Séance du 5 décembre 1998







Par amendement n° II-33, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de réduire ces crédits de 31 924 288 francs.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour l'examen de ce projet de budget, la majorité sénatoriale a adopté une stratégie d'ensemble qui s'applique nécessairement à tous les départements ministériels. Ce n'est donc pas, madame le ministre, pour des raisons d'opposition de principe ou de doctrine que nous avons déposé cet amendement, qui a pour objet, au titre III, d'opérer une réduction de 1 % des crédits de personnels et de 5 % des crédits de fonctionnement.
S'agissant des crédits de personnels, qui sont l'occasion d'évoquer certaines considérations de structure au sein des services de l'Etat, je me permettrai d'ailleurs, comme le faisait l'un de nos collègues en commission des finances, voilà quelques semaines, d'évoquer, au sein des services déconcentrés de votre ministère, l'existence persistante de directions régionales et de directions départementales de la jeunesse et des sports dont les compétences respectives ne sont peut-être pas toujours d'une extrême clarté, pour les collectivités territoriales en particulier.
Dans ce domaine, et pour l'avenir, ne serait-il pas concevable d'opérer certaines simplifications ?
Notre amendement est à la fois un amendement lié à notre analyse générale du projet de budget et un amendement d'appel visant à montrer que, dans tous les domaines, la réforme de l'Etat est nécessaire.
J'ajoute que, s'il était adopté, dans la mesure où il s'applique à un titre III dont le montant global est de 1,9 milliard de francs et dont la progression, telle qu'elle est affichée dans le projet de loi de finances, est significative, les crédits de ce titre III resteraient tout de même en progression.
Il convient également de rappeler que, si la réduction proposée est appliquée - nous en avons fait la vérification - la progression restante permettra de tenir compte des accords qui sont intervenus sur la revalorisation des rémunérations et de l'accord salarial dans la fonction publique.
Voilà, mes chers collègues, les quelques éléments d'appréciation que la commission des finances souhaitait vous donner à l'appui de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Comme j'ai essayé de le dire brièvement tout à l'heure afin de ne pas allonger excessivement mon intervention, notre ministère est un ministère de proximité. Dans nos directions déconcentrées, travaillent des hommes et des femmes qui ont un rôle de conseil et de contrôle de la vie associative, un rôle d'aide à l'initiative des jeunes et des mouvements sportifs.
Or la plupart de ces directions déconcentrées ont actuellement atteint le point de non-retour quant au nombre de postes, de sorte que, faute de moyens humains, elles parviennent difficilement à assumer les missions de contrôle et de sécurité à l'égard des centres de loisirs.
Je pense donc que ce ministère souffre non pas d'un excès de personnel, mais d'un défaut de personnel. Sans doute n'est-il pas inutile de vous rappeler que, ces dix dernières années, c'est le ministère qui a perdu - relativement bien entendu, puisque nous sommes un petit ministère - le plus de personnels.
Cet amendement concerne en outre, non seulement les contrats de préparation olympique, mais également les moyens en personnel du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage.
Avec cet amendement, vous ne vous attaquez donc pas au train de vie de l'Etat, mais à des crédits qui sont nécessaires pour répondre à l'attente du monde sportif, de la vie associative et de la jeunesse.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-33.
Mme Hélène Luc. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. J'espérais encore, messieurs Lambert et Marini, que vous reviendriez sur vos amendements de suppression tant votre attitude est illogique. Elle l'est à la fois compte tenu de l'appréciation que vous avez portée sur le bilan du ministère de la jeunesse et des sports et compte tenu du discours tenu chaque année par la commission des affaires culturelles sur l'insuffisance du budget de la jeunesse et des sports.
La logique qui a prévalu jusqu'à présent dans l'examen du projet de budget pour 1999, défendue par la majorité sénatoriale et qui consiste à réduire les crédits ministériels, va s'appliquer au budget de la jeunesse et des sports.
Les amendements que vous nous proposez d'adopter prévoient, mesdames, messieurs de la majorité, de réduire de près de 32 millions de francs - dépenses des personnels - les moyens des services du ministère, et de plus de 10 millions de francs les interventions de l'Etat.
Cette logique comptable que vous préconisez en matière de dépenses publiques n'est pas conforme aux choix de progrès portés par notre société.
L'ensemble des budgets ministériels relevant des missions fondamentales de l'Etat et porteurs de transformations sociales sont frappés de ce même anathème : « contribution à l'effort de maîtrise des dépenses de l'Etat... ».
Mais pour qui les efforts ? Je vous le demande ! Les jeunes paient aujourd'hui un tribut toujours plus lourd à cette société fondée sur la maîtrise des dépenses. Leur maîtrise à eux est faite de précarité, d'exclusion, de « galères » comme ils le disent eux-mêmes ! Il faut penser à ces jeunes, mesdames, messieurs de la majorité, plutôt que de s'entêter à adopter une attitude d'opposition systématique au gouvernement en place.
Le ministère de la jeunesse et des sports inscrit 26,5 millions de francs pour la formation des emplois-jeunes : cette démarche devrait être soutenue.
Est-ce encore trop ? Peut-on sacrifier au dogme de la maîtrise des dépenses publiques la santé des sportifs quand nombre d'entre eux sont directement menacés par le dopage ?
Un grand nombre de mes collègues de la commission des affaires culturelles, appartenant à la majorité sénatoriale, ont évoqué le coût pour les collectivités locales de la mise en conformité des installations sportives. Est-ce les subventions du ministère au bénéfice des collectivités qu'il faut amputer ?
Si nous n'y prenons garde, mes chers collègues, notre société mourra de cette logique seulement financière et économique qui dessert l'emploi, qui desservira la croissance et qui dessert enfin le progrès en multipliant les ravages précisément parmi notre jeunesse vulnérable dans notre société.
Nous avons, quant à nous, parce que nous sommes soucieux de l'équilibre de nos finances, proposé des ressources nouvelles, mais vous les avez refusées.
Nous appelons pour notre pays d'autres desseins que cette course effrénée aux économies. Nous voulons pour les jeunes autre chose que l'exclusion, la violence, le repli sur soi et le mal vivre.
Ces choix-là, qui d'autre que la puissance publique peut les mener, investie qu'elle est d'une mission et d'une responsabilité particulières à l'égard de tous ceux qui la composent ?
En conséquence, c'est résolument que nous voterons contre les amendements qui nous sont proposés et pour lesquels nous demandons un scrutin public.
M. Franck Sérusclat. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Franck Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. L'argumentation de notre collègue M. Marini est assez étonnante !
Si je comprends bien ce qu'il a voulu dire, il n'y a pas de raison formelle de réduire les crédits de votre budget, madame la ministre, mais il a été décidé de réduire les crédits de tous les budgets. C'est une position systématique, idéologique (Protestations sur les travées du RPR),...
M. Joseph Ostermann. Mais non !
M. Franck Sérusclat. ... qui est suivie de façon continue, même sans raison. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Votre réaction prouve que ce que je dis est vrai !
Mais nous savons, nous aussi, réagir lorsqu'il le faut et là, me semble-t-il, la démarche est claire et patente.
Tout à l'heure, M. Marini a avancé comme argument le fait que la croissance du PIB serait de 2,7 %. Or la décision de réduire les crédits de tous les budgets a été prise bien avant de connaître ce taux. C'est la seconde fois que je le surprends à user d'une argumentation fragile et de circonstance.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oh !
M. Franck Sérusclat. M. Marini a d'ailleurs avoué ses difficultés à trouver un argument pour justifier la réduction de crédits qu'il propose.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Votre entendement est sélectif !
M. Franck Sérusclat. Et quelle réduction ! Vous ne disposez plus, madame la ministre, que de 20 millions de francs au lieu des 51 millions de francs qui étaient inscrits au budget de la jeunesse et des sports et qui sont pourtant nécessaires. M. le rapporteur général le sait très bien d'ailleurs, qui demandera dans quelque temps que, dans tel ou tel secteur de son département, soit affecté un tel ou un tel ; non pas parce qu'il tient à ces personnes-là, mais parce que le besoin s'en fait sentir.
Nous sommes devant une contradiction politique majeure et fort désagréable. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé un scrutin public. Nous voterons contre l'amendement et, puisque nous risquons d'être battus, nous ne pourrons pas voter ce budget - alors que nous partageons toutes les initiatives prises par Mme la ministre - car nous ne pouvons pas voter un budget amputé, sinon ce serait approuver la position adoptée par la droite du Sénat. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Joseph Ostermann. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. J'entends des propos qui sont difficiles à assimiler en cette fin de samedi après-midi, où l'on évoque l'attitude de l'opposition qui serait idéologique.
S'agissant de vie associative et de sport, ces remarques me semblent particulièrement déplacées, alors que nous nous occupons tous de la jeunesse et de la vie associative dans nos communes.
J'ai été ce matin interpelé à deux reprises par Mme Luc et je me permettrai quelques réflexions.
J'ai été élevé dans l'économie et, dans ce monde, seules les valeurs comptables tiennent : c'est l'équilibre budgétaire et la réalité qui prévalent.
Mme Luc nous a demandé ce matin d'aller expliquer notre position aux associations sportives. Je suis prêt à expliquer la position de la commission des finances mais, en retour, je souhaite que celles et ceux qui nous critiquent ouvrent le rapport de l'excellent rapporteur général, M. Marini, à la page 52. Ils y trouveront la vérité comptable : 518 milliards de francs d'emprunts supplémentaires cette année. Non seulement le Gouvernement augmente la dette publique de 236,5 milliards de francs, mais il y ajoute 68,7 milliards de francs de déficit de fonctionnement, ce qui est, reconnaissez-le, peu courant.
En outre, 282 autres milliards de francs sont empruntés pour rembourser les emprunts du passé. C'est quelque peu gênant d'aller expliquer cela aux jeunes. Il n'est pas aisé de dire aux bambins qui pratiquent un sport que, demain, ils devront rembourser les emprunts que nous ne sommes pas capables de rembourser aujourd'hui. Comment y parviendront-ils, tant du point de vue économique que du point de vue de la gestion ?
Enfin, madame le ministre, admettez qu'un maire ou qu'un chef d'entreprise soit dans cette situation : il serait au minimum mis en examen. Pourtant, vous nous conseillez de continuer sur cette lancée ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je me tourne vers vous, madame la ministre, avec beaucoup de délicatesse, en tout cas toute celle dont je suis capable, parce que votre personne l'appelle et que vous savez parler de ces questions avec beaucoup de modération.
Vous êtes la ministre de la jeunesse. Or chaque fois que nous dépensons un franc de plus et que nous le finançons par l'emprunt, nous faisons payer ce franc par les jeunes.
M. Joseph Ostermann. Très bien !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. De quel honneur pouvons-nous nous prévaloir en dépensant un franc sans en prévoir le financement et en en faisant supporter le remboursement à nos enfants ? Non, nous n'avons pas le droit de faire cela aux jeunes.
Vous vous battez, madame la ministre, et M. le rapporteur général et moi-même avons tout à l'heure applaudi à la fin de votre intervention, parce que votre engagement mérite le respect et, dans certains domaines, notre soutien,...
Mme Hélène Luc. Mais voilà !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. ... que nous ne ménageons pas.
M. le rapporteur général a fait une proposition extrêmement modérée à votre collègue du budget, en lui indiquant que l'occasion nous était enfin donnée, en 1999, de ne pas alourdir encore notre dette par rapport au produit intérieur brut.
M. le rapporteur général a ajouté que nous pouvions y parvenir en réduisant le déficit budgétaire de seulement 14 milliards de francs, et il a demandé à M. le secrétaire d'Etat au budget d'indiquer simplement au Sénat où il préférait que ces économies soient réalisées. Il suffisait que le Gouvernement choisisse le poste où cette réduction de crédits apparaîtrait le moins dommageable. En effet, le Sénat ne prétend pas imposer une solution à l'exécutif. Or, M. le secrétaire d'Etat au budget lui a répondu d'appliquer l'ordonnance organique de 1959 dans ce qu'elle a de plus aveugle, en particulier son article 47, c'est-à-dire que nous devrions opérer les réductions de crédits par titre et par chapitre.
Mais vous savez très bien comment s'organise un budget, madame la ministre, puisque vous venez de nous présenter le vôtre. Nous ne voterons pas aujourd'hui 93 % des crédits de votre projet de budget, puisque M. le rapporteur général nous les proposera à l'article 44, et nous ne pouvons donc réaliser des économies pour aboutir à une réduction du déficit public de 14 milliards de francs que sur les modestes crédits qui sont en discussion cet après-midi. En effet, contrairement à ce que veulent bien dire nos collègues, nous ne parlons pas de la totalité de votre projet de budget.
Mes chers collègues, à l'article 44, M. le secrétaire d'Etat au budget nous proposera de voter 1 844 milliards de francs de services votés et on nous demandera en un instant, simplement en levant la main, de nous prononcer sur ces 1 844 milliards de francs de services votés sur lesquels nous n'aurons pas un mot à dire !
Or, si M. le secrétaire d'Etat au budget avait bien voulu diminuer de 14 millions de francs les dépenses sur ce budget, nous n'aurions pas cette discussion cet après-midi et, madame la ministre, vous n'auriez pas le sentiment que nous nous attaquons aux crédits de votre ministère plus particulièrement qu'à d'autres.
Un sénateur socialiste. Ce n'est pas vrai !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Tel est le choix de votre gouvernement, tel est le choix de M. le secrétaire d'Etat au budget.
En tout état de cause, sachez que c'est vraiment parce que nous n'avons pas pu faire autrement que nous procédons ainsi.
Pour ce qui nous concerne, nous pensons que la meilleure action que nous puissions faire pour la jeunesse, c'est d'assumer les dépenses de notre génération et de cesser enfin de renvoyer sur les générations futures la charge de dépenses que nous avons décidées, mais que nous n'avons pas accepté d'assumer. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-33, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste et, l'autre, du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 40:

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 314
Majorité absolue des suffrages 158
Pour l'adoption 215
Contre 99

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 84 110 000 francs. »