Séance du 20 décembre 1999






PRÉSIDENCE DE M. GUY ALLOUCHE
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 1999.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion du projet de la loi de finances rectificative pour 1999 se déroule dans un contexte économique et politique qui doit, à notre sens, nous conduire à des choix orientés vers une véritable et audacieuse politique de gauche. Cette politique est possible.
Le collectif budgétaire, comme celui dont nous avions débattu l'an dernier à la même période, constate une amélioration de la situation des recettes de l'Etat sans mesures de prélèvement spontanées. Cette remarque préalable vaut d'ailleurs pour l'ensemble des lois de finances rectificatives dont nous avons débattu entre 1993 et 1997, convenez-en, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale !
Les politiques budgétaires d'austérité, la relance de l'économie par la voie des privatisations intensives, des allégements fiscaux destinés aux plus riches et aux seules entreprises ont conduit, durant cette période, à un accroissement des déficits publics, de la dette publique, du chômage et des inégalités sociales. Cette tendance est loin d'être totalement corrigée, ce qui conduit le groupe communiste républicain et citoyen à poursuivre son analyse et son action pour que la croissance profite au plus grand nombre et soit encore plus forte.
Le débat sur la loi de finances initiale pour l'année 2000 a d'ailleurs démontré que les errements du passé n'étaient pas encore oubliés. La majorité sénatoriale, au nom de la réduction des déficits, s'est refusée à envisager de modestes mesures d'amélioration portant sur le pouvoir d'achat ainsi que sur les crédits d'équipement et d'investissement.
Par ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, vos propositions d'allégements d'impôts concernaient avant tout les familles les plus aisées, les entreprises les plus profitables, les revenus du capital et de la propriété, et la propriété elle-même.
On pourrait multiplier les exemples de votre sollicitude envers les dirigeants d'entreprise, les propriétaires fonciers ou immobiliers, les actionnaires rivés sur le CAC 40, les professions libérales. Même dans ces catégories, toute mesure fiscale est d'autant plus profitable que le niveau des revenus est confortable.
Vous avez en revanche rejeté toute mesure d'allégement d'impôt pour les plus pauvres et les majorations du SMIC que nous proposions.
Nos propositions tendant à instaurer plus de justice fiscale et à répondre aux urgences sociales ont été rejetées.
En matière de logement, par exemple, la question n'est pas d'aménager le mode de traitement des revenus fonciers, mais elle est bien plutôt de résoudre les problèmes des sans-abri, des familles mal logées, des ménages en instance d'expulsion, des jeunes contraints de demeurer chez leurs parents faute de possibilité de se loger à moindre coût.
J'en viens maintenant au projet de loi de finances rectificative pour 1999 proprement dit.
Certains avaient prédit que la loi de finances initiale aurait quelque peine à être exécutée. Force est de constater qu'ils se sont lourdement trompés.
Le projet de loi de finances rectificative est en effet marqué par une réduction du déficit initial des comptes publics, réduction qui doit être interprétée comme un signe favorable. Nous nous interrogeons cependant encore sur la quotité exacte de ce déficit prévisionnel 1999.
Le niveau des recettes fiscales a en effet connu une progression très sensible, en grande partie inscrite dans le texte initial de la loi de finances, mais dont certains des contours méritent selon nous d'être examinés.
Si l'on s'en tient en effet aux derniers éléments disponibles, ceux de l'exécution budgétaire au 31 octobre dernier, le déficit budgétaire s'élèverait à 203,4 milliards de francs, soit une diminution de 52,8 milliards de francs sur l'exercice 1998.
Cette réduction du déficit tient à la progression de l'encaissement des impôts directs. Le rendement de l'impôt sur le revenu est en hausse de plus de dix points et atteint 303 milliards de francs, soit quasiment le montant atteint fin décembre 1998.
Cette situation résulte pour partie d'une légère amélioration du pouvoir d'achat des salariés ou de l'augmentation du nombre d'emplois occupés. On ne peut oublier qu'elle résulte aussi du bon niveau de progression de certains revenus non salariaux, notamment des revenus de capitaux ou de la propriété.
L'impôt sur les sociétés enregistre quant à lui une augmentation tout à fait spectaculaire de plus de 28 % et un niveau d'encaissement de plus de 162 milliards de francs, qui témoigne de l'excellente santé financière de nos entreprises, lesquelles pourraient consentir des efforts bien plus importants.
Malgré tout, mes chers collègues, on constate aujourd'hui un moins grand nombre de défaillances d'entreprises que par le passé et le montant des dividendes versés par les entreprises à leurs actionnaires a atteint un bon niveau.
Comment dès lors justifier qu'il faille aider les entreprises à mettre en oeuvre la réduction du temps de travail, alors même que leur productivité et leur rentabilité permettent largement d'amortir les effets de cette mesure ?
Je souligne enfin de manière insistante que les recettes fiscales provenant des deux principaux droits indirects, la TVA et la taxe intérieure sur les produits pétroliers, si elles connaissent une augmentation, sont cependant loin d'avoir le même dynamisme, ce qui est, nous semble-t-il, lié à un ensemble de facteurs.
Le premier tient à la réalité d'une croissance soutenue par la relance de la consommation intérieure qui conduit les ménages à renoncer à une épargne de précaution, à une pratique des périodes de morosité et de stagnation économique.
Le second facteur tient au niveau de la consommation, qui demeure largement tributaire du revenu disponible des ménages. Cela souligne la nécessité de répondre à trois urgences.
Il s'agit, en premier lieu, de relever les minima sociaux pour répondre à une exigence qui s'exprime avec force.
Sans attendre, je tiens à exprimer le désaccord profond du groupe communiste républicain et citoyen du Sénat avec le fait que les 8 milliards de francs supplémentaires soient utilisés à réduire le déficit budgétaire. Ces 8 milliards de francs pourraient en effet permettre de majorer de façon substantielle les minima sociaux car les propositions de Mme la ministre de l'emploi ne sont pas satisfaisantes.
Je vous fais remarquer par exemple que le taux de 0,5 % représente 17,50 francs par mois pour les minima des pensions d'invalidité, 16,42 francs par mois pour l'allocation aux adultes handicapés, et 2,83 francs pour le complément d'allocation aux adultes handicapés.
Il s'agit, en deuxième lieu, de procéder à un relèvement significatif des salaires et des revenus de remplacement, du SMIC ou des retraites.
Il s'agit, en troisième lieu, de favoriser la création d'emplois, y compris par le biais d'un changement de politique de l'Etat en matière de soutien à la création d'emplois. Celle-ci doit en effet sortir du cadre étroit de l'allégement des cotisations sociales sur les bas salaires, qui génère de nouvelles difficultés.
Dans une interview publiée dans Les Echos du 17 décembre, monsieur le ministre, vous exprimez votre espoir que le taux de chômage passe, en l'an 2000, sous la barre des 10 %. Vous insistez par ailleurs sur la possibilité de créer des emplois, grâce aux nouvelles technologies, aux biotechnologies, qui sont les préludes d'une nouvelle révolution industrielle.
Nous approuvons ces propos mais nous ne devons pas oublier les 1 100 000 RMIstes, qui ne sont pas comptabilisés parmi les 2,8 millions de chômeurs et qui doivent bénéficier d'autant d'attention pour favoriser leur insertion. Ils doivent pouvoir eux aussi apporter leur contribution à la production de la richesse nationale et, parallèlement, ils doivent eux aussi bénéficier de certaines aides.
Il s'agit, mais vous le savez, monsieur le ministre, d'un problème moral et social, mais aussi d'une question d'efficacité économique, et nous aurons à revenir sur ces sujets.
Après ces remarques, vous me permettrez de considérer que ce collectif budgétaire semble bien timide quant aux prévisions de recettes fiscales définitives pour 1999.
En effet, même si le comportement des agents économiques échappe quelquefois à la mise en oeuvre de schémas préétablis, il faut reconnaître que des plus-values fiscales qui seront effectivement enregistrées ne figurent pas dans le texte et ne sont pas prises en compte dans l'article d'équilibre du projet de loi de finances rectificative.
Nous estimons en particulier que près de 9 milliards de francs de recettes au titre de l'impôt sur le revenu et près de 18 milliards de francs de recettes au titre de l'impôt sur les sociétés sont susceptibles d'être enregistrés et inscrits.
De la même façon, on peut estimer qu'il peut y avoir 5 milliards de francs de recettes complémentaires au titre de la taxe sur la valeur ajoutée et un peu plus de 1 milliard de francs au titre de la taxe intérieure sur les produits pétroliers.
Sur ces quatre impôts, ce sont donc 33 milliards de francs de recettes fiscales qui ne seraient pas encore inscrits.
Le collectif ne reflète qu'imparfaitement la réalité de la situation des comptes publics, et c'est un constat que nous pouvons opérer tant en ce qui concerne l'exécution pour 1999 que l'examen de la situation en 1998.
Cela fait en effet plusieurs mois que la réduction du déficit budgétaire « tourne » autour des 50 milliards de francs de 1999 sur 1998, le montant exceptionnel des recettes de septembre dernier mis à part.
On rappellera simplement que la situation d'exécution du budget à ce moment-là s'était traduite par une réduction du déficit d'exécution de plus de 70 milliards de francs en un mois, cette réduction étant cependant due à des phénomènes tout à fait circonstanciels.
Si l'on reporte ce solde de 50 milliards à la situation de la loi de finances rectificative de 1998, on aboutit à un déficit 1999 compris entre 200 milliards et 205 milliards de francs, c'est-à-dire largement inférieur à celui inscrit dans ce collectif - 234,6 milliards de francs - et surtout au déficit de la loi de finances initiale 2000 - 215,4 milliards de francs.
Dois-je ajouter que la loi de règlement du budget de 1998 nous amène à constater de surcroît que le déficit est finalement, pour cet exercice budgétaire, de 247 milliards de francs - c'est encore beaucoup - soit une réduction de 7 milliards de francs sur l'article d'équilibre du collectif de 1998 ?
Je pense qu'il serait temps, sans anticipation ou enthousiasme excessifs, de faire en sorte que nous cessions de débattre de lois de finances initiale ou rectificative virtuelles, dont les résultats d'exécution sont finalement plus intéressants que les résultats attendus, et qui masquent d'une certaine façon l'efficacité de la politique menée.
Il est temps de sortir de cette culture du pessimisme et de rigidité qui pèse encore sur la gestion des comptes publics.
N'existe-t-il pas, alors, un danger de voir accréditée l'idée que le Gouvernement mettrait de l'argent de côté ?
Il faut certes réduire les déficits, réformer notre système de prélèvements obligatoires, assainir la situation des comptes publics. Mais il faut aussi répondre à l'urgence sociale, aux besoins collectifs insatisfaits, qui demeurent prégnants dans l'actualité économique et sociale.
C'est le fondement, monsieur le ministre, d'une politique de gauche, et c'est d'autant plus possible que vous envisagez une croissance de 3 % pour l'an 2000.
On ne peut se contenter d'enregistrer les plus-values fiscales et se trouver en peine de les mobiliser quand on compte encore près de 3 millions de sans-emploi, 8 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, quand la moitié des salaires nets à temps plein sont inférieurs à 9 000 francs mensuels et quand tant de salariés sont victimes de la précarité.
Répondre à ces urgences n'est pas contradictoire avec les objectifs d'amélioration de la situation des comptes publics. Nous pensons même qu'une amélioration durable de la situation de ces comptes est directement liée à ces réponses. Le peu qui a déjà été fait - quasi-équilibre des comptes sociaux, amélioration de la situation budgétaire, croissance économique que personne ne peut nier - n'en est-il pas le témoignage ?
Que les choses soient dites : répondre à l'attente des chômeurs, des exclus en leur accordant aujourd'hui une aide de fin d'année contribuera à améliorer encore la situation économique du pays et du budget de la nation.
Ces familles, ces personnes aujourd'hui privées de l'essentiel n'iront pas jouer leur prime de Noël à la loterie du CAC 40. Elles consommeront, elles s'acquitteront de quelques dettes, elles prendront une part moins infime au partage de la richesse de ce pays. Elles seront élément de consommation, donc de production et de création d'emplois.
Dans un contexte de croissance économique, il est indécent que certains continuent d'avoir faim et froid.
Que l'Etat, dans la foulée, et dès le début de l'année 2000, soit à l'initiative d'une remise à plat de notre système d'indemnisation du chômage est aussi une autre nécessité.
Vous comprendrez que nous échappe la logique d'un système suivant lequel 60 % des chômeurs inscrits et suivis par les ASSEDIC ne bénéficient aujourd'hui d'aucune indemnisation. Le Gouvernement doit prendre cette initiative, avant que le MEDEF, dans son intransigeance, ne finisse par détruire définitivement le cadre de la négociation paritaire.
Il nous est insupportable, comme à ceux qui manifestent aujourd'hui, que la rutilance et le faste des célébrations de l'an 2000 côtoient tant de misère, de pauvreté et d'exclusion. Ne pas répondre à ces besoins ne serait pas compris, monsieur le ministre.
De notre point de vue, il n'est pas prévu assez, dans ce collectif budgétaire, en direction des besoins collectifs.
Certes, l'article 3 comporte près de 40 milliards de francs de dépenses nouvelles, mais il ne fait pas le compte.
De plus, il a le défaut de gager certaines dépenses importantes - allocation de rentrée scolaire par exemple - sur des plus-values fiscales, alors que de telles dépenses devraient, nous semble-t-il, être plus clairement inscrites dans les lois de finances initiales et donc budgétées.
De même, l'article 9 valide des ajustements budgétaires réalisés en cours d'exercice par voie de décrets d'avance et d'annulation de crédits, mais il obéit à cette même orientation un peu trop prudente à laquelle nous ne pouvons totalement adhérer.
Un peu d'audace dans les choix budgétaires ne serait pas aujourd'hui de trop pour donner un signe concret au peuple de notre pays.
Les Français, dans leur ensemble, doivent bénéficier des fruits de la croissance, et il est temps de mettre la pratique en accord avec cette exigence.
Nous ne voterons cependant pas ce collectif budgétaire tel qu'il ressortira des travaux de la Haute Assemblée, c'est-à-dire encore une fois dénaturé et encore plus éloigné des objectifs de justice sociale et fiscale que nous cherchons à atteindre. Nous attendons que la nouvelle lecture de ce projet de loi par l'Assemblée nationale conduise à la prise en compte des besoins dont nous avons souligné l'urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, je vais répondre aux quatre orateurs qui se sont exprimés dans cette discussion générale en suivant l'ordre chronologique.
M. Gaillard nous a fait un exposé très complet, je dirai même captivant, du problème lancinant des emprunts russes. Il ne reste pas grand-chose à ajouter à sa description, sauf une précision : il s'est plaint du fait que les spoliés étaient traités différemment des porteurs d'emprunts russes.
Je voudrais lui faire remarquer que les spoliés, c'est-à-dire ceux qui avaient des biens en Union soviétique à l'époque, sont, pour l'essentiel, des entreprises qui, depuis cette époque très lointaine, ont eu le temps de provisionner pour couvrir le risque correspondant dû à la détention d'actifs plus que douteux.
En revanche, les porteurs ne sont pas, dans leur grande majorité, des entreprises. Ce sont des particuliers. Selon la réalité, et pas seulement la légende, la majorité de ces petits porteurs avaient, à l'époque, investi une grande partie de leurs économies dans ces fameux emprunts russes. Dans la limite des sommes disponibles - 2,5 milliards de francs, ce n'est négligeable, mais ce n'est pas autant que ce qui aurait été nécessaire - il est normal de les indemniser correctement. Je crois, du moins j'espère, sur ce point, vous avoir rassuré.
M. Yann Gaillard. Puis-je vous interrompre, monsieur le ministre ?
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je vous en prie, monsieur Gaillard.
M. le président. La parole est à M. Gaillard, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Yann Gaillard. Je vous remercie de votre courtoisie, monsieur le ministre.
Votre argumentation est vraie pour l'essentiel, mais pas complètement. Il y a des spoliés qui ne sont pas des entreprises. Ce sont des gens qui ont perdu des biens ou certains actionnaires de sociétés françaises qui n'ont pas été admis comme porteurs, mais qui peuvent présenter des dossiers comme spoliés. Il y a donc aussi de petits spoliés.
Le système que j'avais proposé permettait d'instituer un plafond laissant en dehors de la répartition initiale les entreprises les plus importantes. Mais tout cela est une question d'appréciation dont vous prenez la responsabilité, monsieur le ministre.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Gaillard, nous aurons l'occasion de revenir sur ce point lorsque nous débattrons de l'article 24, et les différents systèmes pourront alors être confrontés. Celui que le Gouvernement propose s'inspire d'une commission qui a largement consulté les associations de porteurs, et il est équitable.
M. Fréville a commencé son intervention quelque peu critique - ce qui n'est pas surprenant de sa part - par une formulation que je veux reprendre : le Gouvernement va dans le bon sens. Ce type de compliment est trop rare au sein de la Haute Assemblée pour que je ne le mette pas en évidence ! (Sourires.)
Il est vrai que le Gouvernement va dans le bon sens, celui d'une croissance plus forte et d'une sincérité qui, dans le domaine budgétaire, tient compte des dernières informations disponibles. Lorsque je vous ai proposé ce matin de majorer les plus-values fiscales de 1999, c'est parce que je me suis rendu compte que les rentrées d'impôt sur les bénéfices des sociétés - dont l'échéance, vous le savez, est fixée au 15 décembre - devraient être plus importantes que celles que nous avions prévues.
Vous avez aussi vanté le principe de prudence, qui, je crois, est bien respecté par le Gouvernement.
Vous m'avez interrogé sur les 10 milliards de francs qu'il faut prendre en charge dans ce collectif budgétaire à destination de l'UNEDIC pour avoir des précisions sur l'origine de cette dépense. Je vous les apporte bien volontiers.
En 1995, le gouvernement de M. Juppé, sur propositions de M. Arthuis, a pris l'engagement, au nom de l'Etat, que celui-ci prendrait en charge 10 milliards de francs de remboursement de la dette UNEDIC, laquelle s'élevait à 22 milliards de francs au total, garantie par l'Etat, et cet engagement, qui a été pris pour l'échéance de 1999, n'a donné lieu qu'à une lettre de M. Arthuis.
L'idée qui sous-tendait cet engagement était peut-être de différer un paiement de 15 milliards de francs qui avait été promis à l'UNEDIC pour l'année 1995 par le gouvernement précédent, celui de M. Balladur. Au nom du Gouvernement, j'ai tenu à respecter cet engagement pris par un gouvernement précédent. La continuité de l'Etat, principe auquel je sais que la Haute Assemblée est très attachée, a donc été assurée. Cela étant, si l'on cherche les causes profondes de cet engagement, on peut y trouver une volonté de reporter une charge sur un exercice ultérieur, ce qui ne relève peut-être pas de la meilleure orthodoxie budgétaire...
Vous m'avez aussi interrogé, monsieur Fréville, sur les amendements adoptés relatifs au fonds de péréquation de la taxe professionnelle. Si vous avez lu le compte rendu des débats, vous aurez vu que ces amendements ont été adoptés contre l'avis du Gouvernement, qui, rejoignant peut-être la sagesse qui est la vôtre, préfère, avant toute adaptation législative relative aux collectivités locales, procéder aux simulations nécessaires. J'espère que la suite de la navette permettra de trouver une solution satisfaisante sur ce point.
Vous avez mentionné une progression très forte des dépenses de l'Etat de 1998 à 1999 mais, faute de temps, vous avez oublié de mentionner qu'en 1999 nous avons réincorporé dans le budget 46 milliards de francs, ce qui n'est tout de même pas négligeable ! Si l'on raisonne à périmètre constant - je m'adresse là à un grand spécialiste de la chose budgétaire - nous arrivons à des progressions qui sont bien celles que je vous avais indiquées.
Vous vous êtes inquiété de la filière porcine, qui est effectivement en difficulté. Le collectif pour 1999 prévoit l'ouverture de 1,7 milliard de francs de crédits permettant de financer notamment les mesures annoncées par le Gouvernement lors de la table ronde organisée, toutes filières confondues, y compris la filière porcine.
Vous avez eu raison de mettre l'accent sur des aides nouvelles qui seraient attribuées à la filière porcine et qui ont été annoncées par mon collègue le ministre de l'agriculture, M. Jean Glavany. Elles seront financées sur les crédits disponibles au sein de l'OFIVAL.
Voilà, me semble-t-il, des réponses précises à vos questions, qui l'étaient également.
M. Angels n'a formulé aucune critique. Il a, au contraire, fait ce que l'on pourrait appeler une belle leçon d'anatomie budgétaire ! (Sourires.) Il a en effet présenté d'une façon claire et rigoureuse le contenu de ce collectif, et il a bien montré que, lorsqu'on a la volonté d'agir, de soutenir la croissance, de gérer sérieusement les finances publiques, on peut arriver à des résultats convenables. Je pense que, de ce point de vue, les résultats de 1999 que M. Angels a fort bien commentés sont tout à fait convenables.
J'en viens à l'intervention de Mme Beaudeau. Je ne reprendrai pas à mon compte la critique quelque peu aiguisée qu'elle a faite de la gestion conduite entre 1993 et 1997. Elle a souligné que les impôts directs avaient crû de 1998 à 1999 et, d'abord, l'impôt sur le revenu. Les Français ont vu leur pouvoir d'achat augmenter.
Mais, j'ajouterai, pour être précis, que la correction du quotient familial et l'incorporation du droit de bail ont quelque peu gonflé les recettes de l'impôt sur le revenu en 1999.
En ce qui concerne l'impôt sur le bénéfice des sociétés, vous avez eu raison de souligner l'excellente santé financière des entreprises. Le fait qu'à la suite du résultat du troisième accompte d'impôt sur le bénéfice des sociétés du 15 décembre le Gouvernement vous a proposé de réajuster à la hausse les recettes confirme bien votre diagnostic.
Cela dit, je voudrais insister auprès de vous sur le fait que toutes les entreprises ne sont pas dans une égale situation de prospérité financière. Il est légitime que le Gouvernement apporte aux petites et moyennes entreprises, aux entreprises qui emploient beaucoup de travailleurs non qualifiés, des aides qui sont, par ailleurs, liées à la négociation dans le domaine du temps de travail.
Vous avez enfin évoqué les minima sociaux. Comme vous avez pu le constater, j'ai proposé ce matin à la Haute Assemblée qu'un tiers de la nouvelle plus-value fiscale, c'est-à-dire un tiers des quelque 10 milliards de francs qui sont apparus, soit consacré aux mesures que le Premier ministre a annoncées en direction des chômeurs et des personnes les plus démunies.
Je partage pleinement votre diagnostic sur le fait que, la première source d'inégalité, c'est le chômage. Si nous pouvons, avec raison, nous réjouir de ce que, d'ici à la fin de l'année prochaine, si la croissance se maintient et si les dispositifs de soutien à l'emploi continuent à opérer avec la même efficacité, le taux de chômage pourrait passer en dessous de 10 %, ce pourcentage représente quand même un grand nombre de personnes, et la collectivité nationale aurait encore des efforts à faire à l'égard des chômeurs.
Permettez-moi de citer deux mesures qui vont dans le sens que vous dites.
Ainsi, il a été décidé que les chômeurs ou les RMIstes qui retrouvent un emploi - je pense que vous n'avez pas été étrangère à la mesure - bénéficient d'une prolongation de l'exonération de taxe d'habitation. Cette mesure est destinée à faciliter pour eux le passage à l'activité.
Je rappellerai aussi la mesure décidée par le Premier ministre consistant à annuler les dettes fiscales des chômeurs surendettés. Vous savez qu'en la matière les services des finances font un effort considérable. Les formalités à accomplir pour bénéficier de la mesure sont simples ; il suffit d'aller soit dans une perception, soit dans un centre des impôts, d'apporter la preuve que l'on est au chômage et, automatiquement, si je puis dire, le dossier est pris en compte.
J'ai déjà indiqué au Sénat que, si la personne qui éprouve des difficultés à payer ses impôts ou est dans l'impossibilité de le faire n'a pas encore remis de dossier à la commission de surendettement, elle peut encore en déposer un jusqu'au 31 janvier.
Je crois très sincèrement que, par l'intermédiaire de toutes ces mesures, nous luttons contre la première des inégalités, qui provient du chômage.
Vous avez eu raison de rappeler que l'effort de 3 milliards de francs accompli à l'occasion de Noël constitue également un effort substantiel en faveur des plus démunis.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses que je tenais à apporter aux orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
J'informe le Sénat que la commission des finances m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi actuellement en cours d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.
Nous passons à la discussion des articles.

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES
DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

Article 1er