Séance du 19 mai 1998







M. le président. La parole est à M. Arnaud, auteur de la question n° 250, adressée à M. le secrétaire d'Etat à la santé.
M. Philippe Arnaud. Ma question écrite posée le 27 novembre 1997 étant restée sans réponse, je l'ai donc transformée en question orale, conformément à l'article 75, alinéa 3, du règlement du Sénat. Elle traite de l'un des effets de l'application de la loi Evin sur un certain nombre de produits alcoolisés, notamment le pineau des Charentes.
En effet, la loi Evin concerne l'interdiction de vente à consommer sur place ou à emporter et de distribution des boissons alcoolisées des deuxième et troisième groupes. Or le pineau figure dans la catégorie des boissons alcoolisées du troisième groupe.
Ainsi, lors de manifestations, tels des comices agricoles ou des foires promotionnelles, constituant des vitrines des productions du terroir local, les organisateurs ne peuvent assurer les dégustations ou vendre à consommer sur place et, par voie de conséquence, ne peuvent assurer la promotion des produits comme le pineau des Charentes, par exemple. Cela est fort préjudiciable au développement de l'économie locale.
Paradoxalement, dans un certain nombre de manifestations se déroulant en Charente, on peut déguster du porto, du muscadet, des vins délicieux de la région bordelaise, mais les bouteilles de pineau restent désespérément fermées. Je l'ai encore constaté récemment, alors que j'inaugurais une grande manifestation en présence de M. le préfet. Ce dernier nous a assurés que, à son grand regret, il ne pouvait accorder les dérogations nécessaires.
Madame la ministre, quelles mesures pourraient-elles être prises afin d'autoriser, dans ces cas particuliers, la promotion des produits locaux du troisième groupe ?
Si je ne mets nullement en cause l'objectif de la loi Evin, je considère que l'application de ce texte est marquée par une rigidité qui, quelquefois, frise la stupidité.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, la promotion du pineau des Charentes, qui compte parmi nos grandes productions nationales, fait partie de nos préoccupations dès lors, bien sûr, que sa consommation reste modérée. Il ne faut en effet pas oublier que M. Bernard Kouchner et moi-même avons en charge la santé publique.
La loi du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme n'a pas vocation à réglementer la distribution d'alcool lors des comices agricoles ou des foires promotionnelles en général.
En effet, la loi Evin et son décret d'application du 29 mars 1993 visent uniquement les autorisations dérogatoires de débits de boissons pour les foires et comices agricoles lorsqu'ils sont organisés sur des terrains de sport ou dans des lieux où se déroulent habituellement des manifestations sportives. Les débits de boissons autorisés dans le cadre de cette loi et de ce décret relevant de la troisième catégorie, les boissons comme le pineau des Charentes y sont donc servies, dans la limite de deux autorisations annuelles.
Sur les autres lieux, l'implantation des débits de boissons relève du droit commun du code des débits de boissons.
Dans le cas des foires et expositions organisées par l'Etat, les collectivités publiques ou les établissements d'utilité publique, le commissaire général de l'exposition peut autoriser l'ouverture de débits de boissons de quatrième catégorie dans les conditions de l'article L. 47 du code des débits de boissons. Peuvent alors être servies à consommer sur place toutes les boissons alcooliques dont, bien évidemment, le pineau des Charentes.
Dans le cas des foires et comices agricoles locaux - c'est peut-être à cet égard que se pose le problème - le maire ne peut autoriser qu'une licence temporaire de seconde catégorie qui ne permet pas la vente à consommer sur place de boissons comme le pineau des Charentes.
Je souligne toutefois que les producteurs de boissons alcooliques qui tiennent un stand à l'occasion des foires et manifestations publiques sont autorisés à organiser la dégustation gratuite de leurs produits et qu'ils peuvent les vendre sur place ou à emporter, quel que soit le degré alcoolique. Il leur suffit d'en faire la déclaration à la direction régionale des douanes.
Ces divers éléments devraient vous apporter les réponses que vous souhaitez, monsieur le sénateur.
M. Philippe Arnaud. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Madame la ministre, je vous remercie de vos réponses qui sont effectivement rassurantes.
Comme je l'ai indiqué, je mettais en cause non pas la loi Evin, mais son application.
Je souhaiterais donc que des directives écrites soient adressées aux préfets ou aux directeurs régionaux des douanes pour que l'application de la loi Evin soit conforme aux propos rassurants que vous avez tenus. Il ne faudrait pas, en effet, qu'il y ait d'ambiguïté.

MISE EN PLACE DES COMMISSIONS RÉGIONALES