Séance du 30 novembre 1999







M. le président. Par amendement n° I-28, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 12 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le deuxième alinéa du 1 de l'article 223 sexies du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Il est également exigible lorsque les produits distribués sont prélevés sur les résultats d'exercices clos depuis une date antérieure au 1er janvier 1965 ou, pour les distributions antérieures au 17 novembre 1999, sur les résultats d'exercices clos depuis plus de cinq ans. »
« II. - Les pertes de recettes résultant du I ci-dessus sont compensées par le relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous abordons un point important. Cet amendement a pour objet de mettre fin à la règle de l'exigibilité du précompte pour les distributions opérées sur les bénéfices clos depuis plus de cinq ans. En effet, cette règle conduit à imposer deux fois les bénéfices distribués, ce que je n'hésite pas à appeler un racket fiscal...
M. Michel Charasse Oh !
M. Philippe Marini rapporteur général ... racket fiscal qui peut être un obstacle à la transmission d'entreprises et, d'ailleurs, le conseil des impôts ne s'y est pas trompé. Je lis en effet, dans un rapport qui date de quelques années, le paragraphe suivant : « L'intérêt économique d'une distribution rapide n'apparaît cependant pas. Cette disposition pénalise en fait les sociétés qui souhaitent maintenir un niveau de distribution constant malgré une baisse temporaire de leurs résultats. Elle constitue également l'un des obstacles fiscaux à la dissolution des sociétés devenues inactives qui ne peut être levé que sur agrément prévu par l'article 239 bis B du code général des impôts. »
Mes chers collègues, cette disposition qui vous est proposée fait donc partie de la révision nécessaire de notre système fiscal, en application du principe de neutralité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Cela n'étonnera personne, le Gouvernement n'est pas du tout favorable à l'amendement de M. Marini. (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je suis surpris !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le délai de cinq ans que vous souhaitez supprimer répond à une logique forte.
Je rappelle que le précompte est exigible lorsque les distributions sont prélevées sur des résultats n'ayant pas été soumis à l'impôt ou sur des résultats d'exercices clos depuis plus de cinq ans, et l'amendement veut supprimer ce délai de cinq ans. Or il faut le maintenir pour inciter les entreprises à ne pas geler durablement des réserves dont elles n'ont pas l'emploi.
Les distributions de dividendes - monsieur le rapporteur général, je pense que vous serez d'accord avec moi sur ce point - constituent le meilleur moyen d'attirer l'épargne vers les placements en actions. A cet égard, le précompte a les mêmes objectifs que l'avoir fiscal, dont il constitue le gage. Encourager les distributions régulières, c'est notre but pour obtenir une meilleure rémunération de l'épargne, afin d'assurer un bon financement des investissements.
Il s'agit vraiment là d'un amendement discriminant entre nous, monsieur le rapporteur général. J'ajoute que le délai de cinq ans constitue une mesure de simplification. A défaut, les sociétés seraient dans l'obligation de conserver sur de longues périodes la trace de documents juridiques, comptables et fiscaux susceptibles de prouver la réalité de l'assujettissement à l'impôt des résultats distribués.
Cet alourdissement des obligations administratives n'est pas souhaitable, et n'est en outre pas conforme à l'objectif actuel de réduction du coût de gestion de l'impôt, objectif sur lequel doit porter toute notre attention.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-28, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 12 bis.
Par amendement n° I-97, M. Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 12 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le paragraphe II de l'article 44 sexies du code général des impôts, il est inséré un nouveau paragraphe ainsi rédigé :
« II bis. - Le capital des sociétés nouvelles ne doit pas être détenu, directement ou indirectement, pour plus de 50 %, par une personne physique qui a dirigé directement ou indirectement au moins deux sociétés qui ont déposé leur bilan dans le même secteur. »
« II. - Le deuxième alinéa du c de l'article 44 septies du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Cette exonération est accordée sur agrément du ministre chargé du budget. »
La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion. Cet amendement vise un problème mettant en péril la survie de nombre de petites entreprises dans notre pays.
Un dépôt de bilan est en général une catastrophe pour le chef de l'entreprise concernée, mais il engendre souvent également des difficultés considérables pour d'autres entreprises en relation commerciale avec elle, contraignant même certaines au dépôt de bilan, puisqu'elles ne peuvent en général récupérer les sommes qui leur sont dues. Ce phénomène est d'ailleurs aggravé par la longueur des délais de paiement dans notre pays.
Or, après deux mises en cessation de paiement par un entrepreneur dans un même secteur d'activité, on peut s'interroger sur les capacités de chef d'entreprise de celui-ci ou sur les causes réelles de ces décisions de cessation de paiement.
Il semblerait en effet que certains chefs d'entreprise, volontairement ou non, mettent en difficulté leur entreprise jusqu'à la cessation de paiement, puis la reprennent ou recréent une nouvelle société dans le même secteur, après conservation de sa clientèle, voire après rachat des actifs de l'ancienne en utilisant alors un prête-nom.
La législation n'apparaît pas suffisante pour empêcher de telles manoeuvres qui, si elles sont certainement peu nombreuses, entraînent néanmoins chaque année la faillite d'entreprises pourtant en bonne santé.
Par amendement nous proposons donc qu'au moins dans ces cas précis les avantages fiscaux prévus aux articles 44 sexies et 44 septies du code général des impôts ne puissent bénéficier à ces personnes.
Pour l'article 44 sexies, deux décisions récentes du Conseil d'Etat ont précisé les conditions dans lesquelles les entreprises nouvellement créées étaient susceptibles de bénéficier du régime d'exonération des entreprises nouvelles de l'impôt sur les sociétés, dans le cadre d'un zonage jusqu'à cette année. Ces arrêts ont clairement défini l'exclusion des entreprises nouvelles en tant qu'extension d'activités préexistantes.
Mais il ressort de ces arrêts que l'exonération est accordée lorsqu'il s'agit d'une nouvelle société créée par une personne physique, même si cette dernière dirigeait des sociétés auparavant dans le même secteur. Cet amendement prévoit donc d'exclure de l'exonération d'impôt les sociétés nouvelles détenues directement ou indirectement, pour plus de 50 %, par une personne physique qui a dirigé personnellement ou par l'intermédiaire de tiers au moins deux sociétés ayant déposé leur bilan dans le même secteur.
Pour l'article 44 septies, qui prévoit l'exonération d'impôt sur les sociétés lors d'une reprise d'une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire, l'agrément du ministre devrait s'appliquer à toutes les demandes d'exonération réalisées dans le cadre de la procédure prévue afin que l'administration fiscale puisse empêcher les « vraies-fausses » cessations de paiement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission a estimé que l'amendement n'est pas utile. En effet, l'exonération d'impôts pour les entreprises nouvelles n'est pas accordée lorsque l'entreprise est créée dans le cadre d'une concentration, d'une restructuration ou d'une extension d'activités existantes. Ces conditions sont déjà appréciées de façon restrictive par l'administration fiscale, ce qui permet d'ores et déjà d'éviter les « vrais-faux » dépôts de bilan évoqués par l'auteur de l'amendement.
Par ailleurs, on peut considérer, s'agissant de l'article 44 septies du code général des impôts, que l'état de difficulté de l'entreprise reprise est avéré par le fait qu'elle a fait l'objet d'une procédure judiciaire. Il est donc inutile d'alourdir les modalités d'octroi de l'exonération par un agrément préalable du ministre chargé du budget. Cela ne pourrait que susciter un embouteillage administratif supplémentaire et ne serait certainement pas de bonne administration.
Ce sont les raisons pour lesquelles la commission des finances a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Un peu à l'opposé de M. le rapporteur général du Sénat - je le prie de m'en excuser - je trouve que l'amendement défendu par M. Massion est utile, au moins par la réflexion qu'il suscite.
Autrefois, on a parlé de la nécessité d'un « permis de conduire » les entreprises. Le mot n'est plus à la mode, mais votre préoccupation est, au fond, d'assurer une certaine sécurité, notamment lors de la reprise d'une entreprise en difficulté afin de procurer une réelle sécurité à chacun des salariés et de préserver le mieux possible l'emploi.
Si l'objectif est d'éviter d'accorder un avantage fiscal à des entreprises dirigées ou contrôlées par des personnes ayant commis des fautes de gestion, au sens du code du commerce, ou des fautes lourdes de gestion, les règles juridiques actuelles s'opposent en tout état de cause à ce que des dirigeants ayant été déclarés en faillite personnelle puissent exercer une activité commerciale ou gérer toute personne morale ayant une activité économique.
Ce sont très certainement un certain nombre de cas concrets, notamment dans votre région, monsieur le sénateur, qui ont motivé le dépôt de cet amendement par le groupe socialiste.
S'agissant du régime des entreprises nouvelles, le dispositif actuel exclut déjà toute possibilité d'accorder l'avantage fiscal dans l'hypothèse où une entreprise serait créée à la suite d'un « vrai-faux » dépôt de bilan, pour reprendre votre expression. Les entreprises créées dans le cadre d'une reprise ou d'une restructuration d'activité préexistante ne peuvent pas être considérées comme des entreprises nouvelles.
J'ai rappelé les principes, monsieur Massion. Il était nécessaire de le faire. Je vous remercie de m'en avoir donné l'occasion. Je me propose d'ailleurs, à la suite du dépôt de votre amendement, de rappeler ces lignes strictes et claires au service des impôts, ce qui permettra de valoriser pleinement, dans la pratique et dans nos régions respectives, les objectifs sérieux, forts et positifs, à l'égard de l'emploi notamment, que vous avez indiqués lorsque vous avez défendu l'amendement.
Au bénéfice de cet engagement que prend le Gouvernement devant le Sénat et devant le groupe socialiste, peut-être pourriez-vous retirer votre texte, monsieur Massion.
M. le président. Monsieur Massion, l'amendement n° I-97 est-il maintenu ?
M. Marc Massion. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de la réponse que vous m'avez faite et de l'engagement que vous avez pris publiquement devant le Sénat. Je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° I-97 est retiré.

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