Séance du 20 décembre 1999







M. le président. Par amendement n° 78, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 32, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les obligations nées de la fourniture de produits sanguins par des personnes morales de droit privé agréées sur le fondement de la loi n° 52-854 du 21 juillet 1952 qui n'entrent pas dans le champ d'application du B de l'article 18 de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 sont transférées à l'Etablissement français du sang à la date de création de cet établissement public.
« L'application aux associations des dispositions de l'alinéa précédent est subordonnée à la condition qu'elles transfèrent à l'Etablissement français du sang leurs biens mobiliers et immobiliers acquis durant la période d'agrément et affectés à l'activité de transfusion sanguine, ainsi que les provisions pour risque transfusionnel qu'elles ont constituées.
« II. - L'antépénultième alinéa du B de l'article 18 de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme est ainsi complété :
« Les obligations nées de l'activité de transfusion sanguine des personnes morales de droit privé agréées sur le fondement de la loi n° 52-854 du 21 juillet 1952 qui, soit ont poursuivi l'exercice de cette activité au titre du 1° de l'article L. 668-1 du code de la santé publique issu de la loi n° 93-5 du 4 janvier 1993, soit étaient au 30 juin 1999 membres d'un groupement d'intérêt public mentionné au 2° du même article, sont transférées à l'Etablissement français du sang dans les mêmes conditions. »
« III. - Les juridictions judiciaires demeurent compétentes pour statuer sur les actions déjà engagées à la date de création de l'Etablissement français du sang contre les organismes privés dont la responsabilité est recherchée à raison de leur activité de transfusion, et aux droits et obligations desquels cet établissement est substitué selon les modalités fixées par l'antépénultième alinéa du B de l'article 18 de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme, ou en application du I du présent article. Elles sont également compétentes pour statuer sur les actions à venir ayant le même objet, dans la mesure où elles ne mettraient pas en cause l'activité propre de l'Etablissement français du sang, mais ne le concerneraient qu'en tant qu'il vient aux droits et obligations de ces mêmes organismes privés, en application, selon le cas, des dispositions de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 précitée ou de la présente loi. »
La parole est à M. le ministre.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il s'agit d'un amendement visant à clarifier le statut de contentieux portant sur la transfusion sanguine. Nous en débattons ce soir à une heure tardive, car, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de finances rectificative pour 1999 comporte, comme je l'ai indiqué dans mon intervention liminaire, une ouverture de crédits de 350 millions de francs en faveur de l'Etablissement français du sang, qui, à compter du 1er janvier prochain, reprendra l'ensemble des activités de transfusion sanguine dans notre pays.
En effet, je rappelle que la loi du 1er juillet 1998, qui trouvait d'ailleurs son origine dans une proposition de loi émanant du Sénat, a institué l'Etablissement français du sang et a profondément réformé le secteur de la transfusion sanguine.
Elle a notamment prévu que ce nouvel établissement reprendrait les activités de transfusion sanguine existantes, avec les droits et les obligations qui y sont attachés. De ce fait, les contentieux transfusionnels impliquant des centres de transfusion encore en fonctionnement seront automatiquement repris par l'Etablissement français du sang.
En revanche, le sort des contentieux impliquant des centres de transfusion aujourd'hui disparus ou dont l'activité de transfusion a cessé n'a pas été réglé par la loi du 1er juillet 1998. Vous comprendrez donc le souci du Gouvernement, à la veille de la mise en place de ce nouvel établissement public, d'apporter une réponse à ces questions qui restent en suspens.
Certes, cela ne représente qu'un petit nombre de dossiers, mais qui renvoient souvent à des situations difficiles. Il en est notamment ainsi pour des victimes d'une contamination transfusionnelle qui ont obtenu une décision de justice reconnaissant leur droit à indemnisation mais qui ne peuvent la faire exécuter du fait de la disparition ou de l'insolvabilité de la structure responsable.
L'amendement du Gouvernement vise donc avant tout à transférer à l'Etablissement français du sang les contentieux relatifs aux anciens centres de transfusion sanguine.
Par ailleurs, afin de ne pas transférer que des charges, il prévoit aussi le transfert des actifs éventuels des structures en cause.
Dans son paragraphe II, cet amendement tend en outre à modifier les dispositions de la loi du 1er juillet 1998 en prévoyant, pour les structures qui ont poursuivi leur activité transfusionnelle après la promulgation de la loi du 4 janvier 1993 ou qui étaient membres d'un groupement d'intérêt public au 30 juin 1999, des modalités conventionnelles de transfert, à l'instar de ce que stipule déjà la loi pour les centres de transfusion sanguine.
Enfin, pour éviter que ce transfert n'induise une modification des compétences des juridictions, il est prévu que les tribunaux judiciaires resteront compétents. En effet, ceux-ci ont eu à connaître des contentieux impliquant des associations. L'Etablissement français du sang étant un établissement public à dominante plus administrative qu'industrielle ou commerciale, ces contentieux relèveront du juge administratif. Cette règle de compétence est importante, car elle évite que les dossiers en cours ne donnent lieu à une nouvelle procédure, qui allongerait inutilement les délais pour les plaignants.
Je conclurai en indiquant que, sur le plan budgétaire, le ministère de l'emploi et de la solidarité estime à 20 millions de francs le montant des charges nettes correspondant à ces transferts. Ces crédits sont inclus, je vous rassure sur ce point, dans ceux qui sont alloués par le Gouvernement à l'Etablissement français du sang par ce projet de loi de finances rectificative.
En résumé, afin de parfaire le travail qui avait été entamé par le biais de la loi du 1er juillet 1998, j'invite le Sénat à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit ici d'un sujet grave, qui mériterait un autre traitement que l'examen d'un amendement très technique déposé à vingt-trois heures par le Gouvernement. Le problème est connu depuis des mois. Si les services de l'Etat avaient été mieux coordonnés, il aurait pu être résolu de façon normale, par le biais d'un texte présenté par le Gouvernement, en respectant toutes les procédures et en procédant à toutes les concertations nécessaires.
J'ajoute que ce grave sujet est traité au détour d'une disposition du projet de loi de finances rectificative que je crois très similaire à un cavalier budgétaire. Ainsi, vous venez d'établir une relation assez ténue, monsieur le ministre, avec une somme de 20 millions de francs incluse dans les crédits ouverts au titre de la santé par ce même projet de loi de finances rectificative, mais, à l'examen, cet amendement apparaît essentiellement juridique, et nous ne pouvons d'ailleurs pas savoir s'il ne contient pas des quasi-validations. En effet, la commission n'a pas pu se réunir pour l'examiner, aussi ne sommes-nous évidemment pas en mesure, malgré l'énergie de nos collaborateurs, d'épuiser tous les aspects que peut receler un tel texte.
Permettez-moi de dire, monsieur le ministre, que nous ne pouvons vraiment pas accepter de telles méthodes de travail, qui ne sont véritablement pas dignes du Parlement ni du Gouvernement, et encore moins des victimes de la contamination par transfusion sanguine. En effet, ces personnes ont droit à une indemnisation correcte définie dans un cadre juridique adéquat elles ont droit a un examen méthodique de leurs difficultés, auxquelles il faut apporter des solutions.
Sur le fond, il s'agit là d'un domaine qui ne peut être abordé correctement, compte tenu de tous les travaux antérieurs, que par la commission des affaires sociales. Ce n'est pas en séance publique, sans réunions de commission préalables et en petit nombre, que l'on peut, de manière satisfaisante, traiter un tel dossier, qui impose une saisine au fond de la commission des affaires sociales.
Au cours du premier semestre de 2000 viendra d'ailleurs en discussion un projet de loi portant diverses mesures d'ordre social qui, si je ne me trompe, comportera de nombreuses dispositions.
L'amendement qui nous est présenté, de nature essentiellement juridique et concernant spécifiquement le secteur social, trouvera à mon sens beaucoup plus logiquement sa place dans un tel projet de loi que dans le projet de loi de finances rectificative.
Je ne peux donc, monsieur le ministre, qu'émettre un avis défavorable sur votre amendement.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je comprends très bien que M. le rapporteur général critique le dépôt tardif du présent amendement, d'autant que celui-ci est complexe.
Cela étant, je tiens à vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que le texte qui vous est proposé représente une avancée s'inscrivant dans le droit-fil des travaux qui ont été menés par la Haute Assemblée, sous l'égide, en particulier, de M. Claude Huriet.
M. le rapporteur général a évoqué les victimes des contaminations par transfusion sanguine, qui sont également au coeur des préoccupations du Gouvernement. Je pense notamment ici aux personnes qui, ayant obtenu une décision de justice en leur faveur, ne peuvent être effectivement indemnisées pour l'unique raison que la personne morale responsable de la transfusion a disparu ou est insolvable. Or c'est bien pour régler ces cas douloureux que le Gouvernement soumet cet amendement au Sénat.
S'il le fait aujourd'hui, à cette heure que je sais tardive, c'est tout simplement parce qu'il lui paraît important de ne pas attendre l'adoption d'un futur projet de loi portant diverses mesures d'ordre social pour clarifier les règles qui permettront à l'Etablissement français du sang, dont la création résulte, encore une fois, des réflexions de la Haute Assemblée, de remplir ses nouvelles missions à compter du 1er janvier prochain.
Par conséquent, je crois important, dans l'intérêt même des victimes de centres de transfusion sanguine ayant disparu ou étant devenus insolvables, d'adopter cet amendement, ce qui représentera, pour les personnes concernées, en cette fin d'année, une bonne nouvelle.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 78.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Ayant présidé un centre de transfusion sanguine dans les années passées, je comprends la situation ; en cette fin d'année, je voterai donc, pour ma part, l'amendement présenté par le Gouvernement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est inadmissible, monsieur le président ! Nous ne pouvons pas accepter, quels que soient les sujets, d'être traités comme nous le sommes.
Le texte en question est prêt depuis des mois. Le sujet n'est pas récent. Et le Gouvernement arrive à la dernière minute de la discussion du texte de la session pour nous faire avaler, sans examen possible, sans esprit critique possible, en l'absence des spécialistes de ce sujet, un dispositif juridique complexe. Ce n'est pas de la législation, et c'est indigne du Parlement !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 78, repoussé par la commission.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

Coordination