M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Louis Lorrain, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Lorrain. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si le Parlement s'engageait dans la voie retenue par l'Assemblée nationale, il contribuerait à décourager la recherche médicale. En faisant des industriels de santé les seuls responsables des conséquences du progrès lorsqu'elles sont dommageables, ce texte incite les investisseurs à orienter leurs financements vers d'autres secteurs que celui de la santé, et les industriels de la santé à adopter des attitudes attentistes face aux nouvelles maladies, aux maladies graves, a fortiori si elles sont rares.
Cette approche, j'en conviens, n'aide pas à construire un droit théorique. Mais, quelles innovations rencontrera-t-on demain pour soigner les maladies rares ? Aucune. En effet, non seulement le marché est étroit, mais tous les bénéfices peuvent être perdus en cas de dommage, même si ce dernier ne peut être anticipé compte tenu des connaissances scientifiques.
Je ne crois pas que notre recherche pharmaceutique soit au beau fixe et bénéficie des conditions les plus favorables. Notre position n'est pas des plus enviables : même si nous sommes en dixième ou en douzième position mondiale, il y a sans doute d'autres choses à faire.
Et quelle innovation rencontrera-t-on demain pour soigner des maladies très répandues ? Aucune non plus, car, si les perspectives de gains sont massives pour l'industrie dans un tel cas, on ne peut demander à un industriel de jouer la survie de son entreprise à quitte ou double à chaque fois qu'il met un médicament sur le marché. En effet, vous le savez bien, un industriel ne peut s'assurer contre un risque qui est non prévisible et dont les conséquences peuvent être aussi massives.
Nous pensons donc qu'il existe, en l'état, un frein à la recherche, de fausses garanties pour les victimes. Ce texte, s'il est adopté par l'Assemblée nationale, cumulera un certain nombre d'inconvénients.
Nous pensons tout de même que la position du Sénat sera largement défendue en commission mixte paritaire. Simplement, nous n'aimerions pas que notre exception française passe par une singularisation, qui semble quelquefois nous autojustifier. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous avions, en première lecture, voté contre cette proposition de loi, pour des raisons que j'ai déjà rappelées dans mon intervention générale.
Le texte avait été, selon nous, amélioré par l'Assemblée nationale, mais le Sénat vient de le ramener à son état précédent.
Logiquement, nous émettrons donc un vote négatif.
M. le président. La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, à l'issue de cette discussion, la situation est la suivante : nous sommes revenus au régime d'exonération par l'adoption de deux amendements de suppression et le dispositif a été complété par l'amendement de MM. Charmant et Autain, un rapport gouvernemental présenté en fin d'année devant nous permettre de savoir si nous allons vers un projet de loi sur l'aléa thérapeutique et peut-être de déterminer plus clairement comment les produits de santé peuvent s'inscrire dans cette démarche.
L'essentiel est donc fait. Nous avons essayé de traduire la directive dans la législation française. Nous l'avons fait plus ou moins parfaitement, parce que le texte n'est peut-être pas tel que certains d'entre nous l'auraient souhaité.
Je voudrais souligner que le système du médicament en France est d'une telle originalité que nous ne pouvons pas forcément répondre par oui ou par non à certaines propositions de l'Union européenne. J'aimerais apporter quelques explications à cet égard.
Je regrette que M. Kouchner ait dû quitter le Sénat, car j'aurais aimé expliquer devant lui un problème qui est d'une brûlante actualité.
Le Gouvernement a eu le courage, dans l'affaire de la vaccination contre l'hépatite B, malgré les rumeurs, malgré la constatation de certains cas de troubles neurologiques dégénératifs, de décider de poursuivre la campagne de vaccination, au nom d'un principe de santé publique, c'est-à-dire pour protéger le plus grand nombre. Nous savons d'ailleurs que certaines vaccinations, autrefois, ont entraîné quelques troubles. Nous l'acceptions. Les médecins, de même, l'acceptaient, parce qu'ils n'ont jamais connu la sécurité du risque zéro, contrairement à ce que l'on a pu dire. Aujourd'hui, les populations l'acceptent moins.
Je souhaite soulever une question à cet égard.
Au cours des trois premières années, le vaccin contre l'hépatite B était d'origine plasmatique : on aurait donc pu concevoir que quelques protéines plasmatiques entraînent certains troubles. Aujourd'hui, le produit est fabriqué par génie génétique, et nous avons donc la garantie presque absolue de l'absence d'impuretés. Et M. Kouchner a proposé très justement que des enquêtes épidémiologiques soient réalisées par les différents organismes dont l'Etat dispose pour assurer, par des voies tout à fait légales, la pharmaco-vigilance et le contrôle de l'évolution de l'utilisation des médicaments.
Toutefois, je pose la question. Nous avons aujourd'hui exonéré le producteur, même si nous ne savons pas trop ce qui se passera dans l'avenir. Mais si, demain, les études épidémiologiques, et je ne le souhaite pas, montraient qu'il existe un réel trouble, si les cas de phénomènes dégénératifs nerveux constatés devenaient plus nombreux qu'on ne l'imaginait, qui serait responsable ? La firme de génie génétique productrice aurait-elle à répondre d'une décision qui aura été prise par les instances de santé publique ? Je dis cela simplement pour que l'on prenne conscience de la complexité du système du médicament.
On nous a proposé une politique du médicament. Nous serons heureux qu'elle soit appliquée. Pour l'instant, elle vise à des accords de production, d'encadrement des prix ; mais le débat d'aujourd'hui nous fait toucher du doigt combien l'aléa médicamenteux, qui s'inscrit dans l'aléa thérapeutique, est complexe.
Pour ma part, je me réjouis de l'adoption de l'amendement de mes collègues MM. Autain et Charmant car, à la fin de l'année, il nous faudra avoir un vrai débat. Aujourd'hui, nous n'avons malheureusement pas résolu le problème. Le Sénat a procédé par soustraction, en supprimant une partie de l'article 12 bis , mais rien n'est véritablement tranché.
Je voterai tout de même le texte tel que le Sénat a fini par l'élaborer.
M. le président. La parole est à M. Louis Boyer.
M. Louis Boyer. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous savons tous que la transposition en droit interne de la directive communautaire du 25 juillet 1985 est impérieuse, puisque la France est susceptible d'encourir des astreintes quotidiennes dont le montant peut atteindre 4 millions de francs. L'adoption de cette proposition de loi s'impose donc à nous.
L'Assemblée nationale a largement pris en compte ce paramètre, puisqu'elle a adopté en deuxième lecture un grand nombre de dispositions conformes.
Le droit français est déjà très protecteur pour les consommateurs. En conséquence, il est important que le Parlement veille à préserver un équilibre entre les intérêts des professionnels et ceux des consommateurs.
C'est en ce sens que la directive institue une responsabilité sans faute du producteur du fait des produits défectueux, mais prévoit un certain nombre de causes d'exonération.
Afin de favoriser l'action de recherche, d'innovation et de mise à disposition rapide des produits pharmaceutiques, d'éviter la flambée du coût des primes d'assurance pour ces industries et, enfin, de ne pas pénaliser et isoler en Europe les entreprises françaises en la matière, je me félicite de l'adoption de l'amendement de suppression de l'alinéa premier de l'article 12 bis, dans la mesure où cette disposition prévoyait un régime spécifique, une exception aux causes d'exonération de responsabilité pour les produits de santé.
Le texte tel qu'amendé par le Sénat poursuit ce but. C'est pourquoi le groupe des Républicains et Indépendants le votera.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Je vous rappelle, mes chers collègues, que notre ordre du jour comporte encore l'examen de deux textes. Aussi vous demanderai-je d'être brefs lors de vos futures interventions !

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