Séance du 30 novembre 1999







M. le président. « Art. 12 bis. _ I. _ Le II de l'article 158 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
« 1° Le taux : "45 %" est remplacé par le taux : "40 %";
« 2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le crédit d'impôt calculé dans les conditions prévues à l'alinéa précédent est majoré d'un montant égal à 20 % du précompte versé par la société distributrice. Pour le calcul de cette majoration, il n'est pas tenu compte du précompte dû à raison d'un prélèvement sur la réserve des plus-values à long terme. »
« II. _ La deuxième phrase du premier alinéa du 1 de l'article 223 sexies du code général des impôts est supprimée.
« III. _ Les dispositions du 1° du I s'appliquent aux crédits d'impôt imputés ou restitués à compter du 1er janvier 2000.
« Les dispositions du 2° du I et du II s'appliquent aux distributions mises en paiement à compter du 1er janvier 2000. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-27, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose :
A. - De supprimer le 1° du I de cet article.
B. - De modifier comme suit le texte présenté par le 2° du I de cet article pour compléter le II de l'article 158 bis du code général des impôts :
« 1° Dans la première phrase, remplacer le pourcentage : "20 % " par le pourcentage : "10 %" ;
« 2° Dans la première phrase, remplacer le mot : "versé" par le mot : "dû" ;
« 3° Compléter ce texte par deux phrases ainsi rédigées : "Cette majoration du crédit d'impôt est reçue en paiement de l'impôt sur les sociétés. A défaut, cette majoration s'impute sur le précompte afférent à des distributions de produits encaissés au cours des exercices clos depuis 5 ans au plus". »
C. - Pour compenser la perte de recettes résultant du B ci-dessus, de compléter in fine cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Les pertes de recettes résultant de la possibilité d'imputer le crédit d'impôt non utilisé sur le précompte afférent à des distributions ultérieures sont compensées par le relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-186, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le deuxième alinéa (1°) du I de l'article 12 bis, de remplacer le pourcentage : « 40 % » par le pourcentage : « 33,33 % ».
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-27.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'article 12 bis prévoit de ramener de 45 % à 40 % le taux de l'avoir fiscal pour les sociétés qui ne bénéficient pas du régime spécial des sociétés mères et filiales. Cette mesure est rétrogade et antidémocratique. Elle accroît, en outre, le « frottement » fiscal sur la remontée des dividendes.
Par le présent amendement, la commission vous propose, d'une part, de ne pas accepter la diminution de l'avoir fiscal pour les personnes morales et, d'autre part, d'apporter plusieurs améliorations techniques au dispositif tendant à neutraliser la diminution de l'avoir fiscal intervenue dans la loi de finances pour 1999 au regard du précompte.
D'abord, par cohérence avec le maintien du taux de l'avoir fiscal à 45 %, le montant à rajouter en cas de paiement du précompte correspond à 10 % de ce dernier et non à 20 %.
Ensuite, la correction doit porter sur l'ensemble du précompte dont la société est redevable, quelle que soit la manière dont la société décide de s'acquitter de ce précompte, soit par imputation des avoirs fiscaux ou crédits d'impôt, soit par versement en espèce.
Ensuite, afin que la correction du précompte soit effective, que l'actionnaire soit en situation bénéficiaire ou pas, il convient de prévoir que la majoration du crédit d'impôt est imputable soit sur l'impôt sur les sociétés, soit sur le précompte exigible en cas de distribution au cours des cinq exercices suivants.
En d'autres termes, monsieur le secrétaire d'Etat, nous corrigeons la copie de manière à ne pas faire subir aux entreprises et à leurs détenteurs des ponctions supplémentaires et de bien appréhender tous les aspects et toutes les conséquences du dispositif de l'avoir fiscal et du précompte.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, pour présenter l'amendement n° I-186.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement qui, je le pressens, ne sera pas du goût de M. le rapporteur général ni de la majorité de la commission des finances, porte sur l'avoir fiscal et prolonge les dispositions adoptées dans la loi de finances pour 1999 et lors de la discussion de la première partie du présent projet de loi de finances à l'Assemblée nationale.
Il s'agit pour nous de faire réaliser au budget de la nation une sensible économie, qui pourrait se chiffrer en milliards de francs, par la simple adaptation du taux de l'avoir fiscal au taux actuel de l'impôt sur les sociétés.
A ce sujet, il importe donc de procéder à un rappel de quelques données que je considère comme essentielles.
Le principe même de l'avoir fiscal, nous avons déjà eu l'occasion de le dire et de le redire, nous paraît pour le moins discutable, et d'ailleurs le plus grand des pays libéraux de la planète, les Etats-Unis, ne l'applique pas. Pour autant, rien ne justifie aujourd'hui qu'il persiste à être plus important que le taux de l'impôt auquel il se rapporte.
Par exemple, un taux de 50 % d'avoir fiscal n'a pas de sens au regard d'un simple calcul. Quand une entreprise réalise 100 de résultat imposable, elle est redevable d'un impôt égal à 33,33 % de ce résultat selon le taux actuel. Elle est donc en mesure de mettre en oeuvre, dans l'absolu et sous réserve de dispositions contraires, une distribution de dividendes de 66,66 % de ce résultat. Un avoir fiscal de 50 % sur cette somme serait, dans les faits, exactement équivalent au montant de l'impôt sur les sociétés dû, ce qui est tout de même pour le moins étonnant, vous en conviendrez.
Je n'insisterai pas sur les conséquences que peut avoir un tel dispositif en matière d'impôt sur le revenu - ce n'est l'objet ni de l'article ni de cet amendement - ou d'impôt sur les sociétés, sinon pour indiquer que certaines entreprises très importantes sont, depuis 1995, dans une situation en apparence assez paradoxale. En effet, elles ne sont véritablement soumises, en matière d'impôt sur les sociétés, qu'aux deux majorations décidées dans le collectif budgétaire de l'été 1995 et dans le projet de loi portant mesures d'urgence à caractère fiscal et financier de l'été 1997, tandis que leur cotisation « normale » demeure d'une modicité remarquable.
Il nous semble donc logique qu'à partir du moment où le taux normal de l'impôt sur les sociétés est de 33,33 %, le taux de l'avoir fiscal doit être strictement équivalent au taux d'imposition. Le taux actuel de 50 %, même réduit pour les revenus de participation définis dans le cadre de cet article, est une survivance, monsieur le rapporteur général, de l'ancien taux historique qu'il convient de faire disparaître comme anomalie de notre système fiscal.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-186 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission ne peut être favorable à cet amendement, qui traduit une démarche diamétralement opposée à celle qui est suivie par la majorité de la commission, Mme Beaudeau le sait bien.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-27 et I-186 ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. L'amendement n° I-27 a pour objet de supprimer l'essence même de l'article 12 bis , en faisant disparaître son 1°, lequel prévoit de ramener à 40 % le taux de l'avoir fiscal dont bénéficient les associés et personnes morales non sociétés mères. Or cette mesure qui vise plus spécifiquement les dividendes issus des titres de placement tend à inciter les sociétés à consacrer plus leurs résultats à des investissements productifs qu'à de simples placements en actions.
En outre, cette baisse de l'avoir fiscal est cohérente avec la mesure proposée par le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2000 qui vise à porter le montant de la quote-part de frais et charges, applicable dans le cadre du régime des sociétés mères, de 2,5 % à 5 % du produit brut des participations. Elle permet ainsi le maintien d'un avantage relatif substantiel accordé aux sociétés bénéficiant du régime des sociétés mères - exonération - par rapport à celles qui utilisent l'avoir fiscal - imputation impôt sur impôt - avantage justifié par le différentiel de risques : la société mère s'implique dans la gestion de sa participation alors que la société non mère spécule sur une société tierce.
La deuxième proposition de la commission vise à calculer la majoration de l'avoir fiscal en retenant non seulement le précompte effectivement versé par la société distributrice, mais également le précompte acquitté au moyen de crédits d'impôts par les sociétés bénéficiant du régime des sociétés mères.
Cette solution n'est pas acceptable car elle conduirait à annuler l'effet de la mesure de réduction du taux de l'avoir fiscal à 40 % - d'ailleurs, c'est l'objectif que vous poursuivez, monsieur le rapporteur général - pour les dividendes reçus par les sociétés non mères et distribués par des sociétés mères. En effet, dès lors que celles-ci continuent à bénéficier d'un avoir fiscal à 50 % qu'elles imputent en totalité sur leur précompte, le dispositif de majoration de l'avoir fiscal que vous proposez conduirait alors à maintenir systématiquement à 50 % le taux de l'avoir fiscal octroyé aux personnes morales actionnaires des sociétés mères.
L'objectif de réduction du taux de l'avoir fiscal pour cette catégorie d'actionnaires ne serait donc pas atteint, ce qui serait, en outre, directement contraire au principe d'égalité devant l'impôt puisque les actionnaires non mères, objets de la mesure, seraient traités de manière discriminante en fonction de la qualité de la société distributrice.
Enfin, vous proposez que la majoration de l'avoir fiscal puisse s'imputer sur le précompte lorsque l'amputation sur l'impôt sur les sociétés ne peut être effectuée compte tenu de la situation déficitaire de l'actionnaire personne morale.
Comme vous le savez, monsieur le rapporteur général, l'avoir fiscal qui s'attache à des produits imposables mais non imposés en raison de la situation déficitaire de la société qui perçoit ces produits ne peut s'imputer faute de base d'imputation, c'est-à-dire d'impôt. C'est au demeurant logique, puisque l'avoir fiscal a pour objet d'atténuer une double imposition qui, en l'occurrence, n'existe pas.
Sauf à détruire cette cohérence, ces principes qui ne peuvent que s'appliquer à la partie de l'avoir fiscal correspondant à l'excédent de précompte acquitté par la société distributrice. L'imputation de l'avoir fiscal sur le précompte étant expressément réservée à la redistribution de produits ayant bénéficié du régime mère-fille, votre proposition ne peut donc être acceptée et j'en demande le rejet.
J'en viens à l'amendement n° I-186, présenté par Mme Beaudeau.
La mesure proposée, qui consiste à réduire à 33,33 % l'avoir fiscal - au lieu de 40 % dans notre proposition - sur les sommes effectivement versées par la société distributrice, vise à éviter le remboursement aux actionnaires, sous forme d'avoir fiscal, de l'intégralité de l'impôt sur les bénéfices payé par la société distributrice.
Or, vous le savez, madame Beaudeau, des dispositions ont été prises depuis 1997 qui permettent déjà d'écarter cette conséquence et je vous le démontre.
En effet, la contribution sur l'impôt sur les sociétés, égale à 10 % de cet impôt, n'a pas de contrepartie en avoir fiscal.
De même, la contribution sociale de 3,30 % de l'impôt sur les bénéfices, prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne créera pas d'avoir fiscal pour les actionnaires et constituera donc un prélèvement définitif.
En outre, la loi de finances pour 2000 prévoit déjà - nous venons d'en parler - de diminuer le taux de l'avoir fiscal à 40 % des sommes effectivement versées par la société distributrice à ses actionnaires autres que les personnes physiques et les sociétés possédant la qualité de société mère. Cette proposition qui a été adoptée par l'Assemblée nationale permet d'atteindre votre objectif.
En conséquence, tout en partageant les principes qui sous-tendent votre argumentation, je considère que votre amendement est superfétatoire - je viens de vous en faire la démonstration - et je vous demande de bien vouloir le retirer.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-27, repoussé par le Gouvernement.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le groupe communiste républicain et citoyen est franchement contre !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je m'en doutais !

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° I-186 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 12 bis, ainsi modifié.

(L'article 12 bis est adopté.)

Articles additionnels après l'article 12 bis