Séance du 30 novembre 1999







M. le président Par amendement n° I-149, M. Pintat propose d'insérer, après l'article 14 ter, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 1648 A du code général des impôts est ainsi modifié :
« A. - Après le troisième alinéa du II, il est inséré un alinéa libellé comme suit :
« Le conseil général ou, le cas échéant, la commission interdépartementale peut également préléver au profit des communes dans lesquelles le montant du prélèvement qu'elles versent au fonds augmente, en raison de la disparition des bases correspondant à la fraction de l'assiette de la taxe professionnelle assise sur les salaires en application des dispositions du A de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266), les sommes destinées à compenser en totalité ou en partie la perte de recettes enregistrée par la commune. Le montant de l'attribution versée à ces communes est arrêté par convention entre le conseil général concerné et la commune. »
« B. - Après le premier alinéa du 1° du IV bis , il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil général ou, le cas échéant, la commission interdépartementale peut également prélever au profit des établissements publics de coopération intercommunale soumis, de plein droit ou après option, aux dispositions de l'article 1609 nonies C , dans lesquels le montant du prélèvement au profit du fonds augmente, en raison de la disparition des bases correspondant à la fraction de l'assiette de la taxe professionnelle assise sur les salaires en application des dispositions du A de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266), les sommes destinées à compenser en totalité ou en partie la perte de recettes enregistrée par l'établissement public de coopération intercommunale. Le montant de l'attribution versée à ces établissements publics de coopération intercommunale est arrêté par convention entre le conseil général concerné et l'établissement public de coopération intercommunale. »
La parole est à M. Pintat.
M. Xavier Pintat. Cet amendement tend à moduler les incidences de la réforme de la taxe professionnelle en ouvrant la faculté - aux départements en charge de la répartition des moyens des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle - de compenser de manière conventionnelle la perte de recettes issue de la réduction des bases des communes écrêtées dans lesquelles est installé un établissement exceptionnel.
Mécaniquement, la suppression de la part salaire entraîne pour certaines communes une réduction des bases non écrêtées, et donc une augmentation desmontants écrêtés en direction des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle. C'est sur la part de ces surplus de recettes versés au fonds départemental qu'il vous est proposé d'instituer de manière souple un mécanisme de reversement négociable dans son principe et son montant par rapport aux réalités des situations locales.
Cette mesure présente ainsi l'avantage de temporiser les incidences de la réforme de la taxe professionnelle pour la perte possible de recettes non compensées de ces communes sans occasionner un manque à gagner pour les communes éligibles au fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement de M. Pintat met en évidence une des conséquences du choix du Gouvernement de ne pas compenser aux collectivités locales la suppression de la part salaire de la taxe professionnelle par la méthode du dégrèvement que nous avions soutenue au Sénat.
Nous avions parlé d'une conséquence potentielle l'année dernière ; elle est devenue de fait une conséquence réelle. Dans certaines communes, en effet, la suppression de la part salaire entraîne une baisse du seuil d'écrêtement des établissements exceptionnels, donc une perte de recettes pour les communes et une augmentation des ressources du fonds départemental.
Cet amendement permet aux conseils généraux qui le souhaiteraient de reverser aux communes tout ou partie de la fraction du produit de taxe professionnelle ainsi perdue au profit du FDPTP. C'est un dispositif souple que préconise l'amendement, permettant de s'adapter à toutes les situations locales et qui ne remet pas en cause la péréquation. C'est pourquoi la commission est très favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je vais également rejoindre M. Pintat et M. le rapporteur général...
M. Emmanuel Hamel. Quel grand moment !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... en proposant au Sénat d'adopter cet amendement excellent.
M. Emmanuel Hamel. Excellent !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le seuil d'écrêtement devrait naturellement baisser du fait de la suppression progressive de la fraction imposable des salaires et, de ce fait, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale verront les bases de leurs établissements exceptionnels écrêtées proportionnellement plus que dans la législation ancienne.
Afin de ne pas bouleverser le système de péréquation existant, M. Pintat, dans son amendement n° I-149, propose que le conseil général ou la commission interdépartementale puisse neutraliser, le cas échéant, cet effet lors de la redistribution des sommes affectées au fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle. Suite à un accord conventionnel entre le ou les conseils généraux concernés et la commune, ou l'établissement public de coopération intercommunale d'implantation, un reversement du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle pourrait leur être attribué pour compenser cette perte de recettes.
Je demande au Sénat d'adopter cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-149.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Frévile.
M. Yves Fréville. Je souhaiterais poser une question à M. le rapporteur général et à M. le secrétaire d'Etat en ce qui concerne le B de l'amendement n° I-149, c'est-à-dire dans le cas où le FDPTP est implanté dans une communauté de communes ou un district qui applique les dispositions de l'article 1609 nonies C relatives à la taxe professionnelle unique.
Le problème est le suivant - et je connais ce problème puisque, en Ille-et-Vilaine, nous sommes dans cette situation : à l'heure actuelle, le conseil général ou la commission départementale a déjà la possibilité d'affecter entre 20 % et 40 % des recettes au profit de l'établissement public. Ma question est donc la suivante : ce prélèvement supplémentaire s'ajoute-t-il aux 20 % et aux 40 % - c'est-à-dire peut-il dépasser 40 % - ou est-il compris dans ces pourcentages ?
Je pose cette question pour le cas très particulier où il n'y a pas de réduction de base : il se trouve que, dans un certain nombre de fonds départementaux, des bases sont garanties pour les établissements qui existaient avant 1979.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Sous toutes réserves, je crois pouvoir répondre à notre collègue que le prélèvement dont il s'agit est purement contractuel, c'est-à-dire qu'il résultera de la libre négociation entre l'établissement public de coopération intercommunale et le fonds départemental, à savoir le conseil général. Il peut donc s'agir ou non d'un ajout selon la négociation et les résultats de cette dernière entre les deux parties.
M. Yves Fréville. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-149, accepté par la commission et par le Gouvernement.
M. Thierry Foucaud. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 14 ter .
M. Emmanuel Hamel. Toute la Gironde se réjouit !
M. le président. Par amendement n° I-192, M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 14 ter , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La seconde phrase du second alinéa de l'article L. 1613-2 du code général des collectivités territoriales est abrogée.
« II. - Les taux d'imposition des deux dernières tranches du barème de l'impôt sur le revenu des personnes physiques sont relevés à due concurrence des pertes de recettes résultant du I. »
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet article additionnel que nous proposons d'insérer après l'article 14 ter a pour objet de supprimer la disposition dite « amendement Auberger ». Ce dispositif, instauré en même temps que le pacte de stabilité du gouvernement Juppé, autorise l'utilisation par l'Etat de la dotation de compensation de la taxe professionnelle comme variable d'ajustement de l'enveloppe normée des concours financiers de l'Etat.
Je le dis sans malice à l'égard du Gouvernement, le maintien d'un tel mécanisme pour les collectivités territoriales, par un gouvernement attaché à l'idée de progrès, de solidarité et animé d'une réelle volonté d'aller plus loin dans la décentralisation, n'est-il pas contradictoire ?
A l'origine, en effet, la dotation de compensation de la taxe professionnelle, instituée par l'article 6 de la loi de finances pour 1987, était destinée à compenser les pertes de recettes de la taxe professionnelle résultant des mesures législatives d'allégement.
La DCTP se compose de la compensation de l'abattement de 16 % des bases de la taxe professionnelle, de la compensation du plafonnement des taux de la taxe professionnelle et de celle, depuis l'an dernier, qui est liée à la suppression progressive de la part salaire.
Or, force est de constater aujourd'hui, et chaque année le confirme, que la DCTP est loin de compenser intégralement les recettes des collectivités locales perdues au titre de divers allégements et exonérations consentis par l'Etat aux contribuables locaux, et ce d'autant plus que le nombre des compensations ne cesse d'augmenter.
De 1993 à 1999, la dotation de compensation de la taxe professionnelle a baissé de près de 30 %. Elle est passée de 18,85 milliards de francs en 1993 à 12,4 milliards de francs en 1999. L'an dernier, cette baisse n'a pas été accusée de la même façon par l'ensemble des communes. Comme vous le savez, le Gouvernement a souhaité limiter la perte de recettes des communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine ou des communes dites « bourg-centre » bénéficiaires de la dotation de solidarité rurale.
En revanche, les collectivités non éligibles à l'une de ces dotations de solidarité doivent prendre à leur charge cette nouvelle diminution de la DCTP.
Leurs propres taux de diminution s'établit ainsi en 1999 : moins 23,14 % pour les communes, moins 12,88 % pour les départements et moins 16,60 % pour les régions.
Cette année, l'examen du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale a permis de réduire les effets pervers en améliorant le dispositif de compensation de la suppression de la base salaire de la taxe professionnelle en reconduisant les dotations exceptionnelles de 500 millions et 150 millions de francs qui permettent de réduire les répercussions pour les communes éligibles aux dotations de solidarité.
Ce sont de bonnes mesures, mais elles ne sont que ponctuelles. La seule solution est de supprimer la possibilité d'utiliser la DCTP comme variable d'ajustement de l'enveloppe normée. C'est ce que nous proposons par notre amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement montre l'attachement de ses auteurs aux ressources des collectivités territoriales.
La question de la suppression de la régularisation négative de la DGF se pose en effet : non seulement cette régularisation pénalise les ressources des collectivités mais, en outre, elle conduit par son mécanisme à rendre excessivement complexe le système de relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.
Comme vous le savez, mes chers collègues, notre mission sur la décentralisation - dont le président est M. Jean-Paul Delevoye et le rapporteur M. Michel Mercier - travaille sur ce sujet.
Dans le cadre de la loi de finances, il est bon que le débat puisse porter sur cette question. Il serait cependant utile que nous connaissions l'avis du Gouvernement avant de dire quel sort nous réservons à l'amendement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Compte tenu du poids de la DGF dans les concours de l'Etat aux collectivités locales et du mode de calcul de l'évolution de cette dotation d'une année sur l'autre, il est difficilement envisageable qu'il ne soit pas procédé à une actualisation de l'indice d'évolution de la DGF en fonction des indicateurs économiques. C'est une démarche technique qui tient compte des mécanismes et du calendrier régissant l'élaboration de la loi de finances.
L'esprit de cette régularisation - les sénateurs en sont certainement persuadés - n'est jamais de chercher à réduire les moyens affectés aux collectivités locales puisque l'article 1613-2 du code général des collectivités locales s'applique aussi bien en cas de régularisation négative qu'en cas de régularisation positive.
Le Gouvernement s'est toujours montré sensible aux arguments des élus locaux en faveur d'une participation des collectivités locales aux fruits de la croissance. C'est pourquoi il a décidé d'indexer le contrat de croissance et de solidarité sur une fraction significative du produit intérieur brut.
Par rapport à la situation de référence correspondant à la reconduction du dispositif législatif antérieur, cette indexation a donné aux collectivités locales un supplément de ressources de 970 millions en 1999. J'annonce en outre au Sénat que ce supplément de ressources devrait être de 1,9 milliard en 2000, au titre de la seule indexation, ce montant étant porté à 3,8 milliards de francs compte tenu des divers abondements exceptionnels.
Aller au-delà, en supprimant un ajustement technique lorsqu'il se révèle défavorable aux collectivités locales, ne me paraîtrait pas légitime. La liaison avec les indicateurs économiques doit rester valable dans tous les cas de figure.
C'est pourquoi je suis hostile à l'amendement et propose qu'il soit retiré.
M. le président. Quel est désormais l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mes chers collègues, M. le secrétaire d'Etat a raison de nous parler des variables économiques et de l'intégration de ces variables, pour une certaine part, dans le calcul des concours de l'Etat aux collectivités territoriales. Nous faisons en effet de ce sujet, plus précisément de la prise en compte de 50 % du taux de croissance du produit intérieur brut pour le calcul de l'enveloppe normée, notre objectif principal dans la discussion de la loi de finances, ici, au Sénat, pour l'année 2000.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous avez parlé de l'augmentation des concours de l'Etat dans le cadre de ladite enveloppe normée, mais vous ne pouvez pas ignorer que l'augmentation des rémunérations liée mécaniquement à l'application de l'accord salarial dans la fonction publique du 10 février 1998 nous conduit à dépenser, au titre des différents budgets locaux, autant que l'augmentation de la DGF, qui est la principale composante de l'enveloppe normée.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il faut voir les recettes, mais aussi les charges, et appréhender le solde pour les budgets des collectivités territoriales comme pour tout autre budget.
Par ailleurs, avec notre collègue M. Michel Mercier, nous souhaitons la prise en compte des résultats du recensement sur deux ans et non pas sur trois.
La prise en compte de 50 % de la croissance dans l'enveloppe normée, d'un côté, et la prise en compte du recensement en deux ans et non pas en trois, de l'autre, sont les deux caps prioritaires que la commission des finances va tenter de franchir dans ce débat budgétaire pour l'an 2000 en ce qui concerne les ressources locales.
Mes chers collègues, il ne semble pas possible de faire tout dans la première partie de la loi de finances, et, même si vos intentions sont bonnes, il n'est pas concevable d'intégrer cet amendement dans la première partie de la loi de finances pour des raisons de solde budgétaire. En revanche, je ne verrai aucun inconvénient à ce qu'il soit réexaminé dans la seconde partie. A ce stade, je vous demande donc de bien vouloir le retirer.
M. le président. L'amendement n° I-192 et-il maintenu ?
M. Thierry Foucaud. Oui, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-192, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

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