Séance du 30 novembre 1999







M. le président. Par amendement n° I-289, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 5 bis , un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 885 O bis du code général des impôts, il est inséré un article 885 O bis A ainsi rédigé :
« Art. 885 O bis A . - Sont également considérées comme des biens professionnels au sens de l'article 885 O bis des parts ou actions détenues par des associés réunissant collectivement au moins 25 % des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société s'ils sont admis à la négociation sur un marché réglementé, ou, à défaut, sur au moins 34 %, à condition que les associés soient liés par un engagement collectif de conservation des titres pendant une periode de cinq ans au moins.
« En cas de démembrement de propriété, l'engagement de conservation est signé conjointement par l'usufruitier et le nu-propriétaire. En cas de réunion de l'usufruit à la nue-propriété, le terme de l'engagement de conservation des titres dont la pleine propriété est reconstituée demeure identique à celui souscrit conjointement.
« L'engagement collectif de conservation est notifié à la société émettrice des titres, en précisant le nombre de titres visés. Ce document est délivré à tout associé qui en fait la demande. Il est communiqué à l'administration fiscale.
« L'associé qui rompt l'engagement de conservation souscrit des déclarations rectificatives de l'impôt de solidarité sur la fortune au titre des trois années précédentes et acquitte, dans le mois suivant la rupture de l'engagement, le supplément d'impôt en résultant augmenté de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 et de la majoration visée à l'article 1731.
« Dans le cas où le seuil fixé au premier alinéa n'est plus respecté au 31 décembre de l'année d'imposition, les associés ayant souscrit l'engagement de conservation perdent le bénéfice de la présente disposition jusqu'à ce que le seuil soit de nouveau franchi.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus sont compensées par une majoration, à due concurrence, des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mes chers collègues, c'est la suite du même débat : si, tout à l'heure, je me permettais d'insister sur l'importance du délai, c'était parce que j'avais tout à fait présentes à l'esprit les exigences fiscales que signifie ce délai. En d'autres termes, que ce passe-t-il si le délai n'est pas respecté ? C'est toute la requalification fiscale du dispositif !
Par ailleurs, que va-t-il se passer pendant ce délai, qu'il soit, d'ailleurs, de deux fois cinq ans ou de deux fois huit ans, pendant l'application du pacte d'actionnaires ? Des associés, des actionnaires membres du pacte vont devoir être associés à la direction de l'entreprise. Les titres qu'ils détiennent, monsieur Loridant, sont loin d'être de simples placements financiers liquides. En effet, même si la durée d'un PEA est de huit ans, les titres, au sein de l'actif, peuvent tourner en permanence. Les détenteurs de ces actions ainsi pactées et qui devront être conservées en tant que telles pendant deux fois cinq ans, comme nous venons de le décider, peuvent se trouver dans la situation suivante : il est concevable que, pendant cette période de deux fois cinq ans, ce qui est encore long, les résultats financiers de l'entreprise ne soient pas toujours excellents et que les actionnaires concernés ne puissent pas percevoir, en tant que détenteurs patrimoniaux de ces titres, des dividendes susceptibles de compenser la charge fiscale que l'impôt de solidarité sur la fortune va éventuellement faire peser sur eux.
Au demeurant, cet amendement, qui vise à répondre à cette préoccupation, est un simple texte de précision. En effet, la législation fiscale comme l'interprétation jurisprudentielle qui en est faite peuvent conduire à examiner de façon restrictive l'esprit des textes existants.
Or, en l'espèce, il y a bien pacte d'actionnaires pour être associé à un contrôle de la stratégie d'une entreprise.
Dans ces conditions, il faut faire figurer de manière explicite dans la loi que les titres ainsi détenus et ainsi réunis dans des pactes d'actionnaires doivent avoir le caractère, au sens de l'impôt de solidarité sur la fortune, de biens professionnels. C'est, à mon avis, une disposition indissociable de l'article 5 bis tel que nous venons de l'adopter.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur général, vous souhaitez lier l'avantage fiscal nouveau en matière d'impôt de solidarité sur la fortune à l'exercice d'un pacte d'actionnaires. Ce faisant, j'ai peur que vous ne fassiez éclater la qualification de biens professionnels, instituée par la loi de 1982, qualification relativement complexe que nous avions d'ailleurs eu du mal à élaborer.
Ne soumettant les actionnaires liés par le pacte à aucune condition pour l'exercice effectif, par l'un au moins d'entre eux ou par l'ensemble, de fonctions dirigeantes dans l'entreprise, vous faites littéralement, par cet amendement qui peut paraître anodin, éclater la qualification même de biens professionnels dans le système de l'ISF. Je ne peux donc pas vous suivre sur cette voie, monsieur le rapporteur général. Je suis même résolument opposé à ce que l'on dénature complètement ce système qui a maintenant fait la preuve de son efficacité et de son bien-fondé.
J'ai dit hier, en commençant notre débat, qu'un bon impôt était un vieil impôt. Il faut laisser l'ISF vieillir sans bouleverser cet impôt chaque année par des dispositions nouvelles et sans aller dans le sens d'une remise chantier de la définition même des biens professionnels.
Par ailleurs, la non-application de votre dispositif aux entreprises individuelles et l'absence d'exercice de fonction dirigeante par les associés risqueraient, là encore, comme voilà un instant à propos d'un autre amendement, de bouleverser l'équilibre qui doit exister entre les engagements des actionnaires et l'avantage fiscal que ces derniers peuvent retirer des dispositions qui leur sont favorables. Le juge constitutionnel ne manquerait pas alors de censurer ce nouveau déséquilibre.
L'objection constitutionnelle vient à l'appui du souci, que je viens d'exprimer, de conserver à l'ISF son régime de croisière. Cet impôt est maintenant bien établi dans le paysage fiscal. Laissons-le vivre sa vie et ne bouleversons pas chaque année, à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances, les dispositifs que nous avons d'ailleurs eu du mal à introduire dans le paysage français. Cet impôt existe maintenant, laissons-le vivre !
M. Emmanuel Hamel. Laissez-les vivre ! (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-289, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 5 bis .

Article 6