Séance du 30 novembre 1999







M. le président. Par amendement n° I-188, M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 14, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le 1° de l'article 1467 du code général des impôts est complété par un quatrième et un cinquième alinéas c ainsi rédigés :
« c) L'ensemble des titres de placement et de participation, les titres de créance négociables, les prêts à court, moyen et long termes. Ces éléments sont pris en compte pour la moitié de leur montant figurant à l'actif du bilan des entreprises assujetties. Pour les établissements de crédit et les sociétés d'assurance, le montant net de ces actifs est pris en compte après réfaction du montant des actifs représentatifs de la couverture des risques, contreparties et obligations comptables de ces établissements.
« La valeur nette des actifs, déterminée selon les dispositions du précédent alinéa, est prise en compte après réfaction de la valeur locative des immobilisations visée au a. »
« II. - L'article 1636 du code général des impôts est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. 1636. - Le taux grevant les actifs définis au c de l'article 1467 est fixé à 0,5 %.
« Il évolue chaque année, pour chaque entreprise assujettie, à proportion d'un coefficient issu du rapport entre la valeur relative des actifs définis au c de l'article 1467 au regard de la valeur ajoutée créée pour l'activité de l'entreprise. »
« III. - a) Le paragraphe II de l'article 1648 A bis du code général des impôts est complété par un septième alinéa (6°) ainsi rédigé :
« La moitié du produit résultant de l'imposition des actifs définis au c de l'article 1467, suivant les règles fixées par l'article 1636. »
« b) Le paragraphe I de l'article 1648 B bis est complété par un quatrième alinéa (3°) ainsi rédigé :
« La moitié du produit résultant de l'imposition des actifs définis au c de l'article 1467, suivant les règles fixées par l'article 1636. »
« IV. - Dans le deuxième alinéa a du paragraphe I ter de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, après les mots : "la base" sont insérés les mots : "à l'exception de celle définie par le c de l'article 1467".
« V. - Compléter in fine le premier alinéa du 4° du paragraphe I de l'article 39 du code général des impôts par les mots : "et de l'imposition résultant de la prise en compte des actifs définis au c de l'article 1467, selon les règles fixées par l'article 1636. »
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement vise à inclure, dans les bases de la taxe professionnelle, les actifs financiers.
La réforme adoptée l'an dernier vise à alléger la charge de la taxe professionnelle. Bien sûr, nous nous félicitons de la disparition progressive de la part salaire, car nous ne pouvons que souhaiter la baisse du chômage. Plus une entreprise embauchait, plus son prélèvement augmentait : il fallait donc mettre fin à ce paradoxe.
Néanmoins, nous avons fait part de nos inquiétudes quant aux effets de la mesure sur l'emploi et la pérennité de la taxe professionnelle comme impôt local.
Le rapport remis fin septembre au Parlement ne traite que sommairement de la question de l'emploi. Ce sont de dix-huit mille à vingt mille emplois qui devraient être créés du fait de la réforme. Cela nous semble peu eu égard au coût de la réforme.
La question de la pérennisation de la taxe professionnelle est entièrement posée. Dans la mesure où elle n'est assise que sur l'investissement, de fait la progression des bases est ralentie.
De plus, indexée sur la dotation globale de fonctionnement, l'évolution de la compensation financière de la part salaire risque de ne pas tenir compte des réelles progressions de base de taxe professionnelle si nous ne proposons pas, comme cette année, une réactualisation de la compensation de la taxe professionnelle.
L'article 14 ter introduit à l'Assemblée nationale prévoit au titre de 2000 « la compensation de la dotation globale de fonctionnement visée au premier alinéa de l'article L. 1613-I du code général des collectivités locales ».
Toutefois il reste du chemin à parcourir pour que les collectivités locales ne soient pas les grandes perdantes de cette réforme !
La nécessité tant d'assurer la pérennité des collectivités locales que de permettre aux secteurs économiques d'apporter leur réelle contribution à la nation, de même que l'équité fiscale, imposent de s'orienter vers l'intégration des actifs financiers.
Les actifs financiers représentent aujourd'hui le double des actifs industriels. Ramener ces actifs, qui ne font que nourrir la spéculation financière, vers les budgets locaux par des péréquations audacieuses constitue, à nos yeux, un geste de justice sociale autant qu'une obligation économique.
Pour y parvenir, il est plus que jamais nécessaire de « réalimenter » la taxe professionnelle, en faisant entrer dans son assiette une part de cette richesse financière qui constitue aujourd'hui une des formes de la richesse réelle des sociétés. M. Delevoye ne parlait-il pas d'ailleurs, lors du congrès des maires de 1996, d'une « sous-fiscalisation de la richesse financière » ?
Selon le rapport sur les comptes de la nation, les actifs financiers représentaient 29 000 milliards de francs en 1998 contre 270 milliards de francs en 1972. Par actifs financiers, il faut entendre le stock d'argent placé par les entreprises - y compris, bien sûr, les banques - c'est-à-dire les actions et autres participations, les obligations ou les titres du marché monétaire.
Ainsi conçue, cette taxation aurait aussi l'avantage, non pas de prendre à l'un pour donner à l'autre, dans une logique exclusive de mise en compétition des hommes et des territoires, mais de dégager des recettes fiscales supplémentaires, susceptibles, par exemple, d'alimenter le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle au bénéfice des collectivités locales et redistribué selon des priorités sociales.
Elle permettrait en fait de réduire considérablement les problèmes d'inégalité de richesse entre communes et de disparité du poids de la taxe professionnelle. La péréquation est en effet très faible ; elle atteint seulement 6 milliards de francs.
Elle permettra peut-être aussi de ramener cette question à l'ambiguïté de la loi sur les coopérations intercommunale et aux problèmes posés aujourd'hui aux collectivités locales.
La réalimentation des bases de taxe professionnelle étant une nécessité absolue pour nos communes, je vous demande d'adopter l'inclusion des actifs financiers dans l'assiette de cette taxe.
Monsieur le président, pardonnez-moi d'avoir été un peu long, mais nous pensons que cet amendement est fondamental.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Avis franchement défavorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Là encore, il faut souligner la réflexion importante qui est celle du groupe communiste républicain et citoyen.
M. Joseph Ostermann. Eh oui, il n'arrête pas !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Monsieur Foucaud, beaucoup a été fait depuis deux ans pour accroître la contribution des actifs financiers à la solidarité nationale. Je citerai trois exemples : l'imposition au taux normal et non plus au taux réduit des plus-values sur les actifs financiers ; la baisse du taux de l'avoir fiscal pour les sociétés qui n'ont pas la qualité de société mère, nous venons d'en parler,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. En effet !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... la taxation d'une fraction des dividendes perçus par les sociétés mères. Ces deux dernières mesures sont d'ailleurs durcies par le projet de loi dont nous discutons.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Hélas !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. J'ajouterai l'augmentation de la cotisation minimale sur la valeur ajoutée en matière de taxe professionnelle et la création de la contribution sociale sur les bénéfices pour financer l'allégement des charges sociales pesant sur les bas salaires.
Je dois dire que le groupe communiste à l'Assemblée nationale et le groupe communiste républicain et citoyen au Sénat ont joué un rôle moteur dans cette orientation de la politique fiscale du Gouvernement, puisque c'est sur leur initiative que plusieurs de ces mesures ont été décidées. (Sourires sur les travées du RPR.)
Faut-il dès maintenant aller plus loin en instituant aujourd'hui une taxe sur les actifs financiers ? Je ne suis pas sûr que cette réflexion soit mûre.
Aujourd'hui, l'institution d'une taxe additionnelle à la taxe professionnelle assise sur les actifs financiers est difficilement conciliable avec les règles qui régissent la taxe professionnelle, compte tenu - et M. Foucaud sera sensible à cet argument - du caractère facilement délocalisable des actifs financiers.
L'adoption de cette mesure conduirait en effet à une double taxation. Les titres du portefeuille et les valeurs mobilières constituent la part représentative du capital social d'autres entreprises qui ont utilisé ces fonds, notamment pour l'acquisition d'immobilisations déjà imposées au titre de la taxe professionnelle.
Sous le bénéfice de ces explications, je pense, monsieur Foucaud, que vous pourriez retirer votre amendement. Beaucoup a été fait et vous y avez contribué de manière décisive. Laissez à chaque loi de finances initiale le caractère d'une étape pour progresser dans le bon sens.
M. Michel Caldaguès. Comme cela, c'est distrayant !
M. Philippe Marini, rapporteur général. On sait à quoi il faut s'attendre !
M. le président. Monsieur Foucaud, l'amendement n° I-188 est-il maintenu ?
M. Thierry Foucaud. Qu'il me soit permis de remercier M. le secrétaire d'Etat d'avoir rappelé le rôle joué par notre groupe, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, et de lui dire que notre proposition, au travers de cet amendement relatif aux actifs financiers, n'a qu'un seul objet, celui de permettre d'aller un peu plus loin, un peu plus vite et, surtout, de donner des moyens à nos collectivités qui en ont le plus grand besoin.
Certes, monsieur le secrétaire d'Etat, il y a déjà eu des avancées positives. Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1999, j'avais cru comprendre, dans le propos du ministre, que l'on devait se rencontrer et discuter de ces questions. En ce qui nous concerne, nous sommes à votre disposition pour faire avancer la réflexion.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-188, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 14