Séance du 30 novembre 1999







M. le président. Par amendement n° I-187 rectifié, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 13 bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« Le second alinéa de l'article 235 ter ZB du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elle est maintenue pour toute société dont le résultat d'exploitation du dernier exercice clos a été bénéficiaire et qui procède, durant l'exercice suivant, à la mise en oeuvre de plans de restructuration accompagnés de suppressions d'emplois ou de licenciements. »
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement porte sur la question du devenir de la majoration exceptionnelle de l'impôt sur les sociétés instituée en 1997 et qui s'achève en 1999.
On sait d'ailleurs que cette mesure temporaire est en fait l'une des moins-values fiscales les plus importantes de l'an 2000, puisque la suppression de la majoration constitue une perte de recettes fiscales d'un montant de 12,4 milliards de francs.
M. Philippe Marini, rapporteur général. On les retrouve dans la sécurité sociale !
M. Thierry Foucaud. D'aucuns, ici, je l'entends déjà, nous rappelleront que cette suppression va de pair avec une mesure sur la quote-part de frais et charges du régime des groupes, d'un rendement attendu de plus de 4 milliards de francs, et, sur un autre plan, avec la contribution des sociétés au financement de la réforme des cotisations sociales, dont le rendement attendu est d'environ 4 milliards de francs.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous y voilà !
M. Thierry Foucaud. Nous n'avons d'ailleurs pas été autrement surpris de constater que la majorité sénatoriale a combattu les deux mesures, montrant ainsi toute sa sollicitude, traditionnelle dès lors qu'il s'agit de ces questions.
Comme par habitude, quand il s'agit de taxation des profits, il existe toujours des marges pour en atténuer l'effet.
Nous proposons donc, monsieur le rapporteur général, de procéder tout à fait autrement, en maintenant la majoration exceptionnelle de l'impôt sur les sociétés instituée en 1997 dès lors que les entreprises qui y sont assujetties procèdent, malgré leurs résultats bénéficiaires, à la mise en oeuvre de plans de licenciement et de suppression d'emplois.
Cette proposition est évidemment liée à la révélation de la situation d'une entreprise comme Michelin, encore que je ne sois pas certain, compte tenu du caractère particulier de l'entreprise concernée sur le plan juridique - c'est, en effet, une société en commandite par actions -, qu'elle ait eu à subir les effets de la majoration exceptionnelle.
Quant au fond, et indépendamment des spécificités de telle ou telle entreprise, il nous semble cependant nécessaire de mettre en place une fiscalité qui rende dissuasif le recours systématique des grandes sociétés à la gestion des personnels à flux tendu, qui apparaît au travers de la persistance et de la périodicité quasi annuelle des plans de licenciement.
Sans insister sur le fait que la liquidation d'emplois - qu'elle passe par les incitations au départ volontaire, la mise en oeuvre d'une convention FNE ou par des licenciements secs - a aussi une portée négative sur le potentiel humain et la créativité même d'une entreprise, nous pensons qu'il faut cesser de favoriser de telles mesures.
Cet amendement prolonge, par exemple, la mesure que nous avions prise à l'occasion de la loi de finances pour 1998 et qui mettait un terme à la déductibilité fiscale des provisions pour licenciement, et tend donc à la compléter.
Tel est le sens de cet amendement que nous vous invitons à adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. On aura compris que l'approche de la commission est assez diamétralement opposée à celle qui vient d'être exposée.
Je voudrais dire à M. Foucaud que le statut juridique de sociétés en commandite par actions n'exonère pas de l'impôt sur les sociétés ; ce serait trop facile. L'entreprise Michelin y est donc assujettie, comme toutes les autres sociétés commerciales, quel que soit leur statut juridique.
La commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Là encore, le Gouvernement partage les objectifs du groupe communiste républicain et citoyen qui viennent d'être rappelés par M. Foucaud, et sa préoccupation de mettre un frein à certains comportements peu soucieux des conséquences sociales qu'ils entraînent.
Nous avons d'ailleurs agi dans ce sens. En effet, j'ai défendu voilà quelques jours à l'Assemblée nationale la création d'une contribution de 3,30 % assise sur l'impôt sur les sociétés, contribution dite CBS, prévue dans le cadre du projet de loi sur le financement de la sécurité sociale. C'est une illustration parmi beaucoup d'autres.
Enfin, le Premier ministre a indiqué, lors de son discours de Strasbourg, que le Gouvernement apportait son appui à une réflexion des partenaires sociaux, dans le cadre de l'UNEDIC, sur un dispositif de pénalisation, au titre des cotisations d'assurance chômage, pour les entreprises qui licencient.
Plutôt que de prendre des mesures fiscales éparses et peu adaptées finalement à l'objectif fixé, il est plus judicieux, me semble-t-il, d'attendre les résultats de cette réflexion, de mettre en perspective la somme considérable de mesures que prend le Gouvernement et qui marquent une détermination politique franche. Elles ont été annoncées, elles vont être affinées et elles donneront satisfaction à la majorité plurielle, qui n'a jamais failli dans son soutien au Gouvernement.
Monsieur Foucaud, il faut faire un geste et montrer que l'engagement réitéré par M. le Premier ministre au début de cet automne a été compris. Peut-être pourriez-vous retirer votre amendement ?
M. le président. Monsieur Foucaud, acceptez-vous de retirer votre amendement ?
M. Thierry Foucaud. Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis d'accord avec vous sur la détermination franche du Gouvernement. Toutefois, au regard de la situation, qui, encore une fois, n'est pas du fait du Gouvernement, et pour garantir l'avenir, voire pour prévenir les situations futures, permettez-moi, tout en soulignant le caractère positif de votre intervention, que je comprends compte tenu de la politique de la majorité plurielle, de maintenir néanmoins cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-187 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 14