Séance du 20 décembre 1999







M. le président. Je suis saisi d'une motion n° 1, présentée par M. Marini, au nom de la commission des finances, et tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« Considérant que l'existence d'une conjoncture économique favorable ne saurait tenir lieu de politique budgétaire, en l'absence de réformes de structure engagées par le gouvernement afin de préparer l'avenir ;
« Considérant que la politique actuellement suivie contribue à conforter une "exception française" reposant sur un niveau historiquement élevé de prélèvements obligatoires destinés à financer des dépenses publiques qui ne baissent pas et un déficit budgétaire dont la diminution est insuffisante ;
Considérant que la réduction du poids des charges pesant sur l'économie implique un effort volontariste de réduction du champ de la sphère publique ainsi qu'une meilleure utilisation de la dépense publique ;
Considérant qu'il est indispensable, afin de mesurer l'ampleur réelle des efforts entrepris en matière d'assainissement des finances publiques, de les comparer avec les performances de nos principaux partenaires économiques ;
« Considérant que l'appréhension des finances de l'Etat ne peut désormais plus se faire qu'en y intégrant l'évolution des finances sociales, ce qui rend dès lors nécessaire une présentation consolidée des comptes publics, afin de respecter le principe de sincérité budgétaire ;
« Considérant que les orientations ainsi définies par le Sénat, tant en terme de méthode que sur le fond, permettent de mettre en place une véritable politique d'assainissement durable des finances publiques ;
« Considérant par ailleurs, que malgré quelques améliorations trop limitées, notamment en matière fiscale, l'Assemblée nationale est revenue en nouvelle lecture pour l'essentiel à son texte de première lecture et n'a ainsi pas suivi le Sénat dans sa volonté de réduction durable du poids des prélèvements obligatoires ;
« Le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture (n° 145, 1999-2000). »
Je rappelle qu'en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
La parole est à M. le rapporteur général, auteur de la motion.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la discussion générale, j'ai dit l'essentiel de nos arguments. Je n'insisterai donc pas.
D'ailleurs, monsieur le ministre, nous allons avoir de nouveau l'occasion de débattre ensemble dans quelques instants, puisque le second point de notre ordre du jour est l'examen du projet de loi de finances rectificative. Entre la loi de finances et la loi de finances rectificative, bien des sujets sont communs.
Mes chers collègues, il vous est donc proposé de voter cette motion tendant à considérer qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
M. le président. Y a-t-il un orateur contre la motion ?...
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà une avancée !
M. le président. Je rappelle qu'en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement la parole peut être accordée pour explication de vote à un représentant de chaque groupe politique pour une durée n'excédant pas cinq minutes.
La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion. La question préalable déposée par M. le rapporteur général reprend les énoncés traditionnels et quelque peu caricaturaux de la majorité sénatoriale. Notre débat sur le projet de loi de finances datant seulement de quelques jours, je ne reviendrai pas sur les arguments qui ont amené le groupe socialiste à soutenir sans réserve ce budget et à ne pas se reconnaître du tout dans les considérants du rapporteur général.
Une simple étude des faits démontre d'ailleurs leur non-pertinence. De plus, les derniers résultats et prévisions économiques, notamment ceux de l'INSEE, suffisent à démontrer que la politique économique et budgétaire du Gouvernement permet à notre pays de connaître une forte croissance et une réduction, toujours insuffisante, certes, mais néanmoins significative du chômage.
Je voudrais ajouter que je regrette l'approche d'opposition systématique retenue par la majorité sénatoriale sur ce projet de loi de finances pour 2000. L'Assemblée nationale a en effet dû, et je le regrette pour le bon fonctionnement du bicamérisme, revenir pratiquement à son texte de première lecture. Selon nous, la copie du Sénat n'était malheureusement qu'un empilement de mesures souvent incohérentes et en contradiction avec la politique menée par le Gouvernement...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Eh bien oui, c'est naturel !
M. Marc Massion. ... qui fait ses preuves et remporte l'adhésion de nos compatriotes.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est merveilleux !
M. Marc Massion. Le groupe socialiste ne votera donc pas cette question préalable.
M. le président. La parole est à M. Schosteck.
M. Jean-Pierre Schosteck. J'exprimerai la position du groupe du RPR.
Après nous avoir présenté les travaux de la commission paritaire et les raisons de son échec, le rapporteur général propose au Sénat d'opposer la question préalable au projet de budget pour 2000.
De quelle autre solution disposons-nous, face à l'entêtement du Gouvernement et de sa majorité ?
Le Gouvernement a qualifié nos propositions de rétrogrades. Est-il rétrograde de vouloir baisser les impôts sous lesquels croulent nos compatriotes, alors que le Gouvernement prévoit d'en ajouter d'autres encore en l'an 2000 ?
La politique actuellement menée paralyse les initiatives en prélevant toujours plus sur les entreprises et les entrepreneurs. Nos propositions, au contraire, renforcent les possibilités d'investissement dans les PME et les secteurs riches en emplois.
Le Gouvernement dit regretter aujourd'hui la procédure de budget alternatif que nous avions choisie ces deux dernières années.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est piquant !
M. Jean-Pierre Schosteck. Curieux !
M. Michel Charasse. Curieux, pas vraiment, mais étrange !
M. Jean-Pierre Schosteck. Il convient de lui rappeler qu'il avait pourtant brocardé cette procédure en 1998.
Le déficit budgétaire associé au projet du Gouvernement est de 215,42 milliards de francs, alors que celui qui résulte de nos travaux est seulement, si l'on ose dire, de 139,37 milliards de francs. On voit où se situent les priorités de chacun.
Nous, nous avons fait le choix de la réintégration dans le budget de l'Etat des transferts massifs effectués par le Gouvernement vers le budget de la sécurité sociale. Force est de constater l'importance des charges nouvelles qui pèseront sur les budgets sociaux.
Il convient à cet instant de réitérer notre demande de consolidation des comptes publics, seule à même de permettre au Parlement de contrôler efficacement l'action du Gouvernement.
Avec un niveau de prélèvements obligatoires sans précédent et les plus mauvais résultats européens en termes de déficit et d'endettement rapportés au produit intérieur brut, ce projet de budget pour l'an 2000 doit être rejeté comme ne répondant pas aux besoins de notre pays.
Dans ces conditions, le groupe du Rassemblement pour la République votera bien évidemment la motion tendant à opposer la question préalable proposée par notre commission des finances. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1, pour laquelle le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Je rappelle que son adoption entraînerait le rejet du projet de loi.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement. M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 27:

Nombre de votants 311
Nombre de suffrages exprimés 311
Majorité absolue des suffrages 156
Pour l'adoption 212
Contre 99

En conséquence, le projet de loi de finances pour 2000 est rejeté.

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