Séance du 30 novembre 1999







M. le président. Je suis d'abord saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-11, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le paragraphe I de l'article 788 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« I. - Pour la perception des droits de mutation par décès, il est effectué un abattement de 375 000 francs sur la part de chaque frère ou soeur, célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps, constamment domicilié avec le défunt pendant l'année précédant le décès. La preuve de la cohabitation est apportée dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. »
« II. - La perte de recettes résultant des dispositions du paragraphe I est compensée à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° I-95, MM. Charasse, Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Demerliat, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa du I de l'article 788 du code général des impôts, la somme : "100 000 francs" est remplacée par la somme : "375 000 francs".
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant des dispositions du I sont compensées a due concurrence par une augmentation des tarifs fixés à l'article 885 U du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° I-11.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cet amendement va dans le même sens que plusieurs préoccupations déjà exprimées hier à propos de la nécessité de renforcer les solidarités et d'assurer un sort équitable aux fratries.
Il a pour objet d'améliorer le régime successoral dont bénéficient les frères et soeurs isolés qui étaient domiciliés avec le défunt en ajustant l'abattement dont ils bénéficient et en assouplissant ses conditions d'octroi, ce qui, à notre sens, ne devrait requérir qu'une seule année de cohabitation avant le décès.
Le régime actuel est extrêmement restrictif et il convient de rappeler que la loi sur le pacte civil de solidarité, le PACS, a créé, en matière de succession, un régime de faveur pour les personnes sans lien de parenté, ces dernières bénéficiant d'un abattement de 375 000 francs à compter du 1er janvier 2000.
Jusqu'à présent, dans le cas de frères et soeurs ayant le même domicile, le montant de l'abattement est limité à 100 000 francs. Il est proposé de le porter à 150 000 francs, et ce n'est que justice puisque le montant de 100 000 francs a été fixé en 1984.
M. le président. La parole est à M. Charasse, pour défendre l'amendement n° I-95.
M. Michel Charasse. Même si notre amendement I-95 n'est pas rédigé exactement de la même manière, il est d'inspiration analogue à l'amendement qui vient d'être présenté par M. Marini au nom de la commission des finances ; les deux amendements auraient d'ailleurs des effets comparables.
Il s'agit d'aligner, en matière de droits de succession, la situation de ce que l'on appelle les fratries, c'est-à-dire les frères et soeurs qui vivent ensemble, sur la situation des personnes qui souscriront un PACS en application de la loi récemment adoptée.
Le Gouvernement doit être bien convaincu de la nécessité de ne pas créer d'inégalité entre des situations qui sont, de fait, quasiment les mêmes. Je dis bien « quasiment les mêmes », ne souhaitant pas pousser les intéressés à d'autres tentations ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-95 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Comme l'a dit excellemment M. Charasse, cet amendement est d'esprit analogue à celui que j'ai eu l'honneur de présenter et propose un dispositif comparable. Il sera donc satisfait si le Sénat veut bien adopter l'amendement n° I-11 de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-11 et I-95 ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Les deux amendements sont effectivement proches, M. Charasse se bornant à relever le seuil, M. Marini élargissant en fait le dispositif à chaque frère ou soeur célibataire, veuf, divorcé ou séparé de corps, constamment domicilié avec le défunt pendant l'année précédant le décès.
Je tiens à souligner que le Gouvernement a constamment - et sous toutes les majorités - assoupli et élargi dans un sens favorable aux héritiers le droit fiscal applicable aux donations et aux mutations à titre gratuit. C'est ainsi qu'un régime favorable pour les donations a été adopté dans le cadre de la loi de finances de 1999.
Je rappelle que la réduction de droits de donation a été portée à 50 % lorsque le donateur est âgé de moins de soixante-cinq ans et à 30 % lorsqu'il a soixante-cinq ans révolus et moins de soixante-quinze ans. En outre - et c'est important, car nous approchons de la date butoir - les donations consenties par acte passé entre le 25 novembre 1998 et le 31 décembre 1999 par des donateurs âgés de plus de soixante-quinze ans bénéficient de la réduction de droits de 30 %. Il reste donc un mois à ces donateurs éventuels pour réaliser effectivement une donation.
Ces dispositions sont, bien entendu, applicables aux transmissions réalisées entre frères et soeurs, et les objectifs de M. le rapporteur général et de M. Charasse sont donc déjà atteints,...
M. Roland du Luart, Mais non !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... par la voie de la donation, il est vrai.
C'est pourquoi je souhaite le retrait des deux amendements, à défaut de quoi je serai contraint d'en demander le rejet.
Je saisis cette occasion pour indiquer à nouveau que Mme le garde des sceaux et moi-même avons mis en place un groupe de travail entre les deux ministères pour étudier les modalités de reconnaissance juridique et fiscale de la communauté de vie entre collatéraux proches. Bien entendu, le Sénat et l'Assemblée nationale seront tenus informés du résultat des études de ce groupe de travail.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° I-11 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, il n'y a pas lieu de retirer cet amendement.
M. le secrétaire d'Etat nous a rappelé l'existence d'un certain nombre de dispositifs.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Favorables !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Peut-être, mais ce n'est pas le sujet. Le sujet, c'est bien celui du sort des frères et soeurs ayant cohabité pendant un certain temps au même domicile et qui sont soumis à un régime assorti d'un abattement fixé en 1984. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'avez pas répondu sur ce point.
Un abattement de 100 000 francs en 1984 ne représente plus la même chose aujourd'hui, et c'est un message que nous voulons faire passer dans la discussion du projet de loi de finances pour l'an 2000 : chaque fois que des seuils en valeur absolue ont été fixés à des dates anciennes, il convient de les réviser, faute de quoi on modifie de manière implicite et insidieuse la pression fiscale et, par voie de conséquence, le système fiscal.
Nous proposons de relever le niveau de cet abattement en le portant à 375 000 francs. Par rapport aux intentions du législateur de 1984, l'Etat n'y perd pas et, par rapport à ce qui a été voté dans la loi sur le PACS, nous rétablissons l'équité, car il est tout à fait inacceptable de constater une hiérarchie des avantages fiscaux décernés au uns ou aux autres selon leur situation de vie privée ou de famille.
Monsieur le secrétaire d'Etat, au-delà des explications froidement administratives que vous nous avez données à propos de l'amendement de la commission comme de l'amendement présenté par Michel Charasse, de grâce, faites un bon geste en faveur de ces frères et soeurs ! L'Etat n'y perdra pas par rapport à ce qui avait été souhaité en 1984.
Monsieur le secrétaire d'Etat, commençons sous de bons auspices la discussion des articles en ce mardi matin ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur Charasse, l'amendement n° I-95 est-il maintenu ?
M. Michel Charasse. J'ai bien entendu ce que nous a dit M. le secrétaire d'Etat, pour qui, il le sait, j'ai une grande amitié, ancienne et solide. Mais je voudrais lui demander si, oui ou non, les avantages consentis en la matière dans le cadre d'un PACS sont les mêmes que ceux que la loi consent aux frères et soeurs vivant ensemble.
M. Gérard César. Voilà !
M. Michel Charasse. Je réponds à votre place, monsieur le secrétaire d'Etat, cela économisera du temps : non ! (Sourires.)
Par conséquent, vous pouvez nous raconter tout ce que vous voulez, les situations ne sont pas égales, et je ne m'explique pas encore pourquoi le Conseil constitutionnel, quand il a examiné la loi sur le PACS, n'a pas relevé ce point, étant certes entendu que ceux qui ont conclu un PACS font une déclaration, alors que les frères et soeurs n'en font pas. Cependant, au regard des droits de succession, dans la mesure où le code général des impôts et l'administration fiscale appréhendent les situations de fait - c'est une des particularités du droit fiscal -, les uns et les autres méritent d'être traités rigoureusement de la même manière.
Pour parler clair, et je suis sûr, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous connaissez de tels cas dans les Vosges, il s'agit, la plupart du temps, de personnes âgées habitant, souvent depuis toujours, dans des villages isolés ou dans de vieux quartiers urbains. Frères et soeurs, ils, elles n'ont pas choisi, contrairement à ceux qui concluent un PACS, cette situation de cohabitation : elle leur a été généralement imposée par la vie, par les hasards de la vie, par les malheurs de la vie.
Bien entendu, ces personnes, que l'on ne connaît pas dans les rédactions parisiennes, ne retiennent guère l'attention !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est bien vrai, hélas !
M. Michel Charasse. Elles n'ont pas de comité de défense !
M. Michel Mercier. Exactement !
M. Michel Charasse. Elles ne défilent pas dans la rue pour les rave parties ou pour quelque autre fête bruyante et colorée. Elles restent chez elles, elles sont vieilles et elles sont angoissées dans la perspective de ce qui se passera quand l'un des deux va disparaître. Pourront-ils garder la maison familiale ? Parce que c'est la maison ou l'appartement familial !
C'est une situation réelle dont nous ne pouvons pas nous désintéresser, sauf à considérer que, lorsque la publicité paye, on fait le PACS mais, quand ce n'est pas le cas, on ne le fait pas, et ce quelles que soient les réalités des situations.
De tels cas existent dans les montagnes françaises, notamment dans les Vosges, dans les villes, dans les campagnes ! Croyez-vous vraiment, monsieur le secrétaire d'Etat, que les principes d'égalité qui sous-tendent la République auront encore un sens pour ces gens modestes qui, au terme de leur vie, verront un couple « pacsé » acheter une vieille masure dans le village, avec la possibilité, au bout d'un temps très bref, d'obtenir un avantage fiscal substantiel...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Michel Charasse. ... leur permettant essentiellement de conserver le domicile commun, alors que, eux, seront menacés par la précarité en raison d'une situation qu'ils n'auront pas choisie, je le répète, et qui, de surcroît, n'est pas organisée par la loi, comme dans le cas du PACS ?
Par conséquent, trop c'est trop ! Monsieur le secrétaire d'Etat, dès lors que vous nous confirmez que la situation fiscale entre les fratries, d'une part, et les personnes « pacsées », d'autre part, pour lesquelles, croyez-le bien, je n'ai aucune aversion ni aucun mépris, n'est pas la même au regard des droits de succession, il faut voter l'amendement de M. Marini ou celui du groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que celles de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je souhaite éviter au Gouvernement de commettre une erreur. En effet, il a marqué, récemment, sa sollicitude à l'endroit de personnes qui ont choisi d'organiser leur vie en commun. Par conséquent, il a montré un intérêt à l'égard des personnes qui rencontrent des problèmes particuliers, mais il les a exclues du dispositif - très imparfait à mes yeux, mais tel n'est pas le sujet - qu'il a mis en place.
Dans les réponses que vous nous avez données, monsieur le secrétaire d'Etat, vous me semblez être passé à côté du vrai sujet. Vous nous avez parlé, en effet, non pas des mutations par décès, mais des mutations anticipées, c'est-à-dire par donation. En réalité, quand on connaît la situation des personnes qui sont touchées, par exemple à Saint-Dié, dans les Vosges, à Compiègne, ou même en Alençon, on sait qu'il importe d'organiser la transmission par décès, qui est un événement qu'on ne peut pas anticiper.
Il est donc souhaitable de retenir le dispositif proposé par M. le rapporteur général : il couvre précisément cet aléa extrême, celui de la fin de la vie, dont on ne peut prévoir ni l'instant ni la difficulté. Personne ne comprendrait que nous nous refusions à régler ce problème.
M. Michel Charasse. Sauf le parisianisme !
M. Michel Mercier. Exactement !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Monsieur Charasse, le Sénat n'est pas à la botte du parisianisme et il va le montrer dans un instant !
M. Michel Charasse. C'est parfait !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Il n'est pas interdit au Gouvernement de promouvoir les dispositions favorables aux donations que j'ai rappelées tout à l'heure. Il est même tout à fait normal que je redise ici à quel point ces dispositions ont constitué un progrès dans le cas de figure de la donation...
M. Michel Charasse. Les « pacsés » ont les mêmes !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... qui n'est pas étendu, c'est exact, à l'ensemble des droits de mutation à titre gratuit. Je dois par ailleurs indiquer, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, que cette réforme si évidente, si urgente et si nécessaire n'a pas été entreprise, vous l'avez indiqué, depuis 1984. Par conséquent, tout le monde a donné, si je puis dire, dans le travers que vous avez, comme M. Charasse, fustigé.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous sommes ici et maintenant !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Effectivement ! Aussi vais-je répondre ici et maintenant ! A l'époque, vous étiez en charge des responsabilités et vous souteniez des gouvernements qui, eux non plus, n'ont pas accédé à la demande, même pressante et logique, que vous venez d'exposer.
M. Philippe Arnaud. Maintenant, il y a le PACS !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons voté le PACS !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Cela étant dit, M. Charasse a su trouver des accents forts et vrais en évoquant des situations concrètes que nous rencontrons, que je rencontre, bien entendu, dans ma région ; elles existent également dans le Puy-de-Dôme. Celles-ci méritent attention.
Afin d'étudier la possibilité de prendre à cette mesure, je souhaite que nous nous accordions quelques jours pour approfondir la rédaction, la portée et le coût d'un tel dispositif au vu des arguments, excellents, de M. Charasse et de la logique développée par M. le président de la commission et par M. le rapporteur général.
A titre conservatoire, je prends solennellement l'engagement de bien étudier cette mesure. Nous aurons l'occasion de nous revoir sur cette question. Par conséquent, je demande aux auteurs des amendements de bien vouloir les retirer.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteurgénéral.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce débat représente déjà une avancée conceptuelle. Monsieur le secrétaire d'Etat, il suffirait d'aller un peu plus loin. Quelle est l'utilité de laisser les choses traîner en longueur, sinon pour laisser à l'Assemblée nationale le bénéfice d'une attitude plus ouverte ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Ce n'est pas mon style !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bien entendu ! Mais c'est la Haute Assemblée qui vous demande, de façon quasi unanime, de bien vouloir ajuster cette situation dans un sens d'équité pour des situations qui le méritent. Porter l'abattement à 375 000 francs, alors que, je le souligne, il s'élève à 375 000 francs pour les « pacsés », répond à une préoccupation tout à fait générale. Il paraît vraiment difficile que, sur un sujet aussi simple, des études, des concertations, des rapports, des réunions de toute nature aboutissent à un résultat différent de celui que le bon sens inspire.
Le souci de la commission est de contribuer, de manière constructive, à l'évolution de la politique fiscale dans ce pays. Pour être à vos côtés dans cette discussion, monsieur le secrétaire d'Etat, le Sénat doit voter à l'unanimité l'amendement n° I-11 proposé par la commission.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. C'est ce que nous allons faire !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je vous remercie de votre soutien !
M. Michel Charasse. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je souhaite apporter une brève explication et dire à M. Pierret que je le remercie de sa réponse.
Le texte fera l'objet d'une commission mixte paritaire ou d'une nouvelle lecture si la commission mixte paritaire n'aboutit pas. Cette navette peut donc être mise à profit pour conduire la réflexion que le Gouvernement vient d'annoncer.
J'admets parfaitement qu'un minimum de concertation soit nécessaire entre M. le secrétaire d'Etat et le reste du Gouvernement, puisque notre proposition avait été écartée, par arbitrage du Premier ministre, au moment du vote de la loi sur le PACS. Cela signifie qu'il faut effectivement reposer le problème au niveau de l'exécutif. Je ne veux pas non plus que l'on puisse croire que M. Pierret s'est trop avancé devant le Sénat, mais il a pris un engagement et, je le connais, c'est un homme de parole. Monsieur le président, je vais donc, pour simplifier, retirer mon amendement au bénéfice de celui de la commission pourtant légèrement différent.
J'en profite pour faire une explication de vote sur l'amendement de la commission. En effet, afin de ne pas gêner M. le secrétaire d'Etat, je propose de sous-amender cet amendement en ajoutant après les mots : « Pour la perception des droits de mutation par décès, il est effectué... », les mots : « à compter d'une date fixée par la loi ». Cela signifie que le texte n'est pas définitif et qu'il sera soumis à concertation.
M. le président. Il n'est pas possible, monsieur Charasse, de déposer un sous-amendement en coursd'explication de vote.
M. Michel Charasse. Dans ce cas, je voterai l'amendement de M. Marini, à moins qu'il n'accepte de rectifier son amendement dans le sens que je viens de suggérer.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Il y aura une nouvelle lecture !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout cela sera perfectible et nous pourrons revoir le dispositif au cours de la navette, comme l'a très bien dit M. Charasse, soit en commission mixte paritaire, soit en nouvelle lecture. Par conséquent, votons cet amendement, qui pour l'essentiel est bon, et nous verrons comment le sujet progresse d'ici à la prochaine échéance.
M. le président. L'amendement n° I-95 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-11, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 5.
Par amendement n° I-12, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La fin du second alinéa de l'article 754 A du code général des impôts est ainsi rédigée : "... acquéreurs pour la part de sa valeur inférieure à 750 000 francs."
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du paragraphe I est compensée à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un sujet que nous avons également fait resurgir, si je puis m'exprimer ainsi, lors de la discussion du texte sur le pacte civil de solidarité : il concerne les contrats d'acquisition en commun d'un immeuble assortis d'une clause dite « de tontine ». Dès lors qu'il s'agit de la résidence principale, il est nécessaire d'ajuster le seuil fiscal fixé autrefois pour favoriser la transmission de cette résidence principale au survivant des acquéreurs en commun.
Il convient de rappeler que l'article 754 A du code général des impôts prévoit que, lorsqu'il s'agit d'immeuble de valeur inférieure à 500 000 francs au moment du premier décès et qui sont affectés à l'habitation principale commune aux deux acquéreurs, la part transmise au survivant est passible non pas des droits de mutation à titre gratuit, mais des seuls droits de vente d'immeuble. Ce seuil a été fixé en 1980. Il est donc indispensable de le revaloriser. La commission propose de le faire passer à 750 000 francs, ce qui est très modéré par rapport à l'évolution des prix de l'immobilier depuis 1980.
Ce système, issu de notre vieux droit civil, permet d'assurer aux deux personnes vivant sous le même toit leur sécurité immobilière réciproque, de telle sorte qu'il demeure usité, notamment en région parisienne et dans les villes ou les zones dont le marché immobilier est actif.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Les biens recueillis en vertu d'une clause de tontine insérée dans un contrat d'acquisition en commun sont réputés transmis à titre gratuit à chacun des bénéficiaires de l'accroissement. Les droits sont liquidés en application des principes généraux au tarif en vigueur au jour du décès et en fonction du lien de parenté existant entre le défunt et le ou les bénéficiaires de la clause de tontine.
Par exception, cette disposition ne s'applique pas à l'habitation principale commune à deux acquéreurs lorsque celle-ci a une valeur globale inférieure à 500 000 francs. Dans ce cas, les biens recueillis en vertu d'une telle clause sont assujettis aux droits de mutation à titre onéreux.
Comme l'a rappelé M. le rapporteur général, ce dispositif est issu de la loi de finances pour 1980. Compte tenu des raisons qui ont motivé l'adoption de cette mesure - à l'époque, l'institution d'un plafond de 500 000 francs avait été rendu nécessaire par le développement des recours à ce type de disposition qui favorisait l'évasion fiscale - le Gouvernement n'est favorable ni au relèvement de la valeur de 500 000 francs fixée par le texte de 1980 ni à l'institution d'une franchise pour l'application des droits de mutation à titre onéreux. Il s'oppose donc à l'adoption de cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-12.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je voudrais que M. le secrétaire d'Etat nous explique en quoi ce dispositif peut favoriser l'évasion fiscale et pour quelle raison l'administration fiscale est impuissante pour réprimer les abus.
M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, souhaitez-vous répondre à M. le rapporteur général ? (M. le secrétaire d'Etat fait un signe de dénégation.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est éloquent !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-12, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 5.
Par amendement n° I-13, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 764 bis du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 764 bis. - Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 761, il est effectué un abattement de 20 % sur la valeur vénale réelle de l'immeuble constituant au jour du décès la résidence principale du défunt lorsque, à la même date, cet immeuble est également occupé à titre de résidence principale par le conjoint survivant ou par un ou plusieurs enfants mineurs ou majeurs protégés du défunt ou de son conjoint ou, encore, par le frère ou la soeur du défunt. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du paragraphe I est compensée à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'article 764 bis du code général des impôts, créé par l'article 17 de la loi de finances pour 1999, a instauré, en matière de droits de mutation à titre gratuit, un abattement de 20 % sur la valeur vénale réelle de l'immeuble constituant au jour du décès la résidence principale du défunt lorsque, à cette date, cet immeuble est également occupé à titre de résidence principale par le conjoint survivant ou par un ou plusieurs de ses enfants. Les fratries ont été exclues du bénéfice de cet abattement lorsqu'elles occupent la même habitation.
Lors du débat sur la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité, nombre de nos collègues ont critiqué le régime de faveur établi pour les personnes sans lien de parenté alors qu'aucune mesure n'était prévue pour les fratries. Nous avons abordé ce point voilà quelques instants.
Dans la ligne de ce qui a été décidé tout à l'heure lors de l'examen de l'amendement n° I-11, il vous est proposé, par le présent article additionnel, d'étendre l'abattement forfaitaire de 20 % applicable à l'évaluation de la résidence principale du défunt en matière de droits de mutation à titre gratuit aux fratries cohabitant avant le décès.
Là aussi, mes chers collègues, il s'agit d'une simple mesure d'équité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Cet amendement paraît relativement logique, monsieur le rapporteur général. L'institution d'un abattement de 20 % sur la valeur vénale réelle de la résidence principale du défunt lorsque celle-ci est occupée, à la même date, par son conjoint ou ses enfants constitue une dérogation importante au principe d'évaluation des biens prévu à l'article 761 du code général des impôts.
Vous proposez d'élargir cette faculté d'une évaluation favorable au regard de la fiscalité applicable au frère ou à la soeur du de cujus . Selon la Cour de cassation, seule l'occupation du bien au jour du décès par le conjoint survivant ou les enfants du défunt est susceptible d'être prise en compte pour l'évaluation de son bien. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'aller au-delà, en appliquant un abattement sur la valeur de la résidence principale du défunt occupée par un autre membre de son groupe familial.
Par ailleurs, si cette disposition était appliquée, elle aurait une conséquence sur le rendement de l'impôt de solidarité sur la fortune, compte tenu des récents arrêts de la Cour de cassation concernant l'évaluation des biens immobiliers occupés à titre de résidence principal par des tiers.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-13, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 5. Par amendement n° I-14, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le 6° du 2 de l'article 793 du code général des impôts, sont insérés cinq alinéas ainsi rédigés :
« 7° Lors de leur première transmission à titre gratuit, les immeubles ou fractions d'immeubles mentionnés à l'article 1594 F ter , à concurrence des trois quarts de leur valeur, lorsque l'acquisition par le donateur ou le défunt est constatée par acte authentique signé à compter du 1er janvier 1999 et qu'elle n'a pas donné lieu au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée.
« L'exonération est subordonnée à la condition que les immeubles aient été donnés en location par le propriétaire dans les conditions prévues au cinquième alinéa du e du 1° du I de l'article 31, pendant une période minimale de neuf ans.
« La location doit avoir pris effet dans les six mois de l'acquisition de l'immeuble.
« Lorsqu'au jour de la transmission à titre gratuit le délai de neuf ans n'a pas expiré, le bénéfice de l'exonération est surbordonné à l'engagement des donataires, héritiers ou légataires pour eux et leurs ayants cause de maintenir en location, dans les mêmes conditions, les biens transmis jusqu'à l'expiration de ce délai.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application des dispositions du présent 7°, notamment les obligations déclaratives incombant aux redevables et pièces justificatives à fournir lors de la transmission mentionnée au premier alinéa. »
« II. - A l'article 793 ter du code général des impôts, les mots : "et 6°" sont remplacés par les mots : ", 6° et 7°".
« III. - A l'article 793 quater du code général des impôts, après les mots : "du 6°" sont insérés les mots : "ou du 7°".
« IV. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat des dispositions des paragraphes I à III ci-dessus sont compensées, à due concurrence, par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général. M. Philippe Marini, rapporteur général. Le présent article additionnel a pour objet de permettre une exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit pour les immeubles donnés en location, pendant neuf ans, dans les conditions fixées par le régime dit Besson en faveur du logement ancien.
L'exonération partielle des droits de première mutation à titre gratuit en faveur des logements locatifs anciens affectés à la résidence principale de ménages répondant à certaines conditions de ressources a été adoptée dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 1995, sur l'initiative de M. Alain Lambert, alors rapporteur général.
Le présent article reprend la philosophie de ce dispositif, qui visait à exonérer les logements locatifs anciens des droits de première mutation à titre gratuit, en les appliquant aux logements anciens qui entrent dans le nouveau dispositif Besson.
En prévoyant une déduction forfaitaire majorée, 25 % au lieu de 14 %, le nouveau régime fiscal ne donne pas une incitation suffisante par rapport au régime fiscal en faveur du logement neuf.
Ainsi, pour un contribuable situé dans la tranche maximale d'imposition de 54 % qui décidrait de réaliser un investissement de un million de francs pour un logement locatif, on observerait un écart de rendement de 30 % entre l'avantage fiscal pour le neuf et l'avantage fiscal pour l'ancien.
Il convient de développer le secteur locatif conventionné et de rendre plus attractif le dispositif fiscal en faveur de l'amélioration et du bon usage du patrimoine de logements anciens.
Lors de la transmission d'un bien immobilier, les droits de mutation à titre gratuit ont souvent pour effet d'obliger les héritiers ou les légataires à vendre le bien afin de payer ces droits, si bien que l'immeuble sort du parc locatif.
Cet article additionnel, en proposant une exonération partielle des droits de première transmission pour les logements anciens nouvellement conventionnés, permet de donner un signe positif aux investisseurs afin qu'ils s'engagent plus facilement dans la location de logements à caractère intermédiaire.
Du point de vue de l'urbanisme, monsieur le secrétaire d'Etat, vous qui êtes maire d'une ville moyenne, vous serez sans doute sensible à cet amendement. En effet, il est bon d'inciter, par ce moyen, à la revalorisation du patrimoine bâti, notamment des centres-villes, de faire en sorte qu'il demeure équilibré socialement et qu'il puisse recevoir dans le cadre d'opérations d'amélioration et de réhabilitation du patrimoine des familles de condition moyenne susceptibles d'entrer dans les critères de ressources du dispositif Besson.
Il n'y a aucune raison d'avoir des dispositions de fiscalité immobilière qui, de manière systématique, avantagent de façon excessive le logement neuf par rapport au logement ancien.
Si on le faisait de manière trop systématique, on serait fondé à s'interroger sur les biais ou sur le parti pris qui conduisent à des situations qui, à nos yeux, ne sont pas toujours équitables.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. L'idée de M. le rapporteur général est de favoriser les acquisitions de logements locatifs anciens réalisées à compter du 1er janvier 1999.
Je dois rappeler, monsieur le rapporteur général, que l'article 31-1 du code général des impôts, auquel vous faites référence, institue déjà une incitation fiscale qui me paraît suffisante au regard de l'impôt sur le revenu pour les propriétaires bailleurs.
Par ailleurs, les dispositions prises dans le passé en matière de droits de mutation à titre gratuit au profit des immeubles neufs ou anciens donnés en location ne pouvaient profiter qu'à des biens pour lesquels les avantages accordés en matière d'impôt sur le revenu n'avaient pas été utilisés. Le non-cumul des avantages fiscaux est un principe auquel il ne faut pas déroger. Aussi, je vous demande de retirer cet amendement, car je suis convaincu que vous êtes d'accord avec ce principe.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert, président de la commission de finances. Je voudrais insister sur l'importance de ce dispositif. Si, lorsqu'il a été en vigueur pendant un an et demi, il n'a pas connu un grand succès, c'est parce que le marché de l'immobilier était étale.
Vous l'avez rappelé hier, il est très dynamique en ce moment. C'est sans doute l'occasion - je me tourne vers mes collègues de la province - d'aider à la réhabilitation massive, quasi intégrale, du parc immobilier ancien vétuste de nos belles régions. Il est beaucoup plus intelligent de s'y prendre de cette manière, au lieu d'implanter aux alentours de nos magnifiques bourgs des pavillons industrialisés qui défigurent le paysage.
Il s'agit en particulier, comme le disait très bien voilà un instant M. le rapporteur général, de faire en sorte que, à l'occasion de l'ouverture d'une succession, lorsque le bien se trouve indivis et qu'il est plus ou moins abandonné par les héritiers, un acquéreur s'intéresse à ce bien pour le rénover et le remettre sur le marché locatif. Il ne s'agit pas, comme voudrait le laisser entendre M. le secrétaire d'Etat, d'offrir à cet acquéreur une sorte d'avantage fiscal inconsidéré. En effet, il aurait sans doute intérêt, sur le plan économique et patrimonial, à acquérir un appartement dans le VIe arrondissement de Paris plutôt que dans le Cantal ou dans l'Orne. Mais ce qui est important, c'est d'essayer de le convaincre de remettre le logement sur le marché locatif, au bénéfice des personnes qui peuvent obtenir un conventionnement, c'est-à-dire des personnes de condition modeste.
Sur le fond, monsieur le secrétaire d'Etat, il s'agit de savoir si la philosophie du Gouvernement est que le parc social, dans notre pays, doit être exclusivement détenu par la puissance publique. L'Etat et ses organismes logeurs publics doivent-ils être les seuls à mettre des logements à la disposition des Français les plus modestes, ou faut-il au contraire encourager nos compatriotes à investir leur épargne dans le secteur immobilier locatif ? Je crois que c'est la seconde voie qui doit être suivie, et c'est la raison pour laquelle je vous invite vivement, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. François Trucy. Très bien !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Il ne me paraît pas de bonne gestion fiscale de faire peser sur le contribuable le coût des incitations qui doivent être naturelles dans la gestion du patrimoine immobilier de la part des propriétaires des patrimoines anciens dont nous parlons.
Il existe déjà un certain nombre de dispositions favorables. Par exemple, s'agissant des droits de mutation à titre onéreux, le neuf est taxé au taux normal de TVA et l'ancien à 4,8 %, grâce à l'article 5 dont nous avons discuté. Je rappelle l'effort de 20 milliards de francs que le Gouvernement vous propose en abaissant au taux réduit, à 5,5 %, la TVA sur les travaux de rénovation concernant les immeubles.
Un ensemble très complet, ordonné autour de l'objectif de l'emploi est mis en oeuvre. Il ne convient pas de rajouter constamment une couche supplémentaire d'avantages fiscaux. Il faut rester raisonnable. Il faut également donner aux propriétaires de patrimoine immobilier la responsabilité d'une gestion saine, dynamique, tournée vers l'avenir de ce patrimoine, et non pas substituer en permanence la sollicitation qui est faite aux contribuables à la responsabilité de bonne gestion, de gestion de croissance, qui doit être celle des propriétaires de ce type de patrimoine. Sincèrement, nous nous égarerions si nous allions dans le sens que vous préconisez.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Vos services n'ont jamais aimé le logement ancien ! Ils ne croient qu'au logement neuf !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-14, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 5.
Par amendement n° I-15, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la seconde phrase du II de l'article 36 de la loi de finances pour 1999 (loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998), les mots : "25 novembre 1998 et le 31 décembre 1999" sont remplacés par les mots : "1er janvier 2000 et le 31 décembre 2001".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat des dispositions du I ci-dessus est compensée par le relèvement à due concurrence des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit de la prolongation du régime instaurant une réduction de 30 % sur les donations sans limite d'âge. Cet amendement, qui vise à insérer un article additionnel, a effectivement pour objet de prolonger le régime transitoire instauré sur notre initiative dans la loi de finances de 1999.
Il convient de rappeler que ce régime a été créé à titre transitoire et qu'il vient à expiration au 31 décembre 1999. Or, monsieur le secrétaire d'Etat, en l'absence d'une réforme générale que nous attendons toujours sur les droits de mutation, qui tiendrait compte des évolutions de la société et allégerait les prélèvements sur la transmission du patrimoine, il paraît nécessaire de prolonger de deux ans ce régime.
En effet, si l'on tient compte des tables d'espérance de vie établies par l'INSEE, une personne de soixante-quinze ans dispose à l'heure actuelle encore de sept ans pour organiser sa succession, si c'est un homme, et de douze ans, s'il s'agit d'une femme, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.
Par ailleurs, une partie encore importante des patrimoines est détenue par des personnes âgées de plus de soixante-quinze ans. Il est donc nécessaire d'inciter ces personnes à organiser la transmission de leur patrimoine afin de dynamiser la gestion et l'entretien des biens pour assurer le devenir des générations futures. Cette mesure doit être rapprochée des dispositions de l'article 5 bis du projet de loi de finances pour 2000 tendant à promouvoir la transmission des entreprises.
Il est rappelé, nous le verrons tout à l'heure, que cet article a pour objet d'exonérer des droits de succession 50 % des parts et actions de sociétés, sous réserve que leurs propriétaires se soient engagés à les conserver dans certaines conditions.
Mes chers collègues, il est indispensable que la fiscalité des transmissions de patrimoine soit modernisée et rendue plus équitable, en particulier pour les petites successions lorsqu'il ne s'agit pas de relations familiales en ligne directe. L'application de nos barèmes entraîne des effets spoliateurs auxquels il faudrait absolument mettre fin.
La prolongation du régime transitoire proposée par la commission s'appliquant, je le rappelle, aux donations, c'est-à-dire à l'organisation volontaire de la succession, paraît nécessaire pour progresser dans le sens de l'équité.
M. Emmanuel Hamel. Progressons !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement partage le souhait de M. le rapporteur général d'octroyer un nouveau délai aux personnes âgées de plus de soixante-quinze ans pour les encourager à effectuer, le cas échéant, la répartition de leur patrimoine en faveur de leurs ayants droit.
M. Roland du Luart. Très bien !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le délai nécessaire qui, je le rappelle, expire le 31 décembre 1999, n'a pas permis à nombre de ces personnes pour lesquelles les démarches notariées sont complexes et qui n'ont pas été suffisamment informées, malgré nos efforts de procéder à des donations.
Je reçois d'ailleurs, comme vous, monsieur le rapporteur général, des échos venant des études de notaires faisant apparaître en cette fin d'année une sorte de panique, une précipitation, chez les personnes âgées désireuses de bénéficier des dispositions favorables que vous avez acceptées, sur proposition du Gouvernement, lors de la discussion de la loi de finances de 1999.
J'accepte votre proposition, monsieur le rapporteur général, afin d'encourager ces donations ou ces mutations à titre gratuit qui bénéficieront du taux de 30 % lorsqu'elles seront passées entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2001 par des donateurs de plus de soixante-quinze ans.
MM. Roland du Luart et François Trucy. Très bien !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. J'indique au Sénat que je lève le gage qui est attaché à cette disposition favorable, dont je vous remercie. Elle témoigne, une fois de plus, de la grande convergence qui se dégage lorsque nous examinons le cas des personne âgées, en particulier des plus modestes d'entre elles.
M. Michel Moreigne. Très bien !
M. Roland du Luart. Ce sujet fait en effet l'unanimité !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° I-15 rectifié.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-15 rectifié, accepté par le Gouvernement.
M. Thierry Foucaud. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 5.
Par amendement n° I-230, MM. Gaillard, Oudin, Braun, Cazalet, Chaumont, Delong, Joyandet, Ostermann et Trégouët proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 41 du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« III. - 1. En cas de transmission à titre gratuit avec ou sans soulte d'éléments d'actif immobilisé affectés à l'exercice de la profession à un ou plusieurs héritiers ou successibles possédant un lien de parenté jusqu'au troisième degré inclus, les plus-values constatées sont exonérées à hauteur de 75 % si le bénéficiaire de la transmission prend l'engagement de ne pas céder ces biens à titre onéreux avant l'expiration d'un délai de dix ans et s'il utilise les biens dans l'exercice de soli activité professionnelle.
« 2. Lorsque le bénéficiairede la transmission n'est pas un héritier ou un successible possédant un lien de parenté jusqu'au troisième degré inclus mais a le statut de jeune agriculteur, le taux de l'exonération est ramené à 25 % dans la limite de 3 millions de francs. Un décret fixe les modalités d'application du présent alinéa.
« 3. En cas de cession à titre onéreux dans le délai de dix ans, les plus-values exonérées en vertu des paragraphes 1 et 2 sont réintégrées dans les bénéfices de l'exercice en cours.
« II. - Après le deuxième alinéa du 3 de l'article 201 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de transmission à titre gratuit avec ou sans soulte, les stocks sont évalués conformément aux dispositions du 3 de l'article 38. »
« III. - Le II de l'article 151 nonies du code général des impôts est ainsi rédigé :
« II. - 1. En cas de transmission à titre gratuit avec ou sans soulte de droits sociaux considérés, en application du I, comme des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession, au profit d'un ou plusieurs héritiers ou successibles possédant un lien de parenté jusqu'au troisième degré inclus, les plus-values constatées sont exonérées à hauteur de 75 % dans la limite de 3 millions de francs si le bénéficiaire de la transmission prend l'engagement de ne pas céder ces droits à titre onéreux avant l'expiration d'un délai de dix ans et s'il exerce son activité professionnelle dans la société.
« 2. Lorsque le bénéficiaire de la transmission n'est pas un héritier ou un successible possédant un lien de parenté jusqu'au troisième degré inclus mais a le statut de jeune agriculteur, le taux de l'exonération est ramené à 25 % dans la limite de 3 millions de francs. Un décret fixe les modalités d'application du présent alinéa.
« 3. En cas de cession à titre miséreux dans le délai de dix ans, les plus-values exonérées en vertu des paragraphes 1 et 2 sont réintégrées dans les bénéfices de l'exercice en cours.
« IV. - L'éventuelle perte des recettes pour le budget de l'Etat résultant des I à III est compensée par le relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Gaillard. M. Yann Gaillard. Il s'agit d'une amélioration du système de mutation à titre gratuit d'éléments d'actifs ou de parts sociales affectés à un exercice professionnel.
Il est rappelé dans l'exposé des motifs que la mutation à titre gratuit, qui est exclusive de tout flux financier, supporte pourtant une double taxation au titre des droits de mutation et au titre des plus-values.
Cette taxation peut entraîner, dans certains cas, un risque de liquidation d'une partie des actifs de l'entreprise. Certes, la loi avait déjà prévu des dispositions permettant et facilitant la transmission des entreprises individuelles comme des parts de société de personnes dans les articles 41 et 151 nonies du code général des impôts. Mais l'impossibilité de procéder à une division fait échec à l'application de ces dispositions, d'où les améliorations qui sont proposées.
D'abord, en ce qui concerne la transmission à titre gratuit d'éléments d'actifs immobilisés affectés à l'exercice de la profession à un ou plusieurs héritiers jusqu'au troisième degré inclus, les plus-values constatées seraient exonérées à hauteur de 75 %, à condition bien sûr que le bénéficiaire de la transmission prenne l'engagement de ne pas céder ses biens à titre onéreux avant l'expiration d'un délai de dix ans. S'il les cède, il y aurait, bien sûr, réintégration.
Ensuite, une disposition certes incidente, mais importante pour la fiscalité agricole, prévoit que, même lorsqu'il n'y a pas d'appartenance à la famille et de degré de parenté, une exonération est possible lorsque le bénéficiaire de cette mutation a le statut de jeune agriculteur. Le taux de l'exonération serait dans ce cas ramené à 25 % dans la limite de 3 millions de francs. Un dispositif analogue est proposé dans la deuxième partie de l'amendement pour les droits sociaux.
Tel est l'objet de cet amendement n° I-230 que nous avons présenté avec un certain nombre de nos collègues du groupe du RPR.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un sujet intéressant, sur lequel la commission désire entendre l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement n'est pas favorable à cette disposition, car son application aboutirait à une exonération définitive de la majeure partie des plus-values constatées à l'occasion de la transmission à titre gratuit d'entreprises lorsqu'elles sont exploitées directement ou au travers de sociétés de personnes.
En effet, je rappelle que le régime de faveur qu'il est proposé de modifier, celui de l'article 41 du code général des impôts et du II de l'article 151 nonies du même code, vise à faciliter la transmission à titre gratuit dans le cadre strictement familial des entreprises en permettant que l'imposition des plus-values résultant de leur cession ou cessation d'activité, qui est en principe immédiate, soit reportée à la date à laquelle les biens transmis seront cédés par le nouvel exploitant, qui disposera alors des liquidités nécessaires pour y faire face. Le nouvel exploitant prend l'engagement que je viens d'énoncer.
Ce régime n'a donc pas pour objet d'exonérer définitivement les plus-values, mais bien de les reporter lorsqu'elles apparaîtront à l'occasion d'une autre transmission pour laquelle la personne concernée s'engage. L'exonération ne serait pas légitime dès lors que les plus-values traduiraient l'accroissement du patrimoine de l'exploitant.
En outre, la mesure consistant à reporter les profits sur stocks constatés lors de la transmission à titre gratuit des entreprises, quelle que soit la qualité du bénéficiaire de la transmission, n'est pas acceptable. Un tel report ne se justifie, en effet, que par la poursuite de l'activité dans un cadre strictement familial, ce qui est bien précisé par l'article 41 du code général des impôts.
Je rappelle par ailleurs que la transmission d'exploitation agricole fait également l'objet d'un examen dans le cadre du rapport de Mme Béatrice Marre. Il est prématuré de légiférer sur cette question sans attendre les conclusions de ce rapport.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est, dans ces conditions, l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je crains de rejoindre le Gouvernement dans une bonne partie de son analyse.
L'article 151 nonies du code général des impôts prévoit déjà un report d'imposition de la plus-value jusqu'à la mutation ultérieure du bien. Voilà qui semble répondre au moins dans une large mesure aux préoccupations qui ont été exprimées.
Par ailleurs, l'amendement subordonne l'application du dispositif à l'engagement pris par les héritiers bénéficiaires dudit dispositif de ne pas céder les biens transmis pendant dix ans et de les utiliser dans le cadre de l'exercice de leur activité professionnelle. Ces biens, je le rappelle, sont des éléments d'actif immobilisés affectés à l'exercice d'une profession notamment agricole.
Cet engagement de conserver pendant dix ans les biens transmis et de continuer de les affecter à l'usage professionnel pendant dix ans est-il bien réaliste dans l'état actuel de l'évolution des techniques ?
Cette simple interrogation ainsi que à certains des éléments évoqués par M. le secrétaire d'Etat devraient conduire à un examen en profondeur du problème qui se pose réellement, mais que l'amendement n° I-230 ne semble pas traiter de manière absolument définitive et incontestable.
Aussi me paraît-il préférable qu'il soit retiré et que le problème fasse l'objet d'une étude plus approfondie.
M. le président. Monsieur Gaillard, accédez-vous à la demande de M. le rapporteur général ?
M. Yann Gaillard. Je vais bien entendu retirer cet amendement.
Je souhaite toutefois qu'à l'issue de cette brève discussion ce problème non négligeable soit mis dans la besace de Mme Béatrice Marre. Nous pourrons ainsi en discuter à nouveau lorsque le Gouvernement nous fera des propositions sur la base des résultats de son étude.
M. le président. L'amendement n° I-230 est retiré.
Par amendement n° I-84, MM. Fréville et Branger proposent d'insérer, après l'article 5, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 790 du code général des impôts est complété par l'alinéa suivant : "S'agissant de donations relatives aux titres ou parts de sociétés, une réduction de 50 % des droits est appliquée quel que soit l'âge du donateur, à la condition que le donateur et le ou les donataires prennent l'engagement de conserver ces titres ou parts de société pendant huit ans.
« II. - La perte de recettes pour le budget de l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Puisque l'amendement de la commission relatif aux donations a été tout à l'heure adopté et comme l'amendement n° I-84 a un objet voisin, je le retire.
M. le président. L'amendement n° I-84 est retiré.

Article 5 bis