M. le président. « Art. 13. - Il est inséré, dans le même titre, un article 1386-12 ainsi rédigé :
« Art. 1386-12. - La responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d'une personne dont la victime est responsable.
« Constitue une faute de la victime l'utilisation du produit dans des conditions anormales qui n'étaient pas raisonnablement prévisibles par le producteur. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 10 est présenté par M. Fauchon, au nom de la commission.
L'amendement n° 21 est proposé par M. Hyest.
Tous deux tendent à supprimer le second alinéa du texte présenté par l'article 13 pour insérer un article 1386-12 dans le code civil.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 10.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Cet amendement est un exemple intéressant de la sagesse de la commission des lois, ce que j'ai appelé tout à l'heure son double sens de la responsabilité.
L'article 1386-12 du code civil, tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale, dispose que : « la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d'une personne dont la victime est responsable.
« Constitue une faute de la victime l'utilisation du produit dans des conditions anormales qui n'étaient pas raisonnablement prévisibles par le producteur. »
On m'a fait observer qu'il existe des conditions qui ne sont pas raisonnablement prévisibles et contre lesquelles le producteur ne peut rien faire. Prenons l'exemple d'une personne qui conduit un véhicule équipé de pneus à moitié gonflés certes, le producteur peut le prévoir, mais il ne peut l'empêcher.
Dans un premier temps, nous avions pensé retenir la notion de « conditions inévitables pour le producteur », ce qui paraissait raisonnable.
Mais il m'a semblé - je rejoins ici la philosophie déjà exprimée sans succès, hélas ! par M. Jean-Marie Girault et par moi-même, selon laquelle il faut s'en rapporter à la sagesse des tribunaux et qu'il est inutile de chercher à définir la faute de la victime, car nous n'y parviendrons pas - il m'a semblé, disais-je, que mieux vaut supprimer cet alinéa et ne laisser subsister que la notion de faute de la victime, étant entendu que, comme cela figure dans le texte, le juge pourra apprécier si elle est de nature à réduire ou à supprimer la responsabilité du producteur.
C'est dans cet esprit que nous avons présenté cet amendemment. On pourra observer que la commission a adopté une démarche qui prouve son sens de l'équilibre.
M. le président. La parole est à M. Hyest, pour défendre l'amendement n° 21.
M. Jean-Jacques Hyest. M. le rapporteur a expliqué mieux que je n'aurais su le faire les motifs pour lesquels cet ajout de l'Assemblée nationale paraît dangereux. Mieux vaut laisser à la jurisprudence le soin de préciser ce qui constitue une faute de la victime.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 10 et 21 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis favorable sur ces deux amendements identiques, qui visent à supprimer la définition de la faute de la victime. Cette position est sage. Une telle démarche, qui n'est pas usuelle dans le droit de la responsabilité, pourrait en effet être perçue comme réductrice au sens où elle figerait une notion alors que l'objectif recherché est, au contraire, de souligner la diversité des situations.
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 10 et 21, acceptés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'article 13, ainsi modifié.

(L'article 13 est adopté.)

Article 14