Séance du 17 novembre 1999







« A l'article 1613 bis du code général des impôts, le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Les boissons constituées par un mélange préalable de boissons passibles d'un droit mentionné aux articles 402 bis , 403, 438, 520 A ( a du I) du code général des impôts ou de boissons ayant un titre alcoolmétrique n'excédant pas 1,2 % vol. et de boissons alcooliques passibles d'un droit mentionné aux articles 402 bis , 403, 438, 520 A ( a du I) du code général des impôts, lorsqu'elles sont conditionnées pour la vente au détail en récipients de moins de soixante centilitres, font l'objet d'une taxe perçue au profit de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés dès lors que le mélange ainsi obtenu titre plus de 1,2 % vol. »
La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Au travers de cet article additonnel, qui me paraît bien placé avant l'article 5, je souhaite seulement attirer l'attention du Gouvernement et la vôtre, mes chers collègues, sur une situation pour le moins paradoxale, voire contradictoire au regard des objectifs qui ont été définis par le Gouvernement et par le Parlement dès 1996, confirmés en 1997 et en 1998, et qui visaient à lutter contre l'alcoolisme des jeunes en taxant les produits hypocrites que nous avions convenance à appeler les « premix ».
Le décret d'application comporte une ambiguïté et conduit à une situation paradoxale. Ainsi, une bière mélangée à de la limonade est surtaxée au titre des « premix » alors qu'une bière mélangée à un whisky, c'est-à-dire une bière dite « boostée », n'est pas taxée.
Nous avions cherché à surtaxer les « premix » parce qu'il s'agit de produits de consommation courante pour les jeunes mais « dopés » au niveau de l'alcool.
De la même façon, un spiritueux à 40° ou 42°, s'il est mélangé à un jus de fruit, ce qui aura pour effet de le ramener à un taux de 20° ou 25°, sera surtaxé.
Je pense qu'il y a une erreur dans la rédaction du décret. J'attire votre attention, madame la secrétaire d'Etat, sur le fait que l'application de ce décret engendre des effets pervers et des situations pour le moins curieuses. Il serait donc souhaitable d'en revenir au texte et à l'esprit de la loi votée en 1996, confirmée en 1997 et en 1998. Nous sommes aujourd'hui en 1999, peut-être pouvons-nous apporter cette correction !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Dès que sont apparus sur le marché les « premix », la commission des affaires sociales du Sénat s'est opposée à ces produits, qui aboutissaient à favoriser l'alcoolisme des jeunes. Par leur aspect plus engageant qu'une boisson alcoolisée, on encourageait en effet les jeunes à consommer de l'alcool, alors qu'ils auraient pu éprouver une certaine réticence.
Nous avons donc toujours approuvé la surtaxation des « premix ».
Il n'en demeure pas moins que l'amendement de notre collègue M. Arnaud pose un vrai problème.
Si ce qu'il dit est exact - le Gouvernement vous le dira - je suis pour que l'on fixe la taxe au même niveau. Je suis aussi favorable à une taxation à un niveau élevé et pour le mélange d'un alcool et d'un jus de fruit, et pour le mélange de deux alcools.
Je considère que ces alcools hypocrites favorisent l'alcoolisme et que nous devons les dénoncer. Le jeunes ont suffisamment de problèmes pour qu'il ne soit pas besoin d'ajouter celui-là.
J'aimerais connaître l'avis du Gouvernement sur ce texte extrêmement pointu.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je partage tout à fait votre sentiment sur la taxation des « premix », monsieur le rapporteur. Ce sont des boissons qui ont été fabriquées pour rendre attractive la consommation d'alcool, sous un air un peu plus ludique.
Il s'agit d'un mélange d'alcool et de boisson non alcoolisée, donc de deux produits vraiment différents, et la taxation a été fixée en conséquence.
En revanche, M. Arnaud envisage le cas de mélanges de deux types d'alcool, qui sont aujoud'hui taxés de manière différente car ils appartiennent à une catégorie différente.
Une taxation particulière sur des mélanges entraînerait une complication ; un tel dispositif nécessite donc un approfondissement, une étude particulière, de façon à éviter des contentieux - certains sont déjà en cours au niveau communautaire - et il convient d'en attendre l'issue.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est désormais l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. Face à la complexité du système, je serais tenté de m'en remettre à la sagesse du Sénat.
Toutefois, à titre personnel, je voterai cet amendement. Si la majorité sénatoriale me suit, je n'y verrai pas d'inconvénient car cela obligera le Gouvernement à regarder de près, pendant la navette, ce qui se passe, y compris en matière de droit communautaire.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 96.
M. Claude Huriet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Je voterai cet amendement car je n'ai pas compris, madame le secrétaire d'Etat, les explications que vous venez de donner.
Vous faites référence à une directive européenne que M. Arnaud n'a pas mentionnée. Mais, surtout, vous dites que le Gouvernement envisage d'attendre le résultat des actions contentieuses en cours.
Voilà qui ne me convient pas du tout. Nous sommes là pour légiférer. Le législateur n'a pas à « courir » après la jurisprudence. Le fait que des actions contentieuses soient engagées ou non n'a, pour moi, aucun importance.
La cause est juste, vous l'avez reconnu vous-même. Dans ces conditions, je ne vois pas ce qui s'oppose à l'adoption de l'amendement n° 96. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 96, repoussé par le Gouvernement.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Le groupe socialiste s'abstient.
Mme Nicole Borvo. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 5.

Article 5

M. le président. « Art. 5. - I. - L'article L. 139-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :