Séance du 6 mai 1999







M. le président. « Art. 24. - La Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance gère dans ses livres un fonds de mutualisation qui reçoit tous les six mois, à compter du 1er juin 2000 et jusqu'au 1er décembre 2003 inclus, le versement par chaque caisse d'épargne et de prévoyance d'un montant représentatif du produit de la souscription des parts sociales des groupements locaux d'épargne et des certificats coopératifs d'investissement, égal au huitième de son capital initial. Le total des versements au fonds de mutualisation ne peut excéder le montant total du capital initial des caisses d'épargne et de prévoyance. Ces versements sont sans effet sur la détermination du résultat fiscal et comptable des caisses d'épargne et de prévoyance.
« Le fonds de mutualisation reverse avant le 31 décembre de chaque année, de 2000 à 2003 inclus, le produit des versements reçus dans l'année des caisses d'épargne et de prévoyance. Ce produit est affecté au fonds de réserve géré par le Fonds de solidarité vieillesse en application de l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale. Le fonds de mutualisation est exonéré d'impôt sur les sociétés. »
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'article 24 soulève un certain nombre de questions essentielles.
La rédaction de cet article est sans doute l'un des points qui ont incité les organisations syndicales des salariés du réseau des caisses d'épargne à solliciter, durant les derniers mois, la représentation nationale. Force est de reconnaître qu'elles étaient fondées à le faire.
Il s'agit en effet, avec l'article 24 tel qu'il est rédigé, de procéder au reversement, dans un délai relativement rapproché, du produit de la diffusion des parts sociales des caisses d'épargne, par le biais des groupements locaux, au bénéfice du fonds de réserve créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.
Nous avons en effet, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, marqué notre grande perplexité sur la pertinence de la constitution du fonds de réserve pour les retraites.
Ainsi, mon collègue Guy Fischer, dans son intervention lors de la discussion générale de ce projet de loi de financement, faisait part de ses profondes interrogations quant au mode d'abondement du fonds de réserve ainsi qu'aux modalités de son fonctionnement.
Moi-même, dans la discussion de l'article 2 de la loi de financement, je soulignais : « La question du financement des retraites doit être posée dans un cadre beaucoup plus large. Le véritable problème qui est posé est non celui de la réponse conjoncturelle aux besoins de financement, mais celui de la définition de solutions durables pour un financement stable. »
J'indiquais également que « la constitution d'un fonds de réserve ne doit donc pas faire oublier la nécessité, dans ce domaine de l'assurance vieillesse comme dans d'autres, d'une profonde réforme des cotisations sociales des entreprises et des modalités de financement du régime de protection sociale ».
Je rappelle que le fonds de réserve pour les retraites a été abondé cette année par l'affectation d'un excédent d'un montant de 2 milliards de francs.
Ce financement du fonds de réserve sera-t-il reconduit dans les années ultérieures ou bien le choix opéré avec cet article 24 sera-t-il la source principale de financement du fonds ?
Ce sont donc 18,8 milliards de francs de versements qui sont attendus de la mise en oeuvre de cet article, somme prélevée sur les fonds propres des caisses du réseau des caisses d'épargne. A défaut d'être une opération budgétaire pour le compte de l'Etat, ce versement permettra au moins à celui-ci de réaliser une économie.
Monsieur le ministre, nous ne croyons pas à la pertinence de cette disposition.
Certes, aux termes de la seconde phase du premier alinéa de l'article 1er, le réseau a « pour objet la promotion et la collecte de l'épargne ainsi que le développement de la prévoyance, pour satisfaire notamment les besoins collectifs et familiaux ».
Il reste que nous ne sommes pas convaincus que la voie choisie soit nécessairement la bonne.
Mettre à contribution les caisses d'épargne, comme le prévoit l'article 24, revient à dédouaner par avance les entreprises de leur nécessaire contribution à l'effort collectif de financement des retraites, qui est tout de même la pierre angulaire de tout financement durable de notre régime de retraite par répartition.
On ne peut, par exemple, organiser un prélèvement durable sur les fonds propres des caisses d'épargne, qui est assez proche des recettes d'ordre que l'on a, dans le passé, mis en oeuvre dans des collectifs budgétaires incertains, quand on semble exclure en même temps une réforme de l'assiette des cotisations des entreprises plus favorable à l'emploi et mettant notamment le régime de retraite par répartition en situation de disposer des moyens réels de son financement.
On ne peut pas, en fait, concilier prélèvement sur les fonds propres des caisses d'épargne et limitation des prélèvements obligatoires, car cela revient à déresponsabiliser les entreprises au regard du financement de la protection sociale.
Telles sont les raisons qui nous ont amenés à proposer la suppression de cet article.
Bien entendu, monsieur le président, ces explications valent présentation de notre amendement n° 186.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. L'article 24 organise les modalités de reversement du produit de la souscription du capital des caisses d'épargne au fonds de réserve pour les retraites créé par l'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, comme l'a rappelé à l'instant Mme Beaudeau.
Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, à l'automne dernier, j'avais été amené, en tant que rapporteur de la commission des affaires sociales, à formuler, au sujet de ce fonds de réserve, un certain nombre de remarques et d'interrogations que je souhaiterais rappeler ici.
La commission des affaires sociales avait tout d'abord constaté que l'objet de ce fonds était particulièrement flou : s'agissait-il d'un fonds destiné à lisser la hausse prévue des taux de cotisation, afin d'en réduire le rythme au moment du changement démographique, ou bien d'un fonds permanent dont les revenus compléteraient les ressources des régimes ?
La commission des affaires sociales avait également observé que les modalités d'alimentation de ce fonds étaient très incertaines et ne paraissaient pas à la hauteur des besoins futurs.
Le fonds de réserve allait, dans l'immédiat, être alimenté à hauteur de 2 milliards de francs, soit l'équivalent d'un jour de versement de prestations vieillesse dans notre pays ! On était là bien loin du montant minimal que devrait atteindre ce fonds : au moins trois points de PIB en 2023 pour un fonds de lissage et au moins dix points de PIB pour un fonds permanent, selon les dernières estimations figurant dans le rapport Charpin sur les retraites.
Le Gouvernement avait, en outre, été très discret quant aux autres sources éventuelles d'alimentation de ce fonds, se contentant d'évoquer l'affectation du produit de la souscription du capital des caisses d'épargne, qui fait l'objet du présent article, les excédents futurs de la sécurité sociale et le produit de privatisations.
Pour la commission des affaires sociales, la création de ce fonds de réserve soulevait enfin d'autres interrogations qui n'avaient pas davantage reçu de réponse. Quel serait l'horizon de placement - et, par conséquent, les supports financiers - de ce fonds ? Qui serait chargé de sa gestion et selon quelles modalités de contrôle ?
Ces interrogations ont d'ailleurs été reprises par le commissaire général au Plan, M. Jean-Michel Charpin, que la commission des affaires sociales a auditionné hier après-midi, dans le rapport sur l'avenir des retraites qu'il vient de remettre au Premier ministre.
Ayant pris acte du caractère « symbolique » de cette mesure, la commission des affaires sociales n'avait pas souhaité supprimer ce fonds de réserve. Elle avait cependant jugé inutile de « faire semblant », comme le faisait le projet de loi, d'attribuer à ce fonds un embryon de ressources, de peaufiner la composition du comité de surveillance du Fonds de solidarité vieillesse ou de préciser les régimes bénéficiaires.
De telles dispositions semblaient déplacées alors même que restaient parfaitement indéterminées à la fois la nature des « vraies » ressources qui alimenteront le fonds et qui devront se chiffrer en centaines de milliards de francs, l'affectation de ces fonds, leur mode et leur horizon de placement ou enfin les modalités de gestion, qui devront être cohérentes tant avec l'origine des ressources qu'avec l'objectif des emplois.
Pour la commission des affaires sociales, les différentes dispositions relatives au fonds de réserve formaient un tout dont il n'était pas possible de dissocier certains éléments.
Elle avait, par conséquent, considéré que la mise en place d'un tel fonds de réserve relevait, à l'évidence, d'un texte d'ensemble, cohérent et complet, incluant des mesures permettant de faire cesser les déficits d'aujourd'hui, de clarifier la situation des régimes spéciaux et de définir un véritable régime des fonctionnaires de l'Etat.
Sept mois plus tard, la situation n'a guère évolué. Sur l'ensemble des questions soulevées par la commission des affaires sociales lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, aucune précision n'a été apportée par le Gouvernement, qui est d'ailleurs encore resté muet sur ce point pendant la séance de questions d'actualité qui vient de se dérouler.
Dans ces conditions, j'approuve pleinement la position de la commission des finances. L'analyse qu'elle formule est semblable à celle qu'a exprimée la commission des affaires sociales lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Elle la conduit à proposer de ne pas affecter le produit de la souscription du capital des caisses d'épargne au fonds de réserve pour les retraites avant de connaître précisément quelles seront les missions de ce fonds et de quel montant estimatif le Gouvernement compte le doter, c'est-à-dire, en résumé, sans connaître les projets du Gouvernement pour les retraites des Français.
Je voterai par conséquent, avec le groupe du RPR, l'amendement que nous propose la commission des finances, qui m'apparaît comme dicté par la sagesse. (M. le rapporteur applaudit.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 186, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer l'article 24.
Par amendement n° 22, M. Marini, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit l'article 24 :
« Pendant la période de huit ans mentionnée à l'article 21 de la présente loi, les caisses d'épargne et de prévoyance reversent tous les six mois à un fonds de mutualisation géré par la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance un montant représentatif du produit de la souscription de leurs parts sociales qui ne peut être inférieur au seizième de leur capital initial. Le total des versements au fonds de mutualisation ne peut excéder le montant total du capital initial des caisses d'épargne et de prévoyance. Ces versements sont sans effet sur la détermination du résultat fiscal et comptable des caisses d'épargne et de prévoyance. Le fonds de mutualisation est exonéré d'impôt sur les sociétés.
« L'affectation des sommes ainsi versées au fonds de mutualisation est déterminée dans la plus prochaine loi de finances. »
Cet amendement est assorti de quatre sous-amendements.
Le sous-amendement n° 218, présenté par M. Bourdin et les membres du groupe des Républicains et Indépendants, tend, dans la troisième phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 22, après les mots : « sur la détermination du résultat », à supprimer les mots : « fiscal et ».
Le sous-amendement n° 219 rectifié, présenté également par M. Bourdin et les membres du groupe des Républicains et Indépendants, vise :
A. - Après la troisième phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 22, à insérer une phrase ainsi rédigée : « Au plan fiscal, ces versements seront déductibles à hauteur des montants qui ne trouvent pas leur contrepartie effective dans la souscription des parts ou des certificats coopératifs d'investissement émis par les caisses d'épargne et de prévoyance à l'issue de cette période de huit ans. »
B. - A compléter l'amendement n° 22 par un paragraphe nouveau ainsi rédigé :
« ... Les pertes de recettes pour l'Etat résultant de la déductibilité des versements au fonds de mutualisation prévus au I ci-dessus sont compensées à due concurrence par une augmentation des droits prévus aux articles 575 et 575-A du code général des impôts. »
C. - En conséquence, à faire précéder le premier alinéa de l'amendement n° 22 de la mention : « I. »
Les deux sous-amendements suivant sont identiques.
Le sous-amendement n° 225 est présenté par MM. Ostermann et Fournier.
Le sous-amendement n° 259 est déposé par M. Badré et les membres du groupe de l'Union centriste.
Tous deux visent, après la troisième phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 22, à insérer une phrase ainsi rédigée : « Au plan fiscal, ces versements seront déductibles à hauteur des montants qui ne trouvent pas leur contrepartie effective dans la souscription des parts ou des certificats coopératifs d'investissement émis par les caisses d'épargne et de prévoyance à l'issue de cette période de huit ans. »
Toutefois, M. Ostermann m'a fait savoir qu'il retirait le sous-amendement n° 225 au profit du sous-amendement n° 259.
Par amendement n° 141, MM. Angels, Carrère, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans la première phrase du premier alinéa, de remplacer le millésime : « 2003 » par le millésime : « 2004 ».
Par amendement n° 187, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit le second alinéa de l'article 24 :
« Nonobstant les règles d'affectation des résultats fixés par l'article 6 de la présente loi, le fonds de mutualisation utilise avant le 31 décembre de chaque année, de 2000 à 2003 inclus, le produit de versements reçus dans l'année précédente des caisses d'épargne et de prévoyance. Cette utilisation se fait, sur décision des organismes dirigeants du réseau tant au niveau national qu'au niveau de chaque caisse, au bénéfice du financement des actions répondant aux missions d'intérêt général qui lui sont confiées par la présente loi. Le fonds de mutualisation est exonéré d'impôt sur les sociétés. »
Enfin, par amendement n° 142, MM. Angels, Carrère, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans la première phrase du second alinéa de l'article 24, de remplacer le millésime « 2003 » par le millésime « 2004».
L'amendement n° 186 a déjà été présenté par Mme Beaudeau.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 22.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je voudrais tout d'abord remercier notre collègue Alain Vasselle, qui a exprimé le point de vue de la commission des affaires sociales. Comme on l'a observé, sur cette question du fonds de réserve pour les retraites au sein du Fonds de solidarité vieillesse, la position de la commission des affaires sociales et celle de la commission des finances coïncident complètement.
M. Jean-Louis Carrère. Comme c'est étonnant ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur. Non, ce n'est pas étonnant ; bien au contraire, c'est la preuve d'une analyse commune et c'est surtout la démonstration que ceux qui suivent attentivement ces questions des retraites ne peuvent qu'être très insatisfaits par les solutions qui nous sont ici proposées.
L'amendement n° 22 vise à supprimer l'affectation du produit du placement des parts sociales des caisses d'épargne au fonds de réserve pour les retraites. L'affectation définitive de ces sommes doit faire l'objet, à notre sens, d'une disposition dans la plus prochaine loi de finances, voire dans la plus prochaine loi de financement de la sécurité sociale : en définitive, cela me serait, à ce stade, assez indifférent.
Monsieur le ministre, il ne faut pas travestir notre position. Il ne faut pas dire, comme vous l'avez déjà fait au cours de ce débat, que le refus de cette affectation prématurée serait la marque d'un désintérêt pour les questions très préoccupantes que pose l'avenir financier de nos systèmes de retraite par répartition.
M. Jean-Louis Carrère. Et pourtant !
M. Philippe Marini, rapporteur. Nous sommes, au sein de la commission des finances comme au sein de la commission des affaires sociales, de ceux qui ne cessent, depuis bien des années, de tirer la sonnette d'alarme, et nous voyons se rapprocher les échéances.
Tout à l'heure, M. Kouchner, répondant à une question d'actualité d'un de nos collègues du groupe socialiste, puis à celle que j'ai moi-même eu l'honneur de poser, nous a dit que 2005, c'était loin et que nous avions le temps. Une telle réponse est absolument stupéfiante !
M. Jean-Louis Carrère. C'est du temps pour la concertation !
M. Philippe Marini, rapporteur. Certes, mais il y a des dispositions concrètes à prendre !
Le dispositif que l'on nous propose ici est-il satisfaisant ? A cette question, vous le savez, la commission des finances répond par la négative. En effet, prévoir une telle affectation avant de définir les fonctions de ce fonds de réserve ainsi que ses objectifs, à la fois quantifiés et de gestion, et sans replacer le problème dans le contexte d'ensemble de l'avenir financier des retraites, c'est mettre la charrue devant les boeufs ! Et la responsabilité de l'Etat ? Et la responsabilité des partenaires sociaux ? Et l'évolution des prélèvements obligatoires dans notre pays ? Et la place pour l'effort individuel d'épargne ? Ce sont bien là les questions essentielles qui doivent être posées. De même que l'on ne fera pas l'économie d'une évolution du calcul des droits, de même on ne fera pas l'économie d'un rapprochement des différents régimes et d'une solution apportée simultanément, donc de façon convergente, aux problèmes qui se posent au régime de retraite des fonctionnaires, au régime par répartition et aux régimes spéciaux.
Non, monsieur le ministre, nous ne pouvons pas vous suivre - quelles que soient, par ailleurs, les convictions que vous avez certainement à titre personnel sur ce sujet - sur la proposition d'affectation qui figure dans le projet de loi.
Par notre amendement, en revanche, nous maintenons l'obligation, pour les caisses d'épargne, de verser tous les six mois une fraction de leur capital initial à un fonds de mutualisation géré par la Caisse nationale des caisses d'épargne, afin de les inciter à placer leurs parts le plus vite possible. Cependant, compte tenu de l'allongement de la durée de placement des parts à huit ans que nous avons décidé tout à l'heure, le montant minimal du versement semestriel doit être au moins égal à un seizième du capital initial, et non plus à un huitième. Mais ce n'est qu'une conséquence arithmétique.
M. le président. La parole est à M. Bourdin, pour présenter les sous-amendements n°s 218 et 219 rectifié.
M. Joël Bourdin. Dans le système ici prévu, les caisses d'épargne s'obligent à verser l'équivalent de 18,8 milliards de francs en parts sociales, en certificats. Cependant, si, au bout du compte, elles n'arrivent pas à la somme requise, il leur faudra bien payer et prélever sur leurs propres ressources. Nous proposons que cet appauvrissement, cette réduction de l'actif net des caisses d'épargne, soit considéré comme une perte, et donc soit mis en déduction des résultats.
M. le président. La parole est à M. Badré, pour défendre le sous-amendement n° 259.
M. Denis Badré. Je ne prétendrai pas que ce sous-amendement soit meilleur que le sous-amendement n° 219 rectifié, car ils sont presque identiques. En revanche, le sous-amendement n° 219 rectifié me paraît, lui, être meilleur que le mien. Je retire donc le sous-amendement n° 259 ! (Sourires.)
M. le président. Le sous-amendement n° 259 est retiré.
Par ailleurs, compte tenu des votes intervenus précédemment, les amendements n°s 141, 187 et 142 n'ont plus d'objet.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 186 ainsi que sur les sous-amendements n°s 218 et 219 rectifié ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 186, qui n'est pas compatible avec sa position.
La commission des finances a également émis un avis défavorable sur les sous-amendements n°s 218 et 219 rectifié, et ce pour deux raisons.
En premier lieu, il convient, selon nous, de responsabiliser les caisses d'épargne en les incitant à placer leurs parts sociales le plus rapidement possible dans le public. Les caisses d'épargne devront supporter sur leurs propres deniers un éventuel échec du placement. A défaut d'une telle disposition, les caisses d'épargne pourraient être tentées d'attendre la fin du délai pour procéder à la diffusion de leur capital social dans le public, ce qui serait préoccupant si le délai de huit ans est in fine retenu. A l'inverse, les caisses d'épargne qui procéderont rapidement au placement de leurs parts sociales disposeront d'un avantage en trésorerie par rapport à celles qui traîneront les pieds, puisqu'elles auront à reverser au fonds de mutualisation une somme inférieure au produit réel de la souscription de leurs parts et pourront placer le reste.
Nous pensons donc qu'il n'est pas opportun de modifier notre amendement sur ce point.
En second lieu, les deux sous-amendements font mention de certificats coopératifs d'investissement, alors que l'amendement n° 22 de la commission des finances, dans la logique de la position adoptée à l'article 21, vise à restreindre les sommes dont le fonds de mutualisation sera destinataire aux seuls fonds collectés à l'occasion de la souscription des parts sociales des caisses d'épargne, à l'exclusion des certificats coopératifs d'investissement qu'elles pourraient éventuellement émettre.
Compte tenu de ces arguments, j'invite M. Bourdin à retirer les sous-amendements n°s 218 et 219 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 186 et 22, ainsi que sur les sous-amendements n°s 218 et 219 rectifié ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous trouve formidables ! (Sourires.) Vous vous préoccupez tous des retraites depuis très longtemps, vous suivez le dossier depuis aussi longtemps, mais vous ne le rattrapez jamais car, lorsque des mesures sont prises, vous vous y opposez. Il faudrait réfléchir ; il faudrait étudier ; il faudrait connaître l'ensemble ; il faudrait savoir où nous allons, dites-vous. C'est un problème qui taraude malheureusement notre société depuis assez longtemps et qu'il incombait aux gouvernements successifs de traiter depuis de nombreuses années.
Nous prenons des mesures financièrement massives. Certes, lorsque le fonds de réserve a été mis en place, il a été symboliquement doté, comme on verse une petite somme pour ouvrir un compte-chèque dans une banque. Maintenant, il s'agit de le remplir. Nous commençons à alimenter le fonds d'épargne et nous continuerons avec des excédents de sécurité sociale qui ne manqueront pas d'apparaître l'année prochaine, par exemple, ou par d'autres sources de financement dont l'Etat peut disposer à l'occasion.
Dire que l'on ne sait pas encore exactement comment on va constituer son propre compte d'épargne ne légitime pas que l'on refuse d'en constituer un. Dire que l'on ne sait pas encore exactement comment on va dépenser l'argent que l'on épargne ne justifie pas, à titre individuel, que l'on refuse de se mettre à épargner. C'est la situation dans laquelle nous nous trouvons.
Nous n'avons pas encore collectivement terminé le débat national que le Gouvernement a voulu sur le système de retraite, débat initié par le diagnostic qu'a établi M. Charpin dans son rapport. Néanmoins, il n'est que temps - sans doute aurait-il fallu commencer plus tôt - de mettre de l'argent de côté pour notre système de retraite par répartition.
J'insiste, le fait d'accumuler des réserves pour un système de répartition ne le transforme pas en système de capitalisation. D'ailleurs, les Norvégiens et les Suédois ont depuis longtemps mis en oeuvre des procédures de ce genre et ont accumulé, au cours des vingt dernières années, des sommes considérables qui viennent aujourd'hui soutenir leur système par répartition.
M. Philippe Marini, rapporteur. Avec des excédents budgétaires !
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. On peut être pour ou contre la retraite par capitalisation, c'est un autre débat qui n'interfère nullement avec le fait de créer un fonds de réserve pour soutenir le système par répartition.
Par conséquent, n'organisons pas de faux débat. C'est bien de la répartition qu'il s'agit. Nous savons que se posera, à terme, un problème largement lié à la structure démographique de notre pays, dont l'ampleur variera, le rapport Charpin le démontre, en fonction de la situation économique du moment. Or personne ne sait ce que sera la situation économique en 2015 ou en 2020, combien il y aura de chômeurs, quel sera le taux de croissance. Mais enfin, même dans le meilleur des cas, nous savons que le problème se posera parce que la démographie française est ainsi faite.
Dans ces conditions, il est utile de prendre toutes sortes de dispositions et le débat qui s'engage permettra sans doute d'arriver sinon à des consensus, du moins à des convergences sur les mesures à prendre. Parmi celles-là, à l'évidence, figure celle qui consiste à mettre de côté des réserves qui seront utiles quel qu'en soit finalement le montant.
Nous avons commencé à le faire dans la loi de financement de la sécurité sociale, en dotant le fonds, à sa création, d'un montant, symbolique, il est vrai, de 2 milliards de francs. Nous continuons aujourd'hui en portant cette dotation, par la démarche qui est en cours, à 20 milliards de francs. Quoi de plus légitime, s'agissant d'un réseau qui appartient à la nation, de faire en sorte que le produit des parts coopératives revienne à la nation, c'est-à-dire, en fait, à tous les retraités futurs ?
Que voudrait-on faire d'autre de cet argent ? L'affecter au budget de l'Etat ? N'allons pas, tout de même, gaspiller ce qui, encore une fois, appartient à la nation. Faut-il le laisser dans les caisses d'épargne ? Il y aurait alors enrichissement sans cause au profit du réseau des caisses d'épargne, qui collecteraient une vingtaine de milliards de francs et les garderaient sans aucune raison.
Non, il faut mettre cet argent au service de l'intérêt général. Je ne dis pas que le fonds de réserve pour la retraite par répartition est la seule affectation qui réponde au critère de l'intérêt général. On pourrait en imaginer d'autres, mais c'est celle-là qui est proposée et elle correspond à l'un des grands débats du moment, chacun en a bien conscience.
Si donc le Sénat, à l'inverse de l'Assemblée nationale, refuse cette affectation au motif que cela fait trop longtemps qu'on étudie le problème pour agir sans avoir obtenu au préalable de réponses complètes, cela n'a pas beaucoup de sens. Si cela fait si longtemps, et je vous en donne acte, monsieur le rapporteur, que la commission des finances du Sénat étudie cette question, que n'a-t-elle alors obtenu des gouvernements précédents qu'ils mettent déjà quelques sommes en réserve ! Nous en aurions un peu plus maintenant et, n'ayant aucun amour-propre, aucune fierté d'auteur en la matière, je serais très heureux de prendre la suite des gouvernements de MM. Balladur, Juppé et d'autres qui auraient commencé à alimenter ce fonds...
Tel n'a pas été le cas. Cela dit, je ne jette la pierre à personne, mais ne venez pas nous dire maintenant que, faute de savoir exactement comment vont se passer les choses en 2020, il ne faut pas alimenter ce fonds. Ce n'est pas raisonnable et je pense que les Français - s'ils ont choisi de nous écouter - reconnaîtront que, ce qui importe, c'est de prendre des décisions dans la direction que l'on sait devoir suivre.
En l'occurrence, cela consiste à placer des ressources en réserve. Faisons-le ! De toute façon, il n'y en aura pas trop. Comme vous l'avez répété à plusieurs reprises, si l'on voulait résoudre le problème par ce seul moyen, il faudrait des centaines de milliards de francs. Donc, en toute hypothèse, d'autres mesures s'imposeront, mais elles seront d'autant moins douloureuses pour nos concitoyens, notamment au regard des prélèvements obligatoires, dont vous vous souciez légitimement, que ce qui aura pu être accumulé l'aura été !
Dans ces conditions, l'affectation que nous vous proposons est certainement la meilleure qui puisse être trouvée, mais, à la limite - vous connaissez l'ouverture d'esprit du Gouvernement, toujours prêt à écouter les suggestions du Sénat - si vous aviez fait d'autres propositions conformes à l'intérêt général, je les aurais volontiers, sinon approuvées, du moins examinées. Mais enfin, encore fallait-il que vous en formuliez. Or je n'ai entendu dans cet hémicycle aucune autre proposition.
Donc, nous avons 18,8 milliards de francs - un peu moins selon vous, entre 14 milliards de francs et 15 milliards de francs à tout le moins - qui sont en quelque sorte « en l'air » et pour lesquels vous ne proposez aucune affectation. Vous vous contentez de proposer de supprimer l'article.
Pardonnez-moi de trouver cela un peu léger ! Si vous voulez proposer une affectation, je rappelle qu'elle devra impérativement suivre l'article 1er du projet de loi, c'est-à-dire être conforme à l'intérêt général. Trouver une affectation qui réponde aussi bien que celle-là à l'intérêt général n'est peut-être pas impossible, mais pourquoi aller en chercher une autre, alors que nous avons celle-là ?
Le Gouvernement invite donc le Sénat à bien vouloir le suivre et à suivre l'Assemblée nationale dans sa proposition d'utiliser les fonds récoltés au titre de la transformation du réseau des caisses d'épargne en structure coopérative à l'appui d'un grand chantier - objet d'une inquiétude peut-être exagérée, néanmoins légitime, de nos concitoyens - à savoir l'amélioration, à terme, de l'équilibre financier de notre système de retraite.
J'invite mes amis du groupe communiste républicain et citoyen à ne pas s'effrayer de cette proposition, qui ne comporte aucun caractère structurel susceptible de changer la nature de notre système de répartition. Nous avons là des sommes : elles ne seront utiles ; utilisons-les. Je serais très heureux que Mme Beaudeau et M. Loridant retirent leur amendement, car il n'y a strictement aucune raison politique pour ne pas vouloir répondre à une attente de nos concitoyens et alimenter un fonds qui a été créé.
Pour ce qui est de la majorité sénatoriale, je suis moins surpris de sa réaction. Je l'ai dit tout à l'heure, monsieur le rapporteur, cela vous a déplu. Pardonnez-moi, il arrive aussi que vous disiez des choses qui ne me plaisent que modérément. Je vois un peu de dépit dans votre refus : dépit de ne pas avoir créé ce fonds plus tôt, de ne pas vous être occupé plus tôt de ces problèmes, non pas uniquement intellectuellement, mais concrètement, financièrement. Passez par-dessus votre dépit, monsieur le rapporteur, et venez nous rejoindre pour répondre à une grande préoccupation des Français.
Je suis donc défavorable à tous les amendements et aux sous-amendements dont ils sont assortis. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Monsieur le ministre, vais-je vous rejoindre ? Logiquement, nous devrions aboutir à un accord, intellectuellement parlant, surtout sur un tel sujet, qui concerne l'économie et la gestion des finances publiques.
De quoi parlons-nous, en effet, sinon d'un fonds de réserve constitué par un Etat dont les finances publiques continuent à dégager un solde négatif ? Il s'agit tout de même bien de cela, si on évoque la question sur le plan macro-économique.
Il est une proposition qui, sur le plan économique, serait équivalente à la vôtre et à laquelle je serais prêt à me rallier : il faudrait que vous vous engagiez à réduire l'endettement de l'Etat à due concurrence de la somme qui sera issue du placement des parts des caisses d'épargne.
En l'occurrence, il est en effet nécessaire d'accumuler une épargne publique, une épargne de l'Etat, pour faire face à un passif qui est inéluctable et que l'Etat devra honorer d'une manière ou d'une autre. Nous ne savons pas dans quel cadre, ni quand, ni pour quel montant. Mais nous savons, l'un et l'autre, qu'il existe un passif et qu'il faudra payer cette dette ! Il y a, en quelque sorte, un hors bilan de l'Etat - il s'agit bien de cela - qu'il est temps de chiffrer, d'évaluer et, probablement, de provisionner.
Vous proposez de le provisionner avec ce fonds spécial. Ne serait-il pas aussi simple de le provisionner en réduisant à due concurrence l'endettement de l'Etat ? L'effet serait équivalent.
Pourquoi proposons-nous de renvoyer cette question à la prochaine loi de finances ? Nous ne contestons nullement le fait qu'il est nécessaire d'engranger de l'argent et d'épargner pour faire face, demain ou après-demain, au problème du bouclage financier des retraites. Nous ne cessons, à cet égard, d'apporter de l'eau au même moulin que vous. Nous considérons que d'ici à la prochaine loi de finances vos fameuses concertations auront peut-être évolué. Peut-être pourrez-vous alors nous donner un peu plus de précisions. En effet, des questions qui peuvent fâcher les uns ou les autres sont posées et il serait urgent de les traiter. Aussi, nous espérons que d'ici là vous aurez suffisamment avancé pour qu'on y voit plus clair. Nous voulons croire que la gestion du solde des finances publiques permettra un jour de dégager un excédent. Nous aurions ainsi tous l'assurance que ce problème des retraites pourra être pris en charge par le pays lorsque l'échéance se présentera.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué - je terminerai par ce point - des pays qui ont épargné dans le passé. Si je ne m'abuse, les pays auxquels vous avez fait allusion dégageaient des excédents budgétaires et les utilisaient pour anticiper des charges futures. Nous sommes en désaccord non pas sur le fonds, mais sur la méthode, et c'est pourquoi nous présentons cet amendement.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je rejoins M. le rapporteur sur de nombreux points. Il a raison. Cependant, la proposition qu'il évoque, visant à diminuer la dette publique, est équivalente à celle que je propose. Parce qu'elle est équivalente, je ne comprends pas pourquoi il refuse la mienne, si ce n'est en raison du dépit que je soulignais tout à l'heure.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 186, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 218.
M. Joël Bourdin. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin. Je suis en désaccord avec M. le rapporteur - ce n'est pas grave - et je vais m'en expliquer.
S'agissant de son argument relatif au comportement des caisses d'épargne, il faut, a-t-il dit, inciter ces dernières à placer leurs parts sociales. Cela me paraît un peu fort. En effet, les caisses d'épargne ont elles-mêmes demandé ce type de réforme, même si elles ne l'ont pas fait au niveau qui est prévu. Elles se sont donc mobilisées. Je pense qu'elles consacreront toute leur énergie pour placer les parts sociales et les certificats coopératifs d'investissement. Aussi, il me semble un peu excessif de vouloir les inciter à effectuer ce qu'elles ont l'intention de faire.
J'ajoute - je partage, sur ce point, l'avis de M. le rapporteur - que le niveau de la mise en vente est trop élevé. Dès lors, il ne faut pas s'étonner si, à l'arrivée, on constate un écart, si les obligations qui ont été fixées ne sont pas toutes tenues et s'il est nécessaire d'effectuer un prélèvement sur le patrimoine des caisses d'épargne.
Il me semblerait injuste que, en plus du prélèvement qu'elles subiront pour cette mise en vente, elles subissent un préjudice fiscal.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 218, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 219 rectifié.
M. Denis Badré. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. L'argument que M. Bourdin vient d'avancer à propos du sous-amendement n° 218 vaut, en fait, surtout pour le sous-amendement n° 219 rectifié.
Si les caisses ne parviennent pas au niveau de souscription qu'elles garantissent, ce n'est pas forcément ni systématiquement parce qu'elles traînent les pieds ou qu'elles n'ont pas les compétences voulues. Cela peut-être simplement parce qu'elles n'ont pas physiquement la capacité de le faire, car le marché ne s'y prête pas. J'ajoute que le sous-amendement proposé par notre collègue Joël Bourdin et qui m'a conduit à retirer le sous-amendement n° 259 que j'avais moi-même déposé vise à limiter la déduction fiscale aux seuls montants qui ne trouvent pas leur contrepartie effective dans la souscription des parts ou des CCI.
Tout cela est très raisonnable et équitable.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix le sous-amendement n° 219 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 22.
M. Jean-Louis Carrère. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Je ne reprendrai pas les excellents arguments développés par M. le ministre.
A ce point de la discussion, je voudrais simplement expliquer que si, à chaque fois que le Gouvernement a une bonne idée, M. le rapporteur essaie, avec la technicité qui est la sienne, de la diaboliser, comme il l'a fait s'agissant des retraites - on l'a vérifié à deux reprises, au cours de ce débat et tout à l'heure lors des questions d'actualité au Gouvernement - ou naguère au moment du vote du budget de l'Etat, cela n'ajoutera rien à la clarté du débat.
Il me semble que les excellents arguments avancés par M. le ministre suffisent à justifier notre opposition à l'adoption de l'amendement n° 22. S'engage à nouveau un débat à propos de la privatisation ou de la non-privatisation des caisses d'épargne. Or, monsieur le rapporteur, il ne s'agit pas, même si vous le souhaitez - et je comprends que vous le souhaitiez - de privatiser le groupe des caisses d'épargne. Il n'en est pas question ! Si vous avez un jour la majorité, peut-être reviendrez-vous sur cette question et tenterez-vous alors de le privatiser. Mais, en tout état de cause, nous ne pouvons pas vous suivre.
M. Philippe Marini, rapporteur. Mais vous êtes en train de privatiser le groupe des caisses d'épargne, sans vous en rendre compte !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'amendement n° 22, présenté par la commission des finances et qui vise à modifier la rédaction de l'article 24 du projet de loi, pourrait, sous certaines apparences, prêter à confusion avec l'amendement que j'ai exposé voilà quelques instants et qui tendait à supprimer ledit article.
Je ferai observer cependant quelques éléments de différence pour le moins sensibles. Le fait que nous les soulignions motivera clairement notre vote négatif sur l'amendement n° 22.
Dans sa rédaction, l'amendement de la commission est en totale cohérence avec les positions que M. le rapporteur a cru devoir défendre depuis le début de ce débat, notamment en ce qui concerne les conditions de la diffusion des parts sociales.
Il s'intègre aussi dans son souci de faire prévaloir une conception plus étroite de l'application des nouvelles dispositions statutaires propres au réseau des caisses d'épargne, notamment en rémunérant à un plus haut niveau les parts sociales, au détriment de la constitution du dividende social et de son utilisation.
Aussi, nous posons une question : pourquoi reporter à la discussion de la prochaine loi de finances la décision relative à l'affectation du produit des versements des caisses d'épargne au fonds de mutualisation ?
Cette orientation de la commission des finances appelle plusieurs observations.
La première, d'ailleurs soulignée dans le rapport de notre collègue Marini, aux pages 144 et 145, porte sur la conception générale que l'on peut avoir du rôle du fonds de réserve pour les retraites, et que M. le rapporteur a précisé tout à l'heure.
Le rapport est clair : il indique, à ce niveau, que les moyens du fonds sont largement insuffisants s'il s'agit de prévenir les effets de la démographie sur l'équilibre du régime par répartition.
Je relève également que ce que M. le rapporteur semble le plus attendre de ce fonds de réserve, c'est bien le lissage des effets démographiques sur le montant des cotisations d'assurance vieillesse et, bien entendu, avant tout, sur celle des entreprises.
En clair, dans l'attente de précisions sur les moyens et les missions du fonds de réserve pour les retraites, M. le rapporteur indique qu'il verrait bien ce fonds financer la réduction des cotisations patronales, ou en tout cas permettre leur gel, alors que, je le dis au passage, c'est précisément cette situation qui, ces dernières années, a conduit au déficit structurel de la branche vieillesse.
Nous ne partageons évidemment pas cette orientation qui tend à faire croire - encore faudrait-il le prouver - qu'un haut niveau de protection sociale est un obstacle à la croissance et à l'emploi.
Il nous revient ensuite de débattre des trois autres possibilités que M. le rapporteur semble appeler de ses voeux.
Première hypothèse : le fait de renvoyer à la discussion de la loi de finances la question de l'utilisation des versements des caisses d'épargne au fonds de mutualisation pourrait conduire M. le rapporteur à juger judicieux d'affecter les sommes concernées au financement de la politique de l'emploi, entendant par là, bien sûr, la politique de réduction des cotisations sociales des entreprises.
Deuxième hypothèse : M. le rapporteur nous invite à consacrer le produit des versements effectués par les caisses d'épargne à la prise en charge d'une partie du financement de la dette publique, par affectation du produit des versements au compte d'affectation spéciale qui en retrace l'évolution.
Enfin, troisième hypothèse : les sommes collectées par le fonds de mutualisation viendraient alimenter les dotations en capital de l'Etat aux entreprises publiques appelées à être privatisées.
Dans tous les cas, cette orientation est assez éloignée des missions d'intérêt général qui sont dévolues aux caisses d'épargne et est sans doute peu recevable, de notre point de vue.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne voterons pas l'amendement n° 22.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 22, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 24 est ainsi rédigé.

Article 25