M. le président. Par amendement n° 2, M. Fauchon, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit l'intitulé de la proposition de loi : « Proposition de loi portant diverses dispositions relatives à la formation professionnelle des avocats ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. C'est un amendement de coordination.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 2.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il ne s'agit pas du tout de coordination !
D'abord, je voudrais demander à Mme le garde des sceaux, lorsqu'elle dit que le Conseil national des barreaux est d'accord, si celui-ci a délibéré en corps et s'il l'a fait à l'unanimité. En effet, ce n'est pas parce que le SAF, l'UJA ou la FNUJA appartiendraient au Conseil national des barreaux qu'ils se trouveraient engagés par une délibération adoptée à la majorité.
Je résume donc ma question : le Conseil national des barreaux a-t-il délibéré en corps et était-il unanime ?
Par ailleurs, il en est, en tout cas j'en connais, qui ne sont pas du tout d'accord pour une validation législative, ce sont ceux qui ont saisi la cour d'appel de Paris et qui nous ont, aux uns et aux autres, exposé la situation. Il s'agit des membres de l'APAPA, association que je ne connais nullement, celle des personnes aptes à la profession d'avocat. Eux ne sont pas du tout d'accord, et ils ont raison. En effet, à quoi cela leur servirait-il d'avoir saisi la cour d'appel si est validé maintenant ce qu'ils ont fait annuler ?
Vous me direz : il leur était réclamé 15 000 francs, et ne leur sont plus réclamés « que » 5 800 francs. Mais ce qu'ils ont fait juger, ce n'est pas que 15 000 francs étaient trop, c'est qu'aucun droit d'inscription ne pouvait être exigé d'eux.
Je me souviens d'ailleurs d'une époque - le président du Sénat, alors ministre de l'éducation nationale doit s'en rappeler et M. Devaquet aussi - où, nous qui sommes assis sur ces travées, nous sommes descendus dans la rue parce que nous ne voulions pas que l'on demande des droits d'inscription aux étudiants.
Nous sommes restés sur cette même base, nous persistons : nous demeurons hostiles aux droits d'inscription.
J'en arrive à l'essentiel de mon propos. La proposition de loi avait le mérite, telle qu'elle nous arrivait de l'Assemblée nationale, d'être « relative à la validation de certaines admissions à l'examen d'entrée à un centre de formation professionnelle d'avocats ». Mais le titre qui nous est proposé aujourd'hui ne fait plus du tout référence à une validation. C'est un peu : « Cachez-moi ce sein que je ne saurais voir ! »
La proposition de loi « relative à la validation de certaines admissions à l'examen d'entrée à un centre de formation professionnelle d'avocats », ce qui était parfaitement exact, deviendrait une proposition de loi « portant diverses dispositions relatives à la formation professionnelle des avocats ».
Franchement, quand on fait - je reprends ici l'expression de notre collègue M. Gélard - quelque chose d'immoral à quoi nous sommes hostiles, il faut au moins avoir le courage de le reconnaître et ne pas essayer de le cacher par un titre qui ne correspond pas à la réalité du texte.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je voudrais quand même dire qu'il ne faut pas aller trop loin. Je vous ai précisé, monsieur Dreyfus-Schmidt - c'est un engagement de ma part - que nous mènerions une réflexion portant à la fois sur le mode de formation et sur le financement de celle-ci.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Dont acte !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. N'allez donc pas trop loin sur cette question du titre de la proposition de loi. Moi, je suis tout à fait d'accord pour que ce titre soit : « Proposition de loi portant diverses dispositions de validation », si vous y tenez. Mais un autre titre ne cache pas d'intention nocive.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je parle de l'amendement de la commission, madame le garde des sceaux, et non pas votre intitulé !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je crois quand même qu'il y avait une certaine ambiguïté dans vos propos.
Par conséquent, je pense, monsieur Dreyfus-Schmidt, que vos observations étaient fondées sur le fond, ce dont je vous ai d'ailleurs donné acte, mais qu'il ne faut tout de même pas insinuer certaines choses !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est à mon avis vous-même, permettez-moi de vous le dire, qui, pour reprendre votre expression, allez trop loin !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Par ailleurs, je vous confirme que le Conseil national des barreaux, par une lettre du bâtonnier Philippe Leleu, m'a donné son accord sur le projet d'amendement pour la validation du droit d'inscription dans les centres régionaux de formation à la profession d'avocat de 1992 à 1998. Il s'agit là d'une décision du Conseil national des barreaux au sein duquel toutes les organisations et tous les syndicats sont représentés.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'est pas dit que cette décision a été prise à l'unanimité !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je n'ai jamais prétendu que cela avait été voté à l'unanimité, j'ai fait état d'une décision du Conseil national des barreaux.
Je crois donc que s'il est légitime de dire que se pose un vrai problème de fond qu'il convient de traiter, il ne faut pas insinuer qu'à travers cela on essaie de masquer les choses. En tout cas, telle n'est pas mon intention.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est, je le répète, l'amendement de la commission qui masque les choses, pas votre intitulé, madame le garde des sceaux !
M. Jean-Jacques Hyest. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Je me suis intéressé, voilà quelques années, à la formation des avocats, puisque, à la demande d'un Premier ministre, j'avais « commis » un rapport. Ce texte est d'ailleurs resté dans les tiroirs, comme beaucoup de rapports demandés à des parlementaires, mais il s'agit là d'un détail de peu d'importance. Je viens cependant d'en rédiger un autre, et j'espère bien que celui-là ne restera pas, lui aussi, dans les tiroirs !...
Mme le garde des sceaux l'a très bien dit : se pose un vrai problème, à la fois sur le contenu de la formation - surtout du fait de la croissance exponentielle du nombre des avocats-élèves au barreau de Paris - et sur le financement.
Mais je ne peux pas accepter que l'on dise qu'il est immoral de voter des validations. Si l'on procède à de telles validations, c'est pour empêcher que la formation des avocats ne soit interrompue. Si un mal est fait, il faut essayer de le réparer !
On a recouru de nombreuses fois à des validations législatives, notamment pour des concours : quand les candidats reçus sont nommés depuis quelques années, on ne peut pas remettre en cause leur nomination. Ces validations intervenaient d'ailleurs toujours à la demande de requérants individuels qui n'étaient pas satisfaits.
Ces validations législatives n'ont rien d'immoral. Au contraire, elles concourent au rétablissement d'une situation qui a été compromise du fait d'une certaine imprévision. Or, si j'ai bien compris, c'est à une telle imprévision que Mme le garde des sceaux veut mettre fin.
Je voterai donc sans état d'âme le texte qui nous est proposé et cet amendement.
M. Guy Cabanel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Je rejoins les propos de notre ami M. Jean-Jacques Hyest : les validations sont fréquentes. Qu'il s'agisse de concours d'agrégation, de concours pour les hôpitaux, par exemple, lorsque la situation devient insoluble, on se tourne vers le législateur. Ces validations, le Parlement n'y procède pas de gaîté de coeur, elles ne sont cependant pas porteuses d'immoralité.
Par ailleurs, j'estime que la commission des lois a le mérite de faire preuve de franchise car, en modifiant l'intitulé de la proposition de loi, elle permet au dispositif de courir jusqu'en 1998.
Certes, il conviendra de mettre de l'ordre dans la formation des avocats. Des propositions ont été faites, une mission d'études a été mise en place et une concertation aura certainement lieu entre le ministère de la justice et celui de l'éducation nationale.
Il faudra désormais savoir comment donner cette formation, en déterminer le caractère et le coût. A ce moment-là, les choses de dérouleront dans des conditions normales. Si nous ne prenons pas une décision, à la fois de validation pour le passé, jusqu'en 1997, et en même temps pour l'année 1998, nous nous exposons à revenir dans quelques mois pour débattre de cette situation.
Il n'y a pas lieu d'interrompre la formation des étudiants. Cahin-caha, remettons la carriole sur le chemin. Promettons-nous simplement de lancer une réforme de fond de l'organisation de cet enseignement.
Je voterai donc l'amendement de la commission, qui a la franchise de dire en toute clarté ce que nous faisons.
M. Patrice Gélard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard. L'arrêté sur la profession d'avocat n'interdit pas la perception de droits.
M. Jean-Jacques Hyest. C'est vrai !
M. Patrice Gélard. Le problème, c'est que la cour d'appel n'a pas annulé parce que des droits avaient été perçus.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si !
M. Patrice Gélard. Il est même prévu, dans cet arrêté, le financement des centres de formation d'avocat et les frais d'inscription des étudiants.
La cour d'appel a annulé parce que, lors de la délibération du conseil d'administration, aucun représentant des élèves n'était présent.
C'est la seule et unique cause !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais non !
M. Patrice Gélard. La perception n'est pas interdite. Nous ne sommes pas dans le domaine de l'éducation nationale et des droits fixés par le ministre ; nous sommes dans un domaine flou, où l'on n'a pas fixé le montant des droits.
Je me rallie également au second amendement de notre rapporteur, parce que le premier titre ne correspond plus à ce qu'est devenue la proposition de loi, compte tenu de l'amendement que nous venons de voter. C'est tout naturellement qu'il faut se rallier à la proposition formulée par M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il n'y a pas de quoi mêler la morale à tout cela, comme le fait notre collègue M. Dreyfus-Schmidt !
Je tiens à souligner que la commission des lois a toujours le souci de proposer des rédactions aussi brèves et élégantes que possible.
Dans ce texte, qui évolue au cours de la navette, puisque chaque assemblée ajoute à chaque fois des éléments nouveaux - et ce n'est peut-être pas terminé ! - on finirait sans doute par avoir un titre descriptif qui pourrait faire plusieurs lignes !
Il nous a paru plus raisonnable, plus sobre, plus élégant, de dire qu'il s'agit - et c'est incontestablement le cas - d'une « proposition de loi portant diverses dispositions relatives à la formation professionnelle des avocats ». Je vous demande donc, au nom de la commission, de bien vouloir adopter ce titre.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'intitulé de la proposition de loi est ainsi rédigé.
Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)
(M. Michel Dreyfus-Schmidt remplace M. Jean Faure au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE
DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
vice-président
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