Séance du 5 octobre 1999







M. le président. « Art. 1er. - Le service public de l'électricité a pour objet de garantir l'approvisionnement en électricité sur l'ensemble du territoire national, dans le respect de l'intérêt général.
« Dans le cadre de la politique énergétique, il contribue à l'indépendance et à la sécurité d'approvisionnement, à la qualité de l'air et à la lutte contre l'effet de serre, à la gestion optimale des ressources nationales, à la maîtrise de la demande d'énergie, à la compétitivité de l'activité économique et à la maîtrise des choix technologiques d'avenir, comme à l'utilisation rationnelle des énergies.
« Il concourt à la cohésion sociale, en assurant le droit à l'électricité pour tous, à la lutte contre les exclusions, au développement équilibré du territoire, dans le respect de l'environnement, à la recherche et au progrès technologique, ainsi qu'à la défense et à la sécurité publique.
« Matérialisant le droit de tous à l'électricité, produit de première nécessité, le service public de l'électricité est géré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité, et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d'efficacité économique, sociale et énergétique.
« Le service public de l'électricité est organisé, chacun pour ce qui le concerne, par l'Etat et les communes ou leurs établissements publics de coopération. »
Par amendement n° 231, M. Hérisson propose, dans le deuxième alinéa de cet article, après les mots : « d'approvisionnement », d'insérer les mots : « conçues dans un cadre européen ».
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Cet amendement vise à affirmer clairement la nécessité de l'indépendance énergétique et de la sécurité d'approvisionnement. Il est aujourd'hui impossible de raisonner dans un cadre strictement national.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Revol, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Il est défavorable, et je viens d'expliquer pourquoi. Il existe une politique énergétique française qui a des spécificités et dont nous devons maintenir l'orientation nationale.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 231.
M. Robert Bret. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Nous voterons contre cet amendement qui ne trouve, à notre sens, absolument pas sa place dans le texte et qui est de surcroît en parfaite contradiction avec l'alinéa qui précède, selon lequel : « Le service public de l'électricité a pour objet de garantir l'approvisionnement du territoire national, dans le respect de l'intérêt général ».
Il est, en outre, paradoxal de prétendre défendre l'indépendance énergétique nationale dans le cadre européen, alors que c'est l'Union européenne qui nous oblige, par la directive 96-92, à mettre en concurrence les différents opérateurs nationaux.
Je précise, enfin, à l'adresse de notre collègue M. Hérisson qu'il n'existe pas, à l'échelle européenne, de politique énergétique à part entière ; il serait donc vain d'espérer une quelconque cohérence des stratégies mises en oeuvre par les Etats membres de l'Union européenne, car celles-ci peuvent être contradictoires.
Notre groupe votera donc contre cet amendement, qui relève davantage, me semble-t-il, d'une idéologie que d'une réalité économique.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 231, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 300, MM. Lefebvre, Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, dans le deuxième alinéa de l'article 1er, après les mots : « à la gestion optimale », les mots : « et au développement ».
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Le titre Ier de ce projet de loi précise, dans le nouveau cadre défini par la directive communautaire, les missions et le champ d'action du service public de l'électricité.
Donner force de loi aux engagements assumés par Electricité de France depuis sa nationalisation en 1946 représente certes une garantie pour l'avenir, à la condition toutefois que l'on soit parfaitement précis et complet s'agissant du contenu, de l'étendue et de la finalité du service public de l'électricité.
Les députés communistes ont largement contribué à améliorer et à donner du relief à la rédaction de cet article 1er, notamment en y introduisant la notion d'intérêt général et en mentionnant les considérations environnementales, mais surtout en prévoyant un « droit à l'électricité pour tous ».
Ce droit implique qu'il soit mieux répondu dans l'avenir aux besoins des usagers, en mettant en place un dispositif d'aide aux plus démunis, mais aussi en recherchant les moyens techniques, économiques et humains de valoriser au mieux nos propres ressources nationales, dans les meilleures conditions de qualité et de sécurité pour la population.
C'est pourquoi préconiser une simple gestion de l'existant ne peut être considéré comme suffisant et pertinent.
Nous ne pouvons pas, aujourd'hui, nous interdire d'avoir recours à de nouvelles ressources, si les technologies le permettent et si l'exploitation de nouveaux gisements assure, par ailleurs, la préservation de l'environnement et la création d'emplois.
En outre, à l'heure où, dans notre pays, un débat s'est instauré à propos du nucléaire, cet amendement revêt un caractère particulier.
En effet, notre proposition vise à favoriser la diversification des sources d'énergie sur notre territoire et, dans le même temps, à garantir l'indépendance nationale.
En inscrivant dans la loi l'objectif du développement de nos ressources nationales, nous entendons de ne pas hypothéquer nos chances de découvrir de nouveaux sites et nous entendons assurer les moyens de les exploiter, de les valoriser.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Revol, rapporteur. Cet avis est favorable, monsieur le président. Mais une fois ne sera pas coutume !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. M. Bret a eu raison de souligner l'apport décisif des députés communistes lors de la discussion de ce texte à l'Assemblée nationale.
Pour cet amendement, qui s'inspire d'une philosophie proche de celle de ses collègues, je m'en remettrai cependant à la sagesse du Sénat. Il appartient en effet au Gouvernement, sous le contrôle du Parlement, de décider des choix de développement des ressources nationales énergétiques. Les décisions ne peuvent pas être prises à n'importe quel prix, comme le rappelle périodiquement l'examen des coûts de référence de la production d'électricité.
Quant au service public, il lui revient d'assurer la gestion optimale des ressources une fois étudiées les conditions économiques, écologiques et sociales de leur développement.
Cet amendement risque, à mon avis, d'inciter à demander la relance ou la prolongation de l'exploitation de certaines ressources, alors même que les conditions économiques ne s'y prêtent pas. C'est pourquoi je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 300, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. Henri Weber. Très bien !
M. le président. Par amendement n° 246, M. Valade et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent d'insérer, au deuxième alinéa de l'article 1er, après les mots : « d'avenir », les mots : « à la nouvelle définition des centres nucléaires type EPR - European pressurized water reactor - au développement de la cogénération ».
La parole est à M. Valade.
M. Jacques Valade. Le deuxième alinéa de l'article 1er porte sur la maîtrise des choix technologiques d'avenir. Avec cet amendement, nous nous inscrivons dans la ligne tracée par l'amendement n° 300 ; qui vient d'être adopté, en apportant une précision qui nous paraît tout à fait indispensable et, comme M. le secrétaire d'Etat l'a souhaité, en traçant le chemin dans lequel il faut nous engager.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Revol, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Pour les raisons déjà indiquées pour les deux amendements précédents, j'y suis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 246.
M. Henri Weber. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. Il me semble que cet amendement n'a pas sa place dans un article édictant des principes généraux. Par conséquent, nous voterons contre.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 246, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 19, M. Revol au nom de la commission, propose, à la fin du deuxième alinéa de l'article 1er, de remplacer les mots : « des énergies » par les mots : « de l'énergie ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. C'est un amendement rédactionnel. On parle en effet de politique ou de maîtrise de l'énergie et non des énergies.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 247, M. Valade et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent :
I. - Au troisième alinéa de l'article 1er, de remplacer les mots : « le droit à l'électricité » par les mots : « l'accès à l'électricité ».
II. - En conséquence, de procéder à la même modification dans l'ensemble des autres dispositions du texte.
La parole est à M. Valade.
M. Jacques Valade. Comme l'a dit tout à l'heure M. le secrétaire d'Etat, le droit à l'électricité doit être encadré. Par ailleurs, comme vient de l'exposer M. Weber, mieux vaut en rester aux généralités et utiliser le terme « accès » plutôt que le terme « droit ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Revol, rapporteur. La commission n'a pas voulu entrer dans une querelle sémantique entre le « droit à l'électricité » et « l'accès à l'électricité ». Il est néanmoins clair que, pour nos concitoyens, la desserte électrique est un droit.
La commission demande donc le retrait de l'amendement n° 247 au bénéfice de l'amendement n° 37, qui recentre le dispositif sur l'aide aux plus démunis et supprime la tranche sociale.
M. le président. Monsieur Valade, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jacques Valade. Il y a confusion entre l'accès au réseau électrique, tout particulièrement en termes d'aménagement du territoire, d'installation de lignes pour que tout le pays soit irrigué, et le droit à l'électricité, qui relève de la solidarité que nous devons aux plus démunis.
Je ne retire donc pas cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure à la tribune, le droit à l'électricité est un droit dont les conditions d'exercice doivent être précisées, encadrées.
Je ne ferai pas de procès d'intention à M. Valade. J'affirme néanmoins qu'il ne faut pas que l'avancée sociale décidée par l'Assemblée nationale soit remise en cause aujourd'hui.
M. Jacques Valade. Cela n'a rien à voir !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le service public intègre maintenant un dispositif qui vise à assurer une tarification spéciale « produit de première nécessité » pour certains usagers. Le contenu concret d'un droit est donc défini.
Le renforcement du mécanisme d'aide pour la fourniture d'électricité aux plus démunis, des dispositions spécifiques pour prévenir et éviter les coupures, voilà une concrétisation du droit à l'électricité pour tous, qui doit rester une avancée sociale et politique !
C'est pourquoi je suis défavorable à l'amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 247.
M. Robert Bret. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Cet amendement de M. Valade et des membres du groupe du RPR vise à supprimer l'un des acquis majeurs de l'Assemblée nationale obtenu par les députés communistes : le droit à l'électricité pour tous.
L'inscription dans la loi d'un droit de cette nature correspond, en réalité, à l'esprit des lois de nationalisation de 1946 voulu, me semble-t-il, monsieur Valade, par le général de Gaulle lui-même.
Ce droit à l'électricité s'inscrit, à mon sens, dans le prolongement des combats de la Résistance pour l'émancipation des hommes et le progrès social. Aussi, je m'étonne qu'un parti se réclamant du gaullisme s'attaque aujourd'hui à un tel symbole.
L'électricité est un bien essentiel à la vie, comme peuvent l'être le logement, l'éducation ou encore la santé. Il est dans l'ordre des choses de reconnaître enfin un droit à l'électricité auquel chaque individu peut prétendre, quelles que soient ses conditions sociale et économique.
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera résolument contre l'amendement.
M. Jacques Valade. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Valade.
M. Jacques Valade. Je vais expliquer non seulement mon vote mais également celui des membres de mon groupe.
Monsieur Bret, je veux bien que vous évoquiez l'histoire de la Résistance - sans doute l'avons-nous partagée - mais il est clair qu'en cet instant nous sommes dans le droit-fil de ce que nous avons toujours souhaité.
Il ne s'agit pas, en l'occurrence, du problème social. A cet égard, je dénie d'ailleurs à quiconque le droit de nous donner des leçons.
Nous sommes simplement en train, en ce qui concerne les principes généraux, d'essayer de mettre en place un dispositif de nature à fournir à l'ensemble du territoire national ce dont il a besoin, c'est-à-dire un réseau électrique. Voilà la raison pour laquelle nous parlons d'accès au réseau à cet endroit du projet de loi.
Pour le reste, nous sommes parfaitement d'accord. M. le rapporteur a d'ailleurs évoqué, après M. le secrétaire d'Etat, les dispositions correspondantes.
Aussi je vous en prie, ne faites pas d'amalgame, monsieur Bret !
Comme mes collègues, je voterai donc cet amendement, mais dans l'esprit que je viens, d'exposer et non dans celui dans lequel vous essayez de nous enfermez.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 247, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 248, M. Valade et les membres du groupe du Rassemblement pour la République proposent, au quatrième alinéa de l'article 1er, après le mot : « adaptabilité » d'insérer les mots : « et des règles de concurrence ».
La parole est à M. Valade.
M. Jacques Valade. C'est un amendement de cohérence. Puisque ce projet de loi organise la concurrence, il est bon d'évoquer celle-ci dès l'article 1er.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Revol, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement, qui rappelle que le service public doit être géré dans le respect des règles de la concurrence.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement n'est pas de cet avis. La concurrence ne lui paraît pas être au nombre des principes fondateurs du service public, qui sont la continuité, l'adaptabilité, l'égalité d'accès.
Je relève par ailleurs que le texte contient bien des dispositions qui apportent des garanties suffisantes quant au jeu libre et loyal de la concurrence.
Il est par conséquent quelque peu contradictoire de vouloir insérer les valeurs du service public à l'intérieur de la mécanique économique de la concurrence, qui n'a rien à voir avec ces valeurs. M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 248.
M. Henri Weber. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Weber.
M. Henri Weber. On assiste à une percée théorique intéressante, à une redéfinition du concept de service public par l'introduction d'une qualification supplémentaire tout à fait inhabituelle.
Selon moi, il faut, pour une fois, faire preuve de conservatisme et en rester à l'ancienne définition. A mon sens, les règles de concurrence n'ont en effet rien à voir avec les principes qui définissent le service public.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 248, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 20, M. Revol, au nom de la commission, propose, dans le dernier alinéa de l'article 1er, après les mots : « Le service public de l'électricité est organisé, » de supprimer les mots : « , chacun pour ce qui le concerne, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 2