Séance du 30 novembre 1999







M. le président. « Art. 12. _ Au deuxième alinéa du I de l'article 216 du code général des impôts, le taux : "2,5 %" est remplacé par le taux : "5 %". »
Par amendement n° I-26, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de rédiger comme suit cet article :
« La première phrase du deuxième alinéa du I de l'article 216 du code général des impôts est ainsi modifiée :
« 1° Le taux : "2,5 %" est remplacé par le taux : "3,75 %" ;
« 2° Après les mots : "des participations", les mots : ", crédit d'impôt compris" sont supprimés. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'article 12 a pour objet de porter de 2,5 % à 5 % la fraction des produits de participation reçus de ses filiales par une société mère qui doit être réintégrée dans son bénéfice imposable.
En d'autres termes, il s'agit d'une mesure destinée à freiner, en la rendant plus coûteuse fiscalement, la remontée des résultats au sein de deux sociétés liées par le régime des sociétés mères et filiales.
Or, si le taux de 5 % qui est proposé respecte le taux maximum autorisé par la directive du 23 juillet 1990 concernant le régime des sociétés mères et filiales, en revanche, s'agissant des charges non déductibles du bénéfice imposable de la société mère, l'assiette retenue par la France n'est pas conforme à celle qui est prescrite par ce texte communautaire. En effet, l'article 216 du code général des impôts prévoit que la quote-part imposable est calculée sur le total formé par les dividendes et les crédits d'impôt qui leur sont attachés, alors que l'article 4 de la directive précitée fixe comme plafond 5 % des bénéfices distribués par la société filiale. L'assiette retenue par la législation française est donc plus large que celle qui est prévue par la directive.
Il est clair que l'article 12 comporte des effets économiques très défavorables pour les entreprises. Si je ne m'abuse, son rendement est de plus de 4 milliards de francs de fiscalité supplémentaire sur les entreprises
En conséquence, l'amendement n° I-26 vise à ne retenir comme assiette de la quote-part que les produits de participation, à l'exclusion des crédits d'impôt. En contrepartie, et pour ne pas affecter l'équilibre des finances publiques - la commission des finances a le sens des responsabilités ! - il est proposé de porter le taux de cette quote-part à 3,75 % contre 2,5 % dans la législation actuelle et 5 % dans l'article 12.
Mes chers collègues, pardonnez le caractère assez technique de cette présentation volontairement abrégée. Vous trouverez dans le rapport écrit toutes les indications nécessaires. Il s'agit vraiment d'un débat important ; nous ne pouvons pas laisser passer en l'état l'article 12.
M. Michel Charasse. Merci pour les fumeurs !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement. La fixation à 5 % d'une quote-part de frais et charges a pour objet de mieux prendre en compte les charges relatives à la gestion des participations dont les produits sont exonérés. Cette mesure concerne essentiellement les holdings. Elle n'est pas pénalisante : si les sociétés holdings exposent des charges d'un montant inférieur à la quote-part forfaitaire, seules ces charges sont réintégrées. Dans le cas contraire, elles sont avantagées par le caractère forfaitaire de la réintégration, qui constitue ainsi un plafond. Or ce cas est fréquent, compte tenu des charges financières qui s'attachent généralement à l'acquisition des titres de participation.
Dans ces conditions, prévoir de ramener la quote-part à 3,75 % au lieu de 5 % ne se justifie pas.
Il en est de même de la seconde proposition que vous avez avancée, monsieur le rapporteur général, et qui consiste à calculer la quote-part sur le produit net des participations et non pas sur le produit brut : ce serait un moyen de minorer le montant des charges réintégrées en réduisant la base au lieu de diminuer le taux. La démarche est la même.
En outre, j'observe que ce dispositif est expressément prévu par une directive communautaire du 23 juillet 1990 relative au régime mère-fille dans l'Union européenne.
Enfin, cette mesure ne remettra pas en cause l'attractivité du régime mère-fille, puisque celui-ci restera plus favorable que le droit commun. Les dividendes reçus par les sociétés non mères sont en effet assujettis aux contributions assises sur l'impôt sur les sociétés. Par ailleurs, ils subissent la réduction du taux de l'avoir fiscal à 45 %, voire à 40 %, comme prévu à l'article 12.
Le Gouvernement demande donc le rejet de cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-26.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'amendement n° I-26 de la commission des finances porte sur la question de l'imposition des sociétés mères de groupes.
Nous avons déjà eu l'occasion de souligner à quel point le régime d'imposition des groupes était pour le moins discutable. Il consiste en effet à donner une forme de légalité à un processus de confiscation de la richesse créée par le travail des salariés au travers de structures juridiques à vocation uniquement capitalistique.
Chacun connaît la conséquence essentielle du processus : une divergence de traitement entre les entreprises qui sont soumises au régime normal de l'imposition et celles qui bénéficient des effets du régime intégré.
Nous aurons encore l'occasion de le dire, mais il est notoire que certains grands groupes, réalisant pourtant des bénéfices tous à fait confortables, n'ont été véritablement soumis ces dernières années qu'aux deux majorations exceptionnelles de l'impôt sur les sociétés, le régime intégré conduisant à une défiscalisation de fait d'une part essentielle de leurs résultats.
L'article 12 tend à majorer le pourcentage de la quote-part de frais et charges pris en compte dans le calcul des résultats consolidés des groupes de sociétés. Comme vient de l'indiquer M. le rapporteur général, cette mesure est productrice d'une majoration de plus de 4 milliards de francs du produit de l'impôt sur les sociétés.
Si la commission des finances ne remet pas tout à fait en cause le principe du relèvement de cette quote-part, elle en réduit la portée et rend en quelque sorte 2 milliards de francs aux groupes de sociétés. Cette mesure n'a donc pas seulement un petit côté technique.
Le régime consolidé n'est par conséquent pas estimable quant à son coût, mais cet article a le mérite de nous en faire percevoir l'un des contours les plus signifiants.
Rien ne semble, de notre point de vue, justifier la proposition de la commission, surtout dans le contexte que nous avons rappelé : celui d'une très sensible amélioration de la situation financière des entreprises qu'illustre d'ailleurs l'actualité boursière récente et que prouve encore le mouvement quelque peu indécent, sous certains égards, de fusions et de prises de contrôle qui alimentent la chronique économique.
Le niveau de dividendes distribués par les sociétés en 1998 et cette année encore - on a dépassé le seuil des 500 milliards de francs de distribution - est une preuve assez éclatante du phénomène.
Nous ne voterons donc pas cet amendement n° I-26 qui nous apparaît comme disproportionné dans le contexte économique et social actuel et négateur des principes de justice fiscale qui fondent notre législation.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je voudrais apporter très rapidement trois éléments d'information complémentaires.
Tout d'abord, et contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, il ne me paraît absolument pas évident que cette mesure soit en conformité avec le droit communautaire. S'il est possible de débattre de ce sujet, la solution n'est pas évidente. En tout cas, je ne pense pas que ce point puisse être tranché de manière incontestablement positive et avec l'assurance que vous avez affichée voilà quelques instants.
Par ailleurs, en ce qui concerne la constitutionnalité de l'article 12, il faut appeler l'attention sur un point : cet article est source de distorsions de traitement au détriment des sociétés mères françaises détentrices de participations dans des sociétés françaises. En effet, ces sociétés seront imposées sur 7,5 % des dividendes reçus de leurs filiales alors que, à produit égal, les sociétés détentrices de filiales établies dans un autre Etat membre de l'Union européenne supporteront une imposition sur une assiette limitée à 5 %. Il y a donc distorsion au détriment des sociétés mères françaises de filiales françaises. Cela me semble poser un problème d'égalité devant l'impôt, problème qui devra être apprécié en tant que tel.
Enfin, l'amendement n° I-26 prévoit une mesure de réajustement dont j'ai dit qu'elle visait à ne pas déséquilibrer les finances de l'Etat. Je précise qu'elle est destinée à maintenir le produit fiscal de la mesure qui a déjà été adoptée dans la loi de finances pour 1999 sur le même sujet. Je rappelle que les prélèvements sur les remontées de résultats au sein des groupes ont rapporté, l'année dernière, 4,5 milliards de francs, somme que nous préservons - on ne peut pas revenir sur ce qui a été voté au titre de la loi de finances pour 1999 - et qu'ils rapporteront, cette année, 4,2 milliards de francs supplémentaires, soit un total, en deux ans, de 8,7 milliards de francs.
Alors, qu'on ne nous dise pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Gouvernement conduit une politique de baisse de l'impôt !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-26, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 12 est ainsi rédigé.

Article additionnel après l'article 12