Séance du 30 novembre 1999







M. le président. Par amendement n° I-194, M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 14 quater , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le paragraphe I de l'article 1414 du code général des impôts est complété par un alinéa (4°) ainsi rédigé :
« A compter de l'année 2000, les jeunes âgés de moins de 25 ans, dont les revenus sont inférieurs ou équivalents au revenu minimum d'insertion. »
« II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, le taux prévu pour la plus haute tranche du tarif fixé à l'article 885 U du code général des impôts est relevé à due concurrence. »
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement a pour objet de faire bénéficier les jeunes de moins de vingt-cinq ans ayant des ressources inférieures au revenu minimum d'insertion du dégrèvement d'imposition à la taxe d'habitation prévu à l'article 1414 du code général des impôts.
Le bénéfice de cet article est accordé aux personnes âgées de plus de soixante ans, aux RMIstes, aux contribuables atteints d'une infirmité ou d'un handicap.
Or, l'évolution économique et sociologique de notre pays amène les jeunes à poursuivre plus longtemps leurs études, ce qui repousse l'âge d'entrée dans le monde du travail. Si l'on ajoute à cela le taux de chômage des jeunes et la grande précarité des premières années de travail, à savoir les questions de temps partiel, de travail intérimaire, notamment, il est aisé d'imaginer qu'il est difficile, voire impossible, pour un jeune d'assumer un appartement et les charges qui s'y attachent.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le gage n'est pas bon, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Chacun sait que les titulaires du revenu minimum d'insertion - j'en viendrai ensuite au cas des jeunes de moins de vingt-cinq ans - sont dégrevés à 100 % du montant de la taxe d'habitation, et cela systématiquement.
C'est certainement dans cet esprit que M. Foucaud propose d'exonérer totalement de taxe d'habitation les jeunes de moins de vingt-cinq ans, qui ne peuvent bénéficier du revenu minimum d'insertion.
Je ne peux accepter cette proposition, et ce pour différentes raisons que je veux exposer en détail.
En premier lieu, la proposition de M. Foucaud ne peut être appliquée que par référence au revenu porté sur une déclaration souscrite par le jeune.
Dès lors, le dispositif dont vous envisagez l'instauration, monsieur Foucaud, conduit à traiter de façon différente les jeunes selon qu'ils sont ou non rattachés au foyer fiscal de leurs parents.
Dans le premier cas, le jeune peut, pour le logement dont il dispose personnellement, bénéficier des dégrèvements prévus aux articles 1414 bis à 1414 C du code général des impôts selon le niveau de revenu du foyer auquel il est rattaché.
Dans le second cas - imposition directe distincte de celle des parents - il pourrait bénéficier, selon votre proposition, d'une exonération totale de la taxe afférente à ce logement.
En deuxième lieu, votre proposition peut, par l'incitation qu'elle crée à la déclaration séparée des revenus du jeune, aboutir à l'octroi d'une exonération totale de taxe d'habitation pour le logement d'un jeune dont les parents disposent de revenus élevés. C'est un effet secondaire et non voulu de votre proposition, mais qui peut apparaître.
En troisième lieu, la collectivité nationale consent déjà un important effort en faveur de la population visée. Ainsi, les jeunes de moins de vingt-cinq ans disposant de faibles ressources peuvent bénéficier du dégrèvement partiel de la taxe d'habitation afférente à leur habitation principale pour la fraction de la cotisation qui excède 1 500 francs.
Il est vrai que le Gouvernement partage vos préoccupations concernant les conditions auxquelles est subordonné le bénéfice de l'allégement des cotisations de taxe d'habitation prévu en faveur des redevables disposant des revenus les plus faibles.
C'est pourquoi M. Sautter a accepté, lors de l'examen du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale, que la limite au-delà de laquelle la cotisation de taxe d'habitation est totalement dégrevée soit abaissée de 1 500 francs à 1 200 francs, témoignant ainsi de compréhension au regard de ce que vous proposez. Je ne crois pas que nous puissions aller au-delà.
Au surplus, les jeunes de moins de vingt-cinq ans qui éprouvent de réelles difficultés pour s'acquitter des cotisations demeurant à leur charge peuvent présenter auprès du comptable du Trésor des demandes de délai de paiement ou, auprès des services des impôts, des demandes de modération ou de remises partielles ou totales de la cotisation.
Ces mesures grâcieuses me paraissent plus adaptées pour régler des situations évolutives que l'institution d'un dégrèvement systématique qui serait inopérant pour les objections essentielles que j'ai évoquées au début de mon propos.
Je vous demande donc de retirer votre amendement.
M. le président. M. Foucaud, l'amendement est-il maintenu ?
M. Thierry Foucaud. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-194 est retiré.
Par amendement n° I-193 rectifié, M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après l'article 14 quater, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 1414 C du code général des impôts, le taux : "3,4 %" est remplacé par le taux : "2 %".
« II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, les taux applicables aux deux plus hautes tranches de l'impôt sur le revenu sont relevés à due concurrence. »
La parole est à M Loridant.
M. Paul Loridant. Cet amendement tend à plafonner à 2 % des revenus des contribuables le montant maximum de la taxe d'habitation.
Ce taux est habituellement de 3,4 %. C'est dire à quel point le montant des revenus des ménages n'est pas pris en compte dans le calcul de la taxe d'habitation.
La pression fiscale par rapport à la faculté contributive de chacun atteint parfois des niveaux exorbitants.
En 1999, un certain nombre de contribuables ont vu leur taxe d'habitation augmenter fortement.
En dehors des augmentations de taux votés par les collectivités locales, d'une part, et de la revalorisation du coefficient des valeurs locatives, qui était de 1 % en 1999, d'autre part, cette progression peut provenir des plafonds de revenus à ne pas dépasser pour bénéficier des allégements. Ainsi, l'abattement pour enfant marié ou chargé de famille rattaché, a été réduit de 30 330 francs à 20 370 francs et la déduction pour pension alimentaire versée à des enfants majeurs a été plafonnée à 20 370 francs.
Ces éléments, qui entrent dans le calcul du revenu fiscal de référence, ont eu des répercussions sur la détermination des limites de versement de la taxe d'habitation en 1999.
Certes, les allégements actuels permettent de limiter la charge de cette taxe, mais ils peuvent être nettement améliorés. C'est l'objectif de notre amendement.
L'injustice et l'archaïsme de cet impôt sont reconnus par tous et une réforme s'impose.
Le rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale proposait de supprimer la part régionale de cette taxe moyennant une compensation de cinq milliards de francs de l'Etat. Pour sa part, le président de la commission des finances de l'Association des maires de France dénonçait le remplacement du pouvoir fiscal local par des subventions d'Etat.
En tout cas, le Gouvernement s'est engagé à présenter un rapport proposant les modalités d'une réforme en vue d'un allégement significatif de la charge des contribuables.
Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous faire part de l'état d'avancement de ce dossier ?
Quant au calendrier, il semble que la réforme ne puisse être envisagée avant le budget pour 2002.
Si nous regrettons que les réformes fiscales avancent au rythme des échéances électorales, nous espérons que le temps sera mis à profit pour construire une réforme ambitieuse, englobant une révision des valeurs locatives qui tienne compte des améliorations de l'habitat depuis 1970.
Pour l'heure, avec cet amendement, nous vous proposons de plafonner à 2 % des revenus des familles la charge de la taxe d'habitation. Cette solution a également le mérite de ne pas toucher à l'autonomie fiscale des collectivités locales. Elle nous semble être la meilleure. C'est pourquoi nous invitons la Haute Assemblée à adopter notre amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement reprend un amendement présenté l'année dernière, qui avait été retiré après un avis défavorable de la commission et une demande de retrait formulée par le Gouvernement. M. Sautter avait dit : « Il s'agit d'un amendement d'appel ».
Monsieur le secrétaire d'Etat, avez-vous entendu le message et, si oui, envisagez-vous, compte tenu des relations, parfois complexes, que vous avez avec votre majorité plurielle, d'aller plus loin que l'écoute ?
M. Paul Loridant. C'est pire de votre côté !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne voudrais pas être un témoin indiscret de vos relations, parfois compliquées (Exclamations sur les travées socialistes), permettez-moi néanmoins d'être un observateur intéressé. C'est pourquoi je serais heureux d'entendre l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je tiens d'abord à rassurer M. le rapporteur général : la majorité plurielle est unie, elle est dynamique et elle obtient des résultats lorsqu'elle propose des avancées sociales ; je vais vous le prouver immédiatement.
M. Marcel Charmant. Bien !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. L'abaissement des pourcentages de 3,4 % à 2 % introduirait une grande incohérence dans le dispositif de prise en charge par l'Etat de la personnalisation de la taxe d'habitation. Il en résulterait, au sein des mécanismes de dégrèvement, que plus le revenu du contribuable serait élevé, moins il devrait consacrer une part importante de son revenu à la taxe d'habitation. Ce dispositif ne ferait qu'accroître les inégalités de la taxe d'habitation, que l'auteur de l'amendement dénonçait voilà un instant.
Nous avons donc écouté d'autres propositions de la majorité plurielle. Elles ont d'ailleurs souvent émané soit du groupe socialiste, soit du groupe communiste, soit du groupe communiste républicain et citoyen, et nous nous sommes engagés dans une réforme plus large de la taxe d'habitation. Dans l'immédiat, sans préjudice de ce que nous nous ferons dans l'avenir - je rappelle à cet égard les derniers propos de M. le Premier ministre concernant l'évolution de l'impôt sur le revenu, de l'imposition locale et notamment de la taxe d'habitation - nous avons d'abord accepté que la limite au-delà de laquelle la cotisation de taxe d'habitation est totalement dégrevée soit abaissée de 1 500 à 1 200 francs, ce qui touchera les plus modestes d'entre nos concitoyens. Cela coûtera 500 millions de francs. Vous voyez quel est le prix de l'expression de la majorité plurielle en termes de dépense fiscale ! Elle ne se limite pas à de petits amendements.
De même, nous avons proposé le maintien du bénéfice du dégrèvement total de la taxe d'habitation pour les Rmistes dans l'année qui suit leur retour à l'emploi. Là encore, ce sont 400 millions de francs de dépenses fiscales. C'est dire que nous écoutons notre majorité et que les inflexions fortes que nous donnons au système d'imposition locale sont toutes ordonnées en faveur de la dynamique de l'emploi et de celle de la justice sociale.
Au demeurant, monsieur le rapporteur général, le Gouvernement fournira au Parlement avant le mois d'avril 2000 un rapport sur la taxe d'habitation, rapport dans lequel il évaluera les conséquences de l'ensemble des dispositifs qui, au fil du temps, ont été apportés comme autant de modifications, de plafonnements, de décotes.
Nous ferons alors le point avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour examiner dans quelle mesure il faut aller plus loin pour que la taxe d'habitation soit moins injuste et plus adaptée à la faculté contributive réelle des contribuables locaux.
M. Philippe Marini, rapporteur. Et l'amendement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. J'ai déclaré au début de mon propos que j'y étais hostile. (M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général s'esclaffent.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est intéressant, je ne l'avais pas entendu.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Il convient de le rejeter s'il n'est pas retiré, compte tenu des progrès allant dans le sens souhaité par le groupe communiste républicain et citoyen que le Gouvernement a engagés par les deux mesures que je viens de rappeler.
M. le président. Monsieur Loridant, l'amendement n° I-193 est-il maintenu ?
M. Paul Loridant. A entendre les propos du rapporteur général, qui est très soucieux des relations au sein de la majorité plurielle, j'ai cru comprendre que, dans l'opposition ou dans la majorité sénatoriale, tout était rose et qu'il n'y avait aucun problème.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le rose, ce n'est pas notre couleur favorite ! (Sourires.)
M. Paul Loridant. Je voudrais le rassurer, en lui disant que la dialectique peut exister au sein de la majorité plurielle et que le débat fait progresser le dialogue.
J'ai bien écouté l'analyse qu'a faite de notre amendement M. le secrétaire d'Etat, le rappel des mesures qui ont été prises par le Gouvernement, ainsi que l'annonce du dépôt prochain du rapport sur la taxe d'habitation.
Des avancées sociales importantes, j'en conviens, ont été traduites dans le projet de loi de finances, en particulier sur l'initiative des députés. Dans ces conditions, même si nous souhaitons aller un peu plus loin, faisant confiance au Gouvernement pour reprendre le sujet le moment venu, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° I-193 rectifié est retiré.
Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-292, MM. Mercier et Marini, au nom de la commission des finances, proposent, après l'article 14 quater, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le II de l'article 1641 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« A compter de 2000, ce taux est réduit à 4,2 % pour la taxe d'habitation, 2,1 % pour les taxes foncières et 1 % pour la taxe professionnelle. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I est compensée par une majoration, à due concurrence, des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-262, MM. Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Gaillard, Joyandet, Ostermann, Tregouët et Chérioux proposent, après l'article 14 quater, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le II de l'article 1641 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« II. - Pour frais d'assiette et de recouvrement, l'Etat perçoit 5 % du montant des taxes visées au I ainsi que de la taxe d'habitation due pour les locaux meublés affectés à l'habitation principale. Ce taux est réduit à 4 % pour les impositions perçues au profit des collectivités locales et de leurs groupements. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus est compensée à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° I-292.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est sur l'initiative de Michel Mercier que la commission a décidé de déposer cet amendement.
Il vise à réduire réellement la pression fiscale sur les contribuables locaux. En effet, nous estimons qu'il faut prendre en compte le montant réel des frais d'assiette et de recouvrement pour le calcul du prélèvement de l'Etat sur les impositions perçues par les collectivités locales et leurs groupements.
Mes chers collègues, nous constatons, depuis des années, une situation absolument injustifiable d'enrichissement sans cause de l'Etat sur le dos du contribuable et des collectivités locales : l'Etat perçoit 4,4 % du produit des taxes directes locales au titre des frais d'assiette et de recouvrement, alors qu'un récent rapport de l'administration, en l'espèce de l'inspection générale des finances, dont je ne saurais, bien entendu, mettre la perspicacité en doute, évalue le coût de gestion pour l'Etat à 4,17 % pour la taxe d'habitation, 2,03 % pour les taxes foncières et 1 % pour la taxe professionnelle. Cela signifie que, au-delà de ces taux, le prélèvement est véritablement indû et constitue une ressource de poche sans base pour l'Etat.
C'est une situation totalement inadmissible, monsieur le secrétaire d'Etat : on trompe le contribuable en faisant figurer sur chaque feuille d'impôts locaux cette rubrique « frais d'assiette », « frais de prélèvement » au profit de l'Etat, comme si les sommes dont il s'agit représentaient bien la réalité desdits frais.
M. André Lejeune. Ce n'est pas nouveau !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais ne souhaitez-vous pas que cela cesse ? Etes-vous pour plus de justice, plus d'équité ? Il est toujours temps de faire mieux, mes chers collègues !
Si vous êtes favorable aux prélèvements qui ne disent pas leur nom, si vous êtes favorable aux mécanismes de fiscalité rampante, dites-le ! Mais vous êtes d'ailleurs en train de le dire, montrant par là la conception que vous avez d'une certaine gestion de l'Etat, qui n'est pas acceptable !
Il n'est pas normal en effet, mes chers collègues, que l'Etat prélève, au détriment des contribuables locaux, des sommes supérieures à des frais de gestion réels. C'est inadmissible du point de vue de la transparence due à nos concitoyens.
Si vous trouvez cela bien, assumez votre position, dites-le aux contribuables locaux !
La commission des finances, elle, demande instamment que le prélèvement de l'Etat corresponde aux frais de gestion réels. C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement, que nous soutenons vigoureusement.
M. Marcel Charmant. Nous l'avons vu !
M. le président. La parole est à M. Cazalet, pour défendre l'amendement n° I-262.
M. Auguste Cazalet. Pour financer la révision des bases locatives, l'Etat opère un prélèvement sur le produit des impôts locaux. Cet amendement propose de supprimer ce prélèvement.
En effet, les frais engagés par l'Etat à cette fin doivent maintenant être amortis étant donné le temps écoulé depuis les permières études. Si d'autres études ou d'autres travaux doivent être élaborés, le financement pourra être opéré par le budget de l'Etat sans qu'il y ait lieu de ponctionner à nouveau les collectivités locales et les contribuables.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 1-262 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nos collègues ont raison de poser ce problème, mais la commission pense qu'il serait suffisant qu'ayant exprimé ce point de vue, justifié dans son principe, ils se rallient à l'amendement que j'ai présenté il y a quelques instants.
M. Auguste Cazalet. Je m'y rallie.
M. le président. L'amendement n° 1-262 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1-292 ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Après le plaidoyer vibrant de M. le rapporteur général, j'ai le devoir moral, pardonnez-moi l'expression, de remettre les pendules à l'heure.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ah !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je vais donc comparer les ressources, frais d'assiette et de recouvrement et frais de dégrèvement perçus par l'Etat, aux emplois auxquels celui-ci procède pour aider les collectivités locales à assurer leur gestion.
Dans la colonne de gauche de mon tableau figurent les ressources.
M. Emmanuel Hamel. Colonne de gauche ! (Sourires.)
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. J'y vois : frais d'assiette et de recouvrement : 15,669 milliards de francs ; frais de dégrèvement : 10,496 milliards de francs, soit, au total, 26 milliards de francs ; ressources, frais divers perçus - vous venez de les critiquer - 26 milliards de francs.
Dans la colonne emploi, je lis : coût de la gestion, environ : 6,5 milliards de francs ;...
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est cher !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Trop cher !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... dégrèvements : 60 milliards de francs ; diverses compensations, comme la DCTP : 40 milliards de francs ; total : 106,6 milliards de francs.
Ce sont donc 106,6 milliards de francs de compensations, de dégrèvements et de coûts de gestion qui sont affectés aux collectivités locales contre 26 milliards de francs de ressources, frais d'assiette et frais de dégrèvement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le raisonnement n'est pas convaincant !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le bilan est éloquent : la comparaison entre les ressources et les emplois se fait très largement au profit des collectivités locales. CQFD !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oh !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances Non, non !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. D'autre part, s'agissant des ménages, les dégrèvements en faveur des redevables les plus modestes - on l'a dit à l'envi ce soir - ont été aménagés pour que la limite au-delà de laquelle la cotisation de taxe d'habitation est totalement dégrevée soit abaissée de 1 500 francs à 1 200 francs.
De même, il a été proposé de maintenir le bénéfice du dégrèvement total pour les RMIstes dans l'année qui suit leur retour à l'emploi. Je rappelle qu'un rapport permettant d'évaluer correctement l'ensemble de ces questions sera déposé en avril 2000.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous sommes sauvés !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. En tout cas, 106,6 milliards de francs au profit des collectivités locales contre 26 milliards de francs de prélèvement... il n'y a plus qu'à fermer le ban, monsieur le rapporteur général !
M. James Bordas. C'est un peu fort !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Vous avez eu tort d'annoncer, tout à l'heure, dans les termes dans lesquels vous l'avez fait, que les collectivités locales étaient « spoliées ». C'est exactement l'inverse qui se produit.
Je réaffirme le soutien qu'apporte l'Etat aux collectivités locales et la politique globale que nous menons en faveur des collectivités locales, politique manifestement très en leur faveur.
Pour répondre à une objection que vous aviez faite tout à l'heure en ce qui concerne la réforme de la taxe professionnelle, je suis heureux de vous apporter cette précision chiffrée : les ressources des collectivités locales seront supérieures de près de 400 millions de francs en 1999 à ce qu'elles auraient été en l'absence de réforme.
Par ailleurs, puisque vous avez aussi évoqué cette question, les grandes entreprises bénéficieront à terme de cette réforme à travers une baisse moyenne de 35 % de leurs charges au titre de la taxe professionnelle. Si cela ne constitue pas une mesure favorable à l'emploi, je me demande quelles mesures fiscales pourraient l'être ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Sans tenir compte de la suppression de la REI !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-292.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. J'étais tenté, je l'avoue, de ne pas voter l'amendement de la commission. Cependant, c'est la réponse même de M. le ministre qui m'a convaincu qu'il fallait que je le vote.
J'ai fait des calculs concernant les dégrèvements et les frais d'assiette.
S'agissant des dégrèvements, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez dit que vous mettiez 10 milliards de francs dans votre colonne de gauche et environ 63 milliards de francs dans votre colonne de droite.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. C'est cela !
M. Yves Fréville. Dans les Notes bleues , une excellente publication, je lis en effet, pour 1998 : 62,997 milliards de francs.
Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, vous confondez deux choses.
Chaque fois que vous nous faites voter une réduction d'impôt - et nous l'avons encore fait avec les droits de mutation -, vous nous dites : l'Etat va devoir payer !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Et vous nous envoyez la facture !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est extraordinaire !
M. Yves Fréville. Ça, ce sont les dégrèvements législatifs, que vous confondez avec une autre forme de dégrèvements, lesquels font effectivement l'objet d'une péréquation entre contribuables locaux : les dégrèvements individuels, qui s'élèvent, eux, à moins de 10 milliards de francs.
Par conséquent, votre raisonnement est complètement biaisé. En réalité, vous voulez tout simplement dire que c'est le contribuable local, en payant ces 10 milliards de francs de dégrèvement, qui devrait combler les 50 milliards de francs de dégrèvement que vous nous faites voter chaque fois que vous réduisez un impôt local !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est le sapeur Camember !
M. Yves Fréville. Permettez-moi de vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il y a tout de même là une exagération, et vous en percevez sûrement vous-même tout le sel.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est inacceptable !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est sans doute de l'humour !
M. Yves Fréville. Je formulerai une deuxième observation qui portera sur les frais d'assiette, à la suite de la très juste remarque de notre collègue Cazalet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai été tout à fait étonné de constater que, dans les services fiscaux, depuis 1990, on continuait à tenir en double toute la fiscalité locale, ce qui revient à dire qu'on calcule, pour chaque habitation, à la fois selon l'ancienne base et selon la nouvelle base. Permettez-moi de vous suggérer une économie très simple : faites la révision des bases et vous aurez au moins ainsi une réduction des frais d'assiette !
Je pense que, dans ce domaine, la position de la commission est tout à fait sage et que le raisonnement que vous avez tenu, en particulier sur les dégrèvements, pardonnez-moi de vous le dire, ne tient pas la route.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-292 repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 14 quater.

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