Séance du 20 décembre 1999







M. le président. Par amendement n° 26, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Thierry Foucaud, Paul Loridant, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 21, un article additionnel ainsi rédigé :
« I - Dans le premier alinéa de l'article 1414 C du code général des impôts, le taux "3,4 %" est remplacé par le taux "3 %".
« II - Le taux prévu à l'article 219 du code général des impôts est relevé à due concurrence. »
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, cet amendement est un texte d'appel, en quelque sorte.
Il vise à minorer le poids de la taxe d'habitation acquittée par les redevables de cet impôt qui perçoivent des revenus moyens, mais qui sont pourtant le plus souvent imposables au titre de l'impôt sur le revenu.
Nous avons maintes fois eu l'occasion de souligner, dans des débats budgétaires antérieurs et encore lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2000, à quel point il convenait de procéder à une sensible modification des règles du jeu en matière d'impositions directes locales.
Les dispositions d'ores et déjà votées ont marqué une première évolution : réduction de la taxe d'habitation pour les revenus les plus modestes, prise en compte du quotient dans le calcul du revenu fiscal de référence, etc.
Toujours est-il que nous sommes encore relativement loin du compte, notamment au regard de la persistance d'un déséquilibre entre le traitement accordé aux impôts directs locaux payés par les particuliers et ceux qui sont acquittés par les entreprises.
Vous me permettrez de souligner à nouveau le fait que, lorsque plus des trois quarts de la prise en charge par l'Etat des impôts locaux sont consacrés à la seule taxe professionnelle, il y a là une relative distorsion de traitement.
Nous pensons en particulier qu'un haut niveau de prélèvement par la voie de la taxe d'habitation et, a fortiori, de la taxe foncière sur les ménages est aussi dommageable pour l'emploi ou la consommation que peut l'être la taxe professionnelle.
Par cet amendement, nous vous invitons à corriger le montant dû au titre de la taxe d'habitation par un certain nombre de contribuables ; cette correction jouera dans un certain nombre de communes urbaines où les taux et bases d'imposition sont relativement élevés mais où il convient de faciliter la présence de certaines catégories sociales.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission souhaiterait entendre l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. L'avis du Gouvernement n'est pas très favorable pour une raison que je vais vous expliquer, madame Beaudeau.
Votre amendement vise à ramener de 3,4 % à 3 % du revenu la cotisation de la taxe d'habitation au bénéfice des contribuables dont le total des revenus ne dépasse pas un certain plafond.
En la matière, si l'on vous suivait, même si votre intention est bonne à l'évidence, je pense que cette disposition pourrait introduire une certaine incohérence dans le dispositif de prise en charge par l'Etat de la personnalisation de la taxe d'habitation. Il me semble préférable d'aller vers une réforme plus large de la taxe d'habitation - nous allons y travailler ensemble - en vue de l'année 2001, voire dès l'année 2000, si nous enregistrons un certain nombre de surplus fiscaux.
Je crois préférable d'aménager la taxe d'habitation et les dégrèvements en visant les redevables qui disposent des revenus les plus faibles. Nous avons engagé cette démarche, d'abord en réduisant le montant au dessous duquel la cotisation de taxe d'habitation n'est plus exigible - 1 200 francs au lieu de 1 500 francs - et ce sur l'initiative de vos amis, voire de vos camarades, ensuite en maintenant les dégrèvements de cotisation de taxe d'habitation au bénéfice des titulaires du RMI qui retrouvent un emploi.
L'amendement que vous proposez est un appel à une modification de la taxe d'habitation ; nous allons y travailler ensemble. Je vous invite à être patiente, madame Beaudeau, nous ferons ensemble du bon travail d'ici à l'année 2001. Ayant entendu votre appel, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. Sinon, j'en demanderai le rejet.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le gage n'étant pas tout à fait convenable, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Madame Beaudeau, l'amendement n° 26 est-il maintenu ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, je vous ai bien entendu. Je sais qu'une réforme de la taxe d'habitation nous sera présentée rapidement, du moins nous l'espérons. Vous avez parlé des plus-values fiscales. Fin février, les chiffres exacts seront connus. A ce moment-là, il sera possible d'engager cette grande réforme de la taxe d'habitation.
Notre amendement est un amendement d'appel. Au moment de la réforme et des mesures qui nous seront alors proposées, nous veillerons à la prise en compte du cas des personnes disposant de revenus moyens. Soyez persuadés que nous ferons en sorte que les populations concernées qui le souhaitent puissent continuer à vivre dans des communes urbaines mais qui sont parfois lourdement imposées.
Cela étant dit, je retire l'amendement n° 26.
M. le président. L'amendement n° 26 est retiré.
Par amendement n° 75, M. Marini, au nom de la commission, propose d'insérer, après l'article 21, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 5 de l'article 38 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, les sommes correspondant à la répartition, prévue au sixième alinéa de l'article 22 de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et portant création des fonds communs de créances, d'une fraction des actifs d'un fonds commun de placement à risques qui remplit les conditions prévues au 1° bis du II de l'article 163 quinquies B, sont affectées en priorité au remboursement des apports. L'excédent des sommes réparties sur le montant des apports est compris dans le résultat imposable de l'exercice au cours duquel cet excédent apparaît. Il est soumis au régime fiscal des plus-values à long terme dans la proportion existant entre le montant des apports effectués depuis au moins deux ans à la date de la répartition et le montant total des apports effectués à cette même date. »
« II. - La deuxième phrase du I de l'article premier de la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier est ainsi rédigée :
« Sont pris en compte pour le calcul de la proportion de 50 % les parts, actions, obligations convertibles ou titres participatifs des sociétés ayant leur siège dans un Etat de la Communauté européenne, dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé français ou étranger, qui sont soumises à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun au taux normal ou qui y seraient soumises dans les mêmes conditions si l'activité était exercée en France, et qui ont pour objet exclusif de détenir des participations, soit dans des sociétés qui répondent aux conditions prévues pour que leurs titres soient inclus dans le quota de 50 % en cas de participation directe de la société de capital-risque, soit dans des sociétés ayant leur siège dans un Etat de la Communauté européenne, dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé français ou étranger, qui sont soumises à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun au taux normal ou qui y seraient soumises dans les mêmes conditions si l'activité était exercée en France, et qui ont pour objet exclusif de détenir des participations qui répondent aux conditions prévues pour que leurs titres soient inclus dans le quota de 50 % en cas de participation directe de la société de capital-risque. »
« III. - Les dispositions du I s'appliquent pour l'imposition des sommes réparties au cours des exercices clos à compter du 31 décembre 1999 et les dispositions du II sont applicables aux exercices clos à compter du 31 décembre 1999.
« IV. - La perte de recettes résultant des I et II est compensée par une augmentation à due concurrence du droit de consommation visé à l'article 575 du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement devrait permettre - du moins la commission le souhaite-t-elle - de régler des questions importantes pour le devenir des fonds communs de placement à risques et des sociétés de capital-risque. Nous avions évoqué ce sujet lors de la discussion du projet de loi de finances à propos d'un amendement de Paul Loridant...
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Absolument !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...que la commission n'était pas en mesure d'examiner correctement, compte tenu du délai, compte tenu de sa longueur et d'un certain nombre d'autres éléments.
Nous voudrions ici, j'allais dire dans le même esprit, atteindre deux objectifs.
En premier lieu, nous souhaitons préciser le régime d'imposition des sommes réparties par un fonds commun de placement à risques et harmoniser les règles comptables et fiscales en prévoyant que les distributions d'avoirs réalisées par un FCPR et correspondant au prix de cession de ces titres soient considérées comme affectées en priorité au remboursement des apports des investisseurs. C'est un mécanisme d'amortissement des parts.
Ces sommes ne seraient donc pas imposables à concurrence du montant effectivement libéré non encore amorti des parts concernées et viendraient diminuer le prix de revient ou prix d'acquisition des parts.
En conséquence, le porteur serait imposé sur l'excédent des sommes distribuées par rapport au montant de son apport au titre de l'exercice au cours duquel ledit excédent apparaîtrait. Celui-ci serait soumis au régime des plus-values à court terme si les parts de fonds commun sont détenues depuis moins de deux ans par l'investisseur, et à celui des plus-values à long terme si elles sont détenues depuis plus de deux ans.
En second lieu, il s'agit d'assouplir les conditions d'éligibilité au quota de 50 % que doivent respecter les fonds communs de placement à risques. Il faut rappeler que 50 % au moins de la situation nette comptable d'une société de capital-risque ou de l'actif d'un fonds commun de placement à risques doivent être constitués de titres - actions, ou par obligations convertibles ou titres participatifs - de sociétés ayant leur siège dans un Etat de l'Union européenne dont les actions ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé français ou étranger.
Sont également pris en compte, dans la proportion de 50 %, les titres des holdings de droit français, sociétés françaises non cotées soumises à l'impôt sur les sociétés dont l'activité exclusive est de gérer des participations dans des sociétés répondant elles-mêmes aux conditions précitées.
Notre amendement tend à rendre éligible au quota de 50 % les titres de holdings et les titres de holdings de holdings implantées dans un pays de l'Union européenne.
Cela permettrait aux fonds communs de placement à risques, seules entités de droit français comparables aux « véhicules » américains ou britanniques traditionnellement utilisés pour les investissements dans les sociétés non cotées, de racheter des titres de sociétés de l'Union européenne organisées, comme c'est maintenant fréquemment le cas, avec une holding de tête.
Tel est l'essentiel des dispositions que comporte cet amendement, qui, je l'espère et je le crois, répond aux attentes des professionnels concernés et de l'Association française des investisseurs en capital, laquelle a, je le sais, travaillé pendant plusieurs mois avec les services de l'administration sur ce sujet en vue d'aboutir à une solution opérationnelle dès le 31 décembre 1999.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cette idée, qui a été abordée pour la première fois lors de la première lecture par la Haute Assemblée du projet de loi de finances pour 2000, a - les débats qui nous réunissent aujourd'hui, le montrent - fait du chemin depuis qu'elle a été proposée par M. Loridant !
Votre amendement comporte en effet, monsieur le rapporteur général, un double objet.
D'une part, il tend à apporter des précisions sur le régime d'imposition applicable aux sommes réparties par les fonds communs de placement à risques, précisions qui étaient, vous l'avez souligné, attendues des professionnels.
Si notre vocation n'est pas forcément de donner satisfaction aux professionnels, elle est, en effet, de permettre aux nouvelles entreprises qui se créent dans notre pays, qui seront porteuses de richesse et créatrices d'emplois, de disposer des moyens financiers nécessaires à leur activité.
D'autre part, votre amendement vise à permettre aux structures de capital-risque établies en France de participer à des opérations de financement d'entreprises à l'échelon européen et, là encore, les préoccupations qui sous-tendent votre amendement rejoignent les souhaits du Gouvernement.
En rendant hommage, si je puis dire, à son père indirect, le Gouvernement émet donc un avis tout à fait favorable à cet amendement et lève le gage.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 75 rectifié.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 75 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances rectificative, après l'article 21.

Article additionnel avant l'article 21 bis