Séance du 14 mai 1998







M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, à votre nomination au Gouvernement, vous apparaissiez comme le ministre de la bonne réforme, celui qui révolutionnerait notre système éducatif. Or on s'aperçoit que, frotté aux réalités du terrain, votre langage s'est quelque peu fané. (M. le ministre fait un signe de dénégation.)
Mais si, mais si !
Vous voulez nous faire croire que vous êtes le ministre qui a pris en compte les problèmes de la Seine-Saint-Denis. En fait, c'est contraint par les cris de la rue et au bout de plusieurs semaines de grève que, après les avoir ignorés, vous avez reçu une délégation d'enseignants et de parents d'élèves pour annoncer un deuxième plan de rattrapage.
Pour ma part, j'approuve ces manifestants, et ce non pas du tout dans une démarche politicienne, car je considère que, depuis vingt ans, la Seine-Saint-Denis n'a pas eu les moyens nécessaires à une bonne éducation pour ses jeunes. Je l'ai dit avant ; je le redis aujourd'hui !
Après quelques heures de satisfaction légitime de la part de ceux à qui vous aviez promis des créations de postes, et après réflexion, chacun reste sur sa faim et a de nombreuses craintes.
La répartition des 3000 postes annoncés a en effet de quoi nous inquiéter : 800 à la prochaine rentrée, 1000 à celle de 1999 et 1200 en l'an 2000. Plus important encore, à quoi correspondent ces 3000 postes ? S'agit-il de postes statutaires, de personnels formés pour l'encadrement ? S'agit-il de postes mal définis, hybrides, ou bien encore de personnels administratifs ou d'ATOS ? Cela reste très flou. Les enseignants et les élus sont inquiets, y compris certains élus de gauche, notamment mon collègue M. Mahéas, qui est intervenu lundi après-midi et auquel vous n'avez pas répondu.
M. Jacques Mahéas. Lui, il a compris !
M. Christian Demuynck. Monsieur le ministre, ce n'est pas en remerciant l'inspecteur d'académie ou en vous défaussant sur le directeur chargé de l'enseignement scolaire à votre ministère que vous ferez oublier votre responsabilité dans le déclenchement de ce mouvement lorsque vous aurez annoncé, en pleine campagne électorale et à grand renfort de publicité, un plan trop réduit.
M. Alain Gournac. Radio, télévision !
M. Christian Demuynck. Vous n'apaiserez pas non plus les esprits grâce aux 5 000 emplois-jeunes proposés, dont on peut se demander comment ils seront pourvus, ceux qui sont déjà créés ne trouvant pas de titulaires.
Aussi, monsieur le ministre, est-il important et salutaire pour la Seine-Saint-Denis de préciser votre projet. En quoi consistent vos 3 000 postes ? Quel est leur niveau de formation ? Seront-ils des postes statutaires ; comment comptez-vous les financer ?
Je souhaiterais que vous me répondiez sans déléguer vos pouvoirs à la nouvelle inspectrice. Je ne peux pas croire que les décisions que vous avez annoncées l'aient été sans une analyse précise de votre part. Aussi, vous seul, monsieur le ministre, êtes à même de répondre à l'attente de tout le département de la Seine-Saint-Denis. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je vous remercie, monsieur le sénateur, d'avoir posé cette question, qui me permettra de clarifier un certain nombre de points. Je vous sais gré, d'abord, d'avoir souligné que l'inaction du gouvernement précédent constituait ma contrainte principale s'agissant du problème auquel est confronté le département de la Seine-Saint-Denis. (Protestations sur les travées du RPR et sur celles des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Pierre Raffarin. De la hauteur, monsieur le ministre !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Dans cette assemblée qui est représentative des départements et des régions, et qui réclame depuis très longtemps la décentralisation et la déconcentration, je suis étonné d'entendre un sénateur me reprocher de laisser au département de la Seine-Saint-Denis le soin de répartir ses moyens tout en demandant au Gouvernement central la répartition détaillée de ces moyens. (M. Christian Demuynck proteste.) Vous vous expliquerez avec vos collègues, ce n'est pas mon problème !
M. Christian Demuynck. Mais si !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je suis, pour ma part, et vous le savez, favorable à la déconcentration, à la décentralisation, aux décisions prises à un niveau proche des citoyens : c'est la politique que j'applique.
M. Christian Demuynck. Mais il faut résoudre le problème maintenant !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Les moyens attribués au département de la Seine-Saint-Denis sont douze fois supérieurs à ceux qui lui ont été accordés au cours des quatre dernières années ! Ils devraient permettre de réparer les dégâts et de faire de ce département un département comme les autres, voire un département pilote.
J'ajoute que, sans faire autant de bruit, dans le même temps, nous avons lancé la discussion pluriannuelle dans les autres académies déficitaires, à savoir celles des départements d'outre-mer.
Il s'agit là d'un travail de fond. Il m'importe que le travail pédagogique soit réalisé, que les moyens soient donnés non pas en appliquant une règle de trois mais en fonction des différences, des nécessités, des besoins.
J'attends, dans le cadre de la rénovation des ZEP, avec la discrimination positive instaurée par Lionel Jospin, l'accord d'un certain nombre d'associations et d'organisations syndicales pour octroyer aux enseignants de la Seine-Saint-Denis des points d'indice supplémentaires. Mais je n'ai toujours pas obtenu cet accord.
M. Alain Gournac. Le mammouth résiste !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Non, ce n'est pas le mammouth ! C'est un véritable problème de démocratie et de dialogue social.
Monsieur le sénateur, les organisations syndicales que j'ai reçues - vous m'excuserez de ne point recevoir les coordinations qui ne sont pas accompagnées de responsables syndicaux - m'ont demandé soixante-dix postes pour 1998 et soixante-dix postes pour 1999 ; je les ai accordés tout de suite, sachant que c'était très insuffisant, et je l'ai dit.
Lorsque je déclare que j'ai évalué les besoins de la Seine-Saint-Denis avec des moyens, je vous l'avoue, très rudimentaires - mais de bon sens - je suis sûr de ce que j'affirme.
Quant au reste, les boucs émissaires, les lettres aux termes desquelles la Seine-Saint-Denis n'est pas en retard etc., c'est la position du ministre qui m'a précédé et je ne crois pas que vous l'ayez jamais interpellé à ce sujet ! (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants. - Applaudissements sur les travées socialistes.)
Le Gouvernement ne recherche aucun effet d'annonce. Son souci est de résoudre le problème numéro un de l'éducation dans notre pays : instaurer l'égalité des chances.
Lorsque j'avais eu l'honneur de servir auprès de M. le Premier ministre, alors ministre de l'éducation nationale, j'avais constaté des différences considérables au sein de l'enseignement supérieur, notamment au détriment du Nord - Pas-de-Calais et de la Bretagne. Nous avions réglé ce problème ; aujourd'hui, personne ne se plaint dans l'enseignement supérieur d'une quelconque inégalité de traitement. Nous ferons de même en ce qui concerne l'enseignement scolaire et supérieur pour la Seine-Saint-Denis ; nous en reparlerons et c'est l'honneur de la gauche de rétablir l'égalité des chances ! (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Gournac. Sûrement !
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est un peu confus ! On a vu mieux !

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