Séance du 25 janvier 2000







M. le président. « Art. 4. - I. - Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence s'appliquent aux tarifs de vente de l'électricité aux clients non éligibles, aux tarifs de cession de l'électricité aux distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée, aux tarifs du secours mentionné au 2° du III de l'article 2 de la présente loi et aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution.
« Ces mêmes dispositions s'appliquent aux plafonds de prix qui peuvent être fixés pour la fourniture d'électricité aux clients éligibles dans les zones du territoire non interconnectées au réseau métropolitain continental.
« Les tarifs aux usagers domestiques tiennent compte, pour les usagers dont les revenus du foyer sont, au regard de la composition familiale, inférieurs à un plafond, du caractère indispensable de l'électricité en instaurant pour une tranche de leur consommation une tarification spéciale "produit de première nécessité". Un décret précise les conditions d'application du présent alinéa dans le cadre des dispositions de l'article 43-6 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 précitée.
« II. - Les tarifs mentionnés au premier alinéa du I du présent article sont définis en fonction de catégories fondées sur les caractéristiques intrinsèques des fournitures, en fonction des coûts liés à ces fournitures ; les tarifs d'utilisation du réseau public de transport et des réseaux publics de distribution applicables aux utilisateurs sont calculés de manière non discriminatoire à partir de l'ensemble des coûts de ces réseaux.
« Figurent notamment parmi ces coûts les surcoûts de recherche et de développement nécessaires à l'accroissement des capacités de transport des lignes électriques, en particulier de celles destinées à l'interconnexion avec les pays voisins et à l'amélioration de leur insertion esthétique dans l'environnement.
« Matérialisant le principe de gestion du service public aux meilleures conditions de coûts et de prix mentionné à l'article 1er, les tarifs de vente de l'électricité aux clients non éligibles couvrent l'ensemble des coûts supportés à ce titre par Electricité de France et par les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée, en y intégrant notamment les dépenses de développement du service public pour ces usagers et en proscrivant les subventions en faveur des clients éligibles.
« Les tarifs du secours mentionné au 2° du III de l'article 2 de la présente loi ne peuvent être inférieurs au coût de revient.
« III. - Non modifié. »
Par amendement n° 4, M. Revol, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit cet article :
« I. - Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence s'appliquent aux tarifs de vente de l'électricité aux clients non éligibles, aux tarifs de cession de l'électricité aux distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée, aux tarifs du secours mentionné au 2° du III de l'article 2 de la présente loi et aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution.
« Ces mêmes dispositions s'appliquent aux plafonds de prix qui peuvent être fixés pour la fourniture d'électricité aux clients éligibles dans les zones du territoire non interconnectées au réseau métropolitain continental.
« Les tarifs aux usagers domestiques tiennent compte, pour les usagers relevant du dispositif visé au 1° du III de l'article 2 de la présente loi, du caractère indispensable de l'électricité en instaurant pour une tranche de leur consommation une tarification spéciale "produit de première nécessité".
« II. - Les tarifs mentionnés au premier alinéa du I du présent article sont définis en fonction de catégories fondées sur les caractéristiques intrinsèques des fournitures, en fonction des coûts liés à ces fournitures et en tenant compte des caractéristiques locales ; les tarifs d'utilisation du réseau public de transport et des réseaux publics de distribution applicables aux utilisateurs sont calculés de manière non discriminatoire à partir de l'ensemble des coûts de ces réseaux.
« Figurent notamment parmi ces coûts les surcoûts de recherche et de développement nécessaires à l'accroissement des capacités de transport des lignes électriques, en particulier de celles destinées à l'interconnexion avec les pays voisins et à l'amélioration de leur insertion esthétique dans l'environnement.
« Les tarifs de vente de l'électricité aux clients non éligibles sont calculés à partir de l'ensemble des coûts supportés à ce titre par Electricité de France et par les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée, en y intégrant notamment les dépenses de développement du service public pour ces usagers et en proscrivant les subventions en faveur des clients éligibles.
« Les tarifs du secours mentionné au 2° du III de l'article 2 de la présente loi ne peuvent être inférieurs au coût de revient.
« III. - Dans le respect de la réglementation mentionnée au I du présent article, les décisions sur les tarifs et plafonds de prix sont prises conjointement par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie, sur proposition de la Commission de régulation de l'électricité pour les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution, et sur son avis pour les autres tarifs et les plafonds de prix. Les propositions et avis de la Commission de régulation de l'électricité visés au présent article sont motivés. Lorsqu'ils prennent les décisions sur les tarifs et plafonds de prix visés au présent article, les ministres chargés de l'économie et de l'énergie procèdent à la publication des propositions et avis de la commission.
« Pour l'accomplissement de cette mission, les avis de la Commission de régulation de l'électricité sont fondés sur l'analyse des coûts techniques et de la comptabilité générale des opérateurs. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. Le Sénat souhaite que les aides sociales aillent prioritairement aux plus démunis. Or l'institution d'un tarif de première nécessité est susceptible d'entraîner, pour Electricité de France, une perte annuelle de 400 millions à 4 milliards de francs. Sur ce point, l'Assemblée nationale a rétabli son texte instituant une tarification de première nécessité calculée en fonction d'un quotient familial, tout en renvoyant à un décret les modalités d'application de cette mesure « dans le cadre des dispositions du 1er décembre 1988 ». Cette rédaction est particulièrement dangereuse, car elle renvoie au Gouvernement le soin de déterminer les contours de l'aide.
Cette demi-mesure, qui consiste à remettre à l'exécutif le pouvoir d'arbitrer entre l'extension de la tranche sociale et la préservation des intérêts d'EDF, est critiquable.
J'observe en outre, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'après avoir émis un avis favorable sur l'amendement présenté au Sénat sur ce sujet vous avez émis un avis également positif sur celui qui l'a été à l'Assemblée nationale.
Puis-je vous rappeler - vous n'y serez pas insensible, je suppose - qu'au chapitre V, verset 37, de l'Evangile selon saint Matthieu, on lit : « Que votre parole soit oui, oui, non, non, ce qu'on ajoute vient du Malin » ? (Sourires.)
Nous vous proposons donc, mes chers collègues, de rétablir le texte du Sénat.
M. le président. On peut également rappeler au Gouvernement que, pour voter, les évêques disposent de trois possibilités : « pour », « contre » et juxta modum , pour réfléchir encore. » Peut-être le Gouvernement va-t-il réfléchir encore ? (Nouveaux sourires.)
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Si vous le permettez, monsieur le président, je me placerai dans le cadre qui nous est commun à tous ici, celui de la laïcité de l'Etat.
Il se pose effectivement un problème, monsieur le rapporteur, mais il se pose exactement à l'inverse du raisonnement que vous venez de tenir.
En effet, s'agissant de la tarification sociale, qui est un acquis important aux yeux du Gouvernement, je crois sincèrement que le texte voté par l'Assemblée nationale reprend l'esprit qui avait présidé à l'adoption de l'amendement présenté au Sénat.
Ce mécanisme s'inscrit dans le cadre du dispositif « pauvreté-précarité » issu de l'application de la loi du 1er décembre 1998, mais il laisse plus de liberté au Gouvernement pour définir précisément le champ d'application en fonction de l'expérience future du dispositif. Sur le fond, il n'y a donc pas désaccord entre le Sénat et l'Assemblée nationale à cet égard.
La difficulté tient au fait que je m'étais déjà opposé à la prise en compte, dans la fixation des tarifs, des caractéristiques locales, que vous voulez rétablir, dans la mesure où une telle disposition me paraît susceptible de porter atteinte à un principe fondamental que vous n'entendez certainement pas remettre en cause, celui de la péréquation nationale des tarifs, inscrite par ailleurs dans la loi.
Monsieur le rapporteur, le Sénat aurait toute garantie en renonçant à cet amendement parce que le texte de l'Assemblée nationale satisfait sur le fond à ce qu'a souhaité le Sénat en première lecture. Par ailleurs, en retirant cet amendement, vous lèveriez une contradiction avec les éléments contenus dans le texte sur la péréquation nationale des tarifs. En effet, qui dit fixation locale dit atteinte au principe de péréquation.
Je ne fais là aucun mauvais procès : je suis convaincu que le Sénat n'a pas voulu mettre en cause ce dispositif mais j'attire votre attention sur cette contradiction juridique.
M. le président. Monsieur le rapporteur, maintenez-vous votre amendement ?
M. Henri Revol, rapporteur. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 4.
M. Gérard Le Cam. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. En première lecture, la majorité sénatoriale était revenue sur un acquis majeur obtenu par les députés communistes, s'agissant de la création d'une tranche sociale de tarification de l'électricité.
Au cours de la seule année 1999, ce sont près de 250 000 coupures qui ont été effectuées. Non seulement une mesure aussi expéditive enfonce les familles les plus démunies dans l'exclusion, mais surtout elle porte atteinte à leur dignité et contribue à creuser l'écart entre les citoyens, qui peuvent pourtant tous prétendre au même droit à l'électricité.
Certes, EDF, avec l'appui des départements, a su réduire fortement le nombre de coupures en mettant en place différents systèmes comme le maintien d'énergie à 3 000 watts ou la venue d'un agent EDF avant toute décision de suppression de la fourniture.
Cependant, ces systèmes, à l'instar du « compteur-clef », s'ils ont le mérite d'exister, ont pour effet de placer les personnes concernées en situation d'assistanat.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale, s'inspirant des expériences en cours dans quatre communes d'Ile-de-France - Bobigny, La Courneuve, Clichy-sous-Bois et Bagnolet - doit permettre de prévenir les phénomènes d'exclusion en prévoyant une réduction des tarifs adaptée selon les situations diverses des familles.
Il ne s'agit, en aucun cas, d'un saupoudrage des moyens mis en oeuvre puisque les aides seront plus ou moins importantes selon le niveau de ressources du foyer.
Fondre la tranche sociale avec les dispositifs existants, comme nous le propose le rapporteur par cet amendement, aurait pour effet d'entretenir une situation qui n'est, à l'évidence, satisfaisante pour personne, ni pour les familles, qui se sentent humiliées, ni pour les agents d'EDF, qui sont confrontés au désarroi des populations en difficulé.
D'autres raisons nous amènent à voter contre cet amendement, notamment la mise en cause de la péréquation tarifaire puisqu'il est prévu que les tarifs tiennent compte des caractéristiques locales, précision ambiguë et dangereuse à notre sens. Serait également mise en cause la tarification au coût de revient, qui constitue un principe fondamental du service public.
Nous ne pouvons donc que nous opposer à l'acharnement de la majorité sénatoriale à vouloir s'attaquer au service public auquel les Français ont montré leur attachement et dont ils sont satisfaits. Je regrette que la majorité sénatoriale n'ait pas entendu ce message.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 4, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé.

Article 5