Séance du 2 juin 1998







M. le président. La parole est à M. Mouly, auteur de la question n° 265, adressée à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
M. Georges Mouly. Madame la ministre, la large consultation et l'active participation dont chacun a le souvenir lors de la préparation, en 1994, de la loi d'orientation sur l'aménagement et le développement du territoire votée en 1995 ont largement montré l'intérêt des Français pour une politique visant à ne pas faire de notre pays un territoire où le développement s'opérerait à plusieurs vitesses.
Vous reconnaissiez, madame la ministre, voilà peu de temps, que cette loi de 1995 contenait des dispositions intéressantes, dont beaucoup cependant sont soit inapplicables, soit inappliquées, ce qui est exact.
Or, les inégalités infrarégionales et interrégionales n'ont jamais été aussi profondément ressenties.
Comme l'aménagement est - c'est heureux - l'expression spatiale de la solidarité, il faut jeter les bases d'un développement durable, consolider la décentralisation et réduire les inégalités territoriales.
Je note, madame la ministre, que, pour ce qui concerne l'initiative économique, notamment les activités dans les zones de revitalisation rurale, un autre projet de loi est prévu. Cette perspective est d'autant plus intéressante que, voilà quelque temps, vous déclariez qu'il convenait « de rompre avec une conception dépassée de l'aménagement du territoire qui laissait de côté la question des villes pour se focaliser sur les territoires ruraux désertifiés sur lesquels l'Etat devait porter son attention comme sur un grand malade ».
Je ne vous apprendrai rien, madame la ministre, si je vous dis que cette déclaration suscita alors quelque émoi. Mais l'essentiel n'est pas là aujourd'hui, et je me réjouis que les zones de revitalisation rurale puissent apparaître comme l'une des préoccupations du Gouvernement.
Toutefois, vous comprendrez, je pense, madame la ministre, que le dépôt d'un projet de loi ultérieur nous laisse quelque peu sur notre faim, d'où ma première question qui touche, en fait, au délai prévisible de mise en oeuvre d'une telle politique, que beaucoup appellent de leurs voeux.
La même question se pose pour d'autres projets de loi. Mais tout ne peut se faire tout de suite, chacun en a bien conscience et nul ne saurait vous faire le reproche de ne pas pouvoir examiner dans l'instant des textes importants portant sur l'organisation urbaine et l'intercommunalité ou l'intervention économique des collectivités locales.
Toutefois, comme pour les zones de revitalisation rurale, pourriez-vous, madame la ministre, parce que beaucoup d'espoirs s'y attachent, nous donner de plus amples précisions sur la date de discussion du projet de loi d'orientation agricole ? Je vous pose cette question parce que vous faites, à juste titre, de ce volet de la politique gouvernementale l'une des composantes de l'aménagement du territoire.
Quant aux instruments de l'aménagement du territoire - le conseil national, le schéma des services publics, les schémas régionaux, les contrats de plan, les « pays » - leur mise en place et leur montée en phase opérationnelle ne sauraient se faire aisément, je le reconnais. Cependant, l'échéance de l'élaboration des contrats de plan arrivant à son terme, tout devrait maintenant aller bon train. En tout cas, c'est une impatience légitime que j'exprime ici.
Mais, à propos de ces instruments, je souhaite vous interroger plus spécialement, madame la ministre, sur les « pays ».
Regroupant des communes, des établissements publics, les « pays » pourront passer des contrats avec l'Etat et les régions dans le cadre des contrats de plan. Afin d'assurer la cohérence de ces nouveaux maillages, les commissions d'aménagement du territoire devront se prononcer sur la question de savoir si un espace peut être ou non reconnu comme un « pays ».
De ce point de vue, deux questions se posent. D'une part, que deviennent dans ce contexte les « pays » tests ? D'autre part et surtout, quel sort sera réservé aux territoires, qui sont en phase opérationnelle et qui se veulent une préfiguration des « pays », l'évolution de leurs limites géographiques étant évidemment envisageable ? Je ne pense pas que l'on puisse pénaliser cette heureuse initiative.
Vous l'aurez compris, c'est l'importance et l'intérêt premier de ce volet de la politique du Gouvernement, l'aménagement du territoire, dont vous avez la responsabilité, qui m'ont conduit à vous poser ces quelques questions.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Monsieur le sénateur, s'il est une qualité dont je me prévaux, c'est bien la lucidité. Par le passé, plus on parlait des zones rurales, plus les inégalités s'accentuaient. Cessons de regarder avec nostalgie les territoires ruraux, qui ne sont plus ceux d'hier, et apprécions la vitalité, la créativité, les idées des territoires ruraux d'aujourd'hui. Cessons de les considérer comme des territoires malades, exsangues, paralysés, et mettons-nous à l'écoute de leurs efforts pour accompagner leurs projets.
C'est dans cet esprit que j'ai entrepris de réviser la loi d'orientation sur l'aménagement et le développement du territoire. Il s'agit de se fixer un certain nombre d'objectifs simples et d'être extrêmement modeste dans les outils à mettre en oeuvre pour réduire les inégalités territoriales, jeter les bases d'un développement durable, consolider la décentralisation.
Un projet de loi devrait être présenté au Parlement dès la prochaine session. Vous l'avez souligné : plusieurs échéances nous attendent, notamment l'élaboration des prochains contrats de plan, qui doivent être signés avant le 31 décembre 1999.
S'agissant des territoires ruraux, sur lesquels vous m'interroger plus particulièrement, la loi du 5 février 1995 prévoyait, en effet, plusieurs dispositions intéressantes.
Mais, vous le savez bien, la plupart d'entre elles sont restées inappliquées, tant par M. Pasqua lui-même que par M. Gaudin.
C'est ainsi que l'article 61 prévoyait la mise en place d'une loi spécifique aux zones de revitalisation rurale avant juillet 1996.
Par ailleurs, la préparation d'un plan rural par le gouvernement précédent, qui n'a pas abouti, a montré les difficultés de concevoir des mesures adaptées dans ce domaine.
La tentation est grande de mettre en place des zonages, des régimes dérogatoires, des mesures adaptées à telle ou telle situation locale. Mais la formule, trop souvent employée « trop de zonage tue le zonage » me semble exacte.
Quand la moitié du territoire national est zonée, on le voit bien, l'Etat ne peut que pratiquer le saupoudrage, ce qui ne correspond pas aux besoins.
Je souhaite que la révision de la loi soit l'occasion de maintenir, mais aussi de préciser les interventions en milieu rural. Elle visera évidemment les quartiers en difficulté en milieu urbain qui ont été insuffisamment pris en compte.
Une politique de la ville digne de ce nom est en effet nécessaire. Surtout, nous souhaitons ne plus opposer le monde rural au monde urbain et réconcilier, dans une démarche convergente, la ville et la campagne ainsi que restaurer les continuités entre les secteurs ruraux, les périphéries des villes et les centres des agglomérations urbaines.
Je dirai que nous souhaitons cette démarche à la fois pour les grandes villes, pour les villes moyennes, mais aussi pour les petites villes dont dépend beaucoup la vitalité des territoires ruraux qui les entourent. Nous souhaitons que les bourgs-centres soient les pilotes de la vitalité des territoires ruraux. C'est une idée, je crois, sur laquelle vous serez d'accord.
La révision de la LOADT doit permettre de renforcer les communautés géographiques que l'histoire et l'économie ont façonnées, à travers la constitution ou le renforcement des « pays » et des agglomérations. L'objectif est de passer, le plus souvent possible, d'une logique de guichet à une politique de projet. Il faut encourager, accompagner, susciter des initiatives, des créations d'emplois avec les acteurs locaux.
Un article du projet de loi organise la politique des « pays » et prévoit le regroupement des communes et des établissements publics de coopération intercommunale. Cette politique sera reconnue au niveau régional ou interrégional, notamment pour la validation des « pays » par les conférences régionales d'aménagement et de développement du territoire. L'Etat est prêt également à reconnaître les projets qui sont portés par les « pays » par le biais des contrats de plan Etat-région.
De même, nous souhaitons pouvoir reconnaître les efforts d'organisation des territoires dans les agglomérations, en prévoyant que les agglomérations organisées avec une taxe professionnelle unique puissent être partenaires du contrat de plan Etat-région.
En ce qui concerne les pays, une charte du territoire permettra de concrétiser le projet de développement durable des pays regroupés au minimum en syndicats mixtes.
En ce qui concerne les agglomérations, nous souhaitons aller plus loin et faire en sorte qu'effectivement les outils fiscaux permettent de remédier à des concurrences injustifiées entre les collectivités.
En ce qui concerne les zones de revitalisation rurale, les ZRR, qui représentent 30 % des communes et près de 40 % du territoire, le rapport rédigé par Jean Auroux, à ma demande, prévoit qu'elles soient reconduites pour cinq ans, soit jusque fin 2004, mais qu'elles reposent sur des critères bien définis et qu'elles soient concentrées sur le territoire. Elles répondraient ainsi mieux à leur objectif, même si la délimitation des périmètres peut faire l'objet d'ajustement, notamment pour prendre davantage en compte la place des bourgs-centres dans le dispositif.
S'agissant des territoires ruraux de développement prioritaire, les TRDP, leur manque de concentration et un choix des critères moins objectifs les caractérisent. De fait, ces territoires ruraux correspondaient assez largement au zonage de l'objectif européen 5 b, qui disparaîtra dès l'an 2000.
Les moyens qui leur sont consacrés permettront un redéploiement de ressources dans un souci de plus grande efficacité. Nous y travaillons et nous aurons, avec la représentation nationale, une concertation à ce sujet, tant sont nombreux les outils financiers dont le ciblage est flou, les fonds faibles et les moyens d'évaluation relativement inexistants.
Le projet de loi relatif à l'organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale en constituera une prochaine étape, en cohérence avec la dynamique d'organisation des territoires autour des projets qui sont proposés dans le projet de loi d'aménagement durable du territoire.
Comme vous l'aurez noté, je n'ai pas parlé du projet de loi d'orientation agricole, qui comportera un important volet consacré au développement rural, volet sur lequel M. Le Pensec et moi-même avons travaillé en concertation. La synergie de nos efforts sera nette.
Nous avons souhaité que le développement rural ne soit pas uniquement un encouragement aux activités agricoles. Nous souhaitons qu'il associe bien l'ensemble des acteurs de ce monde dans lequel l'agriculture reste importante, mais ne constitue pas évidemment le seul facteur de vitalité. Je pense à tous les efforts de charte du territoire, d'aménagement des espaces, protégés notamment, qui sont l'objet de ce projet de loi.
M. Georges Mouly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly. Je vous remercie, madame la ministre, d'une réponse que je considère de qualité, en tout cas complète, détaillée et circonstanciée.
Si je me suis permis de poser ces questions, comme représentant d'un département et d'une région à dominante rurale, c'est précisément, madame la ministre, parce que nous nous efforçons, nous aussi, dans la région, de ne pas regarder dans le rétroviseur et de faire preuve de lucidité. C'est vrai que parler ne suffit pas et qu'il importe de voir dans les régions rurales, d'une part, autre chose qu'un passé à maintenir et, d'autre part, des possibilités de créativité que vous avez évoquées.
Dans mon esprit, il n'était pas davantage question d'opposer la ville et la campagne. J'apprécie la partie de votre réponse consacrée à l'importance des petites villes et des bourgs-centres.
Quant aux pays, j'ai bien compris qu'ils devaient être reconnus par la conférence régionale et par l'Etat, bien sûr.
Je souhaite simplement, pour conclure, que les initiatives prises en la matière par tel ou tel département tiennent compte des éléments qui viennent d'être évoqués, madame la ministre. Je vous remercie encore.
M. Gérard Delfau. Très bien !

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