Séance du 20 décembre 1999







M. le président. « Art. 14. - I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
« 1° Il est inséré un article 151 octies A ainsi rédigé :
« Art. 151 octies A . - I. - Les personnes physiques associées d'une société civile professionnelle peuvent bénéficier des dispositions prévues à l'article 151 octies pour les plus-values nettes d'apport, sur lesquelles elles sont personnellement imposables en application de l'article 8 ter , réalisées par cette société à l'occasion d'une fusion, d'un apport partiel d'actif portant sur une branche complète d'activité ou d'une scission, lorsque chacune des sociétés bénéficiaires de la scission reçoit une ou plusieurs branches complètes d'activité et que les titres rémunérant la scission sont répartis proportionnellement aux droits de chaque associé dans le capital de la société scindée.
« Il est mis fin au report d'imposition de la plus-value nette afférente aux immobilisations non amortissables :
« 1° Pour sa totalité, en cas de perte totale de la propriété de ces immobilisations, des titres reçus en rémunération de la fusion, de la scission ou de l'apport partiel d'actif ou des titres de la société ayant réalisé un tel apport ;
« 2° A hauteur de la plus-value afférente à l'immobilisation cédée, en cas de perte partielle de la propriété des immobilisations non amortissables ; en cas de moins-value, celle-ci vient augmenter le montant de la plus-value nette encore en report ;
« 3° Dans la proportion des titres cédés, en cas de perte partielle de la propriété des titres reçus en rémunération de la fusion, de la scission ou de l'apport partiel d'actif ou des titres de la société ayant réalisé un tel apport ; dans ce cas, la fraction ainsi imposée est répartie sur chaque immobilisation non amortissable dans la proportion entre la valeur de cette immobilisation à la date de la fusion, de la scission ou de l'apport partiel d'actif et la valeur, déterminée à cette même date, de toutes les immobilisations non amortissables conservées.
« II. - En cas d'option pour le dispositif prévu au I, l'imposition de la plus-value d'échange de titres constatée par l'associé de la société civile professionnelle absorbée ou scindée est reportée jusqu'à la perte de la propriété des titres reçus en rémunération de la fusion ou de la scission.
« En cas d'échange avec soulte, la plus-value réalisée est, à concurrence du montant de la soulte reçue, comprise dans le bénéfice de l'exercice au cours duquel intervient l'échange. Le montant imposable peut être soumis au régime des plus-values à long terme prévu à l'article 39 duodecies , dans la limite de la plus-value réalisée sur les titres détenus depuis deux ans au moins.
« Ces dispositions ne sont pas applicables si la soulte dépasse 10 % de la valeur nominale des parts ou des actions attribuées ou si la soulte excède la plus-value réalisée. Elles sont exclusives de l'application du dispositif visé au V de l'article 93 quater .
« III. - En cas de transmission à titre gratuit à une personne physique des titres reçus en rémunération de la fusion, de la scission ou des titres de la société ayant réalisé l'apport partiel d'actif, le report d'imposition mentionné aux I et II peut être maintenu si le bénéficiaire de la transmission prend l'engagement d'acquitter l'impôt sur les plus-values à la date où l'un des événements visés aux troisième, quatrième et cinquième alinéas du I et au II viendrait à se réaliser à nouveau.
« IV. - Les personnes physiques mentionnées au I sont soumises aux dispositions prévues à l'avant-dernier et au dernier alinéas du II de l'article 151 octies.
« 2° Aux I et II de l'article 54 septies , après les mots : "151 octies ," sont insérés les mots : "151 octies A," ;
« 3° L'article 151 octies est ainsi modifié :
« a) Au second alinéa du a du I, les mots : "en cas de transformation de la société civile professionnelle en société d'exercice libéral, jusqu'à la date de cession, de rachat ou d'annulation des parts ou actions de l'apporteur ou du bénéficiaire de la transmission mentionné au même alinéa" sont remplacés par les mots : "en cas d'opérations soumises aux dispositions du I de l'article 151 octies A ou de transformation de la société civile professionnelle en société d'exercice libéral. Il est mis fin à ce report lorsqu'intervient l'un des événements mentionnés à ce même I" ;
« b) Le IV est abrogé ;
« 4° Le deuxième alinéa du II de l'article 93 quater est ainsi modifié :
« a) A la première phrase, après les mots : "maintenu en cas", sont insérés les mots : "d'opérations soumises aux dispositions du I de l'article 151 octies A ou" ;
« b) A la seconde phrase, le mot : "transformation" est remplacé par les mots : "réalisation des opérations soumises aux dispositions du I de l'article 151 octies A ou de la transformation de la société civile professionnelle en société d'exercice libéral" ;
« 5° Il est inséré un article 202 quater ainsi rédigé :
« Art. 202 quater. - I. - Par dérogation aux dispositions de l'article 202, lorsqu'un contribuable imposable dans les conditions prévues au 1 de cet article devient, pour exercer sa profession, associé d'une société mentionnée aux articles 8 et 8 ter ou d'une société d'exercice libéral mentionnée à l'article 2 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, le bénéfice imposable peut être déterminé en faisant abstraction des créances acquises au sens des dispositions des 2 et 2 bis de l'article 38 et des dépenses engagées, au titre des trois mois qui précèdent la réalisation de l'événement qui entraîne l'application de l'article 202, et qui n'ont pas été encore recouvrées ou payées au cours de cette même période, à condition qu'elles soient inscrites au bilan de cette société.
« Ces dispositions sont également applicables, dans les mêmes conditions, en cas d'opérations visées au I de l'article 151 octies A.
« Par dérogation au I de l'article 202 ter , ces mêmes dispositions s'appliquent lorsqu'une société mentionnée aux articles 8 et 8 ter , exerçant une activité libérale, cesse d'être soumise au régime prévu par ces articles du fait d'une option pour le régime applicable aux sociétés de capitaux, exercée dans les conditions prévues au 1 de l'article 239.
« II. - Lorsque les dispositions du I s'appliquent, les créances et les dettes qui y sont mentionnées sont prises en compte pour la détermination du résultat imposable de la société qui les recouvre ou les acquitte, au titre de l'exercice en cours au premier jour du mois qui suit la période de trois mois mentionnée au premier alinéa de ce même I ou au titre de l'année de leur encaissement ou de leur paiement, lorsque le résultat de la société est déterminé selon les règles prévues à l'article 93.
« III. - Les dispositions des I et II s'appliquent sur option conjointe du contribuable visé au I et des sociétés mentionnées au II.
« IV. - Les dispositions du I s'appliquent pour l'imposition des revenus des contribuables pour lesquels l'application de l'article 202 résulte d'un événement intervenu entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2002.
« 6° Le troisième alinéa du 1 de l'article 239 est supprimé ;
« 7° Au sixième alinéa du III de l'article 810, les mots : "31 décembre 1998" sont remplacés par les mots : "31 décembre 2001".
« II. - Les dispositions des 1° à 4° du I s'appliquent aux opérations réalisées à compter du 1er janvier 2000 et les dispositions du 6° du I sont applicables pour l'imposition des résultats des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2000.
« Par amendement n° 40, M. Marini, au nom de la commission, propose, dans le premier alinéa du I du texte présenté par le 1° du I de l'article 14 pour l'article 151 octies A du code général des impôts, de remplacer les mots : « associées d'une société civile professionnelle » par les mots : « membres d'une société ou d'un groupement soumis au régime des sociétés de personnes et exerçant une profession réglementée » et de remplacer les mots : « de l'article 8 ter » par les mots : « des articles 8 et 8 ter ».
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je rappelle tout d'abord que l'article 14 vient à bon escient.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ah !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le ministre, s'agissant de sujets techniques, il n'y a aucune espèce de raison de faire de la politique entre nous. Ce n'est pas parce que cela vient du ministère des finances et que cela figure dans un texte que vous nous proposez que nous ne voyons pas les choses telles qu'elles sont !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En l'occurrence, il s'agit de faciliter l'exercice des activités libérales sous forme de sociétés, d'encourager l'option de ces sociétés pour l'impôt sur les sociétés et de favoriser les regroupements de sociétés civiles professionnelles.
Chacun le sait, le marché des services est aujourd'hui soumis à une très rude concurrence, notamment dans les professions du droit. Il faut donc trouver des solutions permettant aux cabinets de la place de Paris d'être plus compétitifs, de se regrouper, de se rassembler, le cas échéant, si les uns ou les autres le désirent. Toutefois, des dispositions fiscales constituent des obstacles forts à ces rassemblements, à ces regroupements, en particulier s'agissant de l'imposition immédiate des plus-values dégagées par de telles opérations.
Dans le droit fiscal tel qu'il existe, le changement de forme juridique d'une exploitation libérale vaut dissolution de l'activité, liquidation fiscale des comptes, en quelque sorte, et donc taxation d'un certain nombre d'éléments qui apparaissent en plus-values. Il faut manifestement mettre fin à ces obstacles fiscaux. Si on ne le fait pas, il est tout à fait clair que la matière grise, qui est déterminante dans ces domaines, s'expatriera de plus en plus, rejoindra des réseaux internationaux. Monsieur le ministre, l'article 14 vient donc à bon escient, je le maintiens.
Néanmoins, quelques améliorations peuvent être apportées. Avec cet amendement n° 40, nous voudrions en particulier étendre à toutes les sociétés civiles soumises au régime des sociétés de personnes, y compris, par conséquent, les sociétés en participation, le report d'imposition des plus-values d'apport et d'échange de titres en cas de fusion, scission ou apport partiel d'actifs.
Les sociétés en participation sont des groupements sans personnalité morale, des formes juridiques utilisées dans certains cas par des cabinets économiquement tout à fait significatifs. Si l'on n'applique pas l'article 14 à ces formes juridiques, le champ couvert par l'article ne sera pas complet, et la réforme ici prévue n'aura pas sa pleine efficacité.
Les groupements dont il s'agit sont reconnus par le droit civil, le droit des sociétés. En termes de droit fiscal, ils peuvent être soit transparents, soit soumis à l'impôt sur les sociétés à leur propre niveau.
J'ajoute qu'en termes juridiques, et contrairement à des réponses qui nous ont été faites, il n'est pas exclu de fusionner des groupements dont certains seraient dépourvus de personnalité juridique. L'article 1844-4 du code civil, qui prévoit le principe même des fusions de sociétés, concerne toutes les sociétés, sans distinguer suivant qu'elles jouissent ou non de la personnalité morale.
Il semble donc que l'on n'ait pas d'arguments de droit pour refuser l'extension de l'article 14 à l'ensemble de ces structures.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Comme l'a dit M. Philippe Marini, l'article 14 vient à bon escient, puisqu'il a pour objet d'aider nos cabinets d'avocats, notamment, à mieux résister, sans traumatisme fiscal, à une pression anglo-saxonne particulièrement vive en se dotant de structures qui leur permettent d'être plus solides et de recruter des collaborateurs de grande valeur.
Si l'article vient à bon escient, je ne suis absolument pas certain qu'il en soit de même pour l'amendement n° 40 défendu par M. Philippe Marini.
Si j'ai bien compris, monsieur le rapporteur général, votre amendement vise les sociétés en participation qui sont utilisées par certaines professions libérales pour exercer leurs activités. Votre objectif, avec cet amendement, serait de permettre le passage, sans frottement fiscal - je trouve l'image jolie - de la structure actuelle de société en participation à une société de droit.
Votre préoccupation est légitime, mais je pense - c'est un débat technique assez complexe - que votre amendement ne permet pas d'y répondre. En effet, les sociétés en participation, même si elles étaient visées par le texte, ne pourraient pas répondre aux conditions de ce régime : d'une part, elles n'exercent pas d'activité réglementée dont chaque associé reste juridiquement titulaire et d'autre part, dépourvues de personnalité morale et de patrimoine, elles ne peuvent participer à des opérations de fusion ou assimilées caractérisées par la transmission universelle de patrimoine. Il y a sur ce point, semble-t-il, un différend entre la chancellerie et vous-même.
Il existe une autre solution qui permet non seulement la transformation en société de droit sans frottement fiscal, mais également les restructurations ultérieures avec le bénéfice du nouveau dispositif de neutralité fiscale qui est prévu par l'article 151 octies A du code général des impôts.
Je vous remets en mémoire une doctrine administrative qui a été exposée, notamment, le 25 mai 1987 à l'occasion d'une réponse à M. Barrot, et qui a été reprise dans la documentation administrative 4 H 625 du 12 juillet 1997.
Cette doctrine administrative permet de ne procéder ni à la taxation immédiate des bénéfices ni à celle des plus-values latentes sur actifs immobilisés en cas de passage d'une société en participation à une société de droit. Il me semble donc que la solution que vous recherchez existe déjà dans la doctrine administrative.
Cela dit, il serait nécessaire de prévoir doctrinalement - puisque nous sommes là à un niveau très élevé de réflexion - un sursis d'imposition pour les plus-values réalisées par les associés de la société en participation à l'occasion de sa dissolution lorsque la clientèle est détenue en propriété indivise par la société en participation.
Enfin - ce sera ma dernière remarque - il est souligné que le régime défini au projet d'article 202 quater nouveau du code général des impôts, qui prévoit l'atténuation des créances acquises dans des situations visées par l'article 151 octies nouveau de ce code, s'appliquera aux associés des sociétés en participation ou de sociétés créées de fait.
J'espère que ces précisions, dont la clarté ne vous aura pas échappé, répondent entièrement à vos préoccupations et que, monsieur le rapporteur général, vous voudrez bien, ainsi apaisé, retirer votre amendement. A défaut, j'en demanderai le rejet.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je m'efforce d'assimiler toutes les informations importantes et détaillées que nous a transmises M. le ministre.
Si je comprends bien, de deux choses l'une : soit l'amendement que j'ai présenté est satisfait par les textes et les interprétations dont il nous a rappelé l'existence, soit l'amendement que j'ai présenté est un amendement de prudence qui n'aurait lieu de s'appliquer qu'à un nombre de situations extrêmement réduit.
J'aimerais, monsieur le ministre, que vous me confirmiez que l'amendement n° 40 est bien satisfait par la situation de droit que vous avez décrite.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Oui, je peux répondre très clairement à M. le rapporteur général que son amendement est satisfait.
Cela dit, monsieur le rapporteur général, après que vous aurez retiré cet amendement, si vous le souhaitez, nos spécialistes pourront dialoguer ensemble pour que la lumière complète soit faite. Mais, pour l'instant, à votre question claire, je réponds clairement : la doctrine administrative prend déjà en compte votre préoccupation.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Compte tenu de la réponse de M. le ministre, je pense qu'il faudrait rectifier l'amendement en supprimant les mots « ou d'un groupement ».
Mme Marie-Claude Beaudeau. Toujours plus !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Non, c'est moins ! Ce n'est pas une innovation par rapport au droit existant, comme l'a dit M. le ministre.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Mais si, toujours plus !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais non, c'est trois mots de moins, ma chère collègue. (Sourires.)
Je suggère cette rectification dans la mesure où, d'après les informations données par M. le ministre, s'agissant des groupements, l'amendement a satisfaction dans le droit existant.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 40 rectifié, ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa du I du texte proposé par le 1° du I de l'article 14 pour l'article 151 octies A du code général des impôts, remplacer les mots : "associées d'une société civile professionnelle" par les mots : "membres d'une société soumise au régime des sociétés de personnes et exerçant une profession réglementée" et remplacer les mots : "de l'article 8 ter " par les mots : "des articles 8 et 8 ter ". »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Après ce dialogue d'une haute technicité et d'une haute élévation, je serai favorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 40 rectifié, accepté par le Gouvernement.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 41, M. Marini, au nom de la commission, propose :
I. - De remplacer les deuxième, troisième, quatrième et cinquième alinéas du I du texte proposé par le 1° du I de cet article pour l'article 151 octies A du code général des impôts par deux alinéas ainsi rédigés :
« En cas de cession totale ou partielle des immobilisations non amortissables, il est mis fin au report d'imposition à hauteur de la plus-value afférente à l'immobilisation cédée. Si la cession partielle fait apparaître une moins-value, celle-ci vient augmenter le montant de la plus-value nette encore en report.
« En cas de cession, de rachat ou d'annulation des titres reçus en rémunération de la fusion, de la scission ou de l'apport partiel d'actif, ou des titres de la société ayant réalisé un tel apport, il est mis fin au report d'imposition dans la proportion des titres cédés, rachetés ou annulés ; dans ce cas la fraction ainsi imposée est répartie sur chaque immobilisation non amortissable dans la proportion entre la valeur de cette immobilisation à la date de la fusion, de la scission ou de l'apport partiel d'actif et la valeur, déterminée à cette même date, de toutes les immobilisations non amortissables conservées. »
II. - En conséquence, au III dudit texte de remplacer les mots : « visés aux troisième, quatrième et cinquième alinéas du I » par les mots : « visés aux deuxième et troisième alinéas du I ».
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous sommes toujours dans le même dispositif. Cet amendement préconise une expression juridique peut-être plus précise.
Considérons des professionnels qui se rapprochent. Pendant cette période, les taxes qui auraient été dues se trouveront suspendues, nous serons en régime suspensif ou en report d'imposition.
Cette situation prendra fin, dit le texte, lorsque le détenteur des titres correspondants, des droits correspondants, en aura perdu la propriété.
Or cette notion de « perte de propriété » lui paraissant un peu floue par certains aspects, la commission propose une énumération plus précise des faits susceptibles de mettre fin au report d'imposition des plus-values d'apport, sur le modèle des autres régimes similaires.
La notion de perte de propriété, n'étant définie ni civilement ni fiscalement, laisse une trop grande marge de manoeuvre ou d'appréciation aux administrations.
En la matière, nous nous efforçons d'être fidèles - n'est-ce pas, monsieur Lambert - à la tradition de Portalis.
Il me semble qu'en adoptant un tel amendement le Sénat exercerait la plénitude de ses compétences sans pour autant remettre en cause en quoi que ce soit la philosophie du texte proposé.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je comprends que le Sénat souhaite, selon l'expression consacrée, « épuiser sa compétence ». Mais je crois qu'en la matière, la rédaction que le Gouvernement a proposée est plus claire et plus précise. Elle a d'ailleurs été élaborée, tout particulièrement en ce qui concerne les alinéas que vous avez souhaité réécrire, en concertation avec le Conseil d'Etat.
Je pense, pour ma part, qu'il est préférable d'utiliser la notion, bien connue de tous les spécialistes du droit des biens, de perte de propriété plutôt que de recourir, comme vous l'avez fait, à une énumération dont le caractère nécessairement limité nous expose donc, monsieur le rapporteur général, au risque d'une omission.
Ce qui est visé par le texte, c'est bien tout événement, quel qu'il soit, qui aboutit au dessaisissement des biens par la société ou des titres par l'associé.
Dans ces conditions, monsieur le rapporteur général, je pense que vous pourriez retirer cet amendement. Sinon, j'en demanderai le rejet.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. J'ai le sentiment que je vais prendre connaissance d'un nouvel article du code civil qui m'avait échappé malgré les longues années que j'ai consacrées à la lecture de cet ouvrage.
En effet, je ne connais pas la notion de perte de propriété. Apparemment, le Conseil d'Etat la connaît, mais moi, personnellement, je ne l'ai jamais rencontrée dans le code civil.
Les nombreux civilistes qui siègent à la Haute Assemblée ont tous appris les différentes manières de devenir propriétaires - de mémoire, il y en a neuf - mais, en ce qui me concerne, je ne connais pas d'article qui traite de la perte de propriété. Aussi, monsieur le ministre, tant que vous ne me direz pas en quel article du code civil se trouve cette notion, j'aurai plutôt tendance à recommander au Sénat de suivre la rédaction du rapporteur général.
M. le président. Monsieur le ministre, voulez-vous ajouter quelque chose ?
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'ai dit tout ce que j'avais à dire. (Sourires.)
M. le président. M. le président de la commission restera sur une déception !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Et surtout dans son ignorance ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 41, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 42, M. Marini, au nom de la commission, propose de compléter le I du texte présenté par le 1° du I de l'article 14 pour l'article 151 octies A du code général des impôts, par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de reprise des apports initiaux, l'annulation des titres correspondant à ces apports n'est pas assimilée à une cession ».
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le ministre, certains professionnels souhaiteraient que le dispositif soit complété par ce que l'on pourrait appeler une « clause de remords ».
M. Paul Loridant. ... ou de réméré !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ça, c'est dans le code civil.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il existe des notions très proches si je ne m'abuse !
Si une fusion réalisée entre professionnels dans les conditions prévues par l'article est suivie d'une mésentente et que les professionnels en cause souhaitent reprendre leurs apports, il faudrait qu'au moins dans certaines conditions, la reprise des apports ne se traduise pas par la remise en cause du report d'imposition, ce qui serait légitime dès lors qu'aucune somme n'aurait été déboursée. En effet la reprise des apports ne se traduirait par aucun versement de prix, mais par une simple annulation de titres.
Peut-être de grands individualistes seront-ils incités à se regrouper davantage s'ils savent qu'ils ont aussi droit à l'erreur.
Je serais cependant heureux de savoir si cette proposition est susceptible de recevoir un accueil favorable de la part du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il est tout à fait permis à la commission des finances de développer le droit aux remords ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous en avez-vous même usé !
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En l'occurrence, il s'agit d'un point relativement technique.
Par cet amendement n° 42, M. le rapporteur général propose que l'annulation des titres résultant de la reprise des apports initiaux n'entraîne pas la fin du report d'imposition appliqué à la restructuration de la société civile professionnelle.
Je me permets d'observer, monsieur le rapporteur général, que votre amendement - ce n'est pas la première fois - ne répond pas techniquement à vos préoccupations.
En effet, la reprise de l'apport initial conduit non seulement à l'annulation des titres, mais également à la perte de propriété par la société bénéficiaire des immobilisations apportées.
Cette dernière conséquence, qui n'est pas « couverte » par l'amendement n° 42, monsieur le rapporteur général, est suffisante pour faire tomber le report d'imposition.
En tout état de cause, je crois que votre proposition dénaturerait le régime de report qui est prévu par l'article 14. Le droit au remords que vous souhaitez favoriser fiscalement serait donc limité aux seuls apports partiels d'actifs. L'avantage fiscal dont bénéficierait ce type d'opération par rapport aux fusions ou aux scissions ne me paraît pas légitime.
En outre, le dispositif dérogatoire prévu à l'article 14 n'a pas pour vocation de privilégier les partages ou les ruptures d'association, opérations qui vont dans un sens directement contraire à l'objectif visé, et cette logique se retrouve dans tous les régimes fiscaux afférents aux opérations de restructuration.
Il me semble que l'insertion d'une disposition particulière pour les restructurations de société civile professionnelle conduirait à des demandes similaires pour le régime des apports en société d'entreprise individuelle ou le régime des sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés, régimes qui risqueraient ainsi de perdre leur cohérence.
Sans le bénéfice de ces explications, monsieur le rapporteur général, c'est à nouveau un appel au retrait de votre amendement que je vous lance.
A défaut, j'en demanderai le rejet.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° 42 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le sujet est indiscutablement fort complexe et il faut effectivement éviter de créer, vis-à-vis d'autres régimes, des précédents dont nous n'aurions pas nécessairement mesuré toute la portée. Peut-être, dès lors, convient-il que nous nous donnions un peu plus de temps pour la réflexion.
Monsieur le ministre, après vous avoir remercié des explications que vous nous avez données, je vais donc, à ce stade, retirer cet amendement. Sant doute pourrons-nous y voir plus clair après quelques mois d'application de l'article 14.
M. le président. L'amendement n° 42 est retiré.
Par amendement n° 43, M. Marini, au nom de la commission, propose, au premier alinéa du II du texte présenté par le 1° du I de l'article 14 pour l'article 151 octies A du code général des impôts, de remplacer les mots : « jusqu'à la perte de la propriété », par les mots : « jusqu'à la date de la cession, du rachat ou de l'annulation ».
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement a le même objet que l'amendement n° 41, que nous avons voté tout à l'heure, mais il concerne, lui, les plus-values résultant de l'échange de titres à l'occasion d'une opération de scission ou de fusion : il s'agit de substituer à la notion de perte de propriété, dont nous avons discuté il y a quelques instants, une énumération plus précise des faits susceptibles de mettre fin au report d'imposition de ces plus-values d'échange, à savoir la cession, le rachat ou l'annulation des titres.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous revenons à cette notion de perte de propriété, et je note que M. le président de la commission des finances a trouvé la manière de meubler ma soirée, ou du moins ce que vous en laisserez : je chercherai les fondements juridiques de la notion de perte de propriété en droit des biens. (Sourires.)
Cela dit, étant cohérent avec moi-même, comme la commission l'est avec elle-même, puisque j'ai demandé le rejet de l'amendement n° 41, je demande également celui de l'amendement n° 43.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 43.
M. Paul Loridant. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Paul Loridant.
M. Paul Loridant. Je ne pense pas que la « clause de remords » existe dans le code civil. A moins que M. le président de la commission des finances puisse nous citer l'article du code qui en ferait état !
En fait, si je comprends bien les propositions de la commission, celle-ci souhaite que des entreprises puissent « pacser » et que, en cas de « dépacsisation », elles puissent garder le droit de propriété. (Sourires.)
Sur un sujet aussi technique, j'aimerais comprendre la cohérence idéologique du rapporteur général.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous avons pleinement confiance dans sa cohérence idéologique ! (Nouveaux sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous aurons certainement l'occasion de débattre, M. Paul Loridant et moi-même, de nos cohérences idéologiques respectives, mais il n'est plus question, en l'occurrence, de la clause de remords, qui faisait l'objet d'un amendement que j'ai retiré il y a un instant. Il s'agit cette fois de définir de manière plus rigoureuse les événements conduisant à la perte de propriété, notion qui n'existe, je le rappelle, ni en droit fiscal ni en droit civil.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 43, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 14, modifié.

(L'article 14 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux. Nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heure quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)