50
Entre 1 et - 1 65
Entre - 1 et - 285
Entre- 2 et- 3 100
Entre - 3 et - 4 et au-delà 125


»



M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. S'agissant du débat que nous menons sur l'impôt de solidarité sur la fortune, ce qui est positif, c'est le fait qu'il permet de fixer avec plus de précision la divergence des priorités de réforme fiscale qui peuvent animer les parlementaires de cette assemblée.
Ce qui est également positif, c'est le fait que ce débat se déroule dans des conditions de dialogue parfois un peu tendues mais toujours correctes, et nous ne pouvons que nous réjouir.
Même s'il est assez clairement établi aujourd'hui que l'échange est hautement idéologique et que sa portée excède assez largement la part relative du produit de l'ISF, l'impôt de solidarité sur la fortune, dans les recettes fiscales de l'Etat - quelque chose comme 1 % - permet au moins de savoir que certaines préoccupations ont droit de cité de manière plus récurrente que d'autres dans cette assemblée.
A l'inverse cependant des dispositions préconisées par certains de nos collègues, notamment par M. le rapporteur général, notre amendement n° I-113 vise à procéder à une réforme relativement importante de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Il s'agit ici clairement, pour nous, de procéder à une extension d'assiette particulièrement significative de l'impôt, extension susceptible, dans un premier temps, de produire une sensible majoration du rendement de l'impôt et, dans un second temps, de permettre de repenser son barème pour le rendre plus équilibré.
On peut même se demander si l'une des voies à explorer en matière d'impôt de solidarité sur la fortune ne serait pas la voie d'une imposition par catégorie d'éléments de patrimoine, situation qui existe aujourd'hui de manière peu satisfaisante du fait de l'exemption des actifs professionnels, situation que nous considérons comme illogique et que notre amendement souhaite corriger.
Plusieurs raisons militent en ce sens.
Première raison : la composition du patrimoine des personnes imposées à l'ISF laisse clairement apparaître que plus le patrimoine est important, moins il est matériel et foncier, et plus il est mobilier.
Pour autant, l'exemption des actifs professionnels, avec l'ensemble du dispositif fiscal qui existe déjà en ces matières - avoir fiscal, taux préférentiel d'imposition des plus-values de cession, attribution de dividendes ou la mise en place de plans d'option d'achat d'actions, et j'en passe - est réellement une entorse à l'équilibre de notre législation fiscale.
Elle conduit d'ailleurs, dans certains groupes ou entreprises où les parts sociales sont essentiellement détenues par des actionaires issus de la même famille, à de douloureux choix de gestion et d'attribution de dividendes, notamment, qui confinent parfois à la turpitude.
Il est donc légitime de soulager les conseils d'administration de telles entreprises de ces choix cornéliens en décidant enfin de traiter tout le monde, actionnaires majoritaires et actionnaires minoritaires, de la même manière.
C'est la première motivation de cet amendement. La seconde tient à sa rédaction et à son économie même.
Reprenant en effet les termes d'une proposition de loi que nous avons déposée, voilà quelques années, sur le sujet, nous préconisons, par le présent amendement, un traitement individualisé de la matière fiscale en prévoyant qu'un allègement de la contribution fiscale demandée sera réalisé dès lors que les entreprises où les parts sociales sont détenues mettront en oeuvre une politique positive en termes d'emplois au regard de l'utilisation de la valeur ajoutée.
A contrario, toute entreprise qui poussera les feux de la financiarisation verra ses actionnaires pénalisés par le biais d'une plus grande intégration des actifs concernés dans l'assiette d'imposition.
C'est là un moyen, parmi d'autres, de donner à notre système de prélèvements une nouvelle pertinence puisqu'il tend à favoriser de manière effective l'investissement productif et l'emploi.
Telles sont, mes chers collègues, les propositions que nous voudrions voir adopter, dans un double souci d'équité entre contribuables de l'ISF et d'efficacité économique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission émet un avis très défavorable. En effet, tout ce que Mme Beaudeau propose nous éloigne des objectifs et de la ligne de conduite de la majorité de la commission. Nous, nous sommes en faveur de la compétitivité, et donc de la réduction de l'impôt. Mme Beaudeau est en faveur d'un alourdissement de l'impôt sur le patrimoine et le projet qu'elle nous décrit s'adresse, en particulier, aux dirigeants et aux actionnaires d'entreprises qui, dans bien des cas, sont déjà lourdement pénalisées par une conception quelque peu restrictive de la notion de biens professionnels. Aussi, nous ne pouvons souscrire aux arguments de Mme Beaudeau.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Avant de réagir sur l'amendement n° I-113, je voudrais, si vous me le permettez, répondre brièvement à la question qui m'a été posée ce matin par la commission des finances sur le régime des placements du fonds de réserve des retraites.
Je confirme à M. le président de la commission des finances que ces placements sont réalisés en bons du Trésor à court terme et que des réflexions sont en cours pour rendre ces placements plus dynamiques, sujet sur lequel le conseil d'orientation des retraites s'est penché et a engagé ses premières réflexions.
J'en viens à l'amendement n° I-113, présenté par Mme Beaudeau. Le Gouvernement comprend, bien entendu, l'intention des auteurs de cet amendement, à savoir accroître l'effort de solidarité qui est recherché à travers la mise en place de l'ISF.
Comme vous le savez, le Gouvernement a toujours été attentif aux suggestions du groupe communiste en la matière, notamment depuis la proposition de loi qui a été déposée à l'Assemblée nationale par M. Robert Hue, en 1998. Ainsi, dans la loi de finances pour 1999, une nouvelle tranche d'imposition à l'ISF a été créée, le mécanisme du plafonnement a été durci par la prise en compte des revenus exonérés, les actifs immobiliers français détenus par des sociétés contrôlées par des non-résidents ont été inclus dans l'assiette de cet impôt et, enfin, une obligation de justifier de l'existence du montant et de l'affectation du passif déduit a été mise en place.
En ce qui concerne les biens professionnels, et au-delà du débat de fond que nous avons déjà eu par le passé et sur lequel le sentiment du Gouvernement n'a pas changé, je ferai plusieurs remarques sur votre proposition, madame Beaudeau.
Tour d'abord, la mesure que vous préconisez et qui consiste à lier l'intégration des biens professionnels dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune au ratio entre la masse salariale et la valeur ajoutée serait source, me semble-t-il, de complexité et, surtout, d'instabilité s'agissant d'un impôt qui n'a pas vocation à évoluer en fonction de la conjoncture économique et des secteurs professionnels concernés.
De plus, et de manière assez paradoxale, ce dispositif ne favoriserait pas nécessairement l'emploi, car le ratio retenu est influencé par de nombreux facteurs qui sont étrangers aux décisions du chef d'entreprise.
En outre, un tel mécanisme risque de favoriser les services et de pénaliser l'industrie, ce qui ne me semble pas non plus être l'objectif que vous visez à travers cet amendement.
Sous le bénéfice de ces explications, le Gouvernement souhaiterait, madame Beaudeau, que vous acceptiez de retirer cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-113.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. A mes yeux, Mme Beaudeau a raison.
M. Paul Loridant. Ah !
M. Jean Chérioux. Elle a raison dans ses constatations, mais pas dans les conclusions qu'elle en tire.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous nous rassurez, monsieur Chérioux ! (Sourires.)
M. Jean Chérioux. Son exposé montre, à l'évidence, que l'impôt de solidarité sur la fortune est un modèle d'injustice fiscale. En effet, ceux qui sont assujettis à l'ISF, ce sont les moyens actionnaires, les propriétaires de quelques appartements. En revanche, les grosses fortunes qui sont intégrées dans des ensembles industriels ou financiers importants échappent à cet impôt. Prenons pour exemple les entreprises. Les personnes qui ont hérité d'une grosse fortune de leurs parents échappent à l'impôt parce qu'elles possèdent plus de 25 % du capital. Au contraire, ceux qui, par leur travail, ont fait prospérer l'entreprise - rappelez-vous l'amendement que j'ai fait voter en ce qui concerne l'actionnariat salarié - sont imposés. Cela montre, à l'évidence, qu'il n'y a absolument rien de juste dans ce système et, qu'il va à l'encontre de la justice.
Cela étant dit, je ne peux pas vous suivre s'agissant des conclusions que vous tirez. Ce n'est pas parce qu'on a créé un impôt injuste qu'il faut en arriver à l'absurdité qui consiste à le corriger en créant un système extravagant. En effet, la simple lecture de cet amendement permet difficilement de comprendre le dispositif. De surcroît, ce n'est pas en surimposant ceux qui ont de l'argent que l'on parviendra à rendre l'injustice moins pesante pour les autres.
Donc, je ne voterai pas cet amendement. Cependant, je considère que vos constatations vont tout à fait dans le sens de ce que pense la majorité sénatoriale.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-113, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-9 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° I-62 est déposé par M. Badré et les membres du groupe de l'Union centriste.
Tous deux tendent à insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La dernière phrase du premier alinéa de l'article 885 V bis du code général des impôts est supprimée.
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-9.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement a été présenté dans son principe en fin de matinée.
Il a d'abord pour objectif de montrer que la commission des finances est constante sur ses positions : ce qu'elle a défendu du temps du gouvernement d'Alain Juppé, elle le défend toujours du temps du gouvernement de Lionel Jospin.
Souvenez-vous, mes chers collègues, de nos discussions sur les projets de loi de finances pour 1996, puis pour 1997. S'agissant du rétablissement du plafonnement de l'ISF, nous avons soutenu que les mesures que l'on nous avait proposées à l'époque étaient malvenues, ambiguës et susceptibles de faire l'objet d'une présentation psychologiquement défavorable à l'esprit d'entreprise. Et, même si nous n'avons pas été écoutés à l'époque, nous avons soutenu jusqu'au sein de la commission mixte paritaire réunie sur le projet de loi de finances pour 1997 ce qui nous semblait être la bonne solution, l'ISF étant ce qu'il est : la mise en place d'un dispositif d'encadrement pour que l'ISF ne conduise pas à prélever au-delà du revenu et pour qu'il ne constitue pas un élément d'un mécanisme de spoliation de la propriété.
Par conséquent, madame le secrétaire d'Etat, comme les années précédentes, la commission des finances réitère ses convictions et ses sentiments sur ce sujet.
Je ne vais pas développer plus avant les raisons qui nous animent, car je les ai évoquées en fin de matinée. Je me bornerai à dire que les analyses faites tant par la commission des affaires économiques du Sénat que par vos propres services, madame le secrétaire d'Etat, s'agissant du départ vers l'étranger de certaines catégories de contribuables, montrent bien que la conjugaison de la taxation des plus-values incorporées à l'impôt sur le revenu, de la contribution sociale généralisée et de l'impôt de solidarité sur la fortune peut motiver certains détenteurs de biens mobiles à implanter leur affaire ou leur patrimoine, et surtout à développer leur activité sur d'autres territoires que la France. Ce phénomène, certes difficile à chiffrer et à cerner de manière arithmétique, existe, s'amplifie et posera même, à terme, de réels problèmes pour notre pays. C'est cet avertissement que la commission souhaite formuler une nouvelle fois par le dépôt de l'amendement n° I-9.
M. le président. La parole est à M. Badré, pour présenter l'amendement n° I-62.
M. Denis Badré. L'amendement n° I-62 est identique à l'amendement n° I-9 que M. le rapporteur général vient de défendre avec beaucoup de clarté et de conviction, au nom de la commission des finances. Je me sens donc très soutenu dans l'initiative que j'avais prise, et je m'en réjouis. Cela confirme en outre que l'inspiration qui m'animait n'est pas complètement isolée.
Cet amendement vise, je le rappelle, à rétablir le plafonnement de la cotisation de l'ISF afin que le montant dû au titre de l'ISF et de l'impôt sur le revenu n'excède pas 85 % des revenus.
Au-delà des explications que vient de nous apporter M. le rapporteur général, je souhaite revenir quelques instants sur cette question qui me paraît centrale et que j'avais d'ailleurs déjà abordée dans mon intervention sur l'article 4, au sujet de l'actualisation du barème de l'ISF.
« Chacun doit contribuer à proportion de ses possibilités », a dit ce matin Bernard Angels, nous appelant au respect de cette exigence.
Qui, ici, pourrait soutenir - certainement pas Bernard Angels ! - qu'il faut que chacun contribue normalement à proportion de ses revenus, mais également au-delà ? Qui peut juger celui qui, généralement la mort dans l'âme - j'ai pu le constater lors des auditions auxquelles la mission d'évaluation de l'expatriation a procédé - choisit de quitter son pays simplement parce qu'on lui réclame un impôt supérieur à son revenu ?
Les expatriations représentent une perte sèche et lourde pour la France : c'est non pas uniquement une perte de recettes fiscales, mais également une perte de savoir-faire, de développement potentiel, voire une perte d'emplois, lorsque l'entrepreneur vend son entreprise et que celle-ci est restructurée par l'acheteur.
Mais restons-en à l'aspect fiscal, à la partie émergée de l'iceberg, qui, comme c'est bien connu, est la plus petite, mais qui est celle qui nous intéresse ici aujourd'hui.
Thierry Foucaud s'interrogeait ce matin sur le rapport exact de l'ISF et sur le manque à gagner qui serait lié aux expatriations.
Votre administration, madame la secrétaire d'Etat, évalue, si je ne me trompe, à 13 milliards de francs la perte de capital résultant des délocalisations et à 140 millions de francs la perte d'impôt qui en résulte.
J'affirme que nous avons là une estimation largement sous-évaluée. Je m'en explique : Bernard Angels évoquait ce matin les « contribuables moyens », qui composent les gros bataillons de nos émigrants. Lorsqu'il part jeune, le contribuable moyen est souvent un gros contribuable potentiel ; c'est, en fait, le futur gros contribuable que nous ne voulons pas voir partir. Si nous pouvons à peu près savoir ce que paierait le contribuable jeune qui s'en va aujourd'hui, nous savons beaucoup moins facilement ce que, devenu gros contribuable, il aurait payé plus tard s'il était resté : en effet, entre-temps, il sera parti, et nous l'aurons perdu définitivement. Nous perdrons en fait beaucoup plus demain que ce que nous perdons aujourd'hui. C'est cela qu'il faut prendre en compte dans nos analyses si nous voulons qu'elles soient irrécusables. Nous devons en effet nous interroger sur la seule vraie question : quelle perte le départ de celui qui deviendra le Bill Gates de demain, ailleurs que chez nous, représentera-t-il pour la France ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-62 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission pense le plus grand bien de cet amendement !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s I-9 et I-62 ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Comme l'a fort bien rappelé M. le président de la commission des finances à la fin de la matinée, l'amendement n° I-9, ainsi que l'amendement n° I-62, tend à revenir sur un principe institué en 1995 par la précédente majorité parlementaire à laquelle vous apparteniez.
M. Yves Fréville. Elle a eu tort !
M. Jean Chérioux. Nous ne sommes pas entêtés !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je me permets de vous rappeler que l'effort supplémentaire requis par le mécanisme dit du « plafonnement du plafonnement » répondait à un souci d'équité fiscale. Il était notamment destiné à mettre fin à des pratiques fiscales abusives de la part de certains redevables. Cet objectif reste d'actualité.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'abus de droit, cela existe !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Le mécanisme du plafonnement est bien évidemment plus facile à plafonner qu'à déplafonner : 3 000 contribuables bénéficient du plafonnement et 1 200 sont concernés par le « plafonnement du plafonnement ». C'est quand même beaucoup d'argent pour peu de contribuables ! C'est la raison pour laquelle la modification du dispositif suggérée par les amendements n°s I-9 et I-62 n'est vraiment pas une priorité pour ce gouvernement.
Sous le bénéfice de ces explications, j'invite M. le rapporteur général et M. Badré à retirer ces amendements.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s I-9 et I-62.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Décidément, il est des contribuables envers qui la commission des finances fait preuve d'une grande sollicitude : je veux parler de ceux qui acquittent l'impôt de solidarité sur la fortune.
Devrions-nous en conclure que les intérêts particuliers de ces contribuables ont suffisamment d'écoute dans notre assemblée pour qu'il soit, à l'encontre de l'intérêt général, fait droit à leurs préoccupations ?
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas convenable !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Toujours est-il que, avec les amendements n°s I-9 et I-62, il nous est ni plus ni moins proposé de réduire dans des proportions importantes la contribution des plus fortunés au financement de la charge publique ou encore à la réduction des déficits publics, lesquels ne doivent pas être oubliés même lorsque la croissance permet de dégager des marges de réduction d'impôts.
Permettez-moi, chers collègues de la majorité sénatoriale, de penser que la baisse du taux, la modification du plafonnement ou la réduction d'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune ne constituent pas des priorités absolues à retenir dans le cadre d'un plan de réduction des impôts.
Evidemment, pour justifier certaines des dispositions proposées, la commission des finances, ainsi d'ailleurs que M. Badré, argue des problèmes traditionnellement soulevés de délocalisation des actifs, de perte de substance fiscale au fil du temps.
Nous avons d'ores et déjà indiqué que cette impression était pour le moins contrebattue par les faits.
La très sensible augmentation du produit attendu de l'impôt de solidarité sur la fortune ne trouve pas son origine, de notre point de vue, dans un alourdissement insupportable de la cotisation due par chacun des contribuables. Elle la trouve clairement dans la valorisation très importante des patrimoines imposables, singulièrement de ce que l'on peut appeler le « patrimoine papier », c'est-à-dire les actions.
M. Paul Loridant. Absolument !
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est quand même faire preuve d'un peu d'impudence que de demander, par exemple, l'application d'une définition plus large des actifs professionnels, alors même que la valorisation boursière bat tous les records depuis plusieurs années et, comme vous le savez bien, dégage pour les personnes concernées de très importantes sources de revenus !
Dans l'environnement de croissance que nous connaissons, force est, en effet, de constater que la partie du revenu des ménages qui a le plus augmenté est sans conteste celle qui est constituée par les revenus de capitaux mobiliers.
Que voulez-vous, mes chers collègues : quand on voit, d'un côté, une augmentation de 0,5 % pour les six millions d'agents du secteur public et, de l'autre, une progression de 52 % du CAC 40, qui concerne entre autres les 180 000 contribuables de l'ISF, on est bien obligé de constater une légère différence !
Il n'y a donc pas, pour nous, de priorité affirmée à résoudre les problèmes posés par le caractère prétendument excessif de l'impôt de solidarité sur la fortune, que d'aucuns - je l'ai lu et je vous ai entendus - n'hésitent pas à qualifier de « confiscatoire ».
C'est essentiellement pour ces raisons que nous ne voterons évidemment pas le moindre des amendements visant à corriger l'application de l'impôt sur la fortune. Cet impôt, même s'il convient encore de l'améliorer, madame la secrétaire d'Etat, est un élément nécessaire pour atteindre les trois priorités que nous fixons à toute réforme fiscale : justice dans l'application du prélèvement, efficacité économique en ce sens qu'il peut modifier le comportement des agents, moyen et outil de la solidarité entre nos compatriotes.
Ces préoccupations sont éloignées de celles des auteurs des amendements qui nous sont proposés, lesquels n'appréhendent malheureusement la situation que sous l'angle de la compassion à l'égard des contribuables qui sont pourtant, par essence, « fortunés ».
M. Jean-Pierre Schosteck. N'importe quoi !
M. Alain Gournac. Ah, là là !
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas de la compassion !
M. Denis Badré. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Ce débat est important, et il nous faut être tout à fait clairs sur ce sujet.
J'ai tenté ce matin avec le maximum de sérénité et d'objectivité - mais sans doute pas avec assez de conviction - de situer notre débat sur un plan parfaitement objectif et hors de toute idéologie.
M. Paul Loridant. Ce n'est pas ce que vous avez écrit dans l'objet de votre amendement !
M. Denis Badré. J'ai donc veillé à bien montrer que nous sommes ici non pas pour défendre les riches ou les pauvres, mais pour défendre la France, son développement économique et son avenir.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. Denis Badré. J'ai tenté de vous faire comprendre, madame Beaudeau, qu'une mesure comme celle-ci aurait même nettement un impact fiscal positif. En effet, le contribuable qui renoncera à partir du fait de la mesure proposée rapportera finalement beaucoup plus que ce que le plafonnement fait perdre, au point que le coût net de la mesure, qui est pris en compte dans l'amendement n° I-62, serait finalement négatif. Voilà qui pourrait nous amener, finalement, à faire baisser le prix du tabac, puisque le coût de l'amendement est gagé sur la hausse du tabac. Je suis convaincu qu'à terme c'est bien dans le sens de notre intérêt fiscal que le bilan s'établira : cette mesure vous rapportera !
En effet - je reviens sur un argument que je développais à l'instant, madame le secrétaire d'Etat, car je n'ai pas été convaincu par votre réponse - si les estimations de la baisse de l'impôt provoquée par la perte du capital faites par votre administration me paraissent bonnes en l'état, en revanche, lorsque vous comptabilisez les personnes assujetties à l'ISF qui partent à l'étranger, je ne puis vous suivre, car il faut comptabiliser non seulement les gens qui sont déjà assujettis à l'ISF, mais tous ceux qui vont l'être, ces jeunes entrepreneurs, ces futurs Bill Gates dont je parlais à l'instant et qui vont partir.
M. Jean Chérioux. Exactement !
M. Paul Loridant. Chiche ! Chiche ! Qu'ils partent ! Il y en a marre !
M. Denis Badré. S'il n'y a aucune perte aujourd'hui, il y en aura une demain, et c'est cette perte potentielle que je vous demande de prendre en compte : pour que les analyses soient bonnes, il faut que nous comptabilisions le total de ceux qui, dans quelques années, auraient payé l'ISF et qui ne le paieront pas parce qu'ils seront partis entre-temps...
M. Paul Loridant. Cette argumentation est insupportable !
M. Denis Badré. ... et que nous tenions compte de la totalité de ce qu'ils auraient apporté à la France non seulement en matière fiscale, mais aussi en termes de savoir-faire, d'emploi et de développement économique.
Ce sujet est suffisamment important pour que nous refusions - avec toute l'amitié que je vous porte, madame Beaudeau -...
M. Paul Loridant. Et avec bonne conscience, surtout !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Supportez l'expression des divergences, monsieur Badré !
M. Denis Badré. Ce sujet est suffisamment important, dis-je, pour que nous refusions de nous laisser enfermer dans une vision qui consisterait à dire simplement que nous défendons telle ou telle catégorie de Français. Nous défendons la France ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Sans vouloir trop allonger ce débat, je voudrais essayer de dissiper les illusions qui animent Mme Beaudeau et qui assurent le support de sa bonne conscience.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce sera difficile !
M. Michel Caldaguès. Bien sûr, je ne conteste pas sa bonne foi. Mais il ne suffit pas d'être de bonne foi ! Encore faut-il ne pas ignorer les réalités. Or vous les ignorez, madame Beaudeau.
Je suis stupéfié quand vous venez dire que l'ISF s'applique à des capitaux qui ont grossi grâce aux plus-values. De deux choses l'une : ou bien la plus-value a été réalisée, et elle est imposée à un certain taux - que l'on doit apprécier, au demeurant, en tenant compte du fait que cela aurait pu être une moins-value, car il y a, il faut tout de même le préciser, un risque de moins-value ! - ou bien la plus-value n'a pas été réalisée, et on est imposé sur quelque chose que l'on n'a pas encaissé.
Ne parlez donc pas d'enrichissement indu : on est imposé sur quelque chose que l'on n'a pas encaissé, et c'est le vice de l'impôt de solidarité sur la fortune, tel qu'il est actuellement établi.
M. Paul Loridant. Il faut donc le supprimer !
M. Michel Caldaguès. Non ! Ce n'est pas ce que je dis...
M. Paul Loridant. Ah !
M. Michel Caldaguès. ... mais il ne faut pas dire n'importe quoi !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut le transformer très substantiellement !
M. Paul Loridant. C'est politiquement dangereux, monsieur le rapporteur général !
M. Michel Caldaguès. Il ne faut pas traiter la valorisation du capital en tant qu'assiette de l'ISF comme si la plus-value avait été enregistrée ! Ce n'est pas vrai, et il faut le dire.
Par ailleurs, vous avez parlé d'une variation de 54 % de l'indice CAC 40. Mais il faudrait savoir, madame Beaudeau, sur quelle période ! Parce que tout dépend du moment où l'on a acheté ses titres : on peut les avoir achetés au plus haut et, à ce moment-là, ce n'est plus 54 % d'augmentation, mais cela peut être moins 10 % ou moins 20 %, cela peut arriver ! Alors, 54 % sur quelle période ? Parce que, depuis le début de l'année 2000, c'est 0 %, pas 54 % !
Voilà quelques précisions que je voulais apporter.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Je sais que nous débattons d'un impôt qui a un caractère particulier, puisque l'impôt de solidarité sur la fortune touche un nombre limité de contribuables dans notre pays, même si ce nombre ne cesse, mes chers collègues - c'est une réalité statistique - de s'accroître d'année en année. Et, si le champ d'application de cet impôt s'élargit, mes chers collègues - c'est une évidence, mais encore faut-il dire - c'est qu'un certain nombre de contribuables deviennent assujettis à cet impôt parce que leur patrimoine s'est élargi !
Au demeurant, monsieur Badré, votre argumentation orale diffère de ce qui est écrit dans votre exposé des motifs !
M. Denis Badré. Cela m'étonnerait beaucoup !
M. Paul Loridant. Vous dites que le Gouvernement fait de la politique fiscale un enjeu idéologique. Ainsi, madame le secrétaire d'Etat, vous feriez de l'idéologie, comme nous ferions, dans cette partie de l'hémicycle, de l'idéologie, alors que de l'autre côté on n'en fait jamais, évidemment !
M. Jean Chérioux. Nous sommes beaucoup plus pragmatiques, il faut bien le reconnaître !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous n'en faisons pas assez !
M. Paul Loridant. Mes chers collègues, il faut être sérieux ! Si, monter au front pour 1 200 contribuables...
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas le problème ! C'est vous qui déformez la réalité !
M. Paul Loridant. ... assujettis au plafonnement de l'ISF, ce n'est pas faire de l'idéologie - 1 200 contribuables sur 60 millions de Français ! - alors qu'est-ce que c'est, mes chers collègues ?
M. Bernard Murat. Il n'y a pas 60 millions de contribuables !
M. Paul Loridant. On peut avoir - je le comprends parfaitement - des divergences d'appréciation, on peut même avoir, et je suis d'accord avec M. Badré, une réflexion sur l'expatriation, mais ramener le problème de l'expatriation de nos concitoyens au seul problème de l'impôt sur la fortune...
M. Jean Chérioux. Non : c'est l'ensemble des impositions !
M. Paul Loridant. ... c'est, excusez-moi, mes chers collègues, une explication un peu courte !
En effet, nombre de nos jeunes concitoyens, pour des raisons professionnelles, vont s'installer en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, mais il faut savoir qu'au bout de quelques années, - car nous commençons à disposer de statistiques - ils reviennent, et pour cause ! Lorsqu'ils ont leur premier enfant, lorsqu'ils doivent aller à l'hôpital, lorsque leurs revenus atteignent un certain niveau, ils s'aperçoivent que vivre en France présente certains avantages. Tout cela se discute ! (M. Chérioux proteste.)
Au demeurant, mes chers collègues, si la France était un pays à ce point fiscalement discriminatoire, pourquoi diable des entreprises américaines viendraient-elles s'implanter dans la zone industrielle de Courtabeuf, qui est située sur le territoire de ma commune ?
M. Jean Chérioux. Qu'est-ce que c'est que ces histoires ?
M. Paul Loridant. Il en va de même à Issy-les-Moulineaux, à Marne-la-Vallée et dans un grand nombre de communes de la région d'Ile-de-France !
M. Jean Chérioux. Cela n'a rien à voir !
M. Paul Loridant. Les étrangers seraient-ils donc à ce point aveugles pour venir s'implanter dans nos zones d'activités pointues, à proximité de nos universités et de nos aéroports, tandis que nos concitoyens émigreraient pour des raisons fiscales ?
Mes chers collègues, votre argumentation ne tient pas debout ! Je vous le dis comme je le pense ! Ce n'est pas pour des raisons fiscales que les Français vont travailler à l'étranger ! Et ce n'est pas plus pour des raisons fiscales que les entreprises américaines viennent s'implanter en Ile-de-France,...
M. Jean Chérioux. Non ? C'est pourtant parce qu'elles ne sont pas soumises à l'impôt !
M. Paul Loridant. ... et vous le savez bien, puisque certains d'entre vous siègent au conseil régional d'Ile-de-France et connaissent l'agence pour l'implantation d'entreprises dans cette région.
Alors, de grâce, mes chers collègues, lorsque nous débattons de l'ISF, ne nous accusez pas de faire de l'idéologie, alors que vous en faites en permanence ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Bernard Murat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Je voudrais ramener un peu de calme dans le débat, car j'ai un avantage sur notre collègue Paul Loridant : j'ai dirigé pendant quinze ans la filiale d'un groupe américain en Europe, en particulier en France.
Il est vrai que la France est une terre accueillante pour les Américains,...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Même avec des impôts !
M. Bernard Murat. ... pour cette raison essentielle qu'aujourd'hui - cela n'a pas toujours été le cas, mais c'est vrai aujourd'hui - un dollar vaut sept francs. En outre, le plus important, c'est que les cadres américains qui viennent travailler en France, dans toutes les structures capitalistiques américaines qui investissent en France, payent leurs impôts aux Etats-Unis !
M. Jean Chérioux. Et voilà !
M. Michel Caldaguès. Le cadre de banque que vous êtes, monsieur Loridant, devrait savoir que l'euro a chuté !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mes chers collègues, la discussion a un peu débordé : nous sommes partis du plafonnement de l'ISF, et nous en arrivons à la question des délocalisations et de la compétitivité fiscale.
Sur ce dernier plan, qui est vraiment essentiel, il faut quand même reconnaître deux choses.
Premièrement, on peut admettre de façon très objective qu'en France il existe un décalage très important entre ce qui est payé par l'employeur et ce que touche le salarié. Tous les comparatifs, tous les rapports et toutes les études des experts prouvent que c'est une réalité ! Aujourd'hui, l'entreprise doit consacrer beaucoup plus d'argent qu'autrefois pour que l'employé reçoive le même salaire.
Deuxièmement, le cumul de la taxation des plus-values - souvent assise sur des plus-values purement latentes ou virtuelles, comme le disait Michel Caldaguès - de la CSG, de la CRDS et de l'impôt de solidarité sur la fortune crée, pour certaines catégories de contribuables, une incitation à partir. Et c'est d'ailleurs reconnu par les propres rapports de l'administration !
M. Paul Loridant. Alain Delon ? Les footballeurs ? Les joueurs de tennis ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est peut-être une catégorie plus médiatique que d'autres et cela se voit plus, monsieur Loridant, mais c'est le cas également dans d'autres domaines d'activité !
Et, ce qui peut être encore plus grave que la délocalisation, mes chers collègues, c'est la non-localisation, c'est-à-dire le choix d'un autre territoire que la France pour faire naître et développer un projet d'entreprise. Or, pour mesurer ce dernier phénomène, bien entendu, il n'existe aucun instrument arithmétique d'accès facile, et ni les rapports de l'administration ni nos propres appréciations ne peuvent nous renseigner à cet égard. Toutefois, nous le savons, ce phénomène existe, et il ne sert à rien de répéter sans cesse les mêmes choses, de se bercer de langue de bois, de poursuivre un discours électoraliste (Protestations sur les travées du groupe communiste, républicain et citoyen) , il suffit simplement de regarder comment cela fonctionne autour de nous, de l'autre côté de nos frontières, et de nous demander si, à moyen et à long terme, il est vraiment raisonnable que, pour des raisons de clientélisme électoral, la France demeure cette exception fiscale qu'elle est devenue, qu'elle devient et qu'elle deviendra de plus en plus, d'autant que, dans la période à venir, nous nous approchons d'une compétition électorale qui monopolisera l'attention des esprits.
Il appartient au Sénat de mesurer cette réalité et de mettre en garde nos concitoyens car, à partir de l'exploitation trop facile des sentiments d'une grande partie de l'opinion publique, on aboutit à des absurdités qui se retourneront vite contre les intérêts réels de notre pays. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux. Très bien !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Donc, vous ne faites preuve ni d'idéologie ni de clientélisme électoral ? Il n'y a que vous ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Je ne souhaite pas allonger le débat, mais la discussion que nous avons cet après-midi est importante, je dirai même fondatrice.
M. Badré a bien voulu reconnaître l'exactitude des éléments qui ont été fournis au Parlement ce printemps...
M. Denis Badré. Ce sont des bases !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. ... en ce qui concerne les évaluations des phénomènes de délocalisation. C'était un travail assez difficile et compliqué, et je le remercie d'avoir salué la qualité du travail fourni.
M. Denis Badré. J'ai dit qu'il n'allait pas assez loin !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. S'agissant du fond du problème, vous parliez tout à l'heure de Bill Gates et des futurs Bill Gates. Vous avez raison !
C'est en effet le vrai sujet, mais ne considérons pas le problème sous le seul angle fiscal ! La question de la compétitivité d'une économie, de l'économie française en l'occurrence, ne se mesure pas seulement à l'aune de la fiscalité !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Heureusement !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Les futurs Bill Gates - et nous souhaitons tous qu'il y en ait en France - auront bénéficié de l'école publique,...
M. Bernard Murat. Ou privée !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. ... peut-être de modes de transport publics, d'infrastructures publiques. Ils bénéficieront ou bénéficient déjà du droit à l'assurance maladie, puis, s'ils fondent une famille, des prestations familiales. Sur le plan fiscal, ils bénéficieront du quotient familial...
M. Jean Chérioux. Pour Bill Gates, cela ne compte pas beaucoup !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Dans ces conditions, mieux vaudrait, me semble-t-il, dire la vérité aux Français plutôt que de leur faire peur car, pour reprendre une argumentation chère à M. le président de la commission des finances - à laquelle je souscris tout à fait - nous jouerions, ce faisant, contre notre pays. Or ce n'est l'intérêt ni de la majorité sénatorialee ni du Gouvernement !
Ce sujet est sérieux : ne l'abordons pas seulement en chaussant les lunettes des fiscalistes avertis que vous êtes tous sur ces travées ; ne l'examinons pas non plus à travers le monocle de la fiscalité pesant sur le patrimoine ; considérons le problème dans son ensemble.
Et si l'on accepte d'entrer dans cette logique, on est obligé de constater que la France n'est pas un pays qui fait fuir les investisseurs étrangers.
M. Jean Chérioux. Elle fait fuir les Français !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Il y a une pondération à faire entre différents éléments et la fiscalité n'est qu'un élément parmi d'autres ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean Chérioux. On fait venir les étrangers et on fait fuir les Français !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s I-9 et I-62, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 4.
Par amendement n° I-115 rectifié, Mme Beaudeau, MM. Foucaud, Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le huitième alinéa de l'article 980 bis du code général des impôts est abrogé. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement porte sur un sujet que nous avons déjà abordé lors de la discussion de la loi relative aux nouvelles régulations économiques, à savoir l'application du droit de timbre aux opérations de bourse menées par les non-résidents.
On sait que la législation fiscale française qui régit ces matières - c'est l'article 980 bis du code général des impôts - énonce que le droit de timbre relatif à certaines opérations de bourse - et encore, pas à toutes, compte tenu notamment des dispositions qui ont été votées dans les années 1993 à 1997 ! - n'est pas applicable aux opérations éligibles dès lors qu'elles sont menées par des non-résidents.
L'un des objectifs avoués, à l'époque, était de faciliter le développement de la place financière de Paris. La mesure s'inscrivait, au demeurant, dans une conception assez particulière de l'évolution de notre système de prélèvements, qui tendait à alourdir les prélèvements pesant sur le travail et à alléger, sinon à raréfier, tous ceux pesant sur les activités financières.
Le moins que l'on puisse dire est que l'objectif de développement de la place boursière de Paris a été largement atteint, voire dépassé. On est donc en droit de se demander si, sur un strict plan d'équité fiscale, il est indispensable de maintenir un tel régime dérogatoire avantageux.
Le caractère relativement symbolique de l'impôt de bourse, même quand il est dû, ne pèse en effet pas lourd au regard du montant des opérations menées, et il n'est donc pas scandaleux de revenir sur une exonération qui ne suffit pas en soi à justifier l'intérêt des investisseurs étrangers pour les valeurs inscrites à la cote officielle.
Comme cela ne peut objectivement obérer la rentabilité des opérations menées, dans le souci de rétablir une certaine forme d'équité fiscale, nous vous invitons donc, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Franchement défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. L'exonération d'impôt sur les opérations de bourse a été mise en place en 1994 en faveur des opérations d'achat et de vente de valeurs de toute nature qui sont effectuées par des personnes domiciliées ou établies hors de France.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'était un amendement du Sénat !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Si vous le dites, monsieur le rapporteur général, c'est certainement exact !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je me souviens l'avoir défendu.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. L'objectif était de renforcer la compétitivité de la place de Paris - je vois que M. le rapporteur général opine.
Supprimer cette exonération ne paraît pas opportun. En effet, le critère déterminant pour l'application de l'impôt sur les opérations de bourse, c'est le recours à un intermédiaire français et non pas le lieu d'opération d'achat ou de vente.
Dans ces conditions, la suppression de l'exonération d'impôt sur les opérations de bourse, qui profite actuellement à ces personnes établies hors de France, aurait vraisemblablement davantage pour conséquence de délocaliser l'opération d'intermédiation plutôt que de soumettre les investisseurs étrangers à cet impôt.
De surcroît, cette mesure provoquerait des pertes de recettes puisque la diminution du nombre de transactions sur la place de Paris aurait un impact sur le niveau de la TVA encaissée. Elle conduirait aussi à pénaliser l'emploi en France au profit des courtiers qui sont installés sur les autres places financières.
M. Jean Chérioux. C'est très juste !
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Au bénéfice de ces explications, je vous demande, madame Beaudeau, de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, madame Beaudeau ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Oui, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-115 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-114, Mmes Bergé-Lavigne, Bidard-Reydet, MM. Saunier, Loridant, Autexier, Bécart, Mmes Beaudeau, Borvo, MM. Bret, Fischer, Foucaud, Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite, Renar, Mme Terrade, MM. Vergès, Auban, Autain, Bel, d'Attilio, Besson, Biarnès, Bony, Boyer, Mme Campion, MM. Carrère, Cazeau, Chabroux, Courteau, Courrière, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Debarge, Mmes Derycke, Dieulangard, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, MM. Dussaut, Fatous, Godard, Guerini, Haut, Labeyrie, Lagauche, Lagorsse, Le Pensec, Lejeune, Marc, Madrelle, Miquel, Pastor, Penne, Percheron, Peyronnet, Picheral, Piras, Plancade, Mmes Pourtaud, Printz, MM. Roujas, Sutour, Trémel, Vidal, Désiré, Larifla, Lise, Collin et Delfau proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 985 du code général des impôts, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Il est institué une taxe spéciale sur les opérations, au comptant ou à terme, portant sur les devises, dont le taux est fixé à 0,05 %.
« Sont exonérées de cette taxe les opérations afférentes :
« - aux acquisitions ou livraisons intracommunautaires ;
« - aux exportations ou importations de biens et de services ;
« - aux investissements directs au sens du décret n° 89-938 du 29 décembre 1989 modifié réglementant les relations financières avec l'étranger ;
« - aux opérations de change réalisées par les personnes physiques et dont le montant est inférieur à 500 000 francs.
« La taxe est due par les établissements de crédit, les institutions et les services mentionnés à l'article 8 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, les entreprises d'investissement visées à l'article 7 de la loi n° 96-567 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières et par les personnes physiques ou morales visées à l'article 25 de la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990 relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment de capitaux provenant du trafic de stupéfiants.
« La taxe spéciale est établie, liquidée et recouvrée sous les mêmes garanties et sanctions que le prélèvement mentionné à l'article 125 A. »
La parole est à M. Debarge.
M. Marcel Debarge. Sans me laisser aller à faire preuve de mauvais caractère, et sans vouloir jouer à l'escalade, je tiens néanmoins à préciser quelques points.
D'abord, je ne sais pas ce que l'on peut reprocher au mot « idéologie ». Moi, j'aime bien ce mot et j'ai une idéologie. J'en suis fier, comme d'autres peuvent être fiers de la leur, différente, voire opposée.
Si l'idéologie prend la forme d'un dogme, presque d'une religion, par certains aspects, on peut, certes, en discuter, mais, après tout, l'idéologie n'est pas une si mauvaise chose !
Par ailleurs, on entend souvent évoquer la « langue de bois ». Ce qui est curieux - je tombe peut-être moi-même dans ce travers - c'est que la langue de bois, c'est toujours l'autre, jamais soi-même, qui la pratique. Elle n'a rien d'idéologique : elle traverse tous les courants de la vie politique française avec beaucoup de célérité.
Et si j'ai parlé d'« idéologie », c'est parce que mon intervention sur le présent amendement va peut-être apparaître comme étant quelque peu idéologique. J'ai donc pris quelques précautions préliminaires.
C'est la sixième fois en six mois qu'un amendement concernant la taxe Tobin est déposé. Peut-être mettrons-nous encore du temps avant d'atteindre notre objectif, mais je note que, petit à petit, la défense idéologique - mais elle peut être pratique - de cette taxe gagne du terrain, non seulement chez les politiques mais également dans le monde associatif, ce qui a tout de même une relative importance.
Et puisque je parle d'une idée qui fait son chemin, vous me permettrez, à titre d'information, de me référer quelques instants au Parlement d'un pays voisin. La nouvelle n'est pas très vieille, elle date du 21 novembre, si mes sources sont exactes : la commission des finances et des affaires économiques du Sénat belge a voté un texte qui conclut - mais je me garde bien d'affirmer devant les éminents spécialistes que vous êtes tous que j'ai la maîtrise technique du sujet - qu'il est techniquement possible d'appliquer la taxe Tobin. Elle va même plus loin puisqu'elle dit que l'Union européenne devrait être saisie du problème.
On le sait - la nouvelle est récente - un accord est intervenu sur la taxation de l'épargne en Europe. On me dira que ce n'est pas la même chose. Mais, voilà quelques jours - peut-être Mme le secrétaire d'Etat nous apportera-elle des éléments d'appréciation, si elle le juge utile - on considérait qu'on n'y arriverait pas. Or, on y est arrivé.
La taxe Tobin, pour nous, signataires de cet amendement, comme pour bien d'autres, est un instrument de politique économique. Elle vise à décourager les transactions à court terme, et donc à réduire leur caractère spéculatif. Elle concourt par là même, et par son rôle régulateur, à une meilleure stabilité sociale et économique. Elle permet de restituer des marges d'action aux pouvoirs publics sur des interventions coordonnées. Elle permet d'obtenir de nouvelles recettes pour une solidarité internationale accrue.
Indépendamment de l'importance de son caractère humanitaire, ou humaniste, cette solidarité devient une impérieuse nécessité pour les pays concernés comme pour le monde occidental. Avec la modeste expérience qui est la mienne en ce domaine, je tiens à insister sur ce point.
Le déséquilibre Nord-Sud, le déséquilibre entre pays riches et pays pauvres - on les a baptisés successivement : « tiers-monde », « pays en voie de développement », « pays en émergence » - est tristement producteur de conflits sans cesse plus importants, et de notre réponse solidaire et active dépend donc, pour partie, la sauvegarde des uns et des autres dans ce monde.
Qu'il me soit permis d'insister sur la nécessité de parvenir rapidement à cette forme de solidarité. Les signataires de ce texte le précisent, il y a urgence en la matière. On ne pourra pas continuer à mener vis-à-vis des pays pauvres une politique qui s'apparente davantage à l'assistanat qu'à l'authentique solidarité. C'est cette solidarité qui permettra, à travers le monde, l'amélioration du sort des populations tout en évitant les conflits que j'évoquais.
Voilà, dit tout simplement, en quelques mots - d'autres compléteront vraisemblablement mon propos - pourquoi nous allons dans ce sens. Encore une fois, nous n'avons par le culte de la taxe Tobin. S'il existe d'autres moyens pour parvenir au même résultat, nous sommes, bien entendu, preneurs.
Mais que l'on bouge ! Peut-être est-ce plus facile d'en parler dans une institution comme la nôtre que de le faire, mais n'oublions pas que nous n'avons pas seulement en charge le moment présent, que nous avons aussi quelque chose d'important à réaliser afin que, demain, pour nos enfants comme pour ceux des autres, les choses s'améliorent. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que celles du groupe communiste et républicain et citoyen.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. A ce stade, je suis partagé entre plusieurs sentiments. Plusieurs conduites sont en effet possibles.
La première consisterait à renvoyer les signataires de cet amendement aux nombreuses explications que nous avons déjà eues sur ce sujet dans maints débats, puisque tous les arguments émanant de part et d'autre ont déjà été portés à la connaissance de nos collègues, qui ont tranché en toute lucidité au sein de cet hémicycle.
Bien entendu comme M. Debarge a repris et défendu, avec toute la conviction qui l'anime, cette proposition, si je lui apportais une réponse trop lapidaire, franchement défavorable, je crois que je ne traduirais pas le respect que, tout à fait légitimement, toute expression sincère doit inspirer.
Alors, mes chers collègues, sans vouloir allonger excessivement le débat, je voudrais tout de même vous rappeler à nouveau que, au mois de mars dernier, la commission des finances a publié un rapport sur les questions monétaires et financières internationales qui s'intitule : Pour un nouvel ordre financier mondial , et, en sous-titre, Responsabilité éthique et efficacité . Or, on peut trouver dans ce rapport, à partir de la page 55, une analyse assez approfondie de la taxe Tobin et, en annexe, le compte rendu des nombreuses auditions d'universitaires, de responsables d'établissements financiers, français et étrangers, de spécialistes des questions monétaires internationales que nous avons conduites. Nous avions notamment rencontré des représentants des organismes multilatéraux issus des accords de Bretton Woods, de l'Union européenne et de la Banque des règlements internationaux, ainsi que de très nombreux acteurs intervenant dans les domaines qui nous occupent.
Parmi les considérations que nous avons développées dans ce rapport, je veux appeler votre attention sur celle qui se trouve dans le paragraphe suivant : « La taxe Tobin peut avoir des effets contraires à ceux qui sont recherchés. En effet, en renchérissant le coût des transactions sur les marchés des changes, elle limiterait la diversification internationale des risques des institutions financières et pourrait donc entraîner une plus grande vulnérabilité de l'épargne investie à l'étranger. La taxe frapperait essentiellement les mouvements de capitaux spéculatifs sur le marché des changes, généralement motivés par des variations très faibles des parités entre les monnaies. Or, il convient de rappeler que la volatilité quotidienne provoquée par ces transactions ne constitue pas un danger pour l'économie réelle. L'ampleur de cette spéculation peut, au contraire, avoir un effet stabilisateur sur les marchés, car l'équilibre découle des anticipations des différents acteurs, généralement fondées sur la faible probabilité d'un retournement soudain du marché. En réduisant le nombre de transactions et la liquidité des marchés financiers, la taxe Tobin pourrait accroître l'ampleur des variations de prix et l'instabilité des marchés. »
L'une des personnes que nous avions auditionnées avait utilisé la formule suivante : « Le jet d'une pierre dans un grand lac produit des remous invisibles. Dans une petite mare, il provoque des vagues de grande ampleur. » Mes chers collègues, cela montre bien que les choses sont vraiment complexes.
M. Paul Loridant. C'est de la théorie !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, il existe toutes sortes de bonnes théories autour de ces sujets, cher Paul Loridant. Ils sont complexes et ils ne peuvent pas se traiter en quelques phrases. Si je rappelle les différentes interprétations faites des effets économiques de la taxe Tobin, c'est pour que l'on se pénètre bien de cette complexité des choses.
En second lieu, chacun sait, et là c'est évidemment plus directement accessible à notre débat politique immédiat, qu'un tel dispositif ne peut être utile que s'il est appliqué au même instant partout, sinon il crée des effets de détournement des mouvements de capitaux au bénéfice des Etats les plus dérégulés et de ceux qui, bien entendu, veulent voir affluer chez eux le maximum de capitaux et par conséquent leur imposent le moins de discipline.
Ainsi, même si l'Union européenne suivait l'argumentation de nos collègues sénateurs belges et de M. Marcel Debarge, le problème serait-il pour autant réglé ?
M. Paul Loridant. Il aurait une autre dimension !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Peut-être en effet vis-à-vis de vos amis politiques et des militants qui constituent les réseaux associatifs formant la confédération ATTAC, l'Association pour une taxation des transactions financières pour l'aide aux citoyens. Effectivement, vous vous sentiriez à l'aise devant eux, puisque vous pourriez leur expliquer que vous avez fait avancer ce qui est leur idéologie, votre idéologie commune.
Cependant, ne leur auriez-vous pas pour autant vendu de l'illusion ou des paroles faciles ? Je le crois très franchement, mes chers collègues, et si l'idée de cette taxe, qui paraît si simple à mettre en oeuvre et semble refléter les bonnes intentions les plus louables, ne s'impose pas davantage et plus vite, c'est quand même bien parce que de bonnes raisons s'y opposent.
Enfin, tous ces arguments que j'évoque ou auxquels je fais brièvement allusion se trouvent dans l'étude qui a été récemment remise par les services du Gouvernement à la demande de l'Assemblée nationale et dont nous avons été destinataires. Au demeurant, je salue la qualité de ce rapport, qui est nuancé, équilibré et qui explique toute la complexité des choses.
Je me demande d'ailleurs pourquoi vous remettez sans cesse ce sujet sur le tapis,... (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Paul Loridant. On va vous l'expliquer !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... alors que l'on vous a fourni tous les éléments d'appréciation, et que, manifestement, vous n'avez pas tiré de cet excellent rapport les conclusions auxquelles il conduit logiquement.
Pardonnez-moi, mes chers collègues, d'avoir un peu développé ce point, mais je crois qu'on ne pouvait pas l'éviter. L'analyse de la commission m'invite, bien entendu, à vous demander de repousser l'amendement n° I-114. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat. Ce n'est pas la première fois que nous débattons de la taxe Tobin. Comme il s'y était engagé, le Gouvernement a déposé un rapport au Parlement sur ce sujet dans le but d'approfondir l'analyse tant il est vrai que cette idée généreuse de la taxe Tobin a souvent été balayée pour des motifs de circonstance.
Ce rapport, comme a bien voulu le souligner M. le rapporteur général, présente une analyse assez approfondie sur les avantages et les inconvénients de cette taxe. Il relève, bien entendu, les difficultés pratiques qu'elle pourrait poser ; il relève également les effets incertains voire contreproductifs que cette taxe pourrait avoir sur le marché des changes et l'économie réelle. Pour reprendre le sens de la conclusion dudit rapport, je dirai que l'intention des promoteurs de la taxe Tobin est généreuse mais que les moyens d'y parvenir ne sont pas forcément les plus pertinents.
En effet, pour atteindre l'objectif fixé que faut-il faire ?
D'abord, le Gouvernement a engagé une action visant à renforcer l'efficacité du système monétaire et financier international. Ensuite, et surtout, si les informations dont je dispose à l'heure où je vous parle se confirment, nous pourrons sans doute engranger un succès très important en matière d'harmonisation fiscale européenne. En effet, les négociations en cours en ce moment même au Conseil ECOFIN nous permettent de penser qu'après trois années de très difficiles tractations au sein de l'Union européenne nous pourrions parvenir enfin à régler la question de la directive sur l'épargne. Si c'était le cas - tant qu'un accord n'est pas scellé, il convient d'être prudent - nous disposerions alors d'un véritable instrument d'ouverture et de justice et en même temps de lutte contre l'évasion fiscale.
Au-delà de la directive sur l'épargne, nous avons de bons espoirs également d'aboutir sur le code de conduite qui est un document qui établit le diagnostic et les conditions de démantèlement des régimes fiscaux dommageables qui portent atteinte à la concurrence fiscale loyale que peuvent exercer les Etats de l'Union entre eux et donc à l'équilibre des Etats de l'Union.
Dès que ces succès seront confirmés, je m'en réjouirai avec M. Laurent Fabius, qui est en cet instant même le ministre de l'économie et des finances en charge de cette négociation, ainsi qu'avec les auteurs de l'amendement, et je l'espère, de tous ceux qui siègent dans cet hémicycle.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-114.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Comme l'a dit M. Marcel Debarge, à juste titre, nous sommes un certain nombre à être déterminés à poursuivre ce débat sur l'instauration de la taxe Tobin dont l'objectif est très largement symbolique mais également de grande portée.
Monsieur le rapporteur général, êtes-vous opposé à la taxe Tobin pour son principe ou pour son taux ? Vous avez fait valoir dans votre argumentation, comme Mme le secrétaire d'Etat, qu'elle augmenterait le coût des transactions financières internationales. Mon cher collègue, madame le secrétaire d'Etat, s'il s'agit d'abaisser le taux à 0,01 % au lieu de 0,05 %, nous sommes prêts à rectifier notre amendement en ce sens. Hélas ! je ne crois pas que ce soit le taux qui pose problème, mais le principe même de cette taxe. Or, c'est précisément sur ce terrain que nous nous situons.
Mes chers collègues, pour instaurer l'impôt sur le revenu des personnes physiques, créé, de mémoire, en 1914, sous l'impulsion du ministre des finances de l'époque, Joseph Caillaux, il avait fallu des dizaines d'années de débat au Parlement.
Le débat sur le droit de vote des femmes a duré toute la IIIe République. Il a fallu attendre le général de Gaulle, à la Libération, pour passer outre aux refus répétés du Sénat.
Pour abolir la peine de mort - je passe sur le contexte dans lequel cela a pu se faire -, il a fallu l'euphorie des quelques mois qui ont suivi l'élection en 1981 de François Mitterrand.
Pour le droit à la contraception, je me souviens que, jeune étudiant, j'ai assisté dans les tribunes réservées au public au débat qui a eu lieu à l'Assemblée nationale à la fin de l'année 1967. Ce fut un débat très serré et les arguments étaient vraiment de tout niveau.
Je pourrais contiuer ainsi en évoquant le droit à l'IVG, la pilule du lendemain, le PACS... Il est des batailles politiques, mes chers collègues, que nous devons livrer.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas tout à fait le même sujet !
M. Paul Loridant. Il y aura toujours un noyau de parlementaires pour les mener, car, au-delà des finances, ce sont des questions de société, des questions de conception des échanges entre le Nord et le Sud.
Cet amendement n'est pas parfait. Il ne traite que de l'instauration de la taxe. Bien sûr, après se posera le problème de savoir ce qu'on fait du produit de cette taxe, comment on la répartit, et d'autres débats s'ouvriront.
Pourquoi êtes-vous opposé à la taxe Tobin et à tout ce qu'elle représente, monsieur le rapporteur général ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est une idée américaine.
M. Paul Loridant. Simplement, parce que cela suppose qu'il n'y ait plus de paradis fiscaux, sinon, M. le rapporteur général l'a dit, cela ne fonctionnera pas.
Cela tombe très bien, nous souhaitons, nous, pour l'instant, instaurer la taxe Tobin au sein des frontières de l'Europe, avec l'euro bientôt comme monnaie unique. Tout cela peut fonctionner, mais il y a des paradis fiscaux en Europe, sur un certain rocher, au bord de la Méditerranée,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous en voyez déjà les charges !
M. Paul Loridant. ... dans les îles Anglo-Normandes, au milieu des Alpes, au Liechtenstein. Les paradis fiscaux déstabilisent un système qui pourtant fonctionne bien.
Cette taxe déstabiliserait un système qui fonctionne bien pour certains. Elle dérangerait ces investissements spéculatifs. (M. le rapporteur général s'exclame.)
Notre amendement a pour effet d'embêter les spéculateurs. Nous avons engagé une bataille de longue haleine. Nous ne le retirerons donc pas et nous vous invitons à le voter, mes chers collègues.
Une fois qu'il sera voté, il y aura, comme dans la théorie du chaos, où des battements d'aile de papillon dans le Pacifique se traduisent par une tempête en Europe, des effets sur les paradis fiscaux, sur toute une série de pratiques.
C'est notre objectif mais, si vous souhaitez ramener le taux à 0,01 %, nous sommes prêts à voter un sous-amendement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela ne servira plus à rien.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Pour une fois, je défendrai la même position que Mme le secrétaire d'Etat.
La bataille politique de certains, c'est la lutte contre tous les impôts qui freinent les transactions. Je suis par exemple de ceux qui souhaitent la disparition des droits de mutation sur les transactions à titre onéreux, même lorsqu'il s'agit d'un impôt local. Il est donc tout à fait logique que je sois également opposé à ce type d'impôt sur les opérations financières.
Le problème est simple, M. le rapporteur général l'a très bien dit : jusqu'à un certain point, les opérations financières sont des éléments rééquilibrants, elles permettent de stabiliser les prix et les changes. Mais, passé un certain point, un battement d'ailes de papillon, disent certains, elles peuvent déséquilibrer les marchés, être à l'origine de processus cumulatifs de hausse qui se transforment en bulles financières, et je comprends très bien que l'on veuille casser ces spirales spéculatives.
La méthode choisie est-elle bonne ? Si la taxe Tobin freine l'effet rééquilibrant du premier type de spéculation, ce n'est pas son but. Mais elle n'est pas non plus efficace pour lutter contre les spéculations déséquilibrantes.
Permettez-moi d'affirmer qu'avec un taux de 0,05 %, voire de 0,01 %, ce ne serait qu'un rempart de papier face à des opérations spéculatives de l'ampleur de celles que nous avons connues contre le franc, lorsque l'on prévoyait un taux de 10 à 15 % de dévaluation. Heureusement, cela n'existe plus grâce à l'euro. Une telle barrière aurait été emportée comme fétu de paille.
Que peut-on faire pour lutter contre la spéculation lorsqu'elle est déséquilibrante ? Je crois que la voie suivie par le Gouvernement et qui est dans la tradition de notre pays - une harmonisation fiscale à un taux de prélèvements sur l'épargne bas mais respecté par tous les pays - est la bonne.
Si l'on arrive à faire en sorte que ces deux exigences - taux bas et obligatoire pour tous - soient respectées dans le cadre des accords Ecofin, ce sera très bien.
Je crois aussi qu'une façon efficace de limiter la spéculation lorsqu'elle devient non souhaitable, c'est d'instaurer des règles prudentielles en son temps, tel le ratio Cooke. Il faut aujourd'hui trouver de nouvelles règles prudentielles. Mais ce n'est sûrement pas par des méthodes fiscales que l'on arrivera à régler ce problème. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement, présenté par M. Debarge et dont les premiers signataires sont Mmes Bergé-Lavigne et Bidard-Reydet, tend, une fois de plus, à poser la question de la taxation des opérations menées sur devises.
Tout d'abord, je constate, tout comme vous sans doute, l'augmentation régulière et constante du nombre des signataires de cet amendement, que je qualifierai de « transversal ».
Pour les membres du groupe ATTAC du Sénat, il s'agit d'un encouragement à poursuivre dans la voie qu'ils se sont fixée en dépit des embûches et, chacun le sait, de l'opposition de caractère idéologique de certains des membres de cette assemblée et que M. le rapporteur général exprime.
Nous nous devons de participer à nouveau à la réflexion, nécessaire et indispensable, sur le devenir de notre fiscalité, notamment dans le cadre du développement des relations commerciales et économiques internationales. C'est, pour nous, une forme de passage obligé.
Beaucoup de choses ont déjà été dites dans la Haute Assemblée pour dénoncer l'existence de propositions de la nature de celle que nous défendons encore aujourd'hui.
Même si ces réflexions avaient pour objet de nous faire renoncer, au nom de la logique la plus élémentaire, parce que la taxe Tobin ne serait rien d'autre qu'une lubie d'universitaire américain, fût-il prix Nobel, ou parce que nous ne connaîtrions que peu de choses aux sacro-saintes réalités, nous estimons aujourd'hui encore qu'il est indispensable de poser encore et toujours la même question.
Je ne vous cacherai pas que nous avons quelque peu hésité avant de revenir sur un débat que nous avions déjà eu lors de la discussion du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques, voilà peu.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'une des motivations essentielles du projet de l'économiste Tobin, une fois pris en considération le développement des transactions monétaires internationales, c'était de consacrer le produit de la taxation de ces transactions au financement de projets de développement dans les pays du tiers monde, qui sont les victimes essentielles des désordres constatés sur les marchés de change.
On peut aussi relever, juste pour apprécier la situation, que la proposition de l'économiste américain faisait suite à l'abandon du système de régulation découlant des accords de Bretton Woods et aux décisions du Président Richard Nixon quant à la convertibilité du dollar pendant l'été 1969.
Il est important de ne jamais perdre de vue la perspective historique, de ne jamais considérer comme normale et découlant de la stricte application des lois de l'économie la pression constante qui se manifeste sur les taux de change et que l'instauration de la monnnaie unique européenne n'a manifestement pas interrompue.
J'incline d'ailleurs à penser que c'est cette démarche historique qui justifie idéologiquement le refus de certains, monsieur le rapporteur général, de retenir le principe de l'existence d'une taxation sur les transactions monétaires.
Pour en revenir au fond, disons que le débat, avant même d'être économique ou fiscal, est éminemment d'ordre politique. Nos collègues MM. Debarge et Loridant l'ont bien démontré.
Il faut tout de même se poser la question : la justice fiscale est-elle soluble dans la volatilité de la matière que la fiscalité est censée prendre en compte ?
Devons-nous continuer de considérer les marchés financiers, les outils de transactions sur devises, les opérations de dévalorisation de telle ou telle unité de compte, la spéculation effrénée sur telle ou telle devise, sans corrélation réelle avec la réalité économique, comme un sanctuaire, un tabou, comme une zone franche fiscale sans cesse plus grande et plus envahissante ?
Devrions-nous admettre que notre système fiscal, du fait de la concurrence fiscale internationale, de l'affirmation quotidienne de la suprématie d'un mode de production et de développement économique, se cantonne à copier ce qui peut se faire ailleurs et concentre son évolution sur les comportements les plus directement captifs, par exemple la consommation au travers de la TVA ? Nous ne pensons pas que cela soit le bon choix.
Une réforme fiscale ambitieuse et audacieuse, soucieuse de porter la croissance économique, passe aussi par la prise en compte des opérations financières dans la détermination de l'assiette des prélèvements.
C'est le sens de cet amendement que nous sommes nombreux à avoir signé et que nous demandons au Sénat de bien vouloir adopter.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Bergé-Lavigne.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Le principe de la taxe Tobin sur les mouvements de capitaux spéculatifs n'est pas une idée franco-française !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Elle est américaine !
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Seuls les parlementaires de gauche en parlent, c'est pourtant une idée qui chemine dans le monde entier. Sa principale force, c'est d'être vraiment une réflexion internationale.
Monsieur le rapporteur général, vous avez fait référence aux experts français auditionnés par la commission des finances, qui sont tous opposés à l'instauration de cette taxe. Mais d'autres économistes en France et par le monde ont un point de vue différent.
Ainsi, le Center for Economic and Policy Research de Washington a publié un « communiqué des économistes sur la taxation des transactions financières ». Ces économistes américains estiment notamment que « les marchés financiers peuvent jouer un rôle positif important au sein des économies modernes s'ils fonctionnent correctement. En même temps, des marchés financiers fortement spéculatifs peuvent être extrêmement préjudiciables pour une société : ils peuvent déstabiliser les marchés financiers ex-mêmes, mais aussi transmettre ces facteurs d'instabilité à l'ensemble de l'économie.
« Le développement des marchés financiers spéculatifs limite la capacité des gouvernements à mettre en oeuvre des contre-mesures efficaces et à poursuivre une politique indépendante de mise en place et de maintien du plein emploi...
« L'historique des taxes sur les transactions financières ainsi que les preuves de longue date du succès d'autres formes de réglementation financière montrent que la mise en place de taxes sur la spéculation financière peut être une réussite. De plus, de telles taxes permettent de réunir une somme significative, des recettes pouvant être utilisées pour combler d'importants besoins sociaux ».
Monsieur le rapporteur général, vous avez cité un extrait d'un document du FMI. Pour ma part, je me réfère à un autre document de travail du FMI, qui date de mars 2000 et qui émane du département des affaires fiscales de M. Zee.
Selon ce document, le FMI considère que la taxe Tobin est opérationnelle, il est d'accord sur le principe pour enrayer la spéculation, il estime que c'est un problème de volonté politique et non un problème technique, et qu'il ne faut pas en prendre prétexte pour ne rien faire.
J'ajoute que, au Luxembourg, en réponse à une question posée par M. François Bausch à la Chambre des députés, le gouvernement luxembourgeois ne s'est déclaré « nullement insensible à l'importance de la problématique » soulevée et le ministre des finances a déclaré que, « à défaut d'un compromis international sur le sujet, le Gouvernement entend agir systématiquement en faveur d'un renforcement du système financier international et de l'aide publique au développement ».
Je pourrai évidemment faire part de beaucoup d'autres témoignages à travers le monde, qui attestent que cette idée fait son chemin.
Nous avons tous dit ici, sur toutes les travées, que nous étions contre les mouvements spéculatifs de capitaux ; mais personne - en tout cas de votre côté, messieurs de la majorité sénatoriale ! - n'a avancé le commencement d'une solution. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Je ne voterai pas cet amendement, bien entendu ; mais, d'une certaine manière, j'en ai quelque chagrin. S'il avait été possible de faire ce genre de choses - Tobin n'est pas le dernier venu et cette affaire est sur le devant de la scène depuis de nombreuses années, c'est donc qu'elle n'est pas si absurde que cela - après tout, pourquoi pas !
J'ai cependant envie de demander à nos collègues socialistes ainsi qu'à ceux du groupe communiste républicain et citoyen pourquoi ils n'ont pas convaincu le Gouvernement qu'ils soutiennent avant de prétendre nous convaincre nous-mêmes ?
Nous avons entendu ce matin Mme le secrétaire d'Etat nous dire à propos du barème de l'ISF qu'elle avait été convaincue par les débats à l'Assemblée nationale. Elle peut donc, quelquefois, se laisser convaincre. Alors, convainquez-la d'abord, vous entreprendrez de nous convaincre ensuite !
M. Marcel Debarge. Nous jouons notre rôle de parlementaires, c'est autorisé !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-114, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 4 bis