Séance du 30 novembre 1999







M. le président. Par amendement n° I-185, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 12, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 223 U du code général des impôts, il est inséré un article 223 V ainsi rédigé :
« Art. 223 V. - Le bénéfice des dispositions des articles 223 A à U est plafonné à 20 millions de francs. »
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement porte sur la question assez importante de l'application du régime des sociétés mères et d'imposition des groupes.
Nous avons déjà eu maintes fois l'occasion de souligner à quel point ce dispositif, guidé par une conception pour le moins discutable de la fiscalité des entreprises, nous paraissait exorbitant du droit commun.
Première observation : l'évaluation des voies et moyens, qui ne quantifie plus le coût réel du dispositif d'imposition de groupe, nous indique la motivation profonde qui a présidé à la mise en oeuvre de ce régime. Il s'agit, selon ce document, d'« assurer la neutralité de l'impôt sur les sociétés au regard de l'organisation et de la structure des groupes de sociétés ».
Posons-nous la question : la fiscalité doit-elle venir au secours des entreprises, doit-elle appuyer par ses règles les décisions de gestion de ces dernières ? Nous ne le croyons pas, et ce d'autant que le régime d'imposition des groupes, malgré les mesures qui ont récemment pu être prises et qui sont encore inscrites dans ce projet de loi de finances - je pense notamment aux dispositions relatives à l'avoir fiscal portant sur les produits de participations - demeure extrêmement favorable et a un coût largement excessif au regard de ce qu'il apporte à la collectivité.
Il crée en fait, pour les sociétés les plus intégrées de notre pays, un statut privilégié qui les fait échapper très largement à la règle commune en matière d'impôt sur les sociétés.
Les sociétés placées sous le régime des groupes ne paient pas un impôt équivalent au tiers de leur résultat fiscal, comme toute entreprise banalement assujettie à l'impôt. Il est bien moindre, et, sur un plan de simple équité fiscale, cela n'est pas véritablement supportable.
L'amendement n° I-185 vise donc à limiter la portée de l'application du régime des groupes à un niveau d'exemption fiscale que l'on pourrait qualifier de « raisonnable » et qui s'élèverait à 20 millions de francs par groupe constitué.
A défaut d'une remise à plat de l'ensemble du dispositif, qui nous semble tout à fait indispensable, ce serait un premier pas accompli dans la voie d'une moralisation fiscale pour le moins nécessaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Franchement défavorable.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Franchement...
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement comprend bien la préoccupation des auteurs de l'amendement. Mais les mesures de durcissement de la fiscalité des dividendes pour les sociétés mères et l'alourdissement du taux de l'avoir fiscal pour les autres entreprises répondent mieux à l'objectif que nous recherchons en commun.
En effet, le régime dont il est proposé de limiter la portée se révèle absolument indispensable dans la mesure où il instaure au sein d'un groupe sans actionnaire minoritaire significatif la neutralité des diverses formes d'exploitation.
Si l'on vous suivait et si l'on durcissait le régime, monsieur le rapporteur général, l'avantage fiscal escompté serait immédiatement annulé du fait de la réponse des groupes par des voies le plus souvent licites à cette nouvelle donne fiscale.
J'observe aussi que ce régime ne met pas en opposition, contrairement à ce que l'on pourrait penser à première vue, les grands groupes et les PME.
Les petits groupes familiaux organisés en plusieurs structures bénéficient naturellement, eux aussi, de ce régime favorable. Les chiffres que je vais vous indiquer vont sans doute vous étonner, mesdames, messieurs les sénateurs : deux tiers des groupes ont un chiffre d'affaires inférieur à 60 millions de francs,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... et 55 % des groupes ne sont formés que de deux sociétés. (M. le rapporteur général acquiesce.)
Des mesures allant dans le sens souhaité par le groupe communiste républicain et citoyen ayant été prises par ailleurs, j'invite les auteurs de cet amendement à le retirer : il est en effet déjà satisfait par la philosophie qui nous est commune.
En outre, je le répète, cet amendement, s'il était adopté, aurait des effets pervers d'un point de vue fiscal, effets qui seraient très préjudiciables aux petites et moyennes entreprises.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est une perversité !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-185, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 12 bis