Séance du 6 décembre 1999







Je vais mettre aux voix les crédits figurant au titre IV.
M. Jacques Valade. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Valade.
M. Jacques Valade. Monsieur le ministre, je souhaite revenir sur certains de vos propos, car je ne voudrais pas vous laisser penser un seul instant qu'il puisse exister un désaccord entre M. le rapporteur spécial et moi-même.
Vous avez suggéré à la majorité sénatoriale d'organiser quelques réunions supplémentaires de son intergroupe. Je puis vous rassurer sur ce point : nous tenons nos réunions en temps et en heure utiles. Par conséquent, nous ne changerons pas leur rythme.
De toute façon, ce serait inutile, car même si M. Lachenaud et moi-même nous sommes exprimés de manière un peu différente, le résultat est le même puisque la commission des finances et la commission des affaires culturelles, ainsi que le Sénat, ont repoussé votre projet de budget.
Par ailleurs, je voudrais expliquer pour quelles raisons je vais voter contre les crédits de l'enseignement supérieur, quel que soit le titre concerné. Nous avons émis quelques observations et d'autres intervenants que les rapporteurs se sont exprimés. Vous avez répondu, monsieur le ministre, à votre rythme, selon votre méthode, qui est à la fois sympathique et, essentiellement, très sincère ; je vous donne bien volontiers acte de cette sincérité. Mais il se trouve que nous sommes tous les deux des spécialistes de sciences expérimentales ; par conséquent, nous sommes soumis aux contingences de la matière, et je serais tenté de dire que vous l'êtes davantage que moi... En sciences expérimentales, le raisonnement n'est donc pas toujours totalement rigoureux, et il m'a semblé déceler dans vos démonstrations une certaine improvisation qui s'écartait un peu de l'esprit cartésien, sans amoindrir le capital de sympathie dont vous disposez, notamment au Sénat.
Quelque peu excité, au début de votre intervention, par les propos de notre collègue André Maman (Sourires), vous avez dit que tout ce qui est excessif est dérisoire. Je relève que vous avez fait référence à un ancien ministre de l'éducation nationale, Lionel Jospin, à l'exceptionnel conseiller spécial qui était alors à ses côtés (Nouveaux sourires), et que vous avez estimé que, au fond, M. Bayrou n'avait pas été si mauvais que cela ! Puis, Claude Allègre est arrivé, et a accompli toute une série de choses qui, jusqu'alors, n'avaient pas été faites. A la limite, je serais tenté de vous en donner acte !
Mais, ce que je ne vous pardonnerai pas - si vous me permettez cette expression - c'est de faire coïncider l'an I de l'enseignement supérieur et le début des efforts qui ont pu être faits dans ce domaine avec l'arrivée de Lionel Jospin et de son conseiller spécial rue de Grenelle.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Non ! Je n'ai pas dit cela !
M. Jacques Valade. C'est ce que vous avez dit !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Non !
M. Jacques Valade. Je n'ai pas d'amour-propre d'auteur, mais il n'en demeure pas moins que, après 1968, toute une série de ministres de l'éducation nationale ont consacré leurs efforts, avec plus ou moins de bonheur et plus ou moins de talent, à l'université française. Je tenais à faire cette mise au point.
Quoi qu'il en soit, s'agissant notamment de la professionnalisation, de la licence professionnelle ou de la possibilité désormais offerte d'établir des comparaisons, au sein de l'Europe mais également en dehors de celle-ci, grâce aux différents niveaux rendus plus cohérents, nous ne rejetons pas bêtement et systématiquement votre argumentation.
Cependant, je le répète, le fait que, d'une part, malgré l'augmentation des crédits de l'enseignement supérieur, aucune redistribution des crédits ne soit opérée au sein de l'enveloppe globale de l'éducation nationale entre enseignement scolaire et enseignement supérieur et, d'autre part, qu'aucun grand projet ne soit annoncé pour l'enseignement supérieur - pourtant, Dieu sait si vous aimez manipuler les idées ! - me confirme dans ma résolution - et c'est ici à titre personnel que j'interviens - de voter contre vos crédits. (M. Philippe Marini applaudit.)
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je ne crois nullement que l'enseignement supérieur français ait commencé avec l'arrivée de Lionel Jospin à l'éducation nationale ! J'ai simplement dit que la ligne qui avait été esquissée à cette époque avait été suivie par son successeur. Maintenant, si vous voulez que nous revenions sur l'histoire de l'éducation nationale, je peux évoquer quelques grands moments ; il y a eu la création des IUT par Christian Fouchet et qui fut à mon avis un grand moment pour l'éducation nationale ; il y a eu la suppression des facultés par Edgar Faure, accompagnée, il est vrai, de nombreuses autres mesures plus discutables. Je connais donc bien cette histoire.
Cela étant, nous, Français, avons une spécialité, qui est de dénigrer nos propres efforts, jusqu'au moment où nous gagnons la Coupe du monde de football. (Sourires.) Aimé Jacquet a été la victime de ce travers. J'affirme que notre enseignement supérieur français, grandes écoles et universités confondues, n'est pas en position de faiblesse dans la compétition mondiale. Il manque certes de moyens, ou plutôt il en manquait, car, peu à peu, nous lui en donnons, mais le corps d'enseignement supérieur français a déjà fait des efforts considérables, et, en ces matières, j'estime qu'il faut être modéré.
Ainsi, vous parlez, monsieur Valade, de grands projets. Mais parvenir à une harmonisation à l'échelle mondiale et à une réduction du nombre de chômeurs en France, n'est-ce pas le seul grand projet qui vaille ? Le reste ne compte guère.
D'ailleurs, je ne crois pas aux grandes envolées dans ce domaine, je vous le dis clairement. Je crois au travail accompli tous les jours, petit à petit, acte après acte, au plus près du terrain. C'est à cela que je crois, et non pas aux grandes perspectives générales. Nos bases sont correctes, il faut simplement définir une cohérence, et c'est ce que je m'efforce de faire. C'est tout ! Vous pouvez estimer que cela n'est pas flamboyant, mais j'assume pleinement cette démarche.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire récemment à la télévision s'agissant d'un autre sujet politique, il est des problèmes à propos desquels il n'est pas bon que nous nous divisions ; nous devons au contraire avancer ensemble.
Pour conclure, mon cher collègue - je m'adresse ici au professeur que vous êtes - il eût été cohérent avec vos arguments de proposer non pas de ne pas voter les crédits de ce projet de budget, mais de les augmenter de 3 % par rapport à la proposition initiale du Gouvernement.
M. Philippe Marini. Nous n'en avons pas le droit, monsieur le ministre !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
Mme Hélène Luc. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Les crédits ne sont pas adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 700 000 000 francs ;