Séance du 22 juin 2000







M. le président. La parole est à M. Calmejane.
M. Robert Calmejane. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre, la découverte sordide, le lundi 19 juin dernier, dans un camion en provenance de Belgique, de cinquante-six cadavres a relancé, au sein de l'Union européenne, le débat sur la politique commune d'immigration et sur le droit d'asile.
Chaque année, des milliers de clandestins tentent de s'introduire dans l'un des pays de l'Union. Par exemple, en 1999, 10 000 personnes ont été appréhendées en France pour avoir tenté de pénétrer sur notre territoire de façon illégale. Selon les autorités portuaires, ce chiffre ne représente qu'un dixième des clandestins qui s'introduisent en France.
Le 20 juin dernier, au sommet de Feira, un représentant de la Commission européenne a annoncé que cette dernière allait présenter aux pays de l'Union différentes propositions sur une politique commune en matière d'asile, d'immigration et d'entrée sur leur territoire. La Commission fera également des suggestions pour lutter contre les réseaux criminels de traite des immigrés.
Quant au Président de la République, Jacques Chirac, il a insisté pour que la coopération entre les Etats soit renforcée dans ces domaines.
Récemment, la Grande-Bretagne et la Belgique ont durci leur législation respective afin de canaliser l'immigration clandestine.
Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous mettre en place afin de pallier les lacunes du dispositif Schengen et éviter des tragédies comme celle de Douvres ?
Pourriez-vous envisager des sanctions concernant les transporteurs d'immigrés clandestins, des sanctions semblables à celles qui sont prises en Grande-Bretagne où les amendes atteignent jusqu'à 20 000 francs par clandestin, mais également imposer une caution de l'ordre de 50 000 à 100 000 francs aux visiteurs asiatiques, caution récupérable lors de leur retour au pays.
Qu'attend le Gouvernement pour faire la même chose ? A moins que celui-ci ne préfère le laxisme ! (Murmures sur les travées socialistes. - Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. Monsieur le ministre de l'intérieur, vous êtes à l'ouvrage aujourd'hui !
Je vous donne la parole.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je suis à l'ouvrage... mais ce n'est pas d'aujourd'hui. (Sourires.)
Monsieur le sénateur, le problème que vous évoquez est l'un des plus graves qui se soit posé ; il se pose de manière massive ; il se pose sur une longue durée. C'est le problème de l'afflux massif de clandestins, de personnes qui refusent l'application de nos lois.
Nous devons être bien conscients du fait que le drame affreux survenu à Douvres n'est que la pointe émergée de l'iceberg et que nous sommes en présence d'un fait qui révèle l'horreur d'un monde dans lequel les écarts de revenus, les évolutions démographiques, les différences de statut politique, l'existence de zones de chaos s'étendant sur des continents entiers, conduisent à cette pression migratoire extrêmement forte, qui est cependant, permettez-moi de le dire, beaucoup plus forte dans des pays comme l'Allemagne ou la Grande-Bretagne qu'en France.
Même si je suis sensible au fait que cette pression va sans cesse croissant, à Roissy par exemple, ou bien à la frontière italienne, nous sommes là dans l'espace Schengen. Or, dans cet espace, vous le savez, il n'y a plus de contrôles aux frontières ; les contrôles ne s'exercent qu'à la frontière extérieure.
En tant que ministre de l'intérieur, et pour la présidence française de l'Union européenne, j'ai préparé toute une série de propositions.
Deux séries de textes prévoient le renforcement des sanctions contre les passeurs, ainsi qu'un renforcement des pénalités contre les transporteurs, mais à la frontière extérieure de l'espace Schengen, car je n'imagine pas que cela puisse être ailleurs. Cela n'est pas possible actuellement aux frontières nationales ; ce n'est pas que je ne le regrette pas, mais c'est un fait que je suis obligé de constater.
Les Britanniques n'ont pas levé les contrôles, mais cela n'empêche pas qu'il y ait, actuellement, dans la région de Calais, entre sept mille à huit mille clandestins qui attendent de pouvoir passer !
Je qualifierai l'action entreprise de déterminée, puisque près de 10 000 interpellations ont eu lieu depuis le mois d'août dernier.
Il n'en reste pas moins que nous ne pourrons pas lutter efficacement si une action volontaire n'est pas menée sur au moins deux plans.
Le premier est le codéveloppement des pays d'origine. C'est en effet très en amont que se situe le problème. Cela nous amène à nous interroger sur le modèle de développement de notre monde.
Le second est la répression accrue contre ces filières de l'immigration clandestine.
J'ai prévu un séminaire européen, avec les Etats-Unis, le Mexique et quelques autres pays, qui se tiendrait le 21 juillet. Le conseil « justice et affaires intérieures », JAI, qui aura lieu à la fin du mois de juillet à Marseille sera entièrement consacré à l'important problème de l'immigration, que l'Europe devra affronter avec une claire conscience des enjeux.
Croyez-moi, c'est quand même en France que la réflexion la plus poussée a été menée, à l'occasion de la loi relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile, dite loi RESEDA, et du rapport Weil. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'au sommet de Tempere a été repris notre tryptique : codéveloppement, intégration, maîtrise des flux migratoires. C'est une politique pour l'Europe tout entière, mais il faut la faire passer ! (Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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