Séance du 25 janvier 2000







M. le président. « Art. 22. - I. - Un consommateur final dont la consommation annuelle d'électricité sur un site est supérieure à un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat est reconnu client éligible pour ce site. Ce seuil est défini de manière à permettre une ouverture du marché national de l'électricité limitée aux parts communautaires moyennes définissant le degré d'ouverture du marché communautaire prévues par l'article 19 de la directive 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 décembre 1996, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité. Ce même décret détermine la procédure de reconnaissance de l'éligibilité et les modalités d'application de ce seuil en fonction des variations des consommations annuelles d'électricité.
« Pour l'application du présent I aux entreprises exploitant des services de transport ferroviaire, l'éligibilité est fonction de la consommation annuelle totale d'électricité de traction sur le territoire national.
« II. - Sont, en outre, reconnus clients éligibles :
« - sous réserve des dispositions du IV, les producteurs autorisés en application de l'article 7, autres que lescollectivités territoriales ou les établissements publics de coopération dont elles sont membres, et les filiales de ces producteurs au sens de l'article 354 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales qui exercent l'activité d'achat pour revente aux clients éligibles ;
« - les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée, en vue de l'approvisionnement effectif des clients éligibles situés dans leur zone de desserte ;
« - sans préjudice des dispositions du deuxième alinéa du I, les propriétaires ou les gestionnaires de réseaux ferroviaires ou de réseaux de transports collectifs urbains électriquement interconnectés en aval des points de livraison par Electricité de France ou par un distributeur non nationalisé mentionné à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée.
« III. - Non modifié.
« IV. - Les producteurs visés au II du présent article ou les filiales de ces producteurs au sens de l'article 354 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 qui, afin de compléter leur offre, achètent pour revente aux clients éligibles doivent, pour exercer cette activité, obtenir une autorisation délivrée pour une durée déterminée par le ministre chargé de l'énergie après avis de la Commission de régulation de l'électricité. Pour obtenir cette autorisation, ils établissent que la quantité d'électricité achetée pour être revendue aux clients éligibles est inférieure à un pourcentage, défini par décret en Conseil d'Etat, de l'électricité produite à partir de capacités de production dont ils ont la disposition.
« Cette autorisation peut être refusée ou retirée pour des motifs portant sur les capacités techniques, économiques ou financières du demandeur de manière à prendre en compte la sécurité et la sûreté des réseaux publics d'électricité, des installations et des équipements associés et la compatibilité avec les missions de service public.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent IV.
« V. - Le ministre chargé de l'énergie établit et rend publiques la liste des clients éligibles et celles des producteurs et opérateurs qui achètent pour revente aux clients éligibles. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 19, M. Revol, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« I. - Un consommateur final dont la consommation annuelle d'électricité sur un site est supérieure à un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat est reconnu client éligible pour ce site. Ce seuil est défini de manière à permettre une ouverture du marché national de l'électricité correspondant aux parts communautaires moyennes qui définissent le degré d'ouverture du marché communautaire. Ce même décret détermine la procédure de reconnaissance de l'éligibilité et les modalités d'application de ce seuil en fonction des variations des consommations annuelles d'électricité.
« Pour l'application du présent I aux entreprises exploitant des services de transport ferroviaire, l'éligibilité est fonction de la consommation annuelle totale d'électricité de traction sur le territoire national.
« II. - Sont, en outre, reconnus clients éligibles :
« - sous réserve des dispositions du IV, les producteurs autorisés en application de l'article 7, autres que les collectivités territoriales ou les établissements publics de coopération dont elles sont membres, qui, afin de compléter leur offre, concluent des contrats d'approvisionnement avec des producteurs et des fournisseurs autorisés installés sur le territoire d'un Etat membre de la Communauté européenne ou, dans le cadre de l'exécution d'accords internationaux, sur le territoire de tout autre Etat ;
« - les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée, en vue de l'approvisionnement effectif des clients éligibles situés dans leur zone de desserte ;
« - sans préjudice des dispositions du deuxième alinéa du I, les propriétaires ou les gestionnaires de réseaux ferroviaires ou de réseaux de transports collectifs urbains ou de réseaux de remontés mécaniques électriquement interconnectés en aval des points de livraison par Electricité de France ou par un distributeur non nationalisé mentionné à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée ;
« - les propriétaires ou gestionnaires de réseaux de canalisations de transports d'hydrocarbures liquides.
« III. - Un client éligible peut conclure un contrat d'achat d'électricité avec un producteur ou un fournisseur de son choix installé sur le territoire d'un Etat membre de la Communauté européenne ou, dans le cadre de l'exécution d'accords internationaux, sur le territoire d'un autre Etat.
« Le cadre contractuel dans lequel s'effectue la fourniture d'électricité ne peut avoir une durée inférieure à trois ans par souci de l'efficacité de la programmation pluriannuelle des investissements de production, des missions de service public et dans le respect du principe de mutabilité des contrats.
« IV. - L'autorisation d'exercer l'activité d'achat d'électricité pour revente aux clients éligibles est délivrée pour une durée déterminée par le ministre chargé de l'énergie, après avis de la Commission de régulation de l'électricité.
« Cette autorisation peut être refusée ou retirée pour des motifs portant sur les capacités techniques, économiques ou financières du demandeur, de manière à prendre en compte la sécurité et la sûreté des réseaux publics d'électricité, des installations et des équipements associés et la compatibilité avec les missions de service public.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent IV.
« V. - La Commission de régulation de l'électricité établit et rend publiques la liste des clients éligibles et celles des producteurs et opérateurs qui achètent pour revente aux clients éligibles. »
Par amendement n° 47, MM. Lefebvre, Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, à la fin du premier alinéa du IV de cet article, de remplacer les mots : « production dont ils ont la disposition » par les mots : « sa propre production ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 19.
M. Henri Revol, rapporteur. En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a repris l'essentiel de son texte de première lecture.
Alors que la commission de la production et des échanges proposait de rétablir son texte en ce qui concerne le régime du négoce de l'électricité, le Gouvernement a, en séance, déposé un sous-amendement surprise qui permet aux producteurs visés au IV de l'article 22 ou à leurs filiales d'obtenir une autorisation d'exercer l'activité de négoce dès lors qu'ils établissent que la quantité d'électricité achetée pour être revendue aux clients éligibles est inférieure à un pourcentage, défini par décret en Conseil d'Etat, de l'électricité produite à partir des capacités de production dont ils ont la disposition.
Ce sous-amendement constitue un timide progrès puisqu'il permet à une entité qui dispose de capacités de production de faire du négoce, mais il ne traduit pas clairement la nécessité de développer l'activité de négoce.
Par les problèmes d'interprétation qu'il posera - que signifie l'expression « disposer de capacités de production » ? - ce texte risque de limiter l'ouverture du marché de l'électricité, notamment en freinant le développement du négoce.
C'est pourquoi la commission des affaires économiques et du Plan propose au Sénat de rétablir son texte de première lecture.
M. le président. La parole est à M. Le Cam, pour défendre l'amendement n° 47.
M. Gérard Le Cam. Cet amendement nous permet de revenir sur un aspect central de ce projet de loi qui nous oppose les uns aux autres concernant les activités d'achat et de revente d'électricité.
Le Gouvernement a fait adopter, après une seconde délibération à l'Assemblée nationale et à une heure tardive, un sous-amendement qui nous semble introduire une ambiguïté supplémentaire dans le texte.
La majorité plurielle a choisi de réserver la facilité ainsi offerte aux seuls producteurs afin d'éviter tout phénomène de spéculation sur un bien qui, selon nous, ne peut être apparenté à une marchandise.
La majorité sénatoriale se situe, quant à elle, dans une tout autre perspective, ouvrant cette possibilité à n'importe quel opérateur, y compris à ceux qui n'exercent par ailleurs aucune activité de production ou de distribution d'énergie.
Sur ce point, notre groupe, tout en refusant la constitution d'une « bourse de l'électricité », souhaite cependant que cette activité d'achat-revente soit suffisamment encadrée et précisée, pour éviter toute dérive ou tout détournement de la loi dans un but spéculatif.
En l'état actuel de la rédaction du paragraphe IV de cet article, je ne suis pas certain que la lettre du texte soit tout à fait en accord avec son esprit. En effet, il suffirait à un opérateur privé ou public de prendre une participation dans une filière implantée dans un autre Etat membre de l'Union européenne pour augmenter sa capacité de production déclarée et, ainsi, élargir ses possibilités de faire du trading.
Il importe pour nous que soit prise en compte la production réelle dont l'entreprise a la maîtrise sur le territoire français. Or la modification introduite par l'Assemblée nationale crée sur ce point une incertitude favorable à l'acquisition de capitaux ou de firmes étrangères sur les marchés financiers, au détriment de l'approvisionnement du territoire national.
M. le rapporteur explique dans son rapport, page 10, qu'il n'est pas demandé à un négociant en vins de vendre de grands crus à proportion des vignes dont il a la disposition. Cette comparaison est pour le moins malvenue, car il ne vous aura pas échappé, mon cher collègue - même si vous semblez le regretter -, qu'il ne s'agit pas, en l'espèce, de négociants ni de grossistes, mais bien de producteurs d'électricité. Il est, par conséquent, légitime de limiter le recours à l'activité de négoce pour ceux-ci en fonction de leur production réelle.
C'est pourquoi, afin de préciser cet article et de lever toute ambiguïté, nous souhaitons que notre amendement soit adopté, à défaut d'obtenir l'accord du Gouvernement pour nous rapprocher de la rédaction retenue par l'Assemblée nationale en première lecture.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 47 ?
M. Henri Revol, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 19 et 47 ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Sur l'amendement n° 19 de la commission, je dissocierai ma réponse en deux parties distinctes.
Pour le paragraphe I, je m'en étais remis à la sagesse du Sénat en première lecture, étant précisé que la rédaction du texte ne devait pas porter atteinte au caractère maîtrisé et progressif de l'ouverture du marché.
L'Assemblée nationale a souhaité une rédaction plus explicite à laquelle - en cohérence avec mes déclarations tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale - je me suis rallié.
Pour le paragraphe II, l'éligibilité conférée aux réseaux de remontées mécaniques et aux réseaux de transport d'hydrocarbures a été supprimée par l'Assemblée nationale, et je m'en félicite.
Après avoir constaté que l'Assemblée nationale a conservé la rédaction du Sénat pour le paragraphe III, nous en venons, avec le paragraphe IV, à un point de forte divergence au sujet de l'activité d'achat pour revente.
De manière très cursive, j'indique au Sénat, fidèle en cela à ce que j'ai toujours affirmé devant la Haute Assemblée, que l'activité d'achat pour revente doit conserver un lien organique avec la production d'électricité afin de ne pas porter atteinte à l'impératif de sécurité des approvisionnements, sécurité primordiale pour la vie économique et pour les entreprises.
Voilà pourquoi j'exprime mon désaccord avec M. le rapporteur, et voilà pourquoi je pense, monsieur Lefebvre, qu'il serait bon que le groupe communiste républicain et citoyen se rallie au texte adopté - avec le soutien de M. Billard, membre du groupe communiste - à l'Assemblée nationale, réservant l'activité d'achat pour revente aux producteurs et à leurs filiales, sous réserve d'un sous-amendement du Gouvernement que j'ai, en effet, défendu en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, tendant à prendre comme référence les capacités de production dont les producteurs ont la disposition et non simplement la production.
Il y a là un équilibre : d'un côté, on réaffirme un principe auquel vous êtes attaché - et auquel le Gouvernement lui-même est très attaché, je viens de l'exprimer - tandis que, d'un autre côté, on aboutit à une rédaction suffisamment claire et souple pour que, lors de la mise en oeuvre de ce principe, EDF puisse satisfaire aux obligations qui sont les siennes en tant qu'entreprise sur le marché européen.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Lefebvre ?
M. Pierre Lefebvre. Bien que vos explications soient convaincantes, monsieur le secrétaire d'Etat, et même s'il est vrai que j'aime bien mon ami M. Billard, je souhaite cependant que notre amendement puisse être sanctionné par le vote du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 22 est ainsi rédigé et l'amendement n° 47 n'a plus d'objet.

Article 23