Séance du 30 novembre 1999







M. le président. « Art. 10. _ I. _ Au premier alinéa du 1 de l'article 92 B decies du code général des impôts et au II de l'article 160 du même code, les mots : "réalisée du 1er janvier 1998 au 31 décembre 1999" sont supprimés.
« II. _ Supprimé .
« III. _ A. _ Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 810 bis ainsi rédigé :
« Art. 810 bis . _ Les apports réalisés lors de la constitution de sociétés sont exonérés des droits fixes de 1 500 francs prévus au I bis de l'article 809 et à l'article 810. »
« B. _ Au dernier alinéa du III de l'article 810 du code général des impôts, les mots : "ou ont supporté le droit fixe prévu au troisième alinéa" sont remplacés par les mots : "ou qui ont supporté le droit fixe prévu au troisième alinéa ou en ont été exonérés en application de l'article 810 bis ". »
« IV. _ Supprimé . »
Sur cet article, je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-180 Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen proposent de supprimer cet article.
Les deux amendements suivants sont présentés par M. Marini, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° I-23 tend à rétablir, dans la rédaction suivante, le paragraphe II de l'article 10 :
« II. - L'article 163 bis G du code général des impôts est ainsi modifié :
« A. - Au 1 du II, les mots : "exercer une activité autre que celles mentionnées au deuxième alinéa du 2 au I de l'article 44 sexies et" sont supprimés.
« B. - Le V est supprimé. »
L'amendement n° I-24 a pour objet de rétablir, dans la rédaction suivante, le paragraphe IV de l'article 10 :
« IV. - Les dispositions du II s'appliquent à compter du 1er janvier 2000. »
La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° I-180.
Mme Marie-Claude Beaudeau Cet amendement tend, je le rappelle, à supprimer l'article 10, article qui a déjà été largement corrigé à l'issue du débat à l'Assemblée nationale, puisque les paragraphes II et IV ont été supprimés. Ne restent donc en débat, aujourd'hui, que les paragraphes I et III, dont nous souhaitons la suppression. Nous estimons, en effet, ne pas être parvenus au bout de la réflexion sur l'appui que l'Etat peut apporter au développement de l'initiative et à la création d'entreprise.
Le paragraphe I prévoit de proroger le dispositif incitatif de défiscalisation lié au report d'imposition des plus-values réinvesties dans le capital de sociétés nouvelles.
L'évaluation des voies et moyens nous indique d'ailleurs que, aujourd'hui, le coût de cette mesure incitative n'est pas véritablement chiffré, alors que tout laisse penser, de manière objective, que les autres dispositions incitatives - je pense, par exemple, à l'avoir fiscal - permettent largement de faciliter ces choix et ne justifient pas la mise en place d'un autre dispositif, que je considère quelque peu redondant.
Par conséquent, la portée de la mesure étant assez largement du niveau de la clause de style, nous ne pensons pas utile de prolonger son application.
Le paragraphe II concerne une mesure dont la portée est pour le moins également relativement faible.
Le coût de cette mesure, estimé à 200 millions de francs, ne nous paraît pas non plus justifié au regard de la situation de l'emploi ou de celle des entreprises.
Ce texte participe, certes, d'un mouvement général de réduction des droits d'enregistrement qui semble plus ou moins guidé par des impératifs de nature communautaire, mais il ne nous paraît pas plus pertinent. Il ne représente pas le meilleur appui que l'Etat puisse accorder au développement de l'activité économique, dans ce que l'on pourrait appeler la lutte contre la disparition précoce des entreprises.
D'ailleurs, de manière générale, nous estimons qu'une réflexion plus approfondie doit aujourd'hui être menée sur la consistance du soutien accordé par les politiques publiques à la création et au développempent des petites et moyennes entreprises, attendu que les principaux obstacles qui existent à une parfaite réussite des projets de création sont plus souvent générés par le coût des services bancaires que par les contraintes de la fiscalité.
Quand on fait le tour de la question, on observe, en effet, que l'élargissement du régime des micro-entreprises, les baisses de taux de la taxe sur la valeur ajoutée ciblées ou la réforme de la taxe professionnelle, toutes mesures déjà prises, n'auront de portée réelle que lorsque seront créées les conditions d'un allégement du coût d'accès au crédit pour les PME et les PMI.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite à adopter le présent amendement. M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre les amendements n°s I-23 et I-24.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit simplement, monsieur le secrétaire d'Etat, de rétablir le texte initial du Gouvernement en ce qui concerne les bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise.
Très justement inspiré, l'ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie avait prévu une extension particulièrement opportune de ce régime : d'une part, la mesure s'appliquait à toutes les sociétés de moins de quinze ans, quelle que soit leur activité, et ce à compter du 1er janvier 2000 ; d'autre part, le régime, qui n'était jusqu'ici que temporaire, était pérennisé.
Si l'on veut que de tels systèmes soient efficaces, il faut offrir aux investisseurs et aux acteurs de l'économie une sécurité juridique : ils doivent bénéficier de la visibilité pour monter et financer leur projet d'investissement. Une telle exigence ne peut guère se concilier avec un régime d'application expérimental et temporaire.
Par ailleurs, on ne voit pas au nom de quoi, aujourd'hui, on établirait des distinctions entre des bonnes et des mauvaises sociétés, entre des bonnes et des mauvaises activités. Le monde actuel se caractérise de plus en plus par l'émergence de nouvelles activités de services. Pour quelle raison mettrait-on à part les activités de certaines catégories d'entreprises qui peuvent fort bien se situer dans l'économie moderne, même en exerçant des activités financières, immobilières, bancaires, d'assurances et de pêche maritime ? En effet, par une aberration que je ne comprends pas, d'ailleurs, jusqu'à présent, la pêche maritime est exclue des bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise, au même titre que la banque, l'assurance et l'immobilier.
C'est donc à juste titre que M. Dominique Strauss-Kahn avait prévu cette extension particulièrement opportune.
J'avoue ne pas avoir compris comment l'Assemblée nationale, sous le coup d'un émoi soudain, a pu en quelque sorte jeter le bébé avec l'eau du bain. Une polémique est née, en effet, sur le cas, déjà cité ici, de l'ancien président Elf Aquitaine. Compte tenu de l'émotion suscitée par cette affaire, l'une des idées les plus novatrices de ce projet de loi de finances, et il n'en comporte pas beaucoup,...
M. René-Pierre Signé. Oh !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Vous êtes sévère !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... qui plus est introduite sur l'initiative personnelle du ministre, a été littéralement liquidée au terme d'un débat tout à fait pitoyable.
Par conséquent, monsieur le secrétaire d'Etat, pour soutenir l'intention initiale du Gouvernement, et dans un esprit constructif, il importe de revenir à la version première du projet de loi de finances soumis à l'Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-180, I-23 et I-24 ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur général, nous avons déjà discuté de cette question ce matin, et fort longuement, lorsque nous avons abordé la question des options de souscription d'actions.
J'ai indiqué, à cette occasion, que le Gouvernement souhaitait enrichir sa réflexion des conclusions du rapport de MM. Balligand-Foucauld - c'est une affaire de quelques semaines, puisque la publication est attendue au mois de janvier - et mettre à plat l'ensemble du système incitatif, bien entendu dans le droit-fil des orientations définies, pour les bons de souscription de parts de créateur d'entreprise, par M. Dominique Strauss-Kahn, auquel je tiens à rendre hommage.
J'ai aussi indiqué qu'il n'était pas opportun, alors que l'Assemblée nationale a statué de manière différente,...
M. Jean Chérioux. Sous le coup de l'émotion !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... de revenir aujourd'hui sur des dispositions que la majorité plurielle à l'Assemblée nationale avait souhaité voir adoptées, avant que nous ayons pu approfondir les questions de la nécessaire dynamique de la création d'entreprises, de la nécessaire dynamique fiscale propre à encourager la prise de risques dans la petite entreprise, notamment dans la petite entreprise innovante, qui constitue, bien entendu, comme MM. Strauss-Kahn, Allègre et Sautter l'ont déjà dit ici même, le socle de l'action du Gouvernement en faveur de l'emploi et de la promotion de l'esprit d'entreprise.
M. Marcel-Pierre Cléach. Surréaliste !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Comprenne qui pourra !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Sans donc remettre en cause les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, sans remettre en cause l'esprit qui a inspiré le vote de vos collègues députés,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est difficile !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... le Gouvernement ne souhaite pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous adoptiez les amendements en discussion.
D'ailleurs, madame Beaudeau, les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale vous donnent déjà largement satisfaction, et je ne pense pas qu'il serait opportun de remettre en cause la surprime du droit fixe de 1 500 francs pour la création de l'entreprise. La surprime de ce droit contribue à la mobilisation en faveur de la création d'entreprises, objectif qui rassemble, je pense, l'ensemble des sénateurs, sur toutes les travées. Je ne vous suivrai donc pas sur ce point.
Par ailleurs, s'agissant des amendements n°s I-23 et I-24 de M. Marini, j'ai déjà fait connaître l'avis du Gouvernement ce matin : je souhaite qu'ils soient repoussés au bénéfice des dispositions qui seront prises à la suite du rapport de MM. Balligand-Foucault dont je parlais tout à l'heure.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-180.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je m'exprimerai, en fait, sur les trois amendements.
Je suis étonné des déclarations de M. le secrétaire d'Etat. Comme ce matin, on nous renvoie à des études, à des rapports imminents. Tout cela est extrêmement gênant pour M. Strauss-Kahn, parce que cela signifie que, lorsqu'il avait présenté ses propositions, il n'avait pas réfléchi, il n'avait pas diligenté d'études préalables...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Jean Chérioux. ... et qu'il s'agissait, sinon d'amuser la galerie, du moins d'agir dans la précipitation. Ce n'est sûrement pas le cas, en réalité, car ce n'est pas dans la nature de M. Strauss-Kahn. Par conséquent, monsieur le secrétaire d'Etat, cet argument n'est pas très pertinent.
En fait, ce que vous n'osez pas dire, c'est que l'Assemblée nationale a pris cette décision sous le coup d'une émotion excessive et aujourd'hui, alors que le Sénat, qui réfléchit toujours un peu plus et qui travaille avec un peu plus de recul par rapport à l'événement, reprend la question, vous nous opposez cette décision dont on sait que, à l'évidence, compte tenu des conditions dans lesquelles elle a été prise, elle ne devrait pas être suivie.
Mais je vous comprends, vous avez une majorité plurielle, monsieur le secrétaire d'Etat, et je n'aurai pas la cruauté d'insister davantage.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-180, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-23, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-24, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 10, modifié.

(L'article 10 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 10