Séance du 25 mai 1999







M. le président. « Art. 15 bis A. - Après l'article L. 1511-5 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 1511-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 1511-6 . - Les collectivités territoriales ou les établissements publics de coopération locale ayant bénéficié d'un transfert de compétences à cet effet peuvent, dès lors que l'offre de services ou de réseaux de télécommunications à haut débit qu'ils demandent n'est pas fournie par les acteurs du marché à un prix abordable ou ne répond pas aux exigences techniques et de qualité qu'ils attendent, créer des infrastructures destinées à supporter des réseaux de télécommunications au sens de l'article L. 32 du code des postes et télécommunications, pour les mettre à disposition d'exploitants de réseaux de télécommunications titulaires d'une autorisation délivrée en application de l'article L. 33-1 du code des postes et télécommunications qui en feraient la demande.
« Ces collectivités et établissements ne peuvent pas exercer les activités d'opérateur au sens du 15° de l'article L. 32 du code des postes et télécommunications.
« La mise à disposition s'effectue par voie conventionnelle dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires et à des tarifs assurant la couverture des coûts correspondant à cette mise à disposition. Elle ne doit pas porter atteinte aux droits de passage que sont en droit d'obtenir les opérateurs autorisés.
« La décision de création ou d'extension d'une infrastructure de télécommunications ne peut intervenir qu'à l'issue de la mise en oeuvre d'une procédure de publicité permettant de constater la carence définie au premier alinéa et d'évaluer les besoins des opérateurs susceptibles d'utiliser les infrastructures projetées.
« Les dépenses et les recettes relatives à la construction, à l'entretien et à la location des infrastructures mentionnées au premier alinéa sont examinées, de façon prévisionnelle lors de la décision de création ou d'extension, par les organes délibérants qui doivent avoir connaissance notamment des besoins des opérateurs qui ont été identifiés dans le cadre de la procédure de publicité visée au précédent alinéa. Elles sont ensuite retracées au sein d'une comptabilité distincte. Le tarif de la location est calculé sur une durée d'amortissement des investissements liés à la création ou l'extension de ces infrastructures qui n'excède pas huit ans. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 99, M. Le Cam, Mme Beaudeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de suprimer cet article.
Par amendement n° 26, MM. Gérard Larcher, Belot et Revet, proposent au nom de la commission spéciale, de rédiger comme suit l'article 15 bis A :
« Il est inséré, dans le livre V de la première partie du code général des collectivités territoriales, un titre III ainsi rédigé :

« TITRE III

« INFRASTRUCTURES
DE TÉLÉCOMMUNICATIONS

« Chapitre UNIQUE

« Mise à disposition des infrastructures
de télécommunications

« Art. L. 1531-1. - Dans le respect du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, les collectivités territoriales, ainsi que leurs groupements et leurs établissements publics exerçant une compétence en la matière, peuvent mettre à disposition de tout exploitant autorisé d'un réseau de télécommunications qui en ferait la demande tout ou partie de leurs infrastructures de télécommunications, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires.
« Les collectivités, groupements et établissements mentionnés à l'alinéa précédent peuvent également installer ou faire installer des infrastructures de télécommunications à cette fin.
« Cette mise à disposition donne lieu à la conclusion d'une convention.
« Les collectivités, groupements et établissements visés ci-dessus ne peuvent être titulaires d'une autorisation prévue à l'article L. 33-1 du code des postes et télécommunications. »
Par amendement n° 103, M. Hérisson propose de rédiger comme suit l'article 15 bis A :
« Après l'article L. 1511-5 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 1511-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 1511-6. - Les collectivités territoriales ou les établissements publics de coopération locale ayant bénéficié d'un transfert de compétence à cet effet peuvent créer des infrastructures destinées à supporter des réseaux de télécommunications au sens de l'article L. 32 du code des postes et télécommunications, pour les mettre à disposition des exploitants autorisés de télécommunications.
« Ces collectivités et groupements ne peuvent pas exercer les activités d'opérateur au sens du 15° de l'article L. 32 du code des postes et télécommunications.
« La mise à disposition s'effectue par voie conventionnelle, dans des conditions objectives, transparentes et non discrimatoires et à des tarifs assurant la couverture des coûts de cette mise à disposition. Elle ne doit pas porter atteinte aux droits de passage que sont en droit d'obtenir les opérateurs autorisés.
« Les dépenses et les recettes relatives à la construction, à l'entretien et à la location des infrastructures mentionnées au premier alinéa sont examinées, par les organes délibérants, de façon prévisionnelle, lors de la décision de création ou d'extension de ces infrastructures. Elles sont ensuite retracées au sein d'une comptabilité distincte. Le tarif de la location peut notamment être calculé en fonction de la durée d'amortissement des installations. »
La parole est à M. Le Cam, pour défendre l'amendement n° 99.
M. Gérard Le Cam. Cet amendement prévoit la suppression de l'article 15 bis A, bien que la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale soit mieux cadrée et moins susceptible de dérives que le texte retenu par le Sénat en première lecture sur l'initiative de notre collègue M. Hérisson.
L'adoption en l'état de la version préconisée par le Sénat aurait eu pour effet de transformer les collectivités territoriales en véritables opérateurs de télécommunications. Non seulement les collectivités locales étaient placées en situation de concurrence avec l'opérateur public France Télécom, mais aussi elles entraient en compétition les unes avec les autres, pour le plus grand dommage des villes de petite et moyenne importance.
Selon les auteurs des différents amendements portant sur cette importante question, quelle qu'en soit l'origine, la mise à disposition par les collectivités locales d'un réseau de télécommunications à haut débit répond à une double préoccupation : combler une carence des acteurs du marché et répondre à des besoins qui sont apparus dans de grandes villes telles que Nancy ou Toulouse.
Or les besoins exprimés sont pour l'essentiel très localisés, ponctuels et de surcroît conjoncturels dans un domaine en pleine effervescence technologique. Par conséquent, est-il véritablement utile de légiférer sur des aspects relativement marginaux sans qu'il y ait eu, par ailleurs, de réflexion globale et approfondie sur le cadre juridique nécessaire à la fourniture d'une transmission à haut débit ?
La révision de la directive Télécom devra être l'occasion pour le gouvernement français de proposer à nos partenaires européens l'insertion de ce service dans les dispositions du service universel.
Sur ce point précis, madame la ministre, êtes-vous en mesure de nous faire le point de la réflexion et des intentions du Gouvernement pour éviter une déréglementation complète du marché des télécommunications ?
J'observe, en outre, que le présent article répond davantage au souci de rendre certains pôles urbains plus attractifs pour les investisseurs privés qu'à celui de pallier un manque généralisé sur le territoire.
Par ailleurs, j'insiste sur un argument déjà avancé par notre groupe en première lecture, si carence et insuffisance il y a, n'est-il pas souhaitable de donner à France Télécom, dont le capital reste majoritairement public, la possibilité d'investir de façon à répondre aux besoins et aux attentes exprimées ? N'est-ce pas là une mission de service public à part entière ?
En tout état de cause, nul ne peut nier qu'une telle disposition aura pour résultat de déséquilibrer le territoire au profit des grandes villes qui auront les moyens d'installer un réseau à haut débit pour le confier, moyennant un tarif modéré, aux opérateurs privés.
Dans ce cadre, l'opérateur France Télécom, déjà fortement ébranlé par la libéralisation du secteur intervenue en 1998, serait soumis à une pression supplémentaire sur le marché intérieur, qu'il a déjà fortement délaissé pour privilégier sa stratégie à l'international.
Enfin, cet article, malgré des précautions juridiques certaines, introduit une rupture d'égalité entre les usagers selon qu'ils résident en zones fortement urbanisées ou en zones rurales, par exemple.
Parce que cet article ne répond pas aux interrogations et aux attentes que je viens d'énoncer, pas plus d'ailleurs que l'amendement n° 26 de la commission, nous persistons dans notre demande de suppression de l'article 15 bis A.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 26.
M. Gérard Larcher, rapporteur. L'article 15 bis A a été introduit dès la première lecture par le Sénat sur l'initiative de certains de nos collègues, parmi lesquels MM. Hérisson, Trucy, Michel Mercier et Joyandet. Nos collègues souhaitaient remédier à la situation de blocage juridique dans laquelle se trouvent les collectivités locales qui ont construit ou projettent de faire construire des boucles locales de télécommunications à hauts débits inactives, infrastructures dites « de fibres noires », afin de les louer à des opérateurs de télécommunications de façon transparente et non discriminatoire.
En effet, cette intervention a été contestée, il faut le dire, par l'opérateur historique France Télécom, et la jurisprudence n'est pas encore définitivement fixée, le Conseil d'Etat ne s'étant pas encore prononcé dans ce domaine. En attendant, des villes comme Nancy et Toulouse, ainsi que le conseil général du Tarn et soixante-seize communes de la périphérie parisienne regroupées dans le syndicat SIPPEREC, voient leurs projets bloqués.
La légitimité de cette intervention est pourtant désormais largement reconnue. Elle l'a été tout d'abord par M. le Premier ministre, lors d'une conférence de presse tenue le 19 janvier dernier. D'ailleurs, le président du Sénat l'appuyait lui-même à l'occasion de la fête de l'Internet.
Elle l'a été ensuite par de très nombreux acteurs, qu'il s'agisse des collectivités locales, des opérateurs ou des personnalités qualifiées au sein du régulateur.
La légitimité de cette intervention a encore été reconnue par le Conseil de la concurrence, qui a émis un avis favorable sur cette question et a posé des principes que l'amendement du Sénat a tout simplement repris.
Enfin, cette intervention a été également reconnue légitime par le commissaire européen à la concurrence - il n'est pourtant pas connu pour être un chantre de l'interventionnisme public - ainsi que par le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, M. Duron, qui a affirmé que l'opérateur historique ne présentait pas toujours des offres satisfaisantes en termes de délais, de prix ou de caractéristiques techniques pour les hauts débits, qui ne font pas partie du service universel, et qui a reconnu qu'il y avait un réel besoin que le législateur se devait de satisfaire.
En première lecture, l'amendement que nos collègues ont proposé était donc, nous semble-t-il, équilibré. Il répondait à trois objectifs : reconnaître expressément cette liberté aux collectivités locales ; améliorer l'exercice de l'action territoriale en renforçant la sécurité juridique tant des collectivités locales que des élus - point très important auquel la Haute Assemblée, comme vous le savez, monsieur le président, est particulièrement attentive - et participer à l'aménagement du territoire, surtout dans les villes petites et moyennes où les boucles locales uniquement privées ne sont pas nécessairement rentables.
Là encore, l'amendement du Sénat nous paraissait et nous paraît encore équilibré, car il reprend les conditions fixées par le Conseil de la concurrence et interdit aux collectivités de devenir elles-mêmes des opérateurs.
L'Assemblée nationale a adopté, pour sa part, une rédaction restrictive. En effet, elle n'a pas adopté la rédaction alternative proposée par le Gouvernement et elle a durci les conditions d'exercice de ce droit d'intervention, à telle enseigne que l'ancien président de la commission supérieure du service public des Postes et Télécommunications, notre collègue député Jean Besson, se demandait en séance si l'amendement n'avait pas été rédigé par les adversaires de ce nouveau droit reconnu par M. le Premier ministre aux collectivités locales, tant il comporte de risques de contentieux ! Notre collègue estimait que cette rédaction permettait de bloquer pour de longues années tout projet.
En effet, l'obligation d'une tarification fondée sur un amortissement des infrastructures en huit ans - retenez bien ce chiffre, mes chers collègues - est à la fois arbitraire et discriminatoire. Les premiers contacts montrent que ce délai a été calibré pour ôter toute viabilité au projet.
Autre préoccupation majeure, les risques de contentieux abondent. Ainsi, les notions de « prix abordables » et d'« exigences de qualité » vont donné lieu à coup sûr à des contestations de la part de l'opérateur dominant, et donc à des recours qui, naturellement, retarderont ou bloqueront les projets.
De même, les modalités de la procédure de publicité ne sont pas définies et il n'est fait référence à aucune procédure de type loi Sapin. Là encore, le risque de contentieux futurs est grand, au point que l'on pourrait presque se demander si la situation de blocage actuelle, qui, à un moment ou à un autre, finira par être dénouée, au terme de certaines décisions, n'est pas préférable à ce qui résulterait de la rédaction qui nous vient de l'Assemblée nationale.
Nous avons entendu dire parfois que ce que l'on appelle la « fibre noire » serait réservé aux régions denses, aux grandes agglomérations, aux villes puissantes. Permettez-moi de dire ici la préoccupation du conseil général du Tarn : si une infrastructure est aujourd'hui considérée comme un investissement pérenne, il faut vingt ans pour en permettre l'amortissement. Voilà une préoccupation empreinte de réalisme ! Pour autant, il ne faut pas se le cacher des pressions ont été exercées pour que cet amendement n'ait plus de sens au sortir des débats parlementaires.
Madame la ministre, de deux choses l'une : soit on a le courage d'interdire l'accès à la fibre noire aux collectivités locales, soit on leur autorise, de façon encadrée, un accès à cette technologie, leur imposer des conditions qui ôtent toute fiabilité aux investissements correspondants.
D'ailleurs, nous pouvons nous poser la question de savoir si la limitation à huit ans du délai d'amortissement n'est pas constitutionnellement contraire au principe de libre administration des collectivités. C'est l'un des points sur lesquels nous ne manquerions pas de nous pencher, le cas échéant, parce qu'il ne paraît pas acceptable que le pouvoir de décision des collectivités territoriales soit, sur un sujet aussi essentiel, ainsi encadré.
Il s'agit donc là, mes chers collègues, d'une décision importante. En effet, pour reprendre une image parfois évoquée par Jean François-Poncet, il ne suffit pas de dire : « Marchons ! Marchons ! » pour avancer ! Nous sommes là face à un choix. On nous dit qu'il faut marcher ; créons les conditions de cette mobilité-là !
Voilà pourquoi cet amendement n° 26, qui sera sans doute encore amélioré par l'amendement n° 103 que nous proposera notre collègue Pierre Hérisson, nous paraît important. Il est indépendant de toute pression. Il ne considère que l'intérêt de l'accession d'une partie du territoire à ces techniques. Je vous demande donc, mes chers collègues, de soutenir la position de la commission spéciale.
M. le président. La parole est à M. Hérisson, pour défendre l'amendement n° 103.
M. Pierre Hérisson. Cet amendement, qui tend à simplifier le dispositif proposé, se justifie par son texte même.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 99 et 103 ?
M. Gérard Larcher, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 99, je rappellerai simplement que l'article 15 bis A ne remet aucunement en cause le service public des télécommunications défini par la loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996.
En effet, les infrastructures de fibres noires sont destinées à transporter des communications à haut débit qui ne sont pas incluses dans le service universel des télécommunications. C'est le point réglementaire.
J'évoquais d'ailleurs, tout à l'heure, le syndicat intercommunal SIPPEREC, dans la région d'Ile-de-France ; je pourrais aussi donner la position de l'AVICAM, dont le président, maire-adjoint de Rennes, est favorable à cette nouvelle liberté pour les collectivités locales.
La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 99.
Quand à l'amendement n° 103, il s'inspire de la rédaction proposée par le Gouvernement tant en première lecture au Sénat qu'en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale et permet de faire converger un certain nombre de points de vue. Pour faire avancer les choses, la commission retire donc son amendement n° 26 au profit de cet amendement, dont l'esprit est le même. Sur ce sujet, ce serait passer à côté d'une chance importante que de ne pas avancer les uns vers les autres, car il s'agit bien d'un levier essentiel pour un certain nombre de collectivités locales.
M. le président. L'amendement n° 26 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 99 et 103 ?
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements, et ce pour des motifs rigoureusement opposés.
Ainsi que M. le rapporteur l'a rappelé tout à l'heure, le Premier ministre avait annoncé, lors du comité interministériel consacré à la société de l'information, le 19 janvier dernier, son intention d'autoriser les collectivités locales, en cas de carence des opérateurs, à réaliser des réseaux de fibres optiques non activés. Le Sénat avait adopté, contre l'avis du Gouvernement, un article qui n'encadrait pas suffisamment cette possibilité.
Le texte voté par l'Assemblée nationale a durci le dispositif de sorte que l'encadrement de la possibilité offerte aux collectivités soit effectif et n'entraîne pas de conséquences dommageables, non seulement en termes de concurrence entre les différents opérateurs, mais également en ce qui concerne le contenu du service universel et l'évolution de la péréquation tarifaire.
Cela dit, à la place des élus locaux, il n'est pas certain que je me précipiterais pour faire usage de ce dispositif. En effet, le recours à des technologies aussi efficaces et beaucoup moins coûteuses peut raisonnablement, semble-t-il, être envisagé à court terme. J'ai en effet entendu avec beaucoup d'intérêt, lors de l'examen en nouvelle lecture de ce texte à l'Assemblée nationale, le plaidoyer en ce sens de M. Félix Leyzour, ce qui ne change rien à l'avis défavorable du Gouvernement sur ces deux amendements.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Madame le ministre, ce n'est pas de l'encadrement, c'est de l'enfermement ! Vous venez de sonner le glas pour ces collectivités-là !
Ne nous cachons pas derrière les mots : huit ans, cela signifie que ce n'est pas possible ! Plus les collectivités ont des territoires peu denses, moins elles ont de moyens financiers, et plus cela devient impossible pour elles.
Je ne savais pas que l'opérateur historique France Télécom était terrorisé par le conseil général du Tarn ! Si l'on en est là alors que de grands enjeux mondiaux sont en train de se jouer, par dessus les Allemands, avec Olivetti et les sociétés italiennes de télécommunications, il y a de quoi s'inquiéter pour notre opérateur historique, dont je suis un fidèle affidé et qui a pourtant démontré sa capacité à relever d'autres défis que ceux-là ! Au moment des défis mondiaux de télécommunications, le temps des tremblements me semble dépassé. Cessons d'avoir peur de Villetaneuse ou du Tarn en matière de télécommunications ! Ce sera, à mon avis, plus raisonnable !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 99.
M. Jacques Bellanger. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Le groupe socialiste n'est favorable à aucun des amendements déposés à l'article 15 bis A.
L'amendement n° 26 de la commission, que M. le rapporteur vient de retirer, visait à un retour pur et simple au texte adopté par le Sénat en première lecture ; je dois d'ailleurs reconnaître à notre collègue Gérard Larcher une ténacité tout à fait remarquable !
Comme en première lecture, nous n'aurions pu que le repousser, car, selon nous, il offrait aux collectivités locales une liberté d'action beaucoup trop large. Les limites à leur intervention étaient très tenues : respect de conditions objectives, transparentes et non discriminatoires pour la mise à disposition de l'infrastructure de télécommunications et interdiction pour les collectivités locales d'être opérateurs de réseaux de télécommunications.
Cette disposition mettait ni plus ni moins à bas le dispositif de régulation du secteur des télécommunications, ainsi que le système de péréquation tarifaire au coeur du service universel des télécommunications, en faisant des collectivités locales des acteurs directs du marché des télécommunications et des concurrents de l'opérateur en charge du service universel. Après tout, il était assez étonnant de voir le Sénat aussi interventionniste !
L'amendement n° 103 reprend le texte de l'amendement proposé par le Gouvernement en nouvelle lecture. Nous devrions donc y être favorables. Malheureusement, il ne le reprend que partiellement, car il y manque une précision d'importance. Le texte du Gouvernement autorisait les collectivités locales à n'intervenir qu'en cas de carence ou d'insuffisance du marché. En un mot, il n'en faisait pas des concurrents directs des acteurs du marché. Cette absence change beaucoup de choses ! En outre, la rédaction proposée par le Gouvernement n'était pas satisfaisante, les notions de carence et d'insuffisance - c'est vrai, monsieur le rapporteur ! - n'étant pas très bien définies.
Reconnaissant ce problème, le Gouvernement s'est rallié à l'amendement des députés, qui, lui, apporte une solution à cette question.
L'amendement n° 99 prévoit enfin de supprimer l'article 15 bis A, à savoir le texte adopté par l'Assemblée nationale. Nous ne pensons pas qu'il ne faille pas légiférer sur cette question. Les attentes des collectivités locales sont réelles et légitimes.
Nous devons y répondre avec un double souci : sécuriser l'intervention des collectivités locales, notamment sur le plan financier, et ne pas porter atteinte à l'économie du service universel. Le texte issu de l'Assemblée nationale répond à ces préoccupations.
Tout d'abord, il limite l'intervention des collectivités à la création des seuls réseaux à haut débit. C'est un élément fondamental, car le haut débit n'appartient pas au périmètre du service universel, aux termes de la loi de 1996. Cette précision n'était pas apportée par l'amendement n° 26 de la commission ; elle ne l'est pas plus par l'amendement n° 103 de M. Hérisson.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale définit ensuite les conditions de constatation de la carence du secteur marchand : il faut que l'offre de services ou de réseaux à haut débit ne soit pas fournie « à un prix abordable » ou ne réponde pas « aux exigences techniques et de qualité » attendues par les collectivités locales. Une procédure de publicité doit consacrer cette carence.
L'article 15 bis A ménage ensuite les deniers publics : la décision de création ou d'extension de ces infrastructures inertes doit être prise par les organes délibérants des collectivités locales en connaissance des besoins exprimés, en exigeant la présentation de comptes prévisionnels, en imposant que les tarifs de mise à disposition couvrent les coûts et en limitant à huit ans la durée d'amortissement des investissements pour le calcul du tarif de location des fibres.
Sur ce point, les objections présentées par M. Gérard Larcher, rapporteur de la commission spéciale, présentent, je le reconnais, une certaine cohérence. J'aimerais donc que le Gouvernement m'indique les raisons pour lesquelles il a retenu un délai d'amortissement de huit ans, et s'il ne pense pas que ce délai peut être un peu court.
M. Alain Gérard. Très bien !
M. Gérard Larcher, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Larcher, rapporteur. Monsieur Bellanger, je vous remercie d'abord d'avoir reconnu la cohérence des objections que j'ai présentées. Cette cohérence remonte d'ailleurs à 1989, époque à laquelle, avec M. Faure, nous nous étions penchés sur l'avenir du secteur des télécommunications et de la poste, un projet de loi ayant été adopté à cet égard en 1990.
Ce dont nous parlons ne relève pas du service universel, mes chers collègues, et il n'y a donc pas d'atteinte à ce dernier dans ce débat. Le service universel vit grâce à un fonds auquel contribuent les opérateurs à concurrence de 4 milliards de francs. Il englobe les téléphones fixes, les cabines, l'annuaire universel et le service de renseignements.
Par ailleurs, le délai de huit ans équivaut - tous les experts vous le diront - à un dépôt de bilan ! Aucun amortissement n'étant possible dans ce délai, les collectivités locales ne peuvent donc s'engager avec la sécurité financière nécessaire. Et il s'ensuit également une insécurité juridique.
Si je peux comprendre le sentiment des uns et des autres, je crois que le délai de huit ans rend inopérant la mesure que nous votons, et il entrave donc les collectivités locales qui voudraient bouger.
Pourquoi le conseil général du Tarn souhaite-t-il se relier à Toulouse en réalisant, dès l'an 2000, cent trente et un kilomètres ? Pour mettre en réseau ses hôpitaux en vue de la télémédecine, pour mettre en réseau ses points universitaires et pour donner des leviers aux entreprises performantes.
Réellement, madame le ministre, il y a à cet égard une volonté d'aménagement et de développement économique sur le territoire.
S'agissant des nouvelles techniques, le Gouvernement aurait dû, tout à l'heure, accepter notre amendement traitant des technologies terrestres, hertiziennes et satellitaires. Nous savons en effet que, à une échéance qui n'est pas encore tout à fait connue, de nouvelles techniques constitueront un élément complémentaire permettant la couverture du territoire.
Pourquoi empêcher les collectivités de s'équiper aujourd'hui en infrastructures à haut débit ? Il y a là un véritable enjeu et, dans le dialogue qui s'est instauré entre l'Assemblée nationale et le Sénat, nous devons dire la vérité aux collectivités locales.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 99, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 103, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 15 bis A est ainsi rédigé.

Article 15 bis B