Séance du 14 mai 1998







M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Depuis la semaine dernière, la presse se fait l'écho d'une note qualifiée de « secrète » relative à une certaine contamination des convois transportant le combustible usé des centrales nucléaires vers l'usine COGEMA de La Hague qui en assure le traitement.
Ce constat a un premier mérite : rappeler que les emballages contaminés venaient des centrales vers La Hague, et non dans le sens inverse, ce qui met hors de cause l'usine de retraitement et le terminal de Valognes. Je note, au passage, que les analyses effectuées par le laboratoire départemental de la Manche, depuis dix ans, à la demande de la ville de Valognes, sur le ruisseau de sortie du terminal, n'ont jamais montré la moindre trace de contamination.
Or l'usine de La Hague est présentée, une fois de plus, comme la source de toutes les contaminations, alors qu'elle n'est que le point d'arrivée et donc que la négligence s'est produite en amont.
En matière nucléaire, le respect des normes est impératif, même si le dépassement est sans danger pour la santé publique, en général, et pour le personnel y travaillant, en particulier, ce qui est le cas en l'espèce, nous l'avons appris depuis. Mais la constatation de telles anomalies aurait dû, bien sûr, obliger EDF à y remédier immédiatement.
Par ailleurs, nous sommes conduits à nous poser des questions sur le rôle des organismes de contrôle et de l'Etat, sur leurs moyens d'agir et sur les échanges d'informations entre les différents intervenants. Quoi qu'on en dise, le manque de transparence est toujours la règle.
Ce manque de rigueur ouvre la porte à toutes les polémiques, à toutes les interprétations, avec les excès de diabolisation du nucléaire que cela peut entraîner, alarmant très inutilement les populations.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !
Mme Anne Heinis. En tant que parlementaire, membre en cette qualité de la commission spéciale permanente d'information de La Hague, organisme paritaire chargé, comme son nom l'indique, de recueillir et de diffuser l'information, je déplore fortement que la DSIN, la direction de la sûreté des installations nucléaires, n'ait pas cru devoir informer ladite commission.
Ce sont la presse et les médias qui ont la primeur des informations et les accommodent à la sauce catastrophe.
Il est navrant de constater que les autorités de tutelle dépendant du Gouvernement ne s'appliquent pas à elles-mêmes le principe de transparence pourtant sans cesse clamé.
Monsieur le Premier ministre, alors que vous affirmez - vous l'avez encore fait hier à l'Assemblée nationale et je m'en réjouis - la nécessité de la filière nucléaire au sein de la politique énergétique française, pouvez-vous nous assurer que votre gouvernement a la réelle volonté politique de tout mettre en oeuvre pour qu'une information réelle, objective et, surtout, compréhensible par la population circule d'un bout à l'autre de la filière et que notre commission d'information de La Hague soit désormais considérée comme un interlocuteur privilégié dans la diffusion de cette information ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Alain Gournac. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Madame le sénateur, comme vous l'avez rappelé, le 28 avril dernier, la direction de la sûreté des installations nucléaires a publié une information indiquant que ses travaux l'avaient conduite à relever sur les wagons arrivant à Valognes, je vous en donne acte, une contamination, probablement surfacique mais cela restait à vérifier, faisant apparaître sur environ un tiers des wagons une certaine radioactivité. Immédiatement, cette information a été rendue publique.
M. Christian Pierret et Mme Dominique Voynet, qui se partagent la responsabilité de la direction de la sûreté des installations nucléaires, sur instruction de M. le Premier ministre, ont demandé à son directeur, M. Lacoste, de faire une enquête sur cette situation. Remis hier matin à M. le Premier ministre, leur rapport a été immédiatement rendu public afin que les médias et toutes structures intéressés puissent en disposer. Ce matin même, la commission spéciale et permanente d'informations à laquelle vous appartenez a pu en discuter. Voilà pour l'information.
Sur les faits, de quoi s'agit-il ?
Je veux répondre d'abord à la préoccupation essentielle et légitime de chacun, qui concerne ceux qui y travaillent comme ceux qui habitent aux environs de Valognes. Les seuils de radio-activité qui ont été décelés sont très inférieurs aux limites les plus sévères fixées notamment par les organismes internationaux ou par la Commission européenne. Il n'y a a donc pas de danger en l'occurrence, même s'il est clair que la situation est anormale.
Rassurons clairement tous ceux qui doivent l'être : travailleurs comme voisins, il n'y a en cette affaire pas de danger.
Il reste qu'une certaine poussière, visiblement mal lavée - c'est ce que dit l'enquête - déposée sur les wagons, n'aurait pas dû y rester. Et, en l'espèce, il apparaît clairement que, tant du côté de l'Etat que du côté d'EDF, des insuffisances doivent être relevées.
L'enquête montre qu'EDF était au courant de cette situation depuis un certain temps et que les services de l'Etat eux-mêmes avaient été prévenus dès le début de l'année 1997.
Pourquoi cette affaire est-elle aujourd'hui publique ? Parce qu'en juin 1997 M. le Premier ministre a décidé que la direction de la sûreté des installations nucléaires serait désormais chargée d'enquêtes qu'elle ne pratiquait pas auparavant et de rendre publics les résultats de ces dernières. Si le processus n'avait pas été modifié, on peut craindre que cette information - à tort - ne soit demeurée « secrète » au sein d'EDF et de l'administration.
La nouvelle procédure mise en place par le Gouvernement en juin 1997 donne donc ses premiers résultats. Je crois que vous avez là la preuve de la volonté fortement réaffirmée par le Gouvernement, et encore par le Premier ministre hier à l'Assemblée nationale, de faire en sorte qu'en matière nucléaire l'information soit totale et totalement transparente. J'en veux pour preuve la publication, dès le 18 avril, du communiqué de la DSIN.
Vous me demandez comment il se fait que vous, membres de la commission de contrôle, n'ayez pas été prévenus les premiers. C'est un débat difficile dans lequel je n'entrerai pas aujourd'hui : faut-il prévenir, d'abord, ouvertement l'ensemble de la population ? Faut-il réserver, d'abord, l'information à des commissions particulières ?
Reconnaissez à tout le moins, madame le sénateur, que le fait d'avoir publié immédiatement le communiqué, d'avoir demandé un rapport, de l'avoir rendu public quelques jours plus tard, dès que le Premier ministre l'a eu entre les mains, va dans le sens de la volonté réaffirmée de la plus grande transparence.
Mais il faut aller plus loin. Pour cela, une mission a été confiée à M. Le Déaut, député de Meurthe-et-Moselle, qui a de grandes compétences sur ce sujet, puisqu'il a présidé dans le passé et préside de nouveau l'Office parlementaire des choix technologiques ; vous le connaissez donc. Il doit enquêter et fournir un rapport rapide au Premier ministre sur l'ensemble des systèmes de protection, en matière radionucléaire comme en matière de sûreté nucléaire.
Au vu de ce rapport, le Gouvernement prendra évidement des décisions, mais celles-ci s'inscriront de toute façon dans le cadre de la plus grande transparence.
En effet, autant le Gouvernement est attaché à ce que l'activité électronucléaire en France se poursuivre normalement, parce qu'elle est une des conditions de notre compétitivité et du bien-être de nos populations, autant il estime qu'il convient - et c'est une condition de ce programme - qu'elle s'exerce dans la plus grande transparence et que, dès qu'un incident, fût-il mineur, apparaît, il soit rendu public et qu'une enquête soit conduite.
Soyez donc assurée qu'en ce qui concerne cet incident particulier toutes les suites nécessaires seront données et que, au vu du rapport de M. Le Déaut, le Gouvernement prendra les décisions nécessaires dans la plus grande transparence et, bien entendu, pour répondre à votre question, en en informant très directement la commission spéciale permanente d'information sur La Hague. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

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