Séance du 30 novembre 1999







M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-75, M. Arthuis et les membres du groupe de l'Union centriste proposent d'insérer, après l'article 7, un article additionnel rédigé comme suit :
« I. - L'article 80 bis du code général des impôts est abrogé.
« II. - Le deuxième alinéa du 4 bis de l'article 94 A du code général des impôts est supprimé.
« III. - Le 6 de l'article 200 A du code général des impôts est supprimé.
« IV. - L'article 92 B bis du code général des impôts est rédigé comme suit :
« Art. 92 B bis. - Le gain net défini au paragraphe 4 bis de l'article 94 A est imposé dans les conditions prévues à l'article 92 B si la levée de l'option intervient avant l'achèvement d'une période de cinq années à compter de la date d'attribution de l'option et si la cession des titres est postérieure à cette période.
« Si la condition prévue au premier alinéa n'est pas remplie, le gain réalisé est imposé à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires. La taxation est effectuée au titre de l'année au cours de laquelle le salarié a cédé les actions. »
« V. - Les pertes de recettes résultant des paragraphes précédents sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-142, MM. Charasse, Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Demerliat, Haut, Lise,Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le 6 de l'article 200 A du code général des impôts est complété par deux phrases ainsi rédigées : "Pour les titres cédés à compter du 1er juillet 2000, les dispositions du présent alinéa ne sont applicables que si l'assemblée générale et le comité d'entreprise ont été informés du nom du bénéficiaire, du nombre des titres cédés et de leur montant. Dans le cas contraire, la cession est imposée à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires. »
Par amendement n° I-166 rectifié, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le 6 de l'article 200 A du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 6. L'avantage mentionné au 1 de l'article 163 bis C est imposé à l'impôt sur le revenu suivant les règles appliquées aux traitements et salaires. »
La parole est à M. Badré, pour défendre l'amendement n° I-75.
M. Denis Badré. On parle beaucoup ces temps-ci de stock-options, en bien ou en moins bien.
Le principal auteur de cet amendement n'est autre que le président de notre groupe, M. Arthuis, qui propose une solution concrète à un vrai problème et qui a l'ambition de démontrer qu'il est possible de progresser, pour peu qu'on en ait la volonté politique.
Cet amendement vise à favoriser la distribution de stock-options à l'ensemble du personnel. Il simplifie et allège le dispositif de taxation de ces produits, en ne prévoyant leur taxation que lors de la cession des actions.
Je passe sur le détail de cet amendement, qui vise surtout à marquer une volonté de progresser sur ce dossier.
M. le président. La parole est à M. Charasse, pour défendre l'amendement n° I-142.
M. Michel Charasse. La question des stock-options a refait surface récemment dans des conditions un peu polémiques qui n'étaient pas d'ailleurs injustifiées tant les chiffres annoncés étaient énormes. Mais, au-delà du tumulte et de l'écume des choses, et parce que je fais partie de ceux qui n'aiment pas légiférer sous la pression de l'actualité, il m'a paru utile de proposer une solution qui réglerait bien des difficultés et qui, à mon avis, serait beaucoup plus efficace que toute opération que l'on peut tenter de faire sur les taux d'imposition, les modalités d'imposition, les conditions, etc.
Au fond, la situation française en matière de ce que l'on appelle les stock-options n'est pas si fondamentalement différente de ce qui se passe dans les autres pays étrangers, sans que cela suscite des drames dans l'opinion, des interrogations, des jalousies. Il existe toutefois une très grande différence. Pourquoi, partout ailleurs, tout est public et pourquoi, chez nous, tout est secret ?
Quand on gagne de l'argent honnêtement, quand on estime que l'on vaut une certaine somme, on doit avoir le courage de le dire ! Comme cela se fait partout ailleurs dans le monde, et sans qu'il soit question d'entrer dans des débats oiseux sur la taxation, la non-taxation, la surtaxation, l'allégement, l'exonération ou autres, il suffit de dire la vérité aux actionnaires et aux salariés !
Par conséquent, mon amendement a simplement pour objet de préciser que, pour les titres, les stock-options qui seront cédés à compter du 1er juillet 2000 - j'ai mis le 1er juillet parce qu'à partir du 1er janvier, cela n'ira pas évidemment - les dispositions fiscales les plus favorables aux stock-options s'appliqueront à partir du moment où l'assemblée générale des actionnaires et le comité d'entreprise auront reçu la liste des bénéficiaires, le nombre des titres cédés et le montant des droits qui leur sont accordés.
Cette façon de faire est d'une transparence absolue ; elle existe dans toutes les démocraties occidentales libérales. Mais, chez nous, le système est plus cadenassé que le plus cadenassé des secrets d'Etat, ce qui n'est tout de même pas normal ! Dans ce cas-là, cela veut dire que l'argent est inavouable. Or, moi, je considère qu'il est avouable, mais il doit être avoué.
Tel est l'objet de l'amendement n° I-142.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° I-166 rectifié.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Peut-être allez-vous nous objecter une certaine insistance et une vision un peu trop sélective des données fiscales que nous défendons, mais force est de constater qu'il est largement temps, de notre point de vue, de mettre un terme aux privilèges fiscaux pour le moins exorbitants du droit commun que constitue le système des options d'achat d'actions.
On sait que ce dispositif a été l'objet, ces dernières années, de multiples évolutions, dont la moindre n'a pas été, en 1993, la levée temporaire de délai de garde.
Il a aussi conduit à de multiples abus, dont le moins que l'on puisse dire est qu'ils ont fait la « une » de la presse spécialisée comme de la presse satirique ou de la presse d'opinion.
Les affaires Jaffré et Bébéar ont montré les abus auxquels pouvait conduire ce dispositif.
Il n'est pas difficile de prévoir que la récente valorisation boursière de certaines entreprises ou leur introduction sur les marchés seront de nouveau l'occasion de constater le caractère choquant de ce dispositif.
Nous l'estimons comme tel pour des raisons qui ne sont pas seulement liées au montant faramineux ou astronomique des sommes en jeu, mais qui tiennent à une interprétation objective du processus de constitution de l'avantage fiscal.
On nous indique que le système des options d'achat est destiné à faciliter le maintien en fonction des cadres dirigeants des entreprises concernées.
Sur un strict plan moral, on pourra donc s'interroger sur la valeur de l'attachement de ces cadres à l'entreprise qu'ils dirigent, qui se mesurerait ainsi de manière quantifiable et exclusivement monétaire...
La culture managériale serait-elle donc une dissimulation « idéologique » de préoccupations simplement matérielles ?
Les options d'achat d'actions exercent, on le sait, une attraction particulière dans les entreprises non cotées et appelées éventuellement à intégrer les marchés suite à un développement plus ou moins rapide de leur activité, et singulièrement de sa traduction comptable, le bénéfice.
Or, chacun sait qu'il est particulièrement aisé, sur un plan juridique, de créer une entreprise non cotée à partir du démembrement d'une entreprise déjà inscrite à la cote et dont on va distinguer une activité ou un segment d'activité que l'on pressent porteur, à moyen terme, de plus-values significatives.
Les choses étant ce qu'elles sont, la valeur de l'entreprise en question va donc croître et embellir, et, le jour de l'introduction sur les marchés, les cadres dirigeants pourront donc valoriser leurs achats de manière spectaculaire et particulièrement rentable.
Je voudrais souligner ici que cette valorisation boursière est, désormais, assez largement dépendante des conditions mêmes de l'activité, et notamment des critères de partage entre salaires et valorisation des fonds propres qui sont retenus dans la gestion de l'entreprise.
En clair, plus la précarité et la productivité apparente du travail sont importantes, plus la marge de valorisation est élevée.
Le dispositif des options d'achat d'actions est donc une parfaite illustration du moins-disant social qui sous-tend le libéralisme dans son expression la plus pure.
C'est aussi ce qui pourrait justifier l'abandon du régime dérogatoire dont bénéficient ces placements, qui s'apparentent un peu, quoi qu'on en dise, non pas à un louable effort de développement de l'épargne salariale, mais bien plutôt à une forme de délit d'initié organisé, couplé à une évasion fiscale atteignant rapidement des montants surprenants et particulièrement élevés.
La démarche que nous préconisons est loin d'ailleurs d'être en dehors de l'actualité, puisque, par exemple, même le gouvernement de M. Aznar en Espagne, devant l'émotion suscitée par le montant des stock-options que se sont octroyées les cadres de la Telefonica, a décidé de majorer sensiblement la fiscalité de ces placements.
Exclure aujourd'hui d'apporter une solution au problème posé, car il doit entrer dans le cadre plus général d'un débat sur l'épargne salariale, ne nous apparaît pas pertinent.
Avec les stock-options, nous ne sommes pas dans le cadre de ce débat, nous sommes dans celui de la perversion pure et simple de notre système fiscal au profit exclusif de quelques initiés, par ailleurs souvent « donneurs de leçons » quand il s'agit, par exemple, de prôner la modération salariale ou l'abandon des principes de solidarité dans le financement de la protection sociale.
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons donc à adopter cet amendement de notre groupe.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-75, I-142 et I-166 rectifié ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce débat important, qu'il faut reprendre dans cet hémicycle, porte sur un sujet que nous voyons revenir de manière récurrente dans nos discussions au gré de l'actualité et des propositions qui sont présentées par les gouvernements successifs. De ce point de vue, l'initiative de M. Jean Arthuis et des membres du groupe de l'Union centriste vient à point.
M. Denis Badré. Excellente initiative !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En effet, il est bon de reprendre l'ensemble de ce sujet, de remettre en perspective le régime fiscal des options de souscription ou d'achat d'actions par rapport à l'évolution de l'économie et par rapport à ce que l'on peut estimer être l'intérêt de nos entreprises.
Nous devons, mes chers collègues, être animés d'une véritable obsession, celle de la compétitivité, non pas la compétitivité prise dans un sens trop étroit, mais essentiellement, me semble-t-il, la compétitivité de notre pays, de son ordre juridique et fiscal. Si l'on veut que, sur notre territoire, des gens investissent, prennent des risques, aient intérêt à créer de l'activité et de l'emploi, il faut à l'évidence que notre pays, en particulier son ordre juridique et fiscal, soit compétitif, qu'on le veuille ou non !
Il est des comparaisons qui sont élaborées à chaque instant entre les différents ordres juridiques et les différents ordres fiscaux. De ce point de vue, Jean Arthuis veut faire un peu de pédagogie, et cet objectif est naturellement tout à fait digne d'estime.
L'ordre du jour de la prochaine séance publique réservée aux propositions d'origine sénatoriale, précisément le 16 décembre, comporte deux propositions de loi qui touchent à ces sujets abordés sous l'angle de l'organisation de l'entreprise, du droit des sociétés et du droit social.
M. Jean Chérioux a pris l'initiative d'un texte qui va tout naturellement être rapporté par la commission des affaires sociales. Par ailleurs, M. Jean Arthuis, à titre complémentaire et, à mon avis, dans la même démarche, va faire des préconisations concernant les options de souscription ou d'achat d'actions. Ce texte sera, comme il est naturel en la matière, rapporté par la commission des finances. Nous nous retrouverons donc en séance pour reprendre l'examen de l'ensemble du sujet, chacun avec ses préoccupations respectives.
Sur le fond, je me bornerai à trois remarques.
En premier lieu, il faut progresser dans le sens d'une plus grande transparence. A cet égard, l'amendement n° I-142 de M. Michel Charasse est largement satisfait par un amendement voté par le Sénat à l'occasion de la loi sur l'innovation et la recherche, et conçu sur l'initiative du rapporteur pour avis, M. René Trégouët, amendement que le Gouvernement aurait été bien inspiré, monsieur le secrétaire d'Etat, de laisser subsister dans le texte jusqu'au terme de son existence.
Il s'agissait des dispositions suivantes : « L'assemblée générale extraordinaire d'une société fixe les conditions dans lesquelles l'assemblée générale ordinaire est informée chaque année des attributions nominatives d'options. Cette information nominative doit porter au minimum sur les options de souscription ou d'achat d'actions de la société ou des sociétés ou groupements qui lui sont liés - cela est important, vous le savez - consenties au cours de l'exercice écoulé et détenues par : premièrement, le président du conseil d'administration ou du directoire, les directeurs généraux ou les gérants ; deuxièmement, les membres du conseil d'administration ou du directoire et du conseil de surveillance ; troisièmement, les dix salariés de la société et des sociétés ou groupements qui lui sont liés autres que les personnes mentionnées ci-dessus pour lesquelles le nombre d'options consenties au cours de l'exercice écoulé est le plus élevé. »
Ainsi, pour ce qui est de la transparence, sans aller tout à fait jusqu'à la désignation nominative des bénéficiaires suggérée par Michel Charasse, le Sénat, en adoptant l'amendement de M. Trégouët, a fait la preuve de sa volonté de progresser, dans des conditions acceptables au regard de la culture de nos entreprises.
En deuxième lieu, il faut bien veiller à ce que les stock-options ne puissent être utilisées sur le marché boursier par des personnes détenant des informations privilégiées, de telle manière que les opérations réalisées sur ce marché pourraient se trouver perturbées.
De ce point de vue, depuis des années, nous formulons des propositions auxquelles il convient de revenir, propositions visant en particulier à éviter que des dirigeants d'entreprise ne puissent lever les options ou vendre les titres correspondants à certains moments de la vie de l'entreprise, c'est-à-dire lorsqu'il y a proximité ou coïncidence avec une information dont ils sont détenteurs, qui va être rendue publique mais dont le marché n'a pas encore connaissance.
En troisième lieu, il est un aspect à prendre en compte qui est tout aussi essentiel que les précédents, c'est la prise de risque.
Le traitement fiscal des options de souscription ou d'achat d'actions comme plus-values de valeurs mobilières n'est légitime que s'il y a un minimum de prise de risque de la part de leurs détenteurs. Cela signifie que les opérations en question doivent être conçues comme une véritable association au capital supposant, de la part des bénéficiaires, mise de fonds, détention de titres réelle, physique, ce qui implique qu'ils réalisent les financements correspondants pendant au moins une certaine période.
C'est bien ce que prévoyait le dispositif que la commission des finances avait fait voter à la Haute Assemblée lors de l'examen, voilà quelques mois, du texte présenté par M. Claude Allègre, puisque nous avions prévu la réinstauration du délai de portage d'un an au minimum, en vertu de ce raisonnement très simple : oui, les options sont nécessaires et légitimes ; oui, il convient de ne pas considérer leur mise en jeu comme un surcroît de rémunération, mais à la condition qu'il y ait bien prise de risque, association au capital, et que les intéressés fassent un minimum d'efforts pour se trouver dans cette situation.
A ce moment-là, le système est équilibré, et c'est cet équilibre qui est institué dans de nombreuses législations étrangères.
Il sera souhaitable de revenir sur ce débat à l'occasion de l'examen, le 16 décembre, des textes qui ont été déposés, d'une part, par Jean Chérioux, d'autre part, par Jean Arthuis. Sous le bénéfice de cette observation, les amendements n°s I-75 et I-142 devraient pouvoir, me semble-t-il, être retirés.
S'agissant de l'amendement n° I-166 rectifié, Mme Beaudeau acceptera que je lui dise, avec toute la considération qui lui est due, que c'est son amendement qui m'apparaît comme relevant d'une perversion complète.
M. le président. L'amendement n° I-75 est-il maintenu, monsieur Badré ?
M. Denis Badré. Monsieur le président, nous tenions dès aujourd'hui à donner le ton du débat très important qui se tiendra le 16 décembre à l'occasion de l'examen des propositions de loi de nos collègues Jean Chérioux et Jean Arthuis. Nous voulions montrer que ce débat méritait d'être soigneusement préparé par tous et insister sur la nécessité d'être à la fois - et c'est possible - simple et pratique, transparent et lisible, ambitieux autant pour l'ensemble des personnels que pour la compétitivité de nos entreprises, comme le demandait fort opportunément à l'instant M. le rapporteur général.
Bien entendu, sous le bénéfice de ces remarques, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° I-75 est retiré.
L'amendement n° I-142 est-il maintenu, monsieur Charasse ?
M. Michel Charasse. Je souhaiterais d'abord entendre l'avis du Gouvernement.
M. le président. J'ai effectivement omis, monsieur le secrétaire d'Etat, de demander l'avis du Gouvernement sur les différents amendements soumis à cette discussion commune.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je remercie M. Charasse de préserver les droits du Gouvernement, qui n'avaient d'ailleurs été nullement négligés, j'en suis persuadé, par la présidence.
Bien que l'amendement n° I-75 ait d'ores et déjà été retiré, je tiens à préciser qu'il est étonnant de vouloir supprimer le taux de 30 % applicable à la plus-value d'acquisition réalisée par les détenteurs de stock-options, ou plutôt d'options de souscription d'actions, car cela me semble revenir sur la réforme des options de souscription d'actions qui avait été préconisée dans le rapport déposé par MM. Arthuis et Marini en 1995.
MM. Paul Loridant et Philippe Marini, rapporteur général. Et M. Loridant ! (Sourires.)
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Et M. Loridant, effectivement ! Justice vous en soit rendue, monsieur le sénateur !
En même temps, je comprends cette proposition puisque les mesures prises à l'époque, puis celles qui ont été adoptées en 1997 n'ont pas réussi à instaurer pour les options de souscription d'actions un régime juridique, fiscal et social équilibré, et c'est un euphémisme.
Or instaurer un régime juridique, fiscal et social équilibré pour les options de souscription d'actions est bien l'objectif que poursuit le Gouvernement. Celui-ci va insérer la réforme de ces options de souscription d'actions dans une réforme d'ensemble concernant l'épargne salariale et qui sera engagée dès que le rapport de M. Balligand, député de l'Aisne, et de M. de Foucauld, ancien commissaire au Plan, sera publié, c'est-à-dire à la fin du mois de janvier ou dans les premières semaines du mois de février.
Ce rapport fera le point sur les travaux antérieurs, vos travaux, monsieur le rapporteur général, ceux d'autres membres de la Haute Assemblée et d'autres contributions.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne devons pas préjuger ce que seront les mesures préconisées par le rapport Balligand - Foucauld.
Je peux toutefois indiquer dès aujourd'hui que, selon moi, les propositions de plus grande transparence, ce sont celles du rapporteur général. Ce sont également celles - avec une inflexion encore plus marquée vers la transparence effective - de M. Charasse puisque celui-ci complète, en quelque sorte, le dispositif du rapporteur général en proposant que la transparence aille jusqu'à l'énoncé nominatif des bénéficiaires des plans de souscription d'actions.
Ces dispositions de transparence paraissent nécessaires au Gouvernement. Il faut, dès à présent, indiquer que cet objectif politique est indispensable non pas simplement pour moraliser - argument qui est, à juste titre, invoqué par certains - le système des options de souscription d'actions mais aussi pour l'aligner sur l'expérience étrangère.
Si ce système est bon pour l'économie, s'il la dynamise, s'il est favorable à la création d'entreprises, à l'investissement, à la croissance, nul doute que personne ne souhaitera le cacher, le rendre obscur ou illisible.
Une deuxième idée complète peut-être celle que M. Charasse a incluse dans son amendement. Pourquoi ne s'interrogerait-on pas sur une distribution des options de souscription allant, dans la hiérarchie de l'entreprise, plus bas que les seuls dirigeants ou que la seule poignée de dirigeants qui, dans les expériences connues jusqu'à présent en matière de distribution d'options de souscription, en ont été les seuls bénéficiaires ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Arrosage municipal !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Il faut sans doute, dans ce domaine, ne pas se cantonner au sommet de l'entreprise et descendre dans la hiérarchie. Jusqu'où ? Le rapport de MM. Balligand et Foucauld nous le dira.
Monsieur le rapporteur général, outre l'exigence de transparence, très appuyée dans l'amendement de M. Charasse, vous avez ajouté deux notions qui me paraissent devoir être versées aux débats.
Sans que je me prononce au nom du Gouvernement sur ces options, il me paraît effectivement intéressant, à titre personnel, de veiller à ce que l'exercice de ces options à des moments favorables, ou du fait la détention d'informations privilégiées, ne vienne contrecarrer le cours normal de l'évolution du titre ou perturber le marché. Je considère que c'est une bonne idée.
De plus, vous avez souhaité encourager la prise de risque, distinguant l'option de souscription d'actions d'une simple rémunération complémentaire aux salaires versés aux dirigeants. Cela participe de la dynamique de moralisation, d'une part, et d'efficacité économique, d'autre part. En effet, ou il s'agit d'éléments de rémunération, et ces options doivent être regardées sur le plan fiscal comme un revenu,...
M. Philippe Marini, rapporteur. Parfaitement !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... ou il s'agit d'une prise de risque, d'une nature proche d'un engagement effectif de l'actionnaire, et il est alors légitime que ces options de souscription bénéficient d'un traitement fiscal particulier.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Vous avez bien posé le problème que nous aurons à résoudre dans les prochaines semaines : transparence, précautions prises pour que le marché ne soit pas perturbé, accent mis sur la prise de risque - car c'est bien la nature même de l'option de souscription d'actions - celle-ci devant avoir une traduction financière.
Sur ce dernier point, il peut y avoir, notamment en ce qui concerne le délai de partage associé à la notion de prise de risque, une forme de contrainte.
En effet, il sera plus facile aux dirigeants de l'entreprise, ceux qui sont au sommet, qu'à des membres du personnel situés plus bas dans la hiérarchie d'emprunter pour financer leurs options de souscription d'actions.
Autrement dit, le délai de portage évoqué par le rapporteur général peut être tourné par les recours à des mécanismes financiers et il gênera moins les dirigeants du sommet que les autres bénéficiaires éventuels des options de souscription, puisque je considère, je le répète, que ces options ne doivent pas être réservées au seul sommet, au seul « top du top » des dirigeants.
L'objection que je viens d'élever me paraît fondée, car le recours à l'emprunt dans la perspective de la prise de risque sera toujours plus facile pour quelqu'un ayant déjà acquis un patrimoine qu'il présentera en garantie à son banquier - et qui pourra ainsi plus facilement souscrire - que pour d'autres membres de l'entreprise qui n'auront pas le même patrimoine ni les mêmes facilités.
M. Philippe Marini, rapporteur général. On ne tond pas un oeuf !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Tout cela, mesdames, messieurs, est en débat. Le Gouvernement ne souhaite pas, en l'état actuel de ce dossier, prendre position. Il souhaite attendre la remise du rapport. Cela dit, la discussion de grande qualité qui se déroule ce matin au Sénat est une contribution importante à ce débat. Nous y reviendrons lorsque nous vous soumettrons un plan global consacré au développement de l'épargne salariale de l'entreprise. (Applaudissements.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-142.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. J'ai écouté avec l'attention que l'on imagine ce qui vient d'être dit par le rapporteur général, d'une part, et par le secrétaire d'Etat, d'autre part.
M. le secrétaire d'Etat a rappelé que des réflexions étaient actuellement en cours sur l'ensemble de la question dite des stock-options - même si le terme a de quoi hérisser ceux qui n'aiment pas beaucoup le franglais - en ce qui concerne leur taxation, leur régime fiscal, les modalités de leur distribution, etc.
Je dirai amicalement à M. le secrétaire d'Etat que ce sont des éléments importants mais que, quelle que soit la manière dont on aborde la question des stock options , dans tous les cas on retrouve, à mon avis, la question de la transparence, qui est pour moi une exigence.
De ce point de vue, il n'y a donc pas de désaccord, me semble-t-il, entre le Gouvernement et moi, ni même, d'ailleurs, entre M. le rapporteur général et mes amis et moi, puisque c'est un amendement qui est présenté par les membres de mon groupe.
Monsieur le rapporteur général, vous avez dit que nous avions satisfaction grâce à l'amendement de M. Trégouët, et vous avez rappelé les termes de cet amendement. Mais, le problème, c'est que cette information paraît insuffisante, partielle, bref, on a l'air de faire du camouflage, contrairement à ce qui se passe à l'étranger.
En outre, le code des sociétés comporte une disposition qui renvoie à un décret le soin d'assurer la transparence. Il se trouve que ce décret n'a jamais été pris - c'est donc la faute des gouvernements, de l'exécutif - mais pour une raison très simple : les dispositions concernant la transparence sont, à l'évidence, des dispositions de nature législative. Par conséquent, je ne vois pas comment l'exécutif aurait pu, même par délégation du législateur, sans doute très maladroite, intervenir par voie réglementaire dans un domaine qui touche au patrimoine et qui, par nature, relève du domaine réservé à la loi par l'article 34 de la Constitution.
Nous avons donc l'amendement de M. Trégouët, information partielle et insuffisante, un décret prévu dans le code des sociétés, mais qui n'a pas été pris parce que la matière ne relève pas vraiment du domaine réglementaire, et un tronc commun de toutes les dispositions à l'étude annoncées par M. le secrétaire d'Etat. On prône la transparence ! Pourquoi ne pas l'instaurer tout de suite ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. On va le faire !
M. Michel Charasse. Comme je l'indiquais tout à l'heure, on a toujours intérêt à dire la vérité. Pourquoi cela est possible ailleurs et par chez nous ? C'est une antienne que je ne cesserai de prononcer. Pourquoi faudrait-il que l'argent soit chez nous honteux - c'est sans doute la raison pour laquelle on le cache - alors que, normalement, il ne l'est jamais et il ne peut pas l'être lorsqu'il est justifié par le génie, par le talent, par le travail, par les services que l'on rend à l'économie, à la société, à son pays, à l'emploi.
M. Jean Chérioux. Et par le risque !
M. Michel Charasse. Et par le risque que l'on prend, encore que l'on ne doive pas forcément arroser excessivement les risque-tout. Il y a une différence entre celui qui prend des risques et le cascadeur, car l'un peut recevoir des stock-options et l'autre éventuellement une distinction dans un grand ordre national. (M. le rapporteur général sourit.) Ce n'est pas tout à fait la même chose !
Cela étant, je suis perplexe. M. le secrétaire d'Etat me demande de retirer l'amendement. Je serais tenté de le faire en me disant que je vais attendre l'ensemble du dispositif. Mais la question transcende tout le reste ! Je veux bien, en accord avec mes amis, retirer l'amendement... (L'orateur se tourne vers les membres de son groupe qui font des signes de dénégation.)
M. Emmanuel Hamel. Il y a doute !
M. Michel Charasse. Eh bien ! je ne le retire pas !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-142.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je dois dire que je suis assez satisfait d'avoir entendu ce que je viens d'entendre, en particulier venant d'un gouvernement issu de la gauche plurielle : celle-ci vient de découvrir les mérites de la participation et de l'épargne salariale, de tout ce qui a été combattu par la gauche depuis une quarantaine d'années. C'est une grande satisfaction pour moi. (M. le secrétaire d'Etat fait un signe dubitatif.) On ne peut pas dire que la gauche a été le champion de la participation, monsieur le secrétaire d'Etat ! Vous n'allez pas nous enlever cela !
Vous avez dit, et j'en suis très heureux, que vous alliez vous inspirer des débats du Sénat et de l'Assemblée nationale. J'espère donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous vous intéresserez aux deux propositions de loi qui seront débattues ici même, le 16 décembre prochain, même si vous ne leur donnerez sans doute pas votre agrément parce que vous allez présenter votre propre texte. En tout cas, vous y apprendrez des choses qui pourront vous être extrêmement utiles et qui seront surtout utiles à la nation.
Cela dit, parmi les différents interlocuteurs que vous avez envisagés, vous en avez oublié un, qui est pour moi très important : je fais allusion à une institution que j'ai contribué à créer, le Conseil supérieur de la participation. Je souhaite qu'en la matière le Gouvernement demande l'avis de ce Conseil supérieur de la participation. Il oeuvre depuis un certain nombre d'années déjà sur ce problème et il a des idées très précises sur le sujet.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, avant de vous donner la parole, j'informe le Sénat que je suis saisi, par M. Charasse, d'une demande de rectification portant sur son amendement. Il s'agira donc de l'amendement n° I-142 rectifié, dont je vous donne lecture :
« Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le 6 de l'article 200 A du code général des impôts est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Pour les titres cédés à compter du 1er juillet 2000, les dispositions du présent alinéa ne sont applicables que si l'assemblée générale et le comité d'entreprise ont été informés dans des conditions fixées par décret du nom du bénéficiaire, du nombre des titres cédés et de leur montant. Dans le cas contraire, la cession est imposée à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires. »
Je vous donne maintenant la parole, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je souhaite réagir à ce qu'a dit M. Chérioux. La majorité plurielle et le Gouvernement ne viennent pas de découvrir les vertus de l'épargne salariale. Je procéderai à un simple rappel historique.
J'ai le souvenir, comme d'autres certainement dans cet hémicycle, que c'est le ministre des finances, M. Jacques Delors, qui, en 1983, a proposé un texte concernant le développement de l'épargne salariale dans la loi de finances initiale pour 1984. C'est donc dès le début de son accession au gouvernement que la gauche a manifesté son intérêt pour ce type d'association des salariés à la marche des entreprises.
M. Michel Charasse. Les mutuelles pratiquent l'épargne salariale depuis le début du siècle !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. L'épargne salariale date, bien sûr, du mouvement mutualiste.
M. Jean Chérioux. La gauche n'est pas allée jusqu'à la participation !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je ne disconviens pas que vous ayez une antériorité sur nous en ce qui concerne la participation. Toutefois, dans le souci, d'ailleurs, d'aller dans votre sens...
M. Emmanuel Hamel. Merci, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre bon sens !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... puisque nous manifestons, les uns et les autres, un intérêt à l'égard de ces dispositifs, je voulais rétablir la vérité historique : en 1983, la gauche a également proposé une réforme de l'épargne salariale par la création de fonds salariaux...
M. Jean Chérioux. Faiblement !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... qui rencontrent du reste un certain succès aujourd'hui dans nombre d'entreprises françaises.
S'agissant de l'amendement n° I-142 rectifié présenté par M. Charasse, malgré le progrès que constitue le renvoi à un décret, le Gouvernement s'en tient à sa position initiale : un rapport circonstancié sera rendu public dans quelques semaines et c'est sur cette base que nous bâtirons les modifications législatives qui nous apparaîtront nécessaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cet amendement n° I-142 rectifié ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Des dispositions en la matière doivent être clairement rédigées dans la loi. Dès lors, il n'est point besoin de décret.
L'amendement de M. Trégouët, tel que nous l'avons voté, est extrêmement clair, mais je rappelle qu'il n'a pas force de loi puisque, le 30 juin dernier, lors de la discussion du projet de loi sur l'innovation et la recherche, on nous a opposé la clôture de la session : nous avons dû voter le texte conforme afin que les universités puissent disposer des crédits nécessaires.
Nous avons été l'objet de suffisamment de pressions sur ce sujet pour que nous soyons empêchés d'améliorer ce texte comme il aurait fallu le faire !
L'amendement de M. Trégouët, qui, bien entendu, viendra de nouveau en discussion le 16 décembre prochain est, je le répète, tout à fait clair : il est contraignant et ne nécessite aucun décret.
En la matière, il faut bien comprendre qu'il y a le pouvoir non seulement de la loi, mais aussi des statuts. C'est bien la raison pour laquelle nous avons insisté sur la première phrase de l'amendement de M. Trégouët : « L'assemblée générale extraordinaire fixe les conditions dans lesquelles l'assemblée générale ordinaire est informée chaque année des attributions nominatives d'option ». Par conséquent, la loi impose un minimum de transparence, mais l'assemblée générale extraordinaire peut faire plus que la loi.
Ce texte se suffit largement à lui-même ! Il n'est vraiment pas nécessaire de donner au pouvoir réglementaire une marge de manoeuvre en la matière. Le législateur doit prendre ses responsabilités ! Les fondateurs et les actionnaires d'une société doivent aussi prendre leurs responsabilités !
Telles sont les raisons de fond pour lesquelles je suis défavorable à cet amendement n° I-142 certifié.
M. Michel Charasse. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, je rectifie de nouveau mon amendement : je supprime la référence au décret, puisque, si j'ai bien compris, M. le rapporteur général y serait alors favorable.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° I-142 rectifié bis, présenté par MM. Charasse et Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Demerliat, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés et tendant à insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le 6 de l'article 200-A du code général des impôts est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Pour les titres cédés à compter du 1er juillet 2000, les dispositions du présent alinéa ne sont applicables que si l'assemblée générale et le comité d'entreprise ont été informés du nom du bénéficiaire, du nombre des titres cédés et de leur montant. Dans le cas contraire, la cession est imposée à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires. »
Quel est l'avis de la commission sur cet amendement n° I-142 rectifié bis ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Notre divergence n'est pas énorme : selon la commission des finances, il faut une gradation : un minimum de transparence doit être imposé par la loi et il faut que les entreprises puissent, statuant en assemblée générale extraordinaire, aller au-delà de ce minimum, minimum qui est nominatif dans l'amendement de M. Trégouët.
Un débat aura lieu en la matière le 16 décembre prochain. Il sera vraiment focalisé, d'un côté, sur l'épargne salariale et, de l'autre, sur les différentes modalités d'association au capital des entreprises.
Très franchement, mes chers collègues, il serait plus productif de régler cette question dans le cadre dudit débat.
Par ailleurs, sans nier, loin de là, l'importance des sujets dont nous traitons, je dirai, sous le contrôle de la présidence, que nous ne progressons peut-être pas au rythme qui nous permettrait d'« écluser », d'ici à demain soir, tous les amendements - plus de cent cinquante - qui restent en discussion. Je ne voudrais pas que nous prenions le risque, les uns et les autres, de désorganiser la suite des débats. Dès lors que nous avons la possibilité de traiter cette question le 16 décembre prochain, faisons-en un bon usage.
C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir retirer vos amendements.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-142 rectifié bis.
M. Bernard Angels. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. Le débat qui nous occupe est très intéressant. M. le rapporteur général affirme que nous sommes tous d'accord sur le sujet. Dès lors, pourquoi ne pas marquer cet accord à l'égard de l'opinion publique ?
Les dernières péripéties de l'actualité française nous ont tous convaincus que les Français ont, de plus en plus, une vision de l'argent et de l'entreprise qu'il faut combattre. Il faut réconcilier les Français - je rejoins là M. Chérioux - avec ceux qui travaillent, ceux qui prennent des risques pour créer des emplois et pour que l'entreprise fonctionne. Aujourd'hui, nous avons l'occadion, unanimement, d'y parvenir en étant d'accord sur la nécessité d'instaurer une transparence des stock-options. Dans la mesure où les autres pays européens l'ont fait, ayons le courage de nous aligner sur eux !
Nous maintenons donc notre amendement et je demande que le Sénat se prononce par un scrutin public.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je suis étonné de l'acharnement du groupe socialiste. Pourquoi voter ce texte aujourd'hui ? Le groupe socialiste est peut être ennuyé d'avoir à s'associer à notre travail le 16 décembre prochain. Peut-être prendra-t-il une position de principe contre ce que nous proposerons ? Comme le dispositif qu'il prévoit aurait sans doute été alors examiné avec beaucoup d'intérêt, il essait aujourd'hui de faire un coup de publicité autour de celui-ci. C'est dommage.
En effet, comme l'a dit M. le rapporteur général, ce texte a indiscutablement sa place, non pas dans le présent projet de loi de finances, mais dans les textes que nous examinerons le 16 décembre prochain.
C'est la raison pour laquelle je voterai contre cet amendement.
M. Denis Badré. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Mon groupe votera, lui aussi, contre cet amendement. Je précise que c'est non pas par désintérêt pour le sujet que nous évoquons ni même pour l'amendement qui est présenté, mais parce que nous pensons que le sujet est suffisamment important pour donner lieu à un véritable débat, bien préparé et bien conduit, qui débouchera sur un bon texte.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je l'ai dit tout à l'heure, il y a plusieurs éléments dans cette question des stock-options. Le vrai débat portera bien sûr sur les points signalés par M. le secrétaire d'Etat, qui font l'objet d'études approfondies à l'heure actuelle. Mais, sur la transparence, il ne peut pas y avoir débat, sinon cela signifie que l'on ne veut pas sortir du mystère actuel, de l'incertitude, du camouflage, c'est-à-dire que l'on ne veut pas vraiment que les choses soient mises sur la place publique.
Les propositions de notre collègue M. Trégouët, pour lequel j'ai une très grande estime, ne vont pas complètement au bout. M. le rapporteur général nous a dit que l'on pourrait faire un effort pour aller un peu plus loin. Pourquoi ne publie-t-on pas toute la liste ? Qu'y a-t-il de honteux à la publier ?
M. Chérioux, et je l'écoute toujours avec beaucoup d'attention, nous dit qu'il ne comprend pas l'acharnement du groupe socialiste et il se demande pourquoi on traite aujourd'hui de cette question. Mon cher collègue, si nous avions été à l'Assemblée nationale, nous l'aurions traitée avant, puisque la question a déjà fait l'objet d'une discussion au Palais-Bourbon. Mais il se trouve que l'Assemblée nationale est saisie du projet de loi de finances avant nous, selon la Constitution, et cela est normal puisque c'est l'assemblée élue au suffrage direct. Pourquoi serait-il interdit au Sénat de se préoccuper des mêmes questions que l'Assemblée nationale ? Par conséquent, nous sommes dans notre rôle.
On nous dit que, quelles que soient les solutions trouvées sur l'ensemble des points techniques signalés par M. Pierret, se posera toujours sur chacun d'eux la question de la transparence, puisqu'elle est commune à l'ensemble et que nous sommes d'accord. Eh bien, réglons l'affaire aujourd'hui. Le problème est très simple.
De surcroît, le dispositif ne joue que pour les titres qui seront distribués à compter du 1er juillet 2000, c'est-à-dire après la prochaine assemblée générale de chaque société, puisque cette assemblée générale ne peut pas connaître des titres distribués préalablement, en 1999. Telle est la précaution que nous avons prise. Dans ces conditions, pourquoi attendre ?
Je pense que l'image du Sénat en sortirait grandi sur ce point. Ainsi, nous montrerons une véritable intention, comme l'a très bien dit M. Angels, de réconcilier les Français et l'argent, de leur faire admettre que ceux qui sont valeureux, qui travaillent beaucoup, qui déploient du génie, qui courent des risques, comme l'a dit M. Chérioux, bref, ceux qui le méritent, reçoivent une rémunération qui, par rapport à l'ensemble mondial dans lequel nous vivons, n'a rien de scandaleux. Par conséquent, réglons la question aujourd'hui.
J'ajoute, mes chers collègues, qu'il y a une navette. Nous verrons bien ce que l'Assemblée nationale pensera de notre initiative. Trouvera-t-elle que nous sommes trop « transparents » ? Ce serait un comble ! En tout cas, tentons l'opération. Cela ne coûte rien, on est en première lecture ; on a encore tout le temps de voir.
En tout cas, ce serait un signe formidable que nous donnerions à l'opinion publique après ce qui s'est passé récemment et que je trouve personnellement tout à fait malsain.
M. Yann Gaillard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Nous assistons à une discussion passionnante. Cette compétition vertueuse vers le bon sens entre la droite et la gauche nous fait espérer qu'une solution sera trouvée à ce problème qui n'a que trop fait l'objet de stériles polémiques.
Je rends à César ce qui est à César et j'avoue avoir apprécié les propos de M. le secrétaire d'Etat et la matière dont il a résumé la question. Si le rapport Balligand-Foucauld nous permet de parvenir à ce genre de solution, ce sera un grand pas en avant.
La transparence est, en effet, la clé d'une solution. A partir du moment où il y aura transparence et où celle-ci sera reconnue par tout le monde, les stock-options n'auront plus cet aspect sulfureux qu'une partie de l'opinion leur reconnaît.
Doit-on, suivant la prière expresse de M. Charasse, régler cette question dès aujourd'hui ou attendre le 16 décembre prochain ? Je suis partagé.
En tout cas, nous pouvons donner acte à notre collègue M. Charasse de l'effort très important qu'il a accompli pour se rapprocher d'une solution commune en ce domaine. La transparence est effectivement importante puisqu'elle mettrait notre pays dans un état de civilisation financière comparable à celle où vivent les grands pays libéraux.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le débat que nous avons est suffisamment important, profond, intéressant et de grande qualité pour que je dise que je suis complètement en accord avec ce que MM. Angels et Charasse ont indiqué voilà un instant sur la transparence et sur la nécessité, de manière dépassionnée, ouverte, au nom des principes mêmes de prise en compte du risque et de dynamisation de l'économie française, de nous aligner - le mot n'est pas excessif - sur la pratique d'autres pays en Europe. En effet, plusieurs membres de l'Union européenne n'ont pas peur, eux, de la transparence, et la démonstration en a été faite excellement par les deux orateurs que je viens de citer.
Par conséquent, ce n'est ni sur le fond, ni sur les objectifs, ni sur la nécessité de promouvoir enfin, dans ce débat plutôt empoisonné, une ligne de conduite simple, claire, ouverte et dépassionnée que j'ai demandé tout à l'heure à M. Charasse de retirer son amendement. Mais s'agissant de la méthode, il ne me paraît pas bon, au détour d'un amendement de cette nature, même s'il est discuté avec la profondeur qui caractérise le Sénat et en dépit de la qualité des intervenants, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, il ne me paraît pas bon, disais-je, de ne pas se donner quelques semaines de réflexion, messieurs Charasse et Angels, en attendant les conclusions du rapport Balligand-Foucauld, qui permettra, grâce à la qualité de ses auteurs, de lever les quelques imprécisions qui entachent encore quelque peu le débat.
M. Charasse a évoqué dans son amendement les titres cédés mais, oralement, il a parlé de levée de l'option pour le 1er juillet 2000.
M. Michel Charasse. C'est une erreur de ma part.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Bref, il faut savoir comment nous pouvons procéder. Le débat mérite mieux qu'un vote trop rapide sur un amendement de ce type.
M. Denis Badré. Absolument !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Ayant réaffirmé l'objectif, de transparence et d'ouverture de ce dispositif que tout le monde a mentionné, et le Gouvernement le premier, je crois, messieurs Charasse et Angels, qu'il serait vraiment utile, pour la sérénité et la profondeur du débat, d'attendre les conclusions du rapport puisque le Gouvernement a pris solennellement l'engagement de revenir sur cette question à la lumière des travaux qui sont actuellement engagés.
M. le président. Monsieur Charasse, l'amendement n° I-142 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Michel Charasse. Monsieur le président, en concertation avec mes amis, je retire l'amendement (Marque d'approbation au banc des commissions.)
Mais il est entendu que nous tenons, nous, à la transparence totale pour tout le monde et que, si les dispositions qui nous seront présentées ne comportent pas ce dispositif, vous nous retrouverez à ce moment-là avec la même pugnacité et la même vigueur.
Et maintenant, chers amis, puisqu'il est l'heure de déjeuner, bon appétit ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° I-142 rectifié bis est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-166 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° I-18, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A l'article 150 Q du code général des impôts :
« - la somme "6 000 francs" est remplacée par la somme : "19 679 francs" ;
« - la somme "20 000 francs" est remplacée par la somme : "65 596 francs" ;
« - la somme "30 000 francs" est remplacée par la somme : "91 834 francs" ;
« - la somme "10 000 francs" est remplacée par la somme : "32 798 francs" ;
« - la somme "75 000 francs" est remplacée par la somme : "229 585 francs" ;
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du paragraphe I est compensée à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'ai déjà eu l'occasion, à plusieurs reprises, de souligner la montée des prélèvements rampants. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'attire votre attention sur ce phénomène, qui tient largement au fait que le barème de l'impôt sur le revenu est simplement indexé sur les prix et ne tient pas compte de la croissance réelle ; nous avons déjà évoqué ce sujet hier.
Mais aux effets de la progressivité du barème - j'insiste sur ce point - s'ajoutent la non-réévaluation de tout un ensemble de seuils ponctuels, comme en témoigne le tableau qui figure à la page 126 du tome II de mon rapport écrit, dont les effets, bien que moins sensibles en période d'inflation ralentie, ne sont pas négligeables sur la réalité du taux de la pression fiscale.
S'agissant de mesures symboliques, il est proposé d'actualiser les montants figurant à l'article 150 Q du code général des impôts, qui n'ont jamais été revalorisés depuis 1977. Ceux-ci comportent notamment l'abattement général de 6 000 francs par an sur le total des plus-values réalisées au cours d'une même année, l'abattement spécifique de 75 000 francs lorsque les plus-values résultent d'une expropriation ou d'une cession à l'Etat ou à ses établissements publics administratifs, ainsi que les abattements spécifiques en cas de cession de la première résidence taxable, à savoir 20 000 francs par époux, 30 000 francs pour un veuf et 10 000 francs par enfant.
Il s'agit de tenir compte de l'évolution des prix du marché immobilier, qui, même s'ils ont baissé au cours des années quatre-vingt-dix, restent très largement supérieurs à ce qu'ils étaient à la fin des années soixante-dix.
Cette mesure d'équité paraît d'autant plus nécessaire que son coût devrait être limité. A ce titre, je citerai le dernier alinéa du commentaire de cet amendement qui figure dans mon rapport écrit : « La commission s'est contentée d'actualiser les abattements sur la base de l'évolution de l'indice général des prix. En anticipant sur les prochaines années, elle vous propose de fixer ces abattements en francs mais par rapport à une valeur arrondie en euro. » (Sourires.)
Monsieur le secrétaire d'Etat, ces dispositions représentent, de la part de notre commission, un effort peignage du droit fiscal et des seuils en valeur absolue. Il conviendrait que, de son côté, l'administration s'attache au même effort, c'est-à-dire à réexaminer de façon permanente la législation en vigueur pour bien s'assurer que l'intention du législateur est toujours respectée.
En effet, dix ans ou quinze ans après la fixation d'un seuil en valeur absolue, l'intention du législateur peut être complètement pervertie si ledit seuil n'est pas modifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur général, permettez-moi de dire avec humour qu'en matière de trivialité, vous avez franchi le seuil de l'inacceptable en prononçant le mot « euro ». (Sourires.) Votre collègue M. Emmanuel Hamel ne vous le pardonnera certainement pas.
Il serait ni raisonnable ni équitable de réduire de la sorte le rendement de l'impôt sur cette catégorie de revenus que constituent les plus-values sur les particuliers, rendement qui est déjà faible, il faut le reconnaître, compte tenu de l'importance des abattements et des très nombreuses exonérations initialement prévues par le législateur. Donc, ma position se fonde d'abord sur un argument d'ordre budgétaire.
Je rappelle aussi que ce régime d'imposition a été considérablement assoupli depuis l'entrée en vigueur de la loi du 19 juillet 1976, notamment en 1983, par la suppression de la taxation spécifique des plus-values spéculatives occasionnelles, l'application de l'abattement par année de détention dès la troisième année de possession du bien au lieu de la onzième année et l'institution d'une exonération pour première cession d'un logement.
Surtout, ces plus-values imposées selon le barème de l'impôt sur le revenu bénéficient chaque année du relèvement des limites des tranches décidé par le Parlement dans le cadre de l'examen de la loi de finances initiale.
J'ajoute que l'allégement du régime d'imposition des plus-values des particuliers que vous proposez n'aurait en fait pas d'impact notable sur le marché immobilier. En effet, contrairement à une idée peut-être trop largement répandue, il est avéré que l'effet de ce régime sur le marché est négligeable. Je vois bien l'intérêt de fixer des seuils en euro tout ronds : le Gouvernement est sensible à cet aspect, et je vous annonce que nous travaillons sur un texte qui visera à résoudre cette difficulté.
Pour l'ensemble de ces raisons, je vous demande, monsieur le rapporteur général, de bien vouloir retirer l'amendement que vous venez de défendre.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° I-18 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-18, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 7.
Par amendement n° I-19, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 7, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est inséré après le deuxième alinéa de l'article 151 sexies du code général des impôts un alinéa ainsi rédigé :
« Pour le calcul des plus-values réalisées lors de la vente d'un fonds de commerce, lorsque le bien est cédé plus de deux ans après son acquisition, le prix d'acquisition est révisé proportionnellement à la variation de l'indice moyen annuel des prix à la consommation depuis l'acquisition. »
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus sont compensées par le relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement a pour objet de prendre en compte, pour le calcul des plus-values résultant de la vente d'un fonds de commerce possédé depuis plus de deux ans, l'inflation constatée sur la durée de l'exploitation.
En effet, à l'heure actuelle, la plus-value imposable d'un contribuable qui exerce une activité agricole, commerciale, artisanale ou libérale et qui cède son fonds de commerce est déterminée, comme il est naturel, par la différence entre le prix d'achat et le prix de cession, mais sans mise à jour du prix d'acquisition en fonction de l'inflation.
Il serait anormal que le Trésor public s'approprie une partie de la plus-value qu'a fait naître l'inflation.
De plus, ce régime fiscal est nettement moins favorable que le régime des plus-values immobilières qui se caractérise non seulement par la revalorisation du prix d'acquisition en fonction de l'inflation, mais également par un abattement sur la plus-value de cession de 5 % par année de possession de l'immeuble, et ce au-delà de la deuxième.
S'agissant des fonds de commerce, il est donc proposé cette mesure d'équité, notamment par rapport au régime des plus-values immobilières. Au nom de quoi traite-t-on plus mal l'activité économique détenue sous forme de fonds de commerce que le patrimoine immobilier qui, quelles que soient ses vertus, peut être moins créateur d'emplois que ne l'est l'exploitation d'un fonds de commerce ?
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. La disposition est certainement plus importante pour les petites et moyennes entreprises que pour les plus grandes.
Nous savons tous que les petites entreprises dont les résultats sont soumis à l'impôt sur le revenu bénéficient de nombreuses mesures d'allégement. Ainsi, la plus-value est exonérée d'impôts si l'activité est exercée depuis au moins cinq ans, sous réserve que les recettes de l'année de cession, ramenées à douze mois, et celles de l'annnée précédente n'excèdent pas le double des limites du régime des micro-entreprises.
Dans ces conditions, prenant en compte l'existence de nombreux abattements et exonérations, je vous prie de bien vouloir retirer cet amendement. A défaut, je demanderai au Sénat de voter contre.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur le président, je souhaite soutenir avec vigueur la proposition qui est présentée par M. le rapporteur général, car elle prend en compte une réalité qui a beaucoup changé depuis l'institution de la CSG.
Il est vrai que ces impositions de plus-values étaient acceptables par le redevable car le taux qui était imposé était tolérable par rapport aux plus-values dégagées. Or il s'y est ajouté une telle sédimentation d'impôts nouveaux que les redevables en viennent à considérer qu'il s'agit d'un impôt purement et simplement confiscatoire.
Lorsqu'ils réalisent leur fonds de commerce, le prélèvement de 26 % leur paraît insoutenable, puisque le coût d'acquisition est parfois devenu symbolique en raison de l'inflation. C'est ainsi que l'Etat les exproprie en quelque sorte d'un quart du fruit du travail de toute une vie professionnelle.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous prenez un exemple certes sympathique mais qui couvre un cas peu fréquent, celui de l'exonération au-delà des cinq années. Vous savez que les seuils sont si faibles qu'ils ne visent presque plus personne.
Comme vous êtes un membre du Gouvernement très présent sur le terrain et parfaitement averti de la réalité des petites et moyennes entreprises, vous ne pouvez rester insensible à la proposition qui vous est faite par M. le rapporteur général. Je suis convaincu qu'une réflexion supplémentaire ne pourra que vous amener à approuver plus tard cette proposition. Fruit du bon sens, elle démontre à quel point le Sénat est indispensable à la République.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-19.
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Je n'ai pas trouvé dans les explications de M. le secrétaire d'Etat de réponse à la proposition excellemment développée par M. le rapporteur général et par M. le président de la commission des finances.
C'est vraiment une proposition de bon sens et de justice puisqu'il s'agit de revaloriser un prix d'acquisition en fonction de la variation de l'indice moyen annuel des prix à la consommation depuis cette même acquisition.
Je ne vois pas en quoi et sur quelles bases le Gouvernement pourrait refuser des mesures de cette nature.
M. René Ballayer. C'est le bon sens !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'ai l'impression que nos adresses au secrétaire d'Etat ne sont pas suffisamment efficaces. Alors, pendant un instant, je ne vais plus m'adresser au secrétaire d'Etat mais au maire de Saint-Dié. Qu'il veuille bien m'écouter !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je ne suis que son premier adjoint !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Au premier adjoint au maire de Saint-Dié, soit !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est désormais un titre glorieux !
M. le président. Il rendra compte au maire !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Nous sommes presque gênés d'être maires !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Imaginons la situation suivante : un commerçant, qui se situe dans l'une des rues commerciales de Saint-Dié, vient à arrêter son activité.
Ce commerçant, qui a travaillé normalement mais qui n'a jamais connu une vie fastueuse, arrive tout simplement à l'âge de la retraite. Il exploitait avec son épouse. Il n'y a pas de successeurs parmi ses enfants ou, tout simplement, il n'a pas d'enfants. Il doit, par conséquent, céder son fonds de commerce.
Or, ce commerçant exerce dans la même rue depuis trente, trente-cinq, voire quarante ans - peu importe - et a succédé lui-même à son père qui exerçait au même endroit la même activité, ou une activité similaire. Il va devoir céder ce fonds de commerce et trouver un successeur.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est l'horloger de Saint-Dié !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pourquoi pas ?
On va considérer, à ce moment-là, qu'il y a une plus-value entre la valeur d'entrée dans son patrimoine, c'est-à-dire tout simplement à la succession de son père, voilà trente-cinq ou quarante ans, et la valeur vénale de cession du fonds de commerce à une autre activité commerciale. L'administration va donc, si j'ai bien compris, taxer au taux de 26 % la différence entre la valeur historique et la valeur vénale actuelle.
Comment voulez-vous, monsieur le premier adjoint, que le commerçant en question ne vienne pas vous trouver, sachant que vous exercez quelques responsabilités gouvernementales, pour vous dire que c'est fondamentalement injuste ? Il faut que l'administration puisse répondre à ce type de sollicitation. C'est une simple question de bon sens qui concerne des personnes qui, après toute une vie de travail, se trouvent ainsi piégées par la fiscalité.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande instamment d'apporter une réponse, éventuellement progressive, à notre préoccupation. Sachez que nous serions prêts à accepter que vous nous proposiez de procéder sur ce sujet par paliers. Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le premier adjoint, vous ne pouvez pas rester insensible à de tels appels.
M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, avez-vous entendu l'appel, qui est non pas celui de l'horloge, mais celui de Saint-Dié ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je répondrai à ce commerçant que le Gouvernement comprend bien ses problèmes, puisque la transmission des fonds de commerce fait l'objet, dans le présent projet de loi de finances, d'une disposition favorable, qui tend à diminuer les droits perçus à cette occasion de 11,4 % à 4,8 %.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est l'acquéreur qui les paye.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Voilà pour la première partie de ma réponse.
Je répondrai par ailleurs que la réforme de 1975 relative à la taxe professionnelle n'a pas défavorisé - c'est le moins que l'on puisse dire - le petit commerce par rapport à l'industrie.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Vous allez être recalé deuxième adjoint !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. En outre, au cours de sa vie professionnelle de trente ans - c'était l'hypothèse que vous preniez -...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. J'ai parlé de quarante ans !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. On ne peut pas aller au-delà de quarante ans puisque la rue principale de Saint-Dié a été détruite par les nazis en 1944.
Au cours de ses quarante ans de vie professionnelle, disais-je, le petit commerçant en question a bénéficié de dispositions favorables au petit commerce relatives à l'imposition de la taxe professionnelle.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Dites-le-lui !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Il va vous prendre pour un énarque !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je peux le prouver tous les jours. J'aurais rassuré ce commerçant en lui indiquant combien le Gouvernement, concrètement, dans le présent projet de loi de finances est attentif à ses problèmes.
Vous le savez bien ! Vous cherchez à pousser le bouchon plus loin, monsieur le rapporteur général. C'est la fonction qui le veut.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est pour vous aider !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour aider le premier adjoint !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je vous remercie de votre sollicitude, mais ma très grande capacité d'écoute pour comprendre les appels de ceux qui s'adressent au Gouvernement par mon intermédiaire ne va pas jusqu'à épouser votre raisonnement.
Je demande donc au Sénat de rejeter votre amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-19, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquent, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 7.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)