M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'outre-mer.
Si chacun fait preuve de concision, nous devrions pouvoir achever l'examen de ces dispositions avant le dîner.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen du budget de l'outre-mer s'inscrit cette année dans un contexte assez particulier dans la mesure où, au-delà des crédits inscrits dans le « bleu », pèse une menace sur le dispositif d'incitation fiscale à l'investissement outre-mer appelé « loi Pons ».
L'importance de cette question me conduira donc, après la présentation des crédits de ce budget, à revenir assez longuement sur ce sujet et à lancer un appel solennel au Gouvernement sur les graves conséquences qu'aurait pour l'outre-mer une décision irréfléchie, pour ne pas dire irresponsable, en la matière.
S'agissant des crédits, tout d'abord, il faut noter que le budget de l'outre-mer s'affiche en forte hausse.
Les crédits demandés au titre de l'outre-mer atteignent en effet, pour 1998, en dépenses ordinaires et crédits de paiement, 5,22 milliards de francs, traduisant une importante progression - 7,27 % - par rapport à la loi de finances initiale pour 1997.
La forte progression du budget de l'outre-mer en dépenses ordinaires et en crédits de paiement traduit un effort accru dans le domaine de l'emploi, avec l'ouverture de crédits pour la mise en oeuvre du plan pour l'emploi des jeunes et le renforcement de l'action en faveur du logement social.
Sans entrer dans le détail, je vous rappelle que ce budget possède trois composantes.
Il comporte, tout d'abord, des dotations regroupées sous la rubrique « Administration générale ». Cet ensemble, qui regroupe près de 20 % des moyens de paiement de ce budget, s'établit à 1,03 milliard de francs dans le projet de loi de finances pour 1998, soit une progression de 2,9 % par rapport à la loi de finances pour 1997.
Dans cet ensemble, je me félicite de la maîtrise des effectifs du ministère de l'outre-mer, qui diminuent de 0,3 %, avec une réduction de dix-neuf emplois.
J'aborderai maintenant la présentation des crédits consacrés aux subventions aux collectivités locales d'outre-mer.
Les dépenses de cet agrégat, qui représentent 3,5 % de ce budget, soit 182,87 millions de francs, regroupent, d'une part, des crédits de fonctionnement et, d'autre part, des crédits d'investissement.
Au sein des crédits de fonctionnement, l'on note une légère progression de ceux qui sont destinés à compenser les pertes de recettes liées aux exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties, qui s'établissent à 32 millions de francs.
Mais l'essentiel concerne les apports aux budgets locaux des territoires d'outre-mer, qui atteignent 124,4 millions de francs et enregistrent une progression de 7,25 millions de francs.
S'agissant de l'investissement, les subventions aux sections décentralisées du FIDOM, le Fonds d'investissement des départements d'outre-mer, poursuivent leur déclin, avec des crédits de paiement en baisse de 50 %, pour s'établir à 15 millions de francs. Pour le FIDES, le Fonds d'investissement pour le développement économique et social des territoires d'outre-mer, la section générale enregistre une diminution de ses crédits de 8,5 millions de francs pour atteindre 131,4 millions de francs, tandis que la section des territoires voit ses moyens augmenter de 3,5 millions de francs pour s'élever à 6,45 millions de francs.
La diminution des crédits de cet agrégat résulte donc très largement de la mise en extinction, engagée voilà deux ans, de la section décentralisée du FIDOM.
J'aborderai maintenant la troisième et principale composante de ce budget : celle des subventions au développement social et économique de l'outre-mer.
Cet ensemble est surtout marqué par l'inscription de 300 millions de francs supplémentaires au titre de la mise en oeuvre du plan pour l'emploi des jeunes au profit du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM. La progression des crédits de ce fonds ainsi que le renforcement des moyens consacrés au logement social expliquent, pour l'essentiel, la progression de ce budget.
J'en viens maintenant, mes chers collègues, à un sujet dont l'importance préoccupe l'ensemble de l'outre-mer français.
Je me tourne vers vous, monsieur le secrétaire d'Etat, pour adresser au Gouvernement un appel solennel à la responsabilité en ce qui concerne la loi Pons. En effet, vous ne pouvez pas laisser remettre en cause l'équilibre d'un système dont la contribution est fondamentale pour le développement de l'outre-mer.
Vous devrez, dans ce domaine, appeler le Gouvernement à faire preuve de discernement et de courage politique. A moins qu'une vision purement métropolitaine de ce sujet ne le conduise, hélas ! par pure démagogie, à accepter une solution dont les conséquences risquent d'être désastreuses pour les fragiles économies de l'outre-mer.
Si le Gouvernement possède réellement une ambition pour l'outre-mer, ce dont je ne doute pas pour ce qui vous concerne, monsieur le secrétaire d'Etat, il doit assumer la haute responsabilité qui est la sienne.
A cet égard, je tiens à dire que le débat qui s'est déroulé à l'Assemblée nationale a constitué un véritable procès en sorcellerie. Il ne faut d'ailleurs pas s'étonner que, le même jour, un article dans un journal du soir ait cité un grand nombre de contrevérités pour préparer l'opinion.
Alors, pour tenter de faire la part des choses, je vais rappeler l'économie du dispositif de la loi Pons, avant de porter une appréciation sur son utilité. En effet, la loi Pons apparaît à beaucoup comme un dispositif mystérieux. Il me paraît donc indispensable de faire la lumière sur celui-ci.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Très bien !
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Ce régime fiscal comporte deux aspects, selon que l'investissement est effectué par une entreprise ou par une personne physique.
Le principe pour les entreprises est une déductibilité de leurs résultats imposables du montant des investissements qu'elles réalisent, de façon directe ou par voie d'apports au capital de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés et qui exercent une activité dans les secteurs éligibles à l'aide.
Les personnes physiques bénéficient, quant à elles, d'une réduction d'impôt pour les souscriptions au capital de sociétés qui réalisent des investissements dans ces mêmes secteurs. Cette réduction d'impôt est égale à 25 %.
Le montant de cette économie d'impôt s'impute par cinquième sur l'impôt dû au titre de l'année de réalisation de l'investissement et les quatre années suivantes.
A cet ensemble s'ajoute la possibilité de déduire les déficits industriels et commerciaux non professionnels du revenu global. C'est, mes chers collègues, la combinaison de ces deux avantages qui est à l'origine du puissant « levier fiscal » d'incitation à l'investissement outre-mer.
Or, l'Assemblée nationale a supprimé ce second étage de l'incitation, ce qui entraînera une forte diminution des investissements.
En effet, la décision d'investir en outre-mer ne relève pas, en général, d'une véritable rationalité économique, dans la mesure où il s'agit d'un contexte très risqué pour l'investissement.
Investir en outre-mer, du point de vue de l'investisseur, relève en effet fondamentalement d'une logique de capital-risque.
Aussi, je ne comprends pas le raisonnement du Gouvernement, qui nous annonce son ambition d'encourager le développement du capital-risque et qui, parallèlement, lorsque celui-ci existe, voudrait le décourager.
Il y a là une subtilité qui m'échappe, mais peut-être pourrez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, expliquer au Sénat la cohérence de la démarche du Gouvernement dans ce domaine.
Les « marchés » que constituent ces territoires comportent en effet des caractéristiques difficiles dues, en particulier, à leur faible dimension et à l'environnement très concurrentiel dans lequel il se trouvent.
C'est pourquoi on ne peut accepter de prendre le risque de mettre en cause, sans réflexion préalable sur les modalités de sortie du système, un mécanisme qui canalise 5,6 milliards de francs vers l'outre-mer, soit un montant supérieur au budget dont nous avons à connaître. Je rappelle que la sortie de la loi Pons est pour 2001. Nous vous demandons, par conséquent, avant de remettre en cause ce qui existe, de trouver un substitut qui soit satisfaisant pour tout le monde.
Avant de terminer, je voudrais citer les conclusions du rapport rédigé par M. Alain Richard en 1991, alors qu'il était rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale - nous connaissons tous sa probité, et nous avons pu l'apprécier ici comme collègue à la commission des finances - à une époque où le rigoureux mécanisme d'agrément par les services fiscaux n'existait pas.
S'agissant de la décision d'investir, Alain Richard note en effet que « l'abaissement du seuil de rentabilité est la condition sine qua non de la réalisation effective de l'investissement ».
S'agissant des effets de l'aide fiscale, il ajoute que « la défiscalisation a tout de même un mérite inestimable comparée à la subvention. Elle ne correspond pas à une logique d'assistance. Au contraire, elle stimule l'initiative et favorise les adaptations. S'il s'agit d'une aide dispendieuse, et personne ne peut le contester, il n'en reste pas moins qu'elle soutient un développement économique plus sain que celui qui résulte des simples transferts sociaux ».
Je pense, mes chers collègues, que tout a été dit. J'en appelle donc encore une fois à votre sens de la responsabilité, car vous ne pouvez pas condamner l'outre-mer français à un assitanat qu'il récuse. Il en va de sa dignité et de son avenir.
Enfin, je souhaite, au-delà de ce budget, rappeler l'esprit qui anime la démarche du Sénat sur l'ensemble de ce projet de loi de finances.
La volonté du Sénat est de montrer au pays qu'il existe une alternative à la croissance permanente de la dépense publique et, avec elle, des prélèvements obligatoires.
Cette croissance n'est pas une fatalité ; elle est, hélas ! le résultat de la facilité, qui consiste à ne jamais s'interroger globalement sur la cohérence des structures et sur les moyens de les rationaliser.
Or, nous possédons un devoir de responsabilité envers les générations futures, car nous n'avons pas le droit de leur léguer les dettes générées par notre incapacité à réformer l'Etat et à réduire la dépense publique.
C'est pourquoi la commission des finances demandera au Sénat d'adopter les crédits de l'outre-mer pour 1998, sous réserve de l'adoption des deux amendements de réduction de crédits. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Désiré, rapporteur pour avis.
M. Rodolphe Désiré, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'exercice qui consiste à devoir présenter en quelque cinq minutes les dotations budgétaires destinées à l'ensemble de l'outre-mer m'apparaît chaque année plus périlleux, compte tenu de la diversité et de la complexité des situations politiques et économiques de chaque département ou territoire.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez sauvegardé, voire renforcé, l'essentiel des priorités qui structurent l'action des pouvoirs publics pour l'outre-mer.
Si votre budget augmente de 7,27 %, pour s'établir à 5,22 milliards de francs, il faut noter que les crédits consacrés à la résorption de l'habitat insalubre sont simplement transférés du ministère du logement, à budget constant.
En revanche, l'application dans les départements d'outre-mer de la mise oeuvre du plan pour l'emploi des jeunes se traduit par une mesure nouvelle de 300 millions de francs.
Au-delà, les actions prioritaires de votre ministère sont maintenues, à savoir la lutte pour l'emploi et l'insertion. Mais, en dehors du plan emploi-jeunes, le budget du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer est en diminution et ne financera que 48 500 solutions d'insertion au lieu de 66 200 contrats aidés en 1996. Le plan emploi-jeunes apporte, certes, des réponses supplémentaires, mais il entraîne la diminution des crédits prévus sur un dispositif existant.
Vous confirmez également votre engagement en matière de logement social, en étendant, comme en métropole, la réduction du taux de TVA aux travaux de rénovation et de réhabilitation menés sur le logement social.
Cette harmonisation des taux devrait faciliter la remise en état du parc existant et la progression des crédits de paiement permettra de financer effectivement plus de 17 000 opérations de constructions neuves et de réhabilitations en 1998.
Le budget de 1998 vous permet également de respecter les engagements contractuels de l'Etat dans le cadre du XIe plan et des conventions signées avec les territoires d'outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte.
Outre les opérations contractualisées avec chacun des départements d'outre-mer, il faut souligner l'engagement public important en faveur de la Guyane et, s'agissant des territoires d'outre-mer, la reconduction des crédits pour la Nouvelle-Calédonie.
Mais, étant donné la gravité de la crise économique dans les départements et les territoires d'outre-mer, l'impact de ces crédits budgétaires reste très insuffisant et ponctuel.
Les points noirs des économies des départements d'outre-mer sont malheureusement bien identifiés, et demeurent.
Citons le poids très important des transferts publics en provenance de la métropole, puisque le solde net est évalué à 35,8 milliards de francs en 1996. Cela représente, par exemple, 44 % du produit intérieur brut de la Réunion.
Citons également la dégradation continue du marché de l'emploi, ce qui témoigne de l'incapacité des économies locales à absorber la progression rapide de la population active du fait non seulement de la forte proportion de jeunes, mais aussi du mal-développement de ces territoires. Le chômage s'élève à plus de 40 % à la Réunion, et il avoisine les 30 % en Guadeloupe, à la Martinique et en Guyane.
S'agissant des territoires d'outre-mer, les revalorisations salariales ont souvent eu pour conséquence d'aggraver le déséquilibre de la balance des échanges, et l'activité économique reste très dépendante de la commande publique.
Vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'Etat, que, dans ce contexte, je ne me résigne pas à la remise en cause aussi brutale, sans véritable concertation avec les élus et sans véritable transparence en termes d'impact, du dispositif de défiscalisation pour l'outre-mer, et cela d'autant que ce dispositif a été conçu pour compenser l'étroitesse du marché, pour faire face au coût de la main-d'oeuvre - coût qui est supérieur à celui de la métropole si l'on tient compte de la productivité - ainsi que pour compenser la cherté ou l'absence d'un véritable crédit bancaire.
Je souhaite à ce propos, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous me donniez quelques indications sur la situation du système bancaire à la Martinique, en particulier celle du Crédit martiniquais, qui est aujourd'hui, nous le savons, en fâcheuse posture.
On ne peut décider d'interrompre ainsi un outil de développement économique qui aurait permis de drainer, d'ici à 2002, plus de 20 milliards de francs sur des investissements productifs, à comparer aux 11 milliards des fonds structurels européens et aux 8 milliards des contrats de plan sur la période 1994-1999.
Nous sommes parvenus au terme de la logique de la départementalisation. Engagé en 1945, le processus conduisant à l'égalité sociale s'est achevé en 1995, soit cinquante ans plus tard.
Il faut aujourd'hui procéder à un rattrapage économique suffisant par le biais d'investissements productifs massifs pendant au moins vingt ans si l'on veut obtenir des résultats probants - Porto Rico, île des Antilles voisine de la Martinique et dépendante des Etats-Unis, a bénéficié d'une loi de défiscalisation de 1945 à 1996, en vertu du fameux article 936 -, notamment dans le tourisme, le commerce, les industries de transformation et l'artisanat.
Ce dispositif devra être pérenne et prendre en compte la spécificité de nos départements, à l'instar de ce qui se fait aux Açores, aux Canaries et à Madère pour soutenir des économies qui sont fondées sur le tourisme et qui sont, aujourd'hui, les concurrents directs de nos départements et territoires d'outre-mer sur le marché européen.
Cette loi de développement économique ne doit pas se traduire par plus de transferts sociaux. Elle doit, au contraire, se traduire par le soutien à des investissements productifs et créateurs d'emplois ainsi que par l'instauration d'un véritable statut fiscal et d'une banque de développement pour l'outre-mer.
En conclusion, la commission des affaires économiques, considérant que la remise en cause du dispositif de défiscalisation risquait de déstabiliser les économies de l'outre-mer, a émis un avis défavorable sur les crédits de ce ministère, malgré ma proposition de s'en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée.
Pour ma part, monsieur le secrétaire d'Etat, conscient des efforts que vous avez personnellement fournis et que vous déploierez encore pour défendre les intérêts de l'outre-mer, je vous assure de toute ma confiance. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Lagourgue, rapporteur pour avis.
M. Pierre Lagourgue, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a noté les efforts consentis en matière d'emploi et de logement dans les crédits consacrés aux départements d'outre-mer pour 1998, mais elle a aussi relevé des insuffisances regrettables dans ces deux domaines.
Si le budget de l'outre-mer progresse de 7,3 % par rapport à l'an dernier, ce dont nous ne pourrions que nous réjouir, cette amélioration ne doit pas faire illusion puisque l'essentiel de la hausse des crédits résulte de l'intégration des dotations affectées au financement des emplois-jeunes, qui auraient pu provenir du ministère technique, c'est-à-dire de celui du travail.
Ainsi, le fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM, augmente de 14 % par rapport à la loi de finances initiale de 1997, grâce aux 300 millions de francs consacrés aux emplois-jeunes ; mais, si l'on retranche cette dotation, les crédits du FEDOM sont en très légère régression, certaines mesures, telles que les contrats emploi-solidarité, risquant même de marquer un recul certain.
Il y a donc un redéploiement des crédits entre les différentes mesures pour l'emploi, et l'intégration de 300 millions de francs pour les emplois-jeunes masque en fait une réduction des crédits du FEDOM affectés aux contrats préexistants. Et nous n'oublions pas l'annulation, en juillet dernier, de 100 millions de francs au chapitre du FEDOM pour 1997 !
Cela confirme notre inquiétude quant à l'utilisation des crédits du FEDOM : ces crédits étant fongibles, rien n'interdit que le développement des emplois-jeunes se fasse au détriment du financement des autres mesures pour l'emploi ou l'inverse. Le Gouvernement nous a donné l'assurance verbale qu'il n'en sera rien, et que la dotation affectée aux emplois-jeunes pourrait être abondée en cours d'année, au fur et à mesure des nouveaux besoins. Nous en prenons acte.
Enfin, monsieurs le secrétaire d'Etat, plus d'un mois et demi après la publication de la loi sur les emplois-jeunes, nous attendons toujours la parution du décret spécifique pour l'outre-mer.
S'agissant des autres mesures concernant l'emploi, la commission des affaires sociales a noté avec satisfaction l'augmentation des dotations affectées à la formation et à la promotion des travailleurs d'outre-mer, alors que, paradoxalement, l'agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer, l'ANT, qui est précisément chargée de ces actions, enregistre une diminution de ses crédits.
Enfin, le présent projet de loi de finances comporte un article consacré aux aides fiscales à l'investissement en outre-mer, évoqué longuement par M. le rapporteur spécial.
Si la commission des affaires sociales approuve la prise en compte de l'impact sur l'emploi dans la procédure d'agrément, en revanche, elle exprime les plus grandes craintes quant à la modification apportée par l'Assemblée nationale, qui supprime l'attrait principal du dispositif d'incitation à l'investissement.
Nous avons, grâce au rapporteur spécial de la commission des finances, rétabli, en l'accompagnant de conditions plus strictes, la disposition prévue initialement par le Gouvernement. Cependant, si l'Assemblée nationale maintient en nouvelle lecture sa position, nous ne doutons pas qu'il en résultera, inéluctablement, une baisse des investissements et, par voie de conséquence, une baisse des emplois. C'est pourquoi votre soutien, dans ce dossier, nous est indispensable, monsieur le secrétaire d'Etat.
Nos préoccupations sont d'autant plus vives que la situation du chômage en outre-mer s'aggrave dangeureusement d'année en année : il atteint 40 % de la population active à la Réunion et varie entre 25 % et 30 % dans les autres départements !
S'agissant du logement, je constate que l'effort est maintenu mais sans élan nouveau, car la ligne budgétaire unique, la LBU, gagne en crédits de paiement ce qu'elle perd en autorisations de programme.
Les orientations vont, certes, dans le bon sens, grâce, par exemple, au crédit de 96 millions de francs consacré à la résorption de l'habitat insalubre ou à la baisse de 2,1 % du taux de TVA applicable au logement social.
Toutefois, les difficultés de l'habitat outre-mer persistent, et cela pour plusieurs raisons : l'ampleur des besoins ; le manque de terrains et d'aménagement à des prix raisonnables ; enfin, les difficultés de partenariat entre les établissements finançant le logement social et les opérateurs - je vous rappelle à ce sujet que le prêt à taux zéro ne se met que trop lentement en place dans les DOM.
Il y a donc un réél problème du logement outre-mer. A la Réunion, par exemple, les chiffres concernant la programmation des logements sociaux pour 1997 sont consternants puisque, au 30 juin dernier, 381 logements seulement, contre 915 l'an dernier à la même époque, ont fait l'objet d'un appel d'offres. Par ailleurs, le taux de lancement des programmes s'établit à 3 %, contre 7,5 % en 1996 et 12 % en 1995. Je précise qu'il s'agit des chiffres officiellement cités par le syndicat du bâtiment.
Compte tenu de l'ensemble de ces difficultés, l'envoi d'une mission d'étude sur le logement dans les DOM me paraît s'imposer, notamment afin de déterminer les raisons du retard dans l'utilisation des crédits de la LBU.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Pierre Lagourgue, rapporteur pour avis. En conclusion, monsieur le président, compte tenu de la progression des crédits inscrits au projet de budget de l'outre-mer, mais aussi des interrogations sur les moyens qui seront effectivement mis en oeuvre en faveur de l'emploi et du logement dans les DOM, la commission des affaires sociales a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat. (M. Victor Reux applaudit.)
Permettez-moi, avant de quitter cette tribune, monsieur le président, d'émettre le regret que nous n'ayons que cinq minutes pour nous exprimer.
M. le président. Mais vous pourrez vous exprimer de nouveau tout à l'heure, monsieur Lagourgue, puisque vous êtes inscrit dans la discussion à titre personnel !
La parole est à M. Blaizot, rapporteur pour avis.
M. François Blaizot, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour les départements d'outre-mer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les moyens mis à la dispositon des départements d'outre-mer au cours de l'exercice 1998, tels qu'ils sont inscrits au projet de budget, ont été considérés par la commission des lois comme relativement satisfaisants, compte tenu de la rigueur budgétaire que nous devons respecter.
Ces moyens ne figurent pas dans le seul budget de l'outre-mer, car tous les ministères ont des responsabilités dans ces départements ; on notera pourtant que la part relevant directement de votre département ministériel, monsieur le secrétaire d'Etat, va constamment en croissant. Elle atteindra cette année 11,16 %, alors qu'elle était inférieure à 10 % l'an dernier. Nous nous en réjouissons dans la mesure où il s'ensuivra un surcroît de cohérence dans l'action ministérielle.
Cet accroissement de la part des crédits qui relèvent de votre autorité résulte évidemment des transferts qui vous sont consentis par certains de vos collègues, notamment les ministres chargés de l'emploi et du logement.
Le montant total des crédits dont l'outre-mer bénéficiera en 1998 est arrêté à 37,053 milliards de francs, marquant une croissance de 3,16 % par rapport à 1997 ; sur ce total, les crédits sur lesquels s'exerce directement votre autorité passent de 3,51 milliards à 4,13 milliards de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit une croissance de 7,55 %, ce qui peut vous satisfaire puisque, indiscutablement, c'est une des plus importantes que l'on puisse trouver dans le budget pour 1998.
Pourtant, ce tableau favorable comporte une ombre, celle des autorisations de programme, qui régressent de 5,7 %. Nous pouvons en déduire, pour le regretter, monsieur le secrétaire d'Etat, que les engagements d'investissements seront réduits en 1998, et nous souhaiterions que vous nous rassuriez sur ce point. En effet, il est certain que les retards de l'outre-mer en équipements et services n'autorisent pas un ralentissement de l'effort de l'Etat dans les prochaines années.
Le domaine sur lequel porte le présent avis n'est constitué que par les quatre départements d'outre-mer, ainsi que par les deux collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Sur ces domaines limités, l'examen s'étendra aux seules actions du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, du ministère de l'intérieur et du ministère de la justice, dont les compétences intéressent plus particulièrement la commission des lois.
Pour ce qui est des crédits de votre département ministériel, monsieur le secrétaire d'Etat, les priorités d'emploi des moyens de paiement que vous avez retenues n'ont pas suscité d'observations de la part de la commission des lois. La principale objection soulevée a trait aux crédits d'engagement que j'ai évoqués plus haut, ainsi qu'aux conditions de liquidation du FIDOM décentralisé ; pour lequel il apparaissait, les années précédentes, un grave retard de crédits de paiement, et dont la liquidation n'a pas été clairement confirmée et se perd un petit peu dans le brouillard.
Les crédits inscrits au budget du ministère de l'intérieur doivent permettre à celui-ci d'assurer aux collectivités locales les paiements auxquels elles peuvent prétendre au titre des dotations globales : dotation globale de fonctionnement, dotation de développement rural, dotation du fonds national de péréquation, dotation du fonds de compensation pour la TVA et dotation spéciale instituteur.
Ces crédits sont en hausse de 0,35 %. Ils permettront tout au plus d'honorer les obligations de l'Etat à l'égard des communes telles qu'elles résultent du dispositif général de ces dotations.
En ce qui concerne la justice, les moyens de paiement augmentent de 8,83 %, se situant dans la ligne des accroissements des années précédentes, ce dont on ne peut que se réjouir.
Ils sont affectés au renforcement des effectifs des tribunaux et de l'administration pénitentiaire, ainsi qu'à l'achèvement des investissements immobiliers : nouveau palais de justice à Fort-de-France, extension de celui de Basse-Terre, mise en service du centre pénitentiaire de Rémiré-Montjoly en Guyane, rénovation de la maison d'arrêt de Basse-Terre et de l'ancien centre agricole de la plaine des galets à la Réunion. Ces renforcements étaient nécessaires, et leur mise en oeuvre récente doit être saluée.
Toutefois, ces équipements n'achèvent pas les programmes reconnus comme nécessaires, notamment en matière de locaux pénitentiaires, dont la suroccupation est toujours importante, malgré de nouvelles constructions. Or, les autorisations de programme en provenance du ministère de la justice seront réduites de 80 %. On peut être préoccupé par une perspective de ralentissement brutal du programme lancé ces dernières années, si heureusement.
La délinquance tend à se stabiliser mais à un niveau supérieur à celui de la métropole, la situation la plus détériorée étant celle de la Guyane. On ne peut donc pas se permettre de ralentir les efforts destinés à lutter contre cette délinquance et à donner suite aux condamnations qui peuvent être prononcées.
Les effectifs de fonctionnaires d'Etat dans les départements d'outre-mer resteront globalement stables ; les crédits augmentent de 1,52 %. Le problème principal qui se pose - nous en avons parlé en commission, monsieur le secrétaire d'Etat - est celui de la surrémunération des fonctionnaires, qui tend à dérégler la vie économique et à peser sur les budgets des collectivités locales. Le rapport Pêcheur a préconisé une opération de suppression progressive de cette surrémunération pour les nouveaux recrutés, mais la protestation des fonctionnaires concernés a été très vive ; aucune décision ne semble avoir été prise et la commission des lois souhaiterait beaucoup, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous fassiez connaître vos intentions à ce sujet.
M. le président. Je vais vous demander de conclure, mon cher collègue.
M. François Blaizot, rapporteur pour avis. Je termine, monsieur le président.
Sur le plan des institutions, je tiens à signaler l'avancée substantielle qu'a constituée la reconnaissance, dans le traité d'Amsterdam, du statut des régions ultrapériphériques. Il en résultera la possibilité de mettre en oeuvre des politiques spécifiques en faveur de ces départements pour tenir compte de leurs handicaps.
Je voudrais dire un mot de la loi sur l'aménagement du territoire, que le précédent gouvernement avait décidé de faire entrer en application dans les départements et territoires d'outre-mer, ce qui ne semble plus être le cas actuellement. Nous aimerions savoir ce qui a été décidé sur ce sujet. Nous aimerions savoir également ce qui sera fait à l'égard de Mayotte et ce qu'il en est de la promesse du Président de la République de procéder à une consultation de la population avant l'an 2000.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez confirmé...
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, je vous en prie, veuillez conclure.
M. François Blaizot, rapporteur pour avis. ... que vous étiez sensible à la situation de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin. Nous aimerions que vous nous donniez quelques précisions à ce sujet.
Pourriez-vous également nous dire quelles dispositions seront prises par ordonnance ? Vous avez déjà donné quelques indications à cet égard, mais la commission des lois exerce dans ce domaine une responsabilité particulière et elle aimerait être éclairée.
Sous le bénéfice de ces observations, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la commission des lois a décidé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de l'outre-mer, tout en s'associant aux quelques restrictions que prévoit la commission des finances. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Girault, rapporteur pour avis.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour les territoires d'outre-mer. Le rationnement des temps de parole...
M. le président. Il ne dépend pas de moi, mon cher collègue ; c'est le règlement.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur pour avis. ... me dispensera de saluer chacune et chacun, mais le coeur y est ! (Sourires.)
Chaque année, l'examen du budget est l'occasion pour la commission des lois de faire le point sur la situation politique et institutionnelle des territoires d'outre-mer, ainsi que sur les textes qui leur ont été étendus.
L'activité législative concernant ces territoires avait été particulièrement riche en 1996, avec la ratification de deux ordonnances y actualisant la législation pénale, l'adoption du nouveau statut d'autonomie de la Polynésie française et, enfin, l'adoption d'une « loi balai » portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer.
Si la production législative a été moins abondante en 1997, un texte d'importance a cependant été adopté, dont l'objet essentiel était de valider une délibération de l'assemblée de la Polynésie française instituant une contribution de solidarité territoriale, la fameuse CST3, destinée à financer le régime de protection sociale généralisée.
Comme l'avait fait valoir notre excellent collègue Lucien Lanier, rapporteur de cette proposition de loi organique, il s'agissait d'assurer la pérennité de ce régime, qui constitue une composante essentielle de l'autonomie territoriale renforcée, consacrée par la statut du 12 avril 1996.
Le 19 novembre dernier, le Conseil constitutionnel a déclaré la loi organique conforme à la Constitution. Il a en effet considéré, d'une part, que le législateur avait « entendu prévenir le développement de contestations dont l'aboutissement aurait pu porter atteinte à la continuité du service public de la protection sociale sur le territoire de la Polynésie française » et, d'autre part, que la délibération, en déterminant « l'assiette et le taux des différentes contributions selon des modalités adaptées aux spécificités de chaque catégorie de revenus », respectait le principe d'égalité devant les charges publiques.
Bien qu'il ne m'appartienne pas de commenter une décision juridictionnelle, je tenais à souligner l'importance d'une telle validation pour le développement de la Polynésie française et je me félicite que les « intérêts propres » de ce territoire aient été pris en considération.
Au-délà de l'autonomie institutionnelle, c'est un développement équilibré du territoire qui doit être recherché à la suite du démantèlement du centre d'expérimentation du Pacifique consécutif à l'arrêt des essais nucléaires.
A cet égard, il apparaît urgent de doter les communes polynésiennes des moyens qui leur font aujourd'hui défaut. Sur ce point, nous avons bien pris acte, monsieur le secrétaire d'Etat, de l'engagement pris par le Gouvernement de déposer avant la fin du deuxième trimestre de l'année 1998 un projet de modernisation de l'institution communale ; c'est en effet important.
Concernant la Nouvelle-Calédonie, l'échéance fixée par l'article 2 de la loi référendaire du 9 novembre 1988 pour l'organisation du scrutin d'autodétermination est désormais très proche.
On se rappelle que le FLNKS - Front de libération nationale Kanak et socialiste - avait fait du règlement du dossier minier un préalable à la reprise des négociations politiques sur l'avenir institutionnel du territoire. Or, ces négociations sont suspendues depuis le mois d'avril 1996. Un accord venant d'être conclu, sur la base du rapport établi par M. Philippe Essig, concernant la création d'une usine de traitement du nickel dans la province Nord, ces négociations devraient pouvoir reprendre prochainement.
Les partenaires signataires des accords de Matignon réaffirment d'ailleurs régulièrement leur attachement à une solution consensuelle qui permettrait d'éviter un référendum couperet.
Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous donner quelque indication sur le calendrier prévisionnel de ces pourparlers ? Depuis que vous avez été entendu par la commission des lois, les choses ont peut-être avancé, que ce soit discrètement ou publiquement.
Etes-vous en mesure de nous dire si les évolutions statutaires envisagées nécessiteront une révision constitutionnelle ?
Vous invitant à me suivre maintenant en un autre point de la planète, j'évoquerai la situation d'un territoire d'outre-mer un peu particulier puisqu'il est dépourvu d'institution délibérante : je veux parler des Terres australes et antarctiques françaises, haut lieu de la recherche dans le domaine des sciences de l'univers et des sciences de la vie.
On appelle parfois le continent Antarctique, où se trouve la terre Adélie, « la dernière île ». Il suffit d'examiner une mappemonde pour se convaincre de la justesse de cette expression !
Les programmes mis en oeuvre, tels que le forage de la calotte glaciaire, qui devrait intervenir au lieudit « dôme C » d'ici à quelques mois, permettent d'acquérir une meilleure connaissance de l'histoire de notre planète et de l'évolution des climats.
Le maintien de la présence française, à côté d'autres nations, dans cette région du monde me paraît répondre à des enjeux stratégiques tout à fait essentiels. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous fassiez part des conclusions du groupe de réflexion créé au mois d'avril pour procéder à une analyse d'ensemble des missions et des moyens du territoire des Terres australes et antarctiques françaises.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a émis un avis favorable quant à l'adoption des crédits consacrés aux territoires d'outre-mer, sous réserve des modifications proposées par la commission des finances pour le budget de l'outre-mer.
Je me félicite d'avoir appliqué la discipline instaurée par le bureau du Sénat : ainsi, vous n'avez pas eu à me rappeler à l'ordre, monsieur le président. (Sourires. - Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 51 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 35 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 29 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 15 minutes.
La parole est à M. Lise.
M. Claude Lise. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'aborde, je l'avoue, ce débat, avec des sentiments très partagés. C'est que les motifs de satisfaction que je trouve à l'examen du budget de l'outre-mer ne parviennent pas à dissiper les craintes que m'inspire l'évolution de la situation dans les départements d'outre-mer, plus particulièrement dans celui que je représente ici, la Martinique.
Des motifs de satisfactions, oui, il y en a, monsieur le secrétaire d'Etat, dans le budget que vous nous présentez, et d'abord dans le fait même qu'il progresse.
Dans l'ambiance budgétaire actuelle, marquée par une volonté gouvernementale très forte de réduire les dépenses afin d'assainir les comptes publics, cela n'allait pas forcément de soi.
Evidemment, on peut toujours s'interroger sur le taux réel d'évolution de ce budget, mais ce qu'il importe en l'occurrence de retenir, me semble-t-il, c'est qu'il augmente plus cette année que l'ensemble du budget de l'Etat. D'autres départements ministériels ne bénéficient certes pas du même traitement !
Cela signifie que le Gouvenement a bien conscience de ce que l'oute-mer mérite une attention particulière. Cela signifie aussi, j'ai plaisir à le souligner, que nous avons un secrétaire d'Etat déterminé à défendre les intérêts des départements et territoires dont il a la charge, avec toute la force de conviction que cela nécessite !
Autres motifs de satisfaction : les orientations et priorités retenues pour 1998.
Une priorité est ainsi reconnue, d'abord, à l'emploi, problème majeur, angoissant s'il en est, dans tout l'outre-mer.
En Martinique, malgré le dynamisme incontestable des acteurs économiques, que traduit la forte création d'emplois à laquelle on a assisté au cours de la dernière décennie, le taux de chômage dépasse 28 %.
En attendant la définition et la mise en oeuvre d'un vrai plan global de développement, tout ce qui peut aider à améliorer la situation est évidemment bienvenu. C'est le cas du plan emploi-jeunes.
J'apprécie donc, monsieur le secrétaire d'Etat, votre détermination à faire en sorte que les 300 millions de francs que vous avez pu obtenir pour l'outre-mer soient utilisés avec un maximum d'efficacité. Les emplois ainsi créés n'auront pas pour seul effet de réduire sensiblement le nombre de chômeurs, ils contribueront - et c'est là pour moi l'essentiel - à relancer une dynamique de l'espoir au sein d'une jeunesse, qui, on le comprend, est de plus en plus tentée de perdre confiance en l'avenir.
A côté de l'emploi, vous mettez en avant l'insertion. Il s'agit d'un domaine où les besoins sont encore considérables puisque le nombre d'allocataires du RMI n'a toujours pas cessé de croître.
En l'espèce, le plus urgent est non d'augmenter les crédits, mais d'évaluer le fonctionnement des agences d'insertion mises en place en 1994.
Vous connaissez mon point de vue sur ce sujet, monsieur le secrétaire d'Etat : on ne peut faire efficacement de l'insertion au moyen de structures aussi lourdes, enserrées dans un carcan de procédures aussi rigides et sur lesquelles s'exerce une tutelle aussi lointaine.
Pour s'en tenir aux contrats d'insertion par l'activité, en 1996, seulement 9 000 de ces contrats ont été mis en oeuvre dans les quatre départements d'outre-mer, ce qui, ne nous y trompons pas, ne veut nullement dire que 9 000 allocataires en ont bénéficié, un même allocataire ayant souvent la possibilité de renouveler son contrat en cours d'année.
J'approuve donc la décision que vous avez prise de réclamer un rapport conjoint à l'inspection générale des finances, à l'inspection générale de l'administration et à l'inspection générale des affaires sociales.
Je souhaite très vivement, vous vous en doutez, qu'en ressortent des conclusions dégagées, autant que possible, de toute langue de bois administrative et susceptibles de permettre d'envisager une réforme en profondeur du système des agences d'insertion.
Il ne s'agit aucunement, je tiens à le préciser, de mettre en cause les directions et les personnels des agences. Ils font de leur mieux ! C'est l'instrument qui est mal adapté à la mission qu'on lui assigne.
Autre priorité : le logement social. Là aussi, l'ampleur des besoins est parfaitement connue.
En Martinique, malgré la forte implication du conseil général au côté de l'Etat, le nombre de logements neufs construits est de 2 000 par an, quand il en faudrait 4 000 !
Je me félicite donc de l'augmentation de 105 millions de francs des crédits de paiement inscrits au titre de la ligne budgétaire unique. Il ne faut pas oublier que, l'année dernière, nous déplorions une baisse de 25 % de ces crédits.
En ce qui concerne les autorisations de programme, si l'on tient compte de l'effort, tout à fait justifié, consenti pour les opérations de résorption de l'habitat insalubre, elles n'accusent qu'une baisse légère, que pourra certainement compenser la réduction du taux de TVA.
J'aurais souhaité, bien sûr, un effort plus important dans ce domaine. Cependant, là encore, ce dont il faut certainement le plus se préoccuper, c'est de l'amélioration des procédures et de l'adaptation des produits aux différents types de besoin et aux différentes catégories sociales concernées.
Enfin, je ne peux qu'approuver la volonté affichée de respecter les engagements pris dans le cadre des contrats de plan, qui se traduit par une augmentation de 6,7 % des crédits de paiement du FIDOM, qui avaient chuté l'année dernière de 40 %.
Je regrette seulement que le FIDOM décentralisé n'ait pas réapparu, ne serait-ce que pour affirmer, à l'inverse de ceux qui l'avaient supprimé, une volonté politique de respecter l'esprit de la décentralisation.
J'aurais aimé, monsieur le secrétaire d'Etat, conclure cette rapide analyse de votre budget sur cet ensemble de constats essentiellement positifs.
Je dois cependant manifester mon désaccord sur un point : il s'agit de la nouvelle baisse de 11 % des crédits de l'ANT, l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer. Cette baisse aboutit à mettre un terme définitif aux quelques rares actions d'insertion sociale qu'effectuait encore cet organisme.
L'ANT n'a plus désormais qu'une unique mission d'insertion professionnelle.
Il s'agit de l'aboutissement d'une politique qui repose sur une idée particulièrement fausse : celle qui consiste à croire qu'avec l'« égalité sociale » ont disparu toutes les spécificités et donc tous les problèmes spécifiques que peuvent rencontrer les originaires d'outre-mer résidant en France.
Les conséquences se font déjà durement sentir sur le terrain : il suffit d'interroger les travailleurs sociaux pour s'en convaincre. Il faut souhaiter que l'on ne paie pas trop cher, à terme, le prix de cet aveuglement.
Après cette rapide analyse du projet de budget de l'outre-mer, je voudrais maintenant vous faire part des craintes que m'inspire l'évolution de la situation dans nos départements d'outre-mer.
J'ai le sentiment, en effet, que l'on y assiste depuis quelque temps à une véritable montée des périls, dont on ne paraît pas toujours bien prendre la mesure ici.
C'est le cas, notamment, dans le domaine économique, avec la conjonction de trois dossiers extrêmement sensibles : l'octroi de mer, l'OCM-banane - organisation commune du marché de la banane - et la défiscalisation.
Le sort de l'octroi de mer dépend, vous le savez, d'une décision que doit rendre très prochainement la Cour européenne de justice.
Sa suppression serait une catastrophe pour nombre de nos productions locales, et aussi pour le budget de nos communes.
Dans le même temps, l'Organisation mondiale du commerce a fait condamner des dispositions importantes de l'OCM-banane. La menace pèse sur un secteur essentiel de l'économie de la Martinique et de la Guadeloupe, compte tenu des dizaines de milliers d'emplois concernés par cette activité, mais aussi du flux d'exportations auquel elle donne lieu.
A ces deux menaces est venue s'en ajouter une troisième, qui a déjà été évoquée : la réforme du système de défiscalisation des investissements productifs outre-mer.
Cette réforme, dont l'objectif affiché est de moraliser le dispositif en vigueur, a été malheureusement lancée dans la précipitation, sans études sérieuses préalables. Elle risque en réalité, cela a été souligné, de casser un flux d'investissements important.
La conjonction de ces trois affaires crée évidemment un climat d'incertitude et de déstabilisation qui s'étend bien au-delà des seules sphères économiques concernées.
Cette situation est d'autant plus génératrice de malaise profond que l'on a le sentiment que chacun de ces dossiers est traité séparément et de façon essentiellement technique. Elle réclame donc une réponse politique globale, cohérente et claire au plus haut niveau.
Sur les dossiers où le Gouvernement est tributaire de ses partenaires dans le cadre d'accords internationaux, cela ne peut, bien entendu, se traduire que par l'affichage d'une position extrêmement ferme, ou alors par la définition de nouvelles perspectives pour demain.
Dans le cas de la défiscalisation, cela doit donner lieu à une décision claire. Si celle-ci va dans le sens d'une remise en cause, cela doit être dit franchement et, me semble-t-il, être assorti de propositions de compensation, sous la forme, par exemple, d'un fonds de développement recueillant les sommes économisées.
Mes chers collègues, ces dossiers que je viens d'évoquer et sur lesquels sont braqués les feux de l'actualité ne sont malheureusement pas les seuls à assombrir le paysage économique et social et, par voie de conséquence, la politique des départements d'outre-mer.
Dans chacun de ces départements, un certain nombre de dossiers, plus locaux, entretiennent un climat de crise larvée.
En Martinique, on peut citer, par exemple, la situation extrêmement préoccupante des hôpitaux, le problème aigu des transports publics ou encore celui des cinquante pas géométriques ; mais il y en a bien d'autres !
A la base, on retrouve toujours le même enchaînement. Des erreurs sont commises à une certaine époque par l'administration. Une surdité totale est opposée ensuite par ces mêmes administrations, mais aussi, souvent, par les cabinets ministériels, aux analyses et aux propositions des élus. Des décisions sont prises à Paris, sans aucune concertation, par des technocrates peu au fait des réalités locales. Enfin, l'on envoie périodiquement, au moment des crises aiguës, des missions d'études dont les conclusions ne débouchent souvent sur rien de concret.
En réalité, les choses n'avancent jamais qu'à la suite de mouvements sociaux extrêmement durs. On fait alors n'importe quoi dans la précipitation.
Tout cela appelle, il faut s'en rendre compte, un changement profond dans la façon d'aborder les problèmes de nos régions.
Il faut en finir avec la politique du coup par coup.
Il faut en finir avec le traitement cloisonné et technocratique de nos problèmes. A cet égard, nous comptons beaucoup, monsieur le secrétaire d'Etat, sur vous et sur vos collaborateurs pour faire évoluer les mentalités partout où cela est nécessaire.
Il faut en finir avec l'absence de concertation.
Il faut en finir avec le refus de prendre en compte, réellement, les spécificités des départements d'outre-mer et avec la peur d'aborder franchement la discussion des problèmes institutionnels qu'impliquent ces spécificités.
Il faut en finir, surtout, car cela commande tout le reste, avec la profonde méconnaissance de l'outre-mer qui règne dans trop de sphères décisionnelles parisiennes et que contribuent, malheureusement, à entretenir complaisamment les médias nationaux.
Cette méconnaissance justifie probablement la mise au point que je lisais récemment dans l'ouvrage de M. François Thual, intitulé Repères Internationaux, et que je souhaite vous citer en terminant.
« L'outre-mer français demeure une chance pour la France et pas seulement l'inverse, comme on le pense trop facilement. Cet outre-mer français est aussi une chance et un atout pour l'Union européenne. Contrairement à des lectures superficielles, l'ensemble français de l'outre-mer n'est pas pas un ensemble de problèmes. Il est avant tout une somme d'atouts. » Ce sont ces derniers termes qu'il faut retenir.
Je me contenterai seulement d'ajouter que l'outre-mer, c'est également un ensemble de peuples qui aspirent, pour construire leur avenir à partir de ces atouts, à plus de dignité et à plus de responsabilité. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - Mme Anne Heinis applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le vote du budget est l'expression d'une politique. Le budget que vous avez l'honneur de nous présenter, monsieur le secrétaire d'Etat, s'inscrit dans les priorités du Gouvernement, qui visent à concilier le soutien à la croissance, la justice sociale l'emploi et le logement.
S'il est vrai que les crédits mis à votre disposition traduisent une progression sensible par rapport à la loi de finances initiale de 1997, vous conviendrez avec moi que les autorisations de programme ne cessent de diminuer, et ce depuis quelques années.
Mes chers collègues, je ne crois pas que ce soit faire insulte au Parlement que de reconnaître combien notre influence en matière budgétaire est limitée, quel que soit le Gouvernement.
Aussi, je ne souhaite pas m'étendre sur l'examen des crédits qui nous sont proposés. Je profiterai plutôt de l'occasion qui m'est donnée d'intervenir à cette tribune pour rappeler au Gouvernement les priorités qui doivent entrer en ligne de compte pour l'utilisation de ces crédits. Il nous faut choisir entre le possible et le souhaitable.
Pour sortir de sa phase de non-développement, l'outre-mer a besoin d'une industrialisation, et les conditions pour y parvenir ne sont pas réunies dans le dispositif législatif actuel.
S'agissant de la politique outre-mer, les élus, toutes tendances confondues, reconnaîssent les difficultés d'application des textes votés par le Parlement.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur pour avis. Ça, c'est sûr !
M. Georges Othily. Au cours de son récent voyage en Guyane, le président de la République a reconnu « que l'Etat a paru tâtonner et n'a pas toujours eu la vision nécessaire à la construction d'une société républicaine, fraternelle, juste ».
Je crois que le Président de la République a fort justement mis en exergue les reproches que formule la population de l'outre-mer et singulièrement de la Guyane.
Pour conforter ces dires, le père de la Constitution de 1958, le général de Gaulle, avait déjà suggéré, en 1960, qu'il fallait des changements : « Car il est conforme à la nature des choses qu'un pays qui a un caractère aussi particulier que le vôtre et qui est en somme éloigné ait une sorte d'autonomie proportionnée aux conditions dans lesquelles il doit vivre. »
Je ne doute pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous souhaitiez favoriser le développement des départements d'outre-mer. Quel que soit l'appartenance politique de l'élu, je pense qu'il doit tout faire avec vous pour permettre ce développement durable. D'ailleurs cela est conforme à l'esprit qui présidait à l'élaboration de la Constitution du 27 octobre 1946, puisque figure dans son préambule la phrase suivante : « Fidèle à sa mission traditionnelle, la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s'administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires ; écartant tout système de colonisation fondé sur l'arbitraire, elle garantit à tous l'égal accès aux fonctions publiques et l'exercice individuel ou collectif des droits et libertés proclamés ou confirmés. »
Il est déroutant de relever que les problèmes dont j'avais fait état lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1997 demeurent d'actualité. J'avais indiqué, à cette occasion, que les limites du système départemental étaient atteintes, ce dernier n'étant plus à même de résoudre nos difficultés. Je le réaffirme solennellement aujourd'hui : il faut repenser l'outre-mer !
Repenser l'outre-mer, c'est, en premier lieu, cesser de miser sur la départementalisation, dont les effets économiques se font toujours attendre, le grand décollage promis n'ayant jamais été réalisé.
Repenser l'outre-mer, c'est aussi, et surtout, mettre un terme à l'adoption de textes dits d'adaptation à l'outre-mer, alors qu'il convient de créer une législation propre à ces départements.
C'est bien ce à quoi nous nous sommes engagés dès 1982 avec la loi relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, dite « loi Defferre », laquelle loi n'a pas encore atteint ses limites, comme la loi d'assimilation de 1946.
Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque le projet de loi d'habilitation que le Gouvernement nous propose d'étudier prochainement prévoit que, par ordonnances, des adaptations ou des modifications législatives pourront être prévues, il importe que vous nous précisiez si notre Haute Assemblée pourra connaître leurs contenus au moment de la discussion.
Il faut cependant admettre que ce procédé ne permet pas de prendre la juste mesure de l'ensemble des difficultés auxquelles sont confrontés les départements d'outre-mer.
Comprenez mon inquiétude et celle de nombreux élus - mais, par votre réponse, vous saurez nous rassurer - car, légiférer par ordonnances et dans des domaines aussi larges et variés que le droit civil, le droit du travail ou, plus grave encore, le droit pénal, suscite des inquiétudes chez ceux qui ont des comptes à rendre à leurs mandants.
Monsieur le secrétaire d'Etat, dans la lettre que vous avez adressée à M. Merle, inspecteur général de l'agriculture, définissant le contenu de sa mission, vous indiquiez que « seule une stratégie de développement de l'ensemble de la Guyane, traduite dans un plan d'actions qui inspirera l'intervention de l'Etat, des collectivités locales et du secteur privé, permettra de retrouver confiance en l'avenir ».
Je partage cet objectif et souhaite m'associer à la réflexion que vous mènerez sur la base du rapport qu'il vous a remis en octobre dernier.
Les difficultés qu'il recense sont si nombreuses qu'il m'est impossible de vous faire part de mes observations sur chacune d'entre elles. Aussi m'attacherai-je à attirer votre attention sur les aspects les plus préoccupants de la situation guyanaise que sont l'emploi, l'économie, la fiscalité et l'aménagement du territoire, et à vous proposer les solutions possibles.
En ce qui concerne l'emploi, je suis effrayé par la croissance endémique du taux de chômage dans les départements d'outre-mer, qui frôle aujourd'hui les 40 % à la Réunion et oscille entre 25 % et 30 % dans les départements français d'Amérique, les DFA.
Il faut reconnaître que les actions menées par le FEDOM commencent à porter leurs fruits, puisque, toutes confondues, elles ont permis la conclusion d'environ soixante contrats de différentes natures : les contrats d'accès à l'emploi, les CAE, les contrats d'insertion par l'activité, les CIA, ou les contrats emploi-solidarité, les CES.
Cela étant, il convient impérativement de poursuivre les efforts entrepris, afin que les actuelles aides à l'insertion soient reconverties par la suite en emplois durables. Parallèlement, ces nouveaux emplois devront accompagner un redéveloppement du tissu économique, c'est-à-dire ne pas être uniquement envisagés sous un aspect d'utilité sociale.
Dans le même esprit, j'ai relevé qu'un crédit supplémentaire de 300 millions de francs était attribué au FEDOM, dans le cadre de la loi relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes.
Je m'interroge fortement sur l'utilisation qui sera réservée à ces crédits. Lors de l'adoption de cette loi, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, nous a appris que, d'une part, ces postes seraient constitués d'emplois dits « de proximité » et que, d'autre part, ils proviendraient de l'émergence de nouveaux besoins, en adéquation avec la société actuelle.
Pourquoi chercher à créer des postes innovants alors que les agents de la fonction publique guyanaise ne seront, en tout état de cause, jamais assez nombreux pour remplir les missions qui leur sont confiées ?
La Guyane n'a pas de nouveaux besoins. En revanche, les besoins courants, et donc anciens, qui peuvent paraître satisfaits en métropole, ne le sont toujours pas en Guyane.
Pour ne parler que de la fonction publique, je rappelle que la Guyane manque d'enseignants, de médecins, de magistrats, d'inspecteurs du travail, et j'en passe. Ces besoins ne sont pas nouveaux. Il s'agit d'une raison supplémentaire pour qu'il leur soit donné satisfaction dans les meilleurs délais.
En ce qui concerne l'emploi dans le secteur privé, il est illusoire de penser aboutir à un quelconque résultat tant que des mesures exceptionnelles en faveur des entreprises ne seront pas adoptées.
La priorité de l'Etat doit consister dans le redémarrage de l'économie outre-mer, sans lequel toute croissance, et donc toute création d'emplois, ne pourrait être envisagée.
Alors que nous étions en Guyane avec le Président de la République, je suivais avec attention les travaux de notre Haute Assemblée. Qu'il me soit permis de remercier les collègues, particulièrement M. Lagourgue, qui se sont exprimés à l'occasion de la discussion de l'article 14 de la première partie du projet de loi de finances pour 1998.
Sans vouloir engager la discussion sur le terrain bien trop instable des avantages fiscaux, je regrette néanmoins le raisonnement, que je qualifierai de « purement métropolitain », qu'ont suivi nos collègues de l'Assemblée nationale.
L'amendement adopté par les députés en première lecture a supprimé certains avantages fiscaux nés de la loi Pons, au seul motif qu'ils constituaient des dérogations prétendument inacceptables aux yeux du droit fiscal commun. En agissant de la sorte, l'Assemblée nationale n'a tenu aucun compte de la spécificité de l'outre-mer, et c'est précisément ce point qui me choque.
Mes chers collègues, si l'on veut favoriser le développement des départements d'outre-mer, il faut s'en donner les moyens. Les mesures à prendre doivent être radicales. L'urgence est telle qu'il n'est plus permis de tergiverser en s'interrogeant sur le bien-fondé de telle ou telle disposition, parce qu'elle porterait ou non atteinte à l'égalité des concitoyens devant les charges fiscales.
J'ai un profond respect pour la démocratie et c'est la raison pour laquelle je suis, moi aussi, attaché à ce principe d'égalité. Néanmoins, permettez-moi de poursuivre en vous rappelant qu'aucune des données socio-économiques de la Guyane ne permet d'affirmer qu'il s'agit d'un département dont les habitants bénéficient de conditions de vie analogues à celles que l'on rencontre en métropole.
L'égalité consiste à donner des moyens aux départements d'outre-mer pour assurer à ceux qui vivent dans ceux-ci un train de vie décent.
Mes chers collègues, je juge inacceptable, comme bon nombre d'entre vous, que les excès du principe de défiscalisation puissent conduire certains à s'enrichir de façon importante. Mais, pour autant, peut-on empêcher, pour ce motif, l'émergence de projets créateurs d'emplois ?
Nos concurrents immédiats de la Caraïbe ou de l'océan Indien ont parfaitement pris conscience de l'impérieuse nécessité de mettre en place des régimes fiscaux avantageux pour favoriser le développement des investissements.
C'est ainsi que, dans ces pays, les investisseurs bénéficient d'exonérations d'impôt sur les bénéfices pendant quinze ans, et ce alors que les salaires sont dix fois moins élevés que ceux des départements d'outre-mer. Sans être un partisan de l'ultra-libéralisme tant dénoncé, je me demande par quel miracle nous parvenons à survivre malgré la concurrence féroce qui nous entoure.
Pour l'exemple, retenons que ces dispositions fiscales avantageuses procurent, dans le secteur hôtelier, à Saint-Domingue ou à l'île Maurice, une rentabilité sur les investissements d'environ 20 % à 25 %, contre 5 % à 6 % dans les départements et territoires d'outre-mer, hors avantages fiscaux.
Aucune entreprise économique ne pourra désormais aboutir si elle ne s'accompagne pas de mesures radicales qui permettront d'assurer la relance tant attendue.
L'urgence de la situation doit au moins conduire au maintien des mesures de défiscalisation des déficits d'investissement et des intérêts d'emprunts des entreprises. Puisse l'Assemblée nationale, dans sa sagesse, ne pas y porter atteinte, grâce au concours que vous nous apporterez, monsieur le secrétaire d'Etat !
Le système bancaire en Guyane est aujourd'hui défaillant, ce qui a provoqué une dégradation très nette du tissu économique local : baisse de plus de 40 % de la commande publique en trois ans, multiplication des faillites et des dépôts de bilan, apparition d'une économie parallèle.
Par ailleurs, l'environnement financier local est plus que mauvais : 600 millions de francs de pertes cumulées en 1995 ; récapitalisation de la BNP à 300 millions de francs et de la Société financière pour le développement économique de la Guyane, la SOFIDEG à 81 millions de francs ; 45 % de l'encours classé en douteux ; taux d'intérêt pratiqué en Guyane proche du taux d'usure et exclusion des entreprises locales du système financier.
Pour résoudre ces difficultés et apporter un souffle nouveau à la relance du développement économique, la plus importante et la plus urgente des mesures est la création d'une véritable banque de développement. L'émergence de cette banque est prioritaire.
Un très large consensus local existe à ce sujet ; les élus ont pris conscience de cet impératif, le monde économique le réclame et la situation de notre environnement bancaire nous l'impose.
Monsieur le secrétaire d'Etat, notre appartenance à la France et à l'Europe nous oblige à vous demander d'engager la procédure pour promouvoir la création d'un fonds commun de placement à risque pour accompagner notre développement en matière d'accès aux marchés financiers, de politique de taux d'intérêt, d'accompagnement et de suivi des entreprises, de capital-risque européen, appelé EUROFIN, et de financement de la coopération régionale.
Par ailleurs, il importe que soit transformé le statut actuel de la SOFIDEG en statut de banque de plein exercice et de banque de développement, puisqu'elle est adossée à la Caisse française de développement, la CFD, un peu à l'instar de la société de crédit et de développement de l'Océanie, la SOCREDO, et de la banque pour le commerce et l'industrie, la BNCI.
Je vous sais, monsieur le secrétaire d'Etat, sensible à la situation précaire de la santé en Guyane. C'est pourquoi il me faut rappeler maintenant que la gravité de la situation sanitaire exige non seulement des actions exceptionnelles, mais aussi des financements exceptionnels.
En effet, l'application des lois de décentralisation a créé des inégalités devant la santé entre les populations résidant dans les trois centres urbains et les autres. L'exécutif départemental s'était alors engagé dans une politique d'accès aux soins et avait repris à sa charge les structures de médecine collective exerçant des activités curatives.
Aujourd'hui, la sécurité sanitaire n'est plus assurée. Il est temps que l'Etat exerce pleinement ses compétences en matière de santé publique.
Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d'Etat, que, pour le département de la Guyane, la compensation financière en matière d'aide médicale n'a jamais été remboursée par l'Etat et que aujourd'hui, ce département accuse un manque à gagner de 640 millions de francs.
Il serait souhaitable que vous donniez des instructions à la prochaine mission de l'inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, qui séjournera en Guyane, du 10 au 20 décembre, pour trouver une solution à ce dossier.
Je disais, au début de mon propos, que l'égalité consiste à donner des moyens aux départements d'outre-mer pour assurer à ceux qui vivent dans ceux-ci un train de vie décent.
Comment peut-on laisser perdurer la discrimination insoutenable qui existe en matière de pensions de retraite entre les Réunionnais, d'une part, et les Guadeloupéens, les Guyanais et les Martiniquais, d'autre part ?
En effet, les fonctionnaires réunionnais qui partent à la retraite conservent l'indemnité de vie chère de 53 % alors que les fonctionnaires guadeloupéens, guyanais et martiniquais, pour qui elle n'était que de 40 %, la perdent. J'attends de vous, monsieur le secrétaire d'Etat, une réponse claire et précise sur la fin de cette inégalité. Monsieur le secrétaire d'Etat, il me plaît ce soir, s'agissant des dotations décentralisées pour l'outre-mer, de vous dire après l'avoir indiqué à MM. Louis Le Pensec, Dominique Perben et Jean-Jacques de Peretti qu'il est urgent de donner à l'outre-mer sa juste part.
Nous réclamons cette mise à niveau au nom de l'équité. Il faut sortir du système des quotas et donner les sommes qui correspondent par l'application stricte de la loi. Je vous renvoie à l'excellent rapport réalisé par les services de M. le ministre en charge des collectivités locales de l'époque, Daniel Hoeffel, et M. Merle, d'ailleurs, dans son rapport a pris en compte la solution qu'ils préconisaient. Nous attendons de vous des réponses à ce sujet.
Notre excellent collègue, M. du Luart, rapporteur spécial, n'a pas manqué de souligner la poursuite du déclin du FIDOM, dont les crédits de paiement sont en baisse de 50 %, pour s'établir, en 1998, à 15 millions de francs.
S'il est vrai que la diminution de ces crédits résulte de la disparition de la section décentralisée du FIDOM, il importe de rappeler ici que cette disparition a occasionné, pour les collectivités départementales et régionales d'outre-mer, un manque à gagner significatif dans le financement des actions de contrats de plan ou de concours financiers aux collectivités communales.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, il importe de rétablir dans les meilleurs délais la part à laquelle ont droit les collectivités d'outre-mer, ne serait-ce que par l'application de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
Je reconnais toutefois que cette loi d'orientation, pour importantes que soient les dispositions qu'elle instaure, ne trouve pas son plein effet, notamment du point de vue de la « géographique » prioritaire dans les départements d'outre-mer.
Aucune zone d'aménagement du territoire n'est définie dans les départements d'outre-mer et l'application de critères nationaux inadaptés y rend quasi inexistantes les zones de revitalisation rurale au sein des territoires ruraux de développement prioritaire.
Il convient dès lors, monsieur le secrétaire d'Etat, de ne pas attendre le mois de juin 1998, comme l'a déclaré au Sénat le 3 décembre dernier M. Chevènement, ministre de l'intérieur, pour examiner le projet de loi sur l'aménagement du territoire préparé par Mme Voynet. Il serait préférable d'adopter une loi spécifique pour l'outre-mer.
Ainsi sera reconnu le caractère de zone prioritaire ultrapériphérique à chaque département d'outre-mer dans l'esprit de la zone d'aménagement du territoire.
Dès lors, monsieur le secrétaire d'Etat, il devient impératif d'engager le Parlement à adopter dans les meilleurs délais des dispositions particulières, sans oublier les financements y afférents.
S'agissant des infrastructures de transport en Guyane, il est inscrit, dans le projet de loi de finances pour 1998, 15,97 millions de francs en autorisations de programme et 18,47 millions de francs en crédits de paiement. Si le montant des autorisations de programme est satisfaisant puisqu'il intègre l'accélération de la construction de la route Régina - Saint-Georges, celui des crédits de paiement reste très inférieur à nos besoins.
En effet, même si nous terminerons l'année 1997 avec un reliquat, reportable, de 2,7 millions de francs en raison du premier appel d'offres infructueux sur le quai A du Larivot, et malgré l'inscription d'une rallonge de 5 millions de francs dans le projet de loi de finances rectificative pour 1997, deux gros chantiers mobiliseront 40 millions de francs environ en 1998.
Il s'agit de la reconstruction du quai A du Larivot, à concurrence de 26 millions de francs en tranche ferme et de 31 millions de francs avec la tranche conditionnelle, d'une part, et de la poursuite de la construction de la route Régina - Saint-Georges, d'autre part.
La réalisation des travaux des abords de l'aérogare de Rochambeau et la poursuite des travaux du doublement de la section Balata - Maringouins nécessiteraient également des crédits complémentaires.
Ainsi, il faudrait 15 millions de francs de crédits de paiement complémentaires par rapport au projet de loi de finances. Il conviendrait d'abonder le chapitre 58-01, en portant ce montant à 31 millions de francs.
Toute autre décision nous conduira à ralentir certains chantiers et à prendre du retard au regard des objectifs du contrat de plan et du plan de relance.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite que vous puissiez disposer des moyens nécessaires pour la mise en oeuvre de ces solutions. Dans cette attente, la majorité des membres du Rassemblement démocratique social et européen et moi-même voterons les crédits du budget de l'outre-mer. (M. Rodophe Désiré applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le budget de l'outre-mer. Pour 1998, celui-ci s'élève à 5,2 milliards de francs, soit une augmentation de 7,3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1997.
S'agissant des quatre départements d'outre-mer, je formulerai deux remarques : la première a trait à la situation économique et sociale, et la seconde aux institutions.
Le chômage continue de s'aggraver dans les quatre départements d'outre-mer avec une forte proportion de jeunes touchés. Mon collègue Paul Vergès évoquera plus précisément les problèmes de la Réunion. Pour les autres départements, la situation dramatique du chômage, la précarité, la pénurie de logements sociaux et les difficultés d'insertion beaucoup plus grandes qu'en métropole entraînent un développement de la drogue, de la violence, de la délinquance et de l'insécurité qui peut, de nouveau, déboucher sur une explosion sociale.
Face à la gravité de la situation, des mesures d'urgence sont à prendre. Pouvez-vous nous apporter, monsieur le secrétaire d'Etat, des précisions sur ces points ?
Nous constatons avec satisfaction que les crédits du fonds pour l'emploi augmentent sensiblement dans les quatre départements d'outre-mer. La part représentée par le plan emploi-jeunes y est importante.
Nous souhaiterions que toutes les décisions prises en faveur de l'emploi soient contrôlées et évaluées quant à leur efficacité, en particulier par les représentants des départements d'outre-mer eux-mêmes. Quelles mesures concrètes envisagez-vous pour effectuer ce suivi régulier ?
De même, il serait utile de connaître et de faire connaître toutes les conséquences de la défiscalisation mise en place par la loi Pons.
Lors du récent voyage présidentiel, les jeunes Guyanais, confrontés à toutes les difficultés déjà évoquées précédemment, ont exigé des réponses concrètes.
Le mouvement de novembre 1996 a abouti notamment à l'obtention d'un rectorat ; où en est la réalisation ? Par ailleurs, les démocrates guyanais ont souligné avec raison l'héritage colonial, qui fait que 90 % de leur territoire est propriété de l'Etat français ; n'est-il pas temps d'y mettre fin ? Les populations « domiennes » sont attentives à la parole donnée : si celle-ci n'était pas respectée, la révolte gronderait à court terme.
La réponse à cette urgence passe aussi par une modification statutaire des liens des départements d'outre-mer avec la métropole et l'Union européenne.
En finir avec la double assemblée là où la demande est faite, comme aux Antilles, définir pour chacun des départements d'outre-mer un statut spécifique fondé sur la responsabilisation des citoyens, voilà des orientations qui rompraient avec les habitudes historiques selon lesquelles les décisions essentielles sont encore prises à Paris ou par les hauts fonctionnaires envoyés par Paris.
Les « Domiens » doivent décider eux-mêmes de ce qu'ils souhaitent, en fonction de leurs spécificités culturelles, de leur histoire, de leur position géographique et de leurs atouts économiques.
Un véritable plan de développement économique durable garantissant les intérêts de chacun doit être mis en oeuvre. L'emploi en dépend.
A cet égard, je ne peux manquer de mentionner l'un des problèmes, celui de la banane, qui constitue une question vitale pour les Antilles.
L'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, à la suite d'une plainte des Etats-Unis, a rejeté, en septembre dernier, l'appel, introduit par l'Union européenne, contre l'une de ses décisions déclarant le régime communautaire du marché de la banane incompatible avec les règles du commerce mondial. Cette décision est grave.
La France et l'Union européenne doivent défendre les intérêts des producteurs de banane des Canaries, de la Guadeloupe, de la Martinique et des Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique liés à l'Union par des accords préférentiels.
En effet, dans ces régions, notamment en Martinique et en Guadeloupe, la banane constitue un instrument essentiel de la survie économique.
Que compte faire la France, monsieur le secrétaire d'Etat, pour aboutir à la révision des mécanismes de l'OMC et de ses procédures de règlement des différends ? Il importe, en effet, de mieux prendre en compte les questions sociales, sanitaires, culturelles et environnementales et d'éviter le renforcement de l'hégémonie des Etats-Unis.
Je souhaite, avant de conclure, formuler deux remarques quant aux territoires d'outre-mer.
Tout d'abord, le récent cyclone ayant fait d'importants dégâts sur les habitations et sur les cultures en Polynésie française, quelles aides le Gouvernement français entend-il apporter aux populations concernées, pour la reconstruction de maisons et d'infrastructures résistant, cette fois-ci, à la violence des cyclones ? Et quelles aides plus générales sur le plan économique envisage-t-il d'allouer en matière de développement ?
Enfin, je veux parler de la Nouvelle-Calédonie.
Le 1er mars prochain, conformément aux accords de Matignon, s'ouvrira la période durant laquelle doit s'organiser un scrutin d'autodétermination.
Le rééquilibrage économique entre le nord et le sud du territoire reste à réaliser. La construction, dans le nord de l'île, d'une usine de transformation du nickel, principale richesse de l'île, par la Société minière du Sud-Pacifique, la SMSP, participerait de ce rééquilibrage entre les deux provinces.
Un accord de principe semblait avoir été obtenu entre le groupe Eramet et la SMSP, associée au canadien Falconbridge, mais les toutes dernières informations qui nous sont parvenues indiquent qu'il n'en est rien, et que le blocage subsiste.
Il nous semble nécessaire que le Gouvernement intervienne au plus vite pour la réalisation de l'accord sur le gisement minier de la province Nord, permettant ainsi la reprise du dialogue avec les représentants du peuple kanak, c'est-à-dire le Front de libération nationale kanak et socialiste. En effet, c'est avec lui que peut s'ouvrir, dans la perspective d'une souveraineté retrouvée, un avenir de paix et d'étroite coopération avec la France.
Donnons en 1998, année de la célébration du cent cinquantième anniversaire de l'abolition de l'esclavage, des signes forts pour que les peuples d'outre-mer affirment leur identité et assument leur plein développement.
Les parlementaires de mon groupe vous soutiendront dans ce choix, monsieur le secrétaire d'Etat, et ils voteront votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Loueckhote.
M. Simon Loueckhote. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, rarement les parlementaires de l'outre-mer auront été aussi solidaires, aussi soudés que depuis l'examen du projet de loi de finances pour 1998, et notamment sur la loi de défiscalisation dite « loi Pons ». C'est vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Gouvernement surfe ici sur un domaine très sensible qui touche directement à l'avenir de l'outre-mer français.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les déclarations du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, relayées par certains parlementaires de la majorité, parmi lesquels le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, et qui traduisent la volonté du Gouvernement de supprimer la loi de défiscalisation, nous inquiètent.
Chacun connaît aujourd'hui les effets positifs de la loi Pons. Vous ne pouvez ignorer que la Nouvelle-Calédonie, territoire que je connais bien pour en être l'un des parlementaires, a connu, depuis l'instauration de cette loi, et plus particulièrement depuis la signature des accords de Matignon, un essor sans précédent.
La loi Pons va permettre prochainement la réalisation, pour 700 millions de francs français, d'un programme d'habitat social dans les communes de Païta, Dumbéa et Mont-Doré, ce qui va permettre de donner du travail, de faire vivre ainsi plusieurs familles pendant au moins trois ou quatre ans et de résorber une grande partie de l'habitat insalubre.
Les provinces nées des accords de Matignon ne pourront véritablement réussir leur mission que grâce aux moyens supplémentaires apportés par cette loi.
Imaginez seulement que dans la province des îles Loyauté, dont je suis l'un des vice-présidents, habitée par 95 % de Mélanésiens, avec une structure et une organisation sociale bien différente de ce que l'on connaît habituellement, aucun investissement privé ne peut être fait. Seule la loi Pons permet de contourner cette réalité.
Le développement des territoires d'outre-mer est tel que même le Premier ministre des îles Cook, président en exercice du Forum du Pacifique, organisation régionale qui ne porte pas particulièrement la France dans son coeur, saluait voilà quelques jours, à Nouméa, alors que, avec d'autres pays de la région, il tentait de renégocier l'étalement de sa dette avec la Banque asiatique de développement, les efforts faits par la France pour le développement de ses territoires. Il allait même jusqu'à classer la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française parmi les territoires les plus avancés dans le Pacifique, hormis l'Australie et la Nouvelle-Zélande, lesquelles sont d'ailleurs très agréablement surprises par le niveau de développement de ces territoires. Un institut universitaire de recherche hawaïen vient de formuler les mêmes observations.
Non, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'image de notre pays, l'image de la France ne saurait souffrir de cette insuffisance.
Plutôt que de parler de niches fiscales, ne devrait-on pas, monsieur le secrétaire d'Etat, parler de plus de solidarité nationale ?
Oui, monsieur le secrétaire d'Etat, vous trouverez auprès de vous les parlementaires de l'outre-mer pour réaliser une vraie moralisation du dispositif de défiscalisation. Sous le vocable « moralisation », il ne faudrait pas que le Gouvernement tente de feinter la représentation nationale.
N'entretenez pas ce sentiment, qui grandit chez nous, d'un désintérêt total de l'outre-mer par l'actuel gouvernement et par la majorité qui le soutient.
Jacques Chirac, alors Premier ministre en 1986, avait fait du secrétariat d'Etat un ministère de plein exercice. Il marquait par là son attachement à l'outre-mer et tout l'intérêt qu'il lui porte. Tous les gouvernements qui ont suivi ont marqué également l'intérêt qu'ils portaient à l'outre-mer en conservant les pleins pouvoirs au ministère. Depuis l'arrivée de M. Jospin à Matignon, l'outre-mer est, me semble-t-il, revenu plus de dix ans en arrière. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicains et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.) Il est redevenu un secrétariat d'Etat sous la tutelle du ministère de l'intérieur.
Veillez à ce que le Gouvernement n'aille pas plus vite que la musique sur un dossier aussi sensible que celui de la Nouvelle-Calédonie.
Dans le projet de loi d'habilitation qui sera examiné prochainement, il n'est pas fait mention de l'organisation d'un scrutin d'autodétermination en Nouvelle-Calédonie l'année prochaine, et je crains que certaines questions qui seront au coeur des discussions qui s'ouvriront bientôt sur l'avenir de notre territoire ne soient réglées par voie d'ordonnance, sans aucune concertation.
Comme la France, la Nouvelle-Calédonie est une terre d'accueil et d'hospitalité. L'arrivée récente de cent dix boat people chinois nous rappelle que la question de l'immigration est à l'ordre du jour là-bas comme elle est d'actualité ici.
A ce sujet, la légèreté avec laquelle la surveillance et le contrôle de nos eaux et de nos frontières ont été assurés commande que notre coopération avec nos voisins soit renforcée, voire plus rigoureuse.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, jamais l'avenir de la Nouvelle-Calédonie n'aura été aussi lié à celui de la France. Que la Haute Assemblée soit encore plus qu'avant la gardienne de l'unité du territoire national et de la solidarité entre les citoyens ! (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Millaud. (En gagnant la tribune, l'orateur remet un document à M. le secrétaire d'Etat.)
M. Daniel Millaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat à l'outre-mer auprès du ministre de l'intérieur, mes chers collègues, je veux, au début de mon propos, féliciter les rapporteurs qui ont, avec talent, traité de ce que j'appelle « un modeste petit budget de l'outre-mer », ce qui explique, sans doute, la présence de beaucoup de nos collègues, ce soir.
Je vous dirai aussi mon étonnement sur le changement d'affectation ministérielle de l'outre-mer, intégré dans un giron jacobin, en l'occurrence celui du ministère de l'intérieur.
S'agit-il du grand principe philosophique de la République une et indivisible ? Ou bien s'agit-il d'une réaction politique face à l'ultrapériphéricité d'une grande partie de l'outre-mer français, notion concrétisée par Amsterdam, tandis que les territoires d'outre-mer seront préparés, jusqu'au siècle prochain, au mariage entre la conception administrative de l'autonomie constitutionnelle et l'association à l'Union européenne, c'est-à-dire l'annexion déguisée, en gestation depuis quarante ans dans les ministères parisiens ?
N'eût-il pas été plus pragmatique, puisque les locataires de la rue Oudinot semblent condamnés à avoir seulement connaissance des crédits de l'Etat attribués à l'outre-mer, dont 10 % sont gérés par le secrétaire d'Etat, de rattacher celui-ci à la rue de Bercy ? Cela aurait permis un meilleur contrôle des interventions des ministères dits techniques.
En effet, il n'est pas facile de déterminer la variation et du montant des crédits attribués à mon territoire et du bilan de son exécution, malgré le document baptisé « jaune » qui traite du budget en cours d'exécution et du projet de l'année suivante, en précisant le total des crédits affectés, en principe, par chaque ministère, à chaque territoire.
Ainsi, en ce qui concerne la Polynésie française - je vais vous donner des chiffres en francs français, et non en francs du Comptoir français du Pacifique - alors qu'il était prévu, pour 1997, 5 323 905 000 francs, on constate, pour 1998, une proposition de 5 283 985 000 francs, soit une baisse de 0,74 %. Peut-être les cyclones feront-ils remonter la balance ! Quoi qu'il en soit, il serait intéressant que le « jaune » donne également les comptes définitifs des deux budgets précédant le budget en cours, ce qui permettrait une approche objective de l'évolution de la participation effective de chacun des ministères concernés et le contrôle sur le terrain.
En effet, je comprends mieux, aujourd'hui, pourquoi on a pu nous appeler les « danseuses de l'Empire » (Sourires) quand je constate le « tango » du montant des crédits dépensés dans mon territoire par l'Etat, qui est le chef d'orchestre virtuose en la matière.
C'est ainsi que les services du haut-commissariat précisent, le 28 avril 1997, que ces dépenses se sont élevées, en 1995, à 6 877 450 683 francs et, en 1996, à 6 807 590 640 francs, soit une diminution de 1,01 %. Par ailleurs, il est expliqué que, en 1996, une partie de ces dépenses, soit 941 836 560 francs, ont été mandatées en France et concerneraient surtout les traitements des militaires.
En revanche, l'Institut territorial de la statistique, qui établit le montant des dépenses de l'Etat mandatées en Polynésie française et communiquées par les services du Trésor, relève, pour 1995, 4 762 010 000 francs et, pour 1996, un total de 5 076 665 000 francs. Il faut également savoir que le « jaune » affichait comme dépenses, en 1995, 5 043 672 000 francs et, en 1996, 5 320 433 000 francs.
Bien entendu, je me passerai de commentaires.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, l'examen, toujours dans le « jaune », de la section « défense » relative à la Polynésie française fait apparaître, pour 1998, en dépenses ordinaires et crédits de paiement, un crédit de 1 208 821 000 francs et un montant de 40 398 000 francs en autorisations de programmes. En 1997, les crédits prévus étaient respectivement de 1 529 385 000 francs et 56 084 000 francs. Il faut savoir que les dépenses réalisées se sont élevées à 1 615 952 000 francs en 1994, à 1 580 047 000 francs en 1995 et à 1 573 912 000 francs en 1996, toujours d'après le « jaune ».
Alors, peut-on savoir où se cachent les 990 millions de francs prévus annuellement, pendant dix ans, par la convention pour le renforcement économique de la Polynésie française, signée le 25 juillet 1996 ? Peut-être s'agit-il d'un « secret défense » camouflant la diminution régulière des crédits ? (Sourires.)
Mais n'avez-vous pas, monsieur le secrétaire d'Etat, une mission de contrôle de l'attribution des fonds publics et de la transparence de leur utilisation ?
C'est ainsi que je m'étais inquiété de l'application, par mon territoire, du 3° de l'annexe de la loi d'orientation n° 94-99, qui précise que l'appui technique et financier de l'Etat doit notamment permettre de « maîtriser la croissance démographique et assurer un développement harmonieux de la cellule "familiale" ».
Vous devez savoir que l'assemblée de Polynésie française a adopté des délibérations organisant officiellement des centres de planning familial, sous responsabilité médicale, permettant la distribution de pilules anticontraceptives, notamment aux mineures qui sont des femmes en détresse. Il ne faut pas oublier que, si le dernier recensement note une diminution de la natalité, la proportion des avortements, en majorité clandestins, représente trois quarts des naissances, ce qui est un drame pour les femmes appartenant aux classes sociales défavorisées, car l'interruption volontaire de grossesse n'est toujours pas prise en charge par les services sanitaires et sociaux. L'objectif du « développement harmonieux de la cellule familiale » n'est donc pas encore atteint, trop d'enfants étant abandonnés à eux-mêmes, et certains étant même vendus. Quant aux jeunes adultes, ils se heurtent au problème de l'emploi et quittent souvent les îles pour venir à Tahiti, où le taux de chômage ainsi que la délinquance juvénile augmentent.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ne serait-il pas opportun de rappeler que la Communauté européenne, ou l'Union européenne - je ne sais plus comment l'appeler ! (Sourires) - doit participer sérieusement à la réalisation des objectifs prévus dans la quatrième partie du traité, à savoir que « l'association doit, en premier lieu, permettre de favoriser les intérêts des habitants de ces pays et territoires et leur prospérité, de manière à les conduire au développement économique, social et culturel qu'ils attendent » ?
Or, il y a eu une totale méconnaissance de ces principes de base par les gouvernements qui se sont succédé.
Par désinvolture, et malgré la constitution de 1946, c'est la commission permanente, et non l'assemblée territoriale de Polynésie, qui a été consultée sur les dispositions du traité de Rome.
Par ignorance - les documents communautaires officiels non rectifiés à ce jour le prouvent - en 1957, Wallis et Futuna auraient fait partie des établissements français de l'Océanie.
Mais l'événement le plus troublant dans l'histoire de la quatrième partie du traité est le détournement de la première convention d'association prise en vertu de l'article 136 et publiée au Journal officiel de la République française du 2 février 1958. En effet, l'article 16 précise que « les dispositions prévues aux articles 1 à 8 inclus de la présente convention sont applicables à l'Algérie et aux départements français d'outre-mer ». Ces huits premiers articles concernaient le Fonds européen de développement, le FED, et les principes de mise en place progressive du droit d'établissement des ressortissants et sociétés des Etats membres étrangers. Bien entendu, pendant plusieur années, le FED a été géré par la rue Oudinot, et les principaux bénéficiaires en étaient les départements d'outre-mer. Peut-on savoir quelles dérogations, quels avantages auront été le prix de la complicité des partenaires de la France dans la violation de ce traité ?
Il faut également savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, que le montant du FED, théoriquement fixé pour cinq ans, n'est jamais intégralement versé à cause d'obligations incontournables, de l'impossibilité de surseoir à certaines opérations que l'on ne peut modifier. De plus, ce montant pour cinq ans représente au maximum le total des droits de douane non perçus sur les produits étrangers européens importés dans une seule année. Lisez donc les pages 17 et 18 de l'avis du Conseil économique et social en date du 13 décembre 1978 - je vous l'ai remis - dans lequel le rapporteur, M. Michel Souplet, dénonçait ces pertes fiscales non compensées !
Mais la Polynésie française, elle, joue le jeu des relations économiques prévues par le traité. C'est ainsi qu'en 1996 mon territoire a importé des Etats membres étrangers de l'Union européenne pour 749 874 595 francs, alors que ceux-ci n'ont acheté que 36 935 539 francs de nos produits.
Il m'a été également rapporté qu'un fonctionnaire français de Bruxelles aurait menti, prétendant que le Gouvernement était d'accord pour la liberté de circulation des travailleurs des Etats membres dans nos territoires d'outre-mer ! Avertis à temps, les ministères responsables ont étouffé cette affaire.
Paris comprendra-t-il que mon territoire ne peut attendre l'an 2000 pour savoir si ses compétences, votées par le Parlement français, seront respectées, comme pour d'autres territoires étrangers ? Il est incroyable que le Gouvernement, à propos du droit d'établissement, signe un engagement de « non-discrimination » et déclare ensuite qu'il ne peut être appliqué parce que anticonstitutionnel !
Le territoire, et lui seul, doit conserver sa compétence pour autoriser les étrangers, même européens, à exercer une activité en Polynésie. Bien sûr, nos partenaires européens s'énervent.
Alors, on ne peut qu'être scandalisé quand le représentant de l'Etat dans mon territoire écrit ceci au président du gouvernement de la Polynésie française : « Les risques du prononcé d'une lourde astreinte, ou d'une somme forfaitaire, par la Cour de justice à l'encontre de la France sont grands. Si cette hypothèse se réalisait, le Gouvernement se verrait donc contraint de mettre à la charge du territoire tout ou partie de la somme due à ce titre en réduisant d'autant les dotations budgétaires qui lui sont allouées » !
Cette attitude est en parfaite contradiction avec ma question écrite n° 529 du 7 juillet 1988, dont la réponse est parue au Journal officiel n° 42 S (Q) du jeudi 3 novembre 1988 - je vous en ai remis une copie, monsieur le secrétaire d'Etat - et avec l'article 28 de la loi organique n° 96-312.
N'oubliez pas non plus, monsieur le secrétaire d'Etat, de mettre en parallèle 252 Européens résidant en Polynésie, 220 000 Polynésiens et 300, 400 ou 500 millions d'habitants en Europe.
Alors, puisqu'il va falloir des sous pour payer Bruxelles, en espérant quand même que les engagements de l'Etat au bénéfice de mon territoire seront financièrement respectés, que la loi Pons sera sauvée et que la solidarité nationale se manifestera à la suite des cyclones, en attendant également la pluie... des subventions européennes (Sourires), avec ERASMUS, SOCRATE, HIPPOCRATE - mais non, car j'ai prêté le serment d'Hippocrate ! Cela doit donc plutôt être HYPOCRITE ! (Nouveaux sourires) - que sais-je encore, je voterai votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat à l'outre-mer auprès du ministère de l'intérieur ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR. - M. Larifla applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Larifla.
M. Dominique Larifla. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en 1995 et en 1996, les projets de budget présentés par votre prédécesseur ont soulevé de ma part de nombreuses critiques. En effet, en 1995, les augmentations constatées étaient le produit du regroupement au titre de l'outre-mer de crédits relevant antérieurement des ministères techniques. Il s'agissait donc d'un trompe-l'oeil. L'année 1996 ne fut pas non plus une grande année puisque les crédits de l'outre-mer connurent une diminution réelle.
Il convient donc aujourd'hui de saluer l'effort consenti par le Gouvernement en faveur de nos départements et territoires. Cet effort s'inscrit tant dans les chiffres que dans les actes. Je voterai donc ce projet de budget.
Mais que l'on se souvienne de ce vers d'Alfred de Musset : « Fille de la douleur, Harmonie ! Harmonie... ». Il n'y a pas lieu d'orchestrer un concert de louanges, les problèmes demeurent, les souffrances persistent.
Nous sommes tous en mesure d'égrener les statistiques catastrophiques qui caractérisent nos pays. Les maux qui rongent nos économies et qui détruisent les équilibres au sein de nos sociétés s'illustrent quotidiennement.
En 1998, la communauté française tout entière va célébrer avec ferveur le cent cinquantième anniversaire de l'abolition de l'esclavage. Il faut que cet événement marque la volonté de rompre définitivement avec toutes les séquelles du passé.
Nous nous réjouissons des mesures prises en faveur de l'emploi des jeunes. Sur ce point, notre satisfaction est double : ces mesures sont la traduction d'un engagement pris, et le traitement réservé aux départements d'outre-mer marque la volonté du Gouvernement d'accroître et de diversifier les moyens de la politique de l'emploi dans nos régions.
Il n'en demeure pas moins que les départements d'outre-mer accusent un retard au titre de leur développement. Ils ont besoin d'une impulsion forte de l'Etat pour réduire le dualisme social qui a tendance à progresser, et ce d'autant que, en Guadeloupe, les politiques menées au niveau régional n'ont en aucune manière été à la hauteur des enjeux.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous attendons des signaux forts du Gouvernement. Je me bornerai à indiquer quelques directions dans lesquelles il me semble urgent de faire progresser les choses.
L'adaptation du cadre institutionnel est impérative tant il est clair qu'après cinquante ans de départementalisation et quinze ans de décentralisation nous percevons aujourd'hui les limites de ces aménagements aux plans tant juridico-administratif que politique. A l'essor de la démocratie locale sur l'ensemble du territoire de la République doit correspondre, dans nos départements, l'adoption de solutions permettant plus de responsabilités au plan local.
De lourdes menaces pèsent sur nos principales productions que sont la banane, le sucre et le rhum. Il faut rechercher par le dialogue, notamment avec la Commission européenne, des solutions définitives qui nous permettent de résister aux tendances phagocytaires des organisations communes des marchés.
La filière canne occupe en Guadeloupe plus de 14 000 personnes. Nous ne pouvons donc pas admettre le déclin de cette production. En de nombreuses occasions, j'ai proposé des solutions viables aux plans tant technique que financier en vue de la construction d'une sucrerie neuve.
L'Etat et son administration doivent se départir de leurs préjugés économiques. Confier sur fonds publics à des intérêts privés l'entière responsabilité d'une filière qui fait vivre des dizaines de milliers de personnes, c'est prendre le risque de voir disparaître cette activité. Le bilan des dernières campagnes sucrières nous conforte, hélas ! dans cette analyse.
Comme chaque année à pareille époque, la fièvre s'est manifestée à propos de la défiscalisation. La loi fut adoptée à l'origine pour favoriser l'investissement dans les départements d'outre-mer et pour permettre la création d'emplois. C'est en théorie un outil puissant de développement. Mais, depuis plus de dix ans, on constate chez nous que le tissu industriel s'est appauvri et que les faillites d'entreprises artisanales se multiplient.
Certes, des entreprises ont modernisé leurs outils de production. Nous nous félicitons aussi de la construction de l'aéroport international pour plus de 800 millions de francs ; dont 330 millions de francs en défiscalisation.
Mais la défiscalisation n'est point la panacée. Comment ne pas douter de la contradiction entre cette injection massive d'argent et notre situation de plus en plus dramatique sur le plan économique et social ?
Des abus ont été constatés et doivent être dénoncés, car, malheureusement, ce sont les Guadeloupéens qui, collectivement, doivent aujourd'hui faire face aux conséquences.
Nous devons combattre l'idée que la Guadeloupe est devenue un eldorado fiscal. Notre économie ne saurait être fondée sur l'existence d'une rente administrative qui empêche tout développement durable.
Nous devons surmonter les perversions du dispositif après onze ans de défiscalisation : flambée des prix fonciers, frilosité des banques, surcapacité hôtelière au détriment des petites structures locales. Il faut faire évoluer le dispositif.
Un premier pas a été franchi, à l'Assemblée nationale, avec l'adoption d'un amendement qui modifie sensiblement l'équilibre de la loi de défiscalisation et qui va dans le sens d'une moralisation de la loi Pons. En effet, un des effets pervers sera désormais contenu, grâce au principe de la tunnélisation. La Guadeloupe a besoin d'un outil fiscal qui favorise l'investissement productif et la création d'emplois durables. Sous cette forme, la défiscalisation deviendrait un bon instrument pour l'économie guadeloupéenne.
Ainsi serions-nous en situation de résister à la concurrence des Etats souverains de la zone caraïbe. Nous ne manquons pas d'atouts, notamment technologiques et humains, pour nous permettre d'occuper le haut du pavé. C'est le cas, notamment, dans le domaine du transport aérien.
Le consensus existe dans les départements français d'Amérique pour disposer d'un pôle aérien français dans la Caraïbe capable de soutenir la concurrence des compagnies anglo-saxonnes. Malheureusement, la compagnie Air Martinique connaît des difficultés. Cependant, la récente décision du tribunal mixte de commerce de Fort-de-France d'accorder au groupe Air Guadeloupe la cession de la compagnie Air Martinique doit, dans la circonstance, être considérée comme une véritable opportunité pour atteindre cet objectif. L'administration fiscale et l'aviation civile doivent accompagner le mouvement par des mesures permettant le renforcement du pavillon français.
Ainsi, dans un contexte d'espace économique antillais, le pôle Martinique-Guadeloupe pourra maintenir une activité forte de plus de quatre cents salariés.
Dans le domaine social, et plus particulièrement dans celui de la lutte contre l'exclusion, la Guadeloupe est aussi en attente de signaux forts. Le mécanisme de fonctionnement de l'agence départementale d'insertion est à reconsidérer.
Le logement demeure une préoccupation majeure. Je me félicite donc de l'augmentation de 23 % des crédits de la ligne budgétaire unique, en 1998. Je déplore cependant que la présentation par grandes masses ne permette pas d'apprécier la part qui sera consacrée à mon département.
L'espérance de la population réside aussi dans l'égalité des chances. L'éducation demeure, à ce titre, la meilleure des garanties. Aussi, le Gouvernement se doit de poursuivre l'effort entrepris afin de doter notre rectorat des moyens nécessaires à son plein exercice.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je conclurai mon intervention en abordant un sujet de la plus extrême gravité. En Guadeloupe, une vive inquiétude s'est exprimée au sujet de l'éventuel transfert de notre centre de transfusion sanguine vers la Martinique.
Sans remettre en cause les restructurations menées par l'Agence française du sang, il convient d'analyser avec précaution le cas de la Guadeloupe et de la Martinique.
La Guadeloupe est un archipel. La Guadeloupe et la Martinique sont des régions insulaires soumises à tous les risques naturels majeurs. Dans un tel contexte, la concentration du plateau technique dans un seul de ces deux départements expose les habitants de la Guadeloupe et de la Martinique au péril.
Je me réjouirais, monsieur le secrétaire d'Etat, si, sur cette question, vous étiez en mesure de dissiper nos légitimes inquiétudes, car il s'agit d'un problème majeur de santé public. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Vergès.
M. Paul Vergès. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme chaque année, l'examen du budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer est l'unique occasion d'un échange sur la situation des départements et territoires concernés.
Compte tenu du temps qui nous est imparti et du cadre de cette discussion, ce débat ne peut être que partiel et réducteur. C'est pourquoi nous souhaitons qu'à l'instar de la décision récemment prise par l'Assemblée nationale un véritable débat sur l'outre-mer puisse être également organisé devant la Haute Assemblée, dès l'année prochaine.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Paul Vergès. Les crédits pour 1998 en faveur des départements et collectivités territoriales d'outre-mer, tous ministères confondus, sont en légère augmentation et atteignent 37 milliards de francs, contre 35,9 milliards de francs en 1997. Nous prenons acte de cette progression. C'est pourquoi nous voterons ce budget, que nous considérons comme un budget d'attente.
Cette précision apportée, nous ne voulons entretenir aucune illusion : compte tenu de nos retards accumulés et des conséquences de la progression démographique, le décalage entre les crédits affectés et nos besoins réels ne pourra que s'aggraver dans tous les domaines, notamment dans les secteurs prioritaires de l'emploi, du logement et de l'enseignement.
A la Réunion, la progression constante du chômage traduit cette aggravation régulière de la situation. Ainsi, le nombre officiel de demandeurs d'emploi enregistrés au 30 septembre 1997 a franchi le seuil des 100 000 personnes, soit une hausse de 7 % par rapport au 1er janvier. Selon les critères du ministère de l'emploi et de la solidarité, le taux de chômage a atteint 43 % !
Si rien ne change, on se dirige tout droit vers le scénario catastrophe décrit, en 1992, par le Commissariat général du Plan, selon lequel un actif sur deux serait au chômage.
La situation de la Réunion étant exceptionnelle, elle appelle des mesures exceptionnelles. Si la France comptait plus de 10 millions de chômeurs, quelles seraient les mesures prises pour y faire face ?
Si nous devons nous garder de tout catastrophisme, qui mène à la résignation, il nous faut éviter tout autant l'insouciance irresponsable. Or, durant les prochaines années, la Réunion aura à relever un certain nombre de défis dans un contexte de difficultés accrues.
On peut identifier trois séries de contraintes qui vont lourdement peser sur notre situation. Elles ne nous laissent aucun sursis.
Je citerai d'abord la contrainte démographique, notre population devant augmenter, d'ici à trente ans, de près de 50 %.
Je citerai, ensuite, la contrainte budgétaire. Avec la fin de la réalisation de l'égalité sociale, la période récente de l'augmentation importante des transferts publics alimentant la demande intérieure s'achève. Compte tenu du contexte budgétaire national, les marges de manoeuvre financières risquent désormais d'être très réduites.
Enfin, comme les autres régions insulaires particulièrement exposées, la Réunion aura à anticiper et à gérer les conséquences découlant du réchauffement climatique : c'est toute notre politique d'aménagement et de protection de l'environnement qui devra être revue !
C'est dans ce contexte de difficultés accrues que nous aurons non seulement à négocier le renouvellement du contrat de plan Etat-région et du plan de développement régional avec l'Union européenne, mais aussi à faire face à l'expiration du régime transitoire de l'octroi de mer et à défendre les intérêts de la filière canne lors du prochain règlement sucrier.
Dans le même temps, l'évolution de certains éléments extérieurs ne sera pas sans influence sur notre situation et sur tous ces dossiers. Je pense ici au renouvellement de la convention de Lomé, à l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud, à l'élargissement oriental de l'Union européenne à d'autres régions défavorisées et à des pays producteurs de sucre.
Il est évident que seule la mise en oeuvre d'un plan de développement global et cohérent, anticipant sur plusieurs années, peut nous permettre de faire face à ces défis. L'ensemble des forces politiques, économiques et sociales s'accordent, à la Réunion, sur la nécessité d'une telle démarche.
Mais, en attendant la concrétisation de ce plan, dont les effets ne peuvent être immédiats, nous devons faire face à l'urgence, notamment dans les secteurs prioritaires de l'emploi, du logement et de la formation.
S'agissant de l'emploi, deux initiatives prises par le Gouvernement auront, dans le très court terme, un impact qu'il convient de mesurer.
Dans le secteur de l'économie solidaire ou alternative, les crédits sont marqués par le financement du plan emplois-jeunes. Si nous avons souligné le mérite de ce plan, qui va permettre d'offrir une chance d'insertion réelle à des milliers de jeunes, nous en avons également souligné les limites. Le décalage entre le nombre des emplois qui pourront être offerts et la population au chômage est évident. La majorité des jeunes chômeurs réunionnais ne pourra bénéficier de ce plan. C'est pourquoi nous pensons qu'il est indispensable d'augmenter substantiellement les crédits du Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM, afin d'assurer le financement des autres solutions d'insertion, dont la mise en oeuvre ne pose aucun problème et qui permettront de toucher un plus grand nombre de jeunes.
Dans le secteur de l'économie concurrentielle, le Gouvernement a décidé une modification du régime de défiscalisation. Si nous ne contestons pas les motivations de justice fiscale d'une telle réforme, nous souhaitons que ce dossier soit envisagé essentiellement sous l'angle du développement économique et de la création d'emplois. Or, les premières mesures envisagées pour l'année 1998 ne seront pas sans effet sur la pérennité et le développement de certains secteurs de notre économie.
Par ailleurs, le projet de réforme, tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale, se traduira, pour les finances publiques, par une économie fiscale de près de 300 millions de francs. Selon le principe de neutralité budgétaire, ces sommes économisées vont-elles être intégralement réinvesties dans les départements d'outre-mer ?
Pleinement conscients à la fois de l'urgence, de la gravité et de la complexité du problème de l'emploi, les parlementaires de la Réunion ont décidé de se regrouper en une coordination. Nous souhaiterions qu'un bilan exhaustif et qualitatif des dispositifs actuellement en vigueur, notamment la défiscalisation et la loi Perben, soit effectué et qu'un véritable plan d'urgence soit mis en oeuvre.
S'agissant du logement, nous devons résoudre le paradoxe résultant, d'une part, d'une insuffisance des crédits de la ligne budgétaire unique par rapport aux besoins et, d'autre part, d'une difficulté à consommer dans les délais la totalité de ces mêmes crédits. Deux mesures doivent contribuer à régler ce problème : en premier lieu, un ajustement des crédits du Fonds régional d'aménagement du foncier urbain, le FRAFU, par rapport à ceux de la ligne budgétaire unique, et, en second lieu, l'instauration d'un comité permanent de suivi de la programmation.
Nous considérons également comme essentielle une amélioration de la solvabilité des ménages par une revalorisation et un réaménagement des barèmes de l'allocation logement. Au nombre des mesures d'urgence du Gouvernement, il a été procédé, en métropole, à une augmentation de l'aide personnalisée au logement. Le respect du principe d'égalité exige qu'il soit procédé parallèlement, dans les départements d'outre-mer, à une revalorisation de l'allocation logement.
Concernant l'éducation, vous connaissez la position unanime des représentants du monde scolaire, qu'il s'agisse des enseignants, des personnels IATOS - ingénieurs, administratifs, techniciens et ouvriers de service - ou des parents d'élèves, en faveur de la mise en oeuvre d'un plan de rattrapage sur cinq ans assurant la création de cinq cents postes par an. Or, d'après les chiffres figurant dans le « jaune » budgétaire, il n'est prévu que cent quarante-neuf postes supplémentaires pour 1998.
M. le président. Je vous demande de conclure, mon cher collègue.
M. Paul Vergès. J'arrive à ma conclusion, monsieur le président, et je fais le maximum, mais je ne reprendrai plus la parole avant un an sur les problèmes de mon île ! (Sourires.)
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Paul Vergès. Au-delà de ces trois domaines prioritaires que sont l'emploi, le logement et l'éducation, nous voulons plus particulièrement attirer votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur un dossier qui arrive à maturité, celui des journaliers communaux.
La quasi-totalité des maires de l'île, soit précisément vingt-deux sur vingt-quatre, sont d'accord ; les syndicats d'employés communaux le sont aussi. Il faut aller vite, car il s'agit du sort de 13 000 employés sans aucun statut aujourd'hui.
En terminant, monsieur le secrétaire d'Etat, je dirai mon inquiétude sur les conditions de la médiocre campagne sucrière 1997, qui se traduira par des difficultés accrues pour les planteurs.
Monsieur le secrétaire d'Etat, 1998 marquera une date importante pour les départements d'outre-mer, car elle sera l'année du cent cinquantième anniversaire de l'abolition de l'esclavage. Aujourd'hui, nous avons le sentiment, à la Réunion, que notre île se trouve dans une nouvelle phase importante de son histoire : ou bien rien ne change, et ce qui est redouté par tous risque de se produire, que l'on parle de l'explosion ou de l'implosion sociale ; ou bien nous avons l'audace nécessaire pour engager les réformes qui s'imposent et ouvrir ainsi la voie d'un développement durable et solidaire, permettant à chacun de s'insérer dans la société.
Cent cinquante ans après l'abolition de l'esclavage, la société réunionnaise doit relever le défi du chômage pour briser les chaînes de cet esclavage moderne, qui concerne, à la Réunion, plus de 100 000 personnes ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Jean-Marie Girault, rapporteur pour avis, applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Monsieur le secrétaire d'Etat, en quelques heures, nous allons traiter du budget de la France du Large, qui est présente sur quatre continents. Certes, le débat sur l'immigration est beaucoup plus passionnant ! Pour l'outre-mer, je crois que l'on attend trop l'explosion pour dégager des solutions. Et cela coûte très cher !
Je tiens d'abord à saluer le travail de la Haute Assemblée. Ses propositions et sa volonté sont claires : il faut assainir les finances et résorber les dépenses publiques. C'est donc un acte de courage, de la part, notamment, de la commission des finances.
Mais votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, est atone et j'ai l'impression que rien ne bouge au ministère de l'outre-mer. Une sorte de carcan empêche ce ministère de sortir du cadre du budget traditionnel pour aborder les vrais problèmes.
A nouveau gouvernement, nouvelle politique !
Nous attendons tous - et je rejoins sur ce point notre collègue M. Vergès - un grand débat sur l'outre-mer, un débat dépassionné. Il n'est pas possible que les deux assemblées se mobilisent pour traiter le problème de l'immigration alors que les solutions pour l'outre-mer sont attendues depuis cinquante ans !
Certes, il y a eu des avancées, la plus importante ayant été la loi de défiscalisation. Mais, surtout, il y a eu la loi de programme et le mémorandum de juin 1987, qui a permis le doublement des fonds structurels. Il y a eu aussi l'approche de la loi Perben. Mais, depuis quelque temps, nous appliquons toujours la même jurisprudence.
J'ai entendu dire que votre budget avait augmenté, alors que, comme ce fut le cas pour celui de M. de Péretti, l'accroissement des crédits s'explique par les transferts qui ont été opérés : on a pris, ici, 3 millions de francs au ministère du travail, là, 96 millions de francs au ministère de l'équipement pour la résorption de l'habitat insalubre.
Pour ce qui concerne l'emploi, on avait suscité un immense espoir en évoquant la création de 3 000 emplois-jeunes. Or, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez déjà signé, lors de votre récent passage à la Réunion, 1 500 contrats. Que restera-t-il pour les autres ? Il en faudrait beaucoup plus !
La montée du chômage est intolérable. Elle est d'autant plus intolérable que notre jeunesse, à qui nous avons demandé de faire des efforts de formation, d'insertion, que nous avons encouragée à accéder à des diplômes, ne reçoit d'autre réponse que le RMI.
Il y a aujourd'hui, manifestement, une prise de conscience et une responsabilisation de la jeunesse domienne, qui rejette systématiquement l'assistanat. Elle a envie de prendre en main les destinées de son pays.
Or, quand je constate l'annulation de crédits qui a été décidée à l'Assemblée nationale, je suis tout de même préoccupée : 139 millions de francs d'autorisations de programme annulées, 78 millions de francs d'autorisations de programme annulées rien que pour la ligne budgétaire unique, 100 millions de francs annulés pour le fonds de l'emploi.
J'entends bien que des efforts sont réalisés au niveau de la LBU, mais ce sont des efforts sur le papier, monsieur le secrétaire d'Etat ! Comment pouvons-nous admettre que c'est au mois de septembre seulement que les services de l'Etat - en l'occurrence la direction départementale de l'équipement - lancent des programmes de logements sociaux en Guadeloupe ? Nous n'allons pas consommer les 4 millions de francs de crédits dont nous disposons, parce que les programmes sont lancés avec retard. Et ce retard est délibéré, je pèse bien mes mots.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, nous nous inquiétons à juste titre au sujet de l'OCM banane. Certes, le Gouvernement fait des efforts considérables, je le reconnais, pour défendre la production bananière, l'octroi de mer, et pour lutter contre l'attitude frileuse des banques.
Le Gouvernement a décidé de supprimer la loi de défiscalisation, en recourant notamment à la « tunnélisation » et au plafonnement. Mais, dans ces conditions, il fallait alors qu'il propose autre chose à l'outre-mer que 3 000 emplois, dont 1 500 à la Réunion !
A défaut d'un vrai dispositif, la Haute Assemblée a eu raison, je crois, de soutenir ce projet. Je sais d'ailleurs que vous pensez - et je vous en rends hommage - que la loi de défiscalisation est, sous réserve des quelques amendements qui peuvent être nécessaires, la seule réponse possible. Mais en l'état, vous le savez, tous les dossiers sont gelés. Qui viendra alors investir dans une région où l'on remet en cause en permanence le principe de la défiscalisation ?
Il n'y a pas eu de dialogue avec les élus, il n'y a pas eu de volonté de débattre. On nous a fait un procès diabolique, on nous a même accusés de blanchir l'argent outre-mer. Mais qui donne l'agrément ? C'est l'Etat ! L'Etat français aurait-il accepté de blanchir de l'argent outre-mer ?
On nous a dit qu'il fallait moraliser le dispositif. Mais avec quoi avons-nous lancé la construction de bateaux de pêche, construit des aéroports, favorisé les énergies renouvelables ? Ne venons-nous pas d'inaugurer, à Marie-Galante, une centrale éolienne, qui est un exemple reconnu par Bruxelles ? Il faut donc maintenir en l'état ce processus en attendant d'avoir autre chose à proposer aux populations.
On a évoqué tout à l'heure le saupoudrage des crédits par la région. Je ne peux pas laisser dire cela ! J'ai hérité d'une région dont le déficit officiel, reconnu par la chambre régionale des comptes, était de 750 millions de francs. Si l'on y ajoute les intérêts de retard, l'hôtel Fort Royal, acquis dans l'opération Aquitaine-Loisirs, ainsi que les satellites, le déficit atteint alors 1 100 millions de francs.
Nous avons résorbé ce déficit, vous le savez. Le rapport général de M. Lambert est d'ailleurs explicite à ce sujet : selon lui, même si elle subit encore les difficultés de l'héritage, la région Guadeloupe a retrouvé une situation équilibrée.
Mais comment continuer à financer les contrats de plan quand l'un des partenaires est en faillite et doit 480 millions de francs d'arriérés de sécurité sociale ? Comment voulez-vous que nous puissions lancer l'irrigation indispensable à nos grandes terres ? Comment les aides du FEOGA peuvent-elles être mises en oeuvre quand l'Etat met sa part, que l'Europe met la sienne, mais que l'autre partenaire est absent ?
J'ai donc demandé à M. le préfet - et je compte sur vous, monsieur le secrétaire d'Etat, pour nous soutenir auprès de lui - qu'il soit possible de consommer les fonds européens. Il faut que l'Etat reconnaisse qu'il y a un partenaire absent ! Que l'Etat augmente sa part, la région sera prête à augmenter la sienne. Je ne peux pas, au moment où je viens de faire sortir des méandres la région Guadeloupe, prendre à ma charge la totalité des parts du département et de la région !
J'évoquerai maintenant le statut.
Je suis de celles et ceux qui pensent qu'il faut un débat sur le statut de l'outre-mer, en pleine sérénité, hors de toute campagne électorale, afin d'en finir avec les financements croisés.
Je pense effectivement qu'il faut avoir le courage de mettre sur la table les problèmes spécifiques qui se posent à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy.
Mais permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous poser un certain nombre de questions.
Vous savez que la Guadeloupe est un archipel. Vous savez aussi que le préfet maritime est à la Martinique - que la Martinique le garde ! (Sourires) - mais comment expliquer, monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi la région Guadeloupe ne bénéficie pas du fonds de péréquation au titre des transports ? En effet, le conseil régional vient de consentir un effort considérable : tous les étudiants de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy, de la Désirade et de Marie-Galante bénéficient d'un demi-tarif, car la région a institué un tarif propre aux résidents. Pourquoi l'Etat n'accompagne-t-il pas notre effort, alors qu'il le fait pour d'autres régions de l'outre-mer ? Pourquoi les dotations de l'archipel de la Guadeloupe, avec ses six îles, sont-elles équivalentes à celles de la Martinique ? Ainsi, monsieur le secrétaire d'Etat - mais vous le savez - nous sommes obligés d'entretenir de nombreux aéroports et de nombreux ports, de construire des lycées à Saint-Martin, à Marie-Galante, alors que nous percevons les mêmes dotations !
Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de livrer une dernière réflexion, notamment à l'attention de ceux qui en appellent à la moralisation de la défiscalisation. Vous savez les fonds que consacre l'Etat français à la Caraïbe, notamment à Haïti, et vous connaissez les taux d'intérêt - de 2 % - ainsi que les différés - de sept ans - qui sont accordés. Vous savez aussi qu'en cas de non-remboursement la France efface les dettes. Je veux bien que l'on parle de moralité, mais commençons un peu à penser à nous-mêmes !
Pour terminer, j'aimerais savoir quand sortira le décret sur la zone des cinquante pas géométriques. Là aussi, il est nécessaire d'agir, monsieur le secrétaire d'Etat !
Par ailleurs, quand paraîtra définitivement la carte sanitaire ? On nous parle de 1999. Je vous demande d'inscrire très vite cette question à l'ordre du jour, monsieur le secrétaire d'Etat !
Enfin, comment se fait-il, alors que l'on liquide en ce moment en Guadeloupe la société d'économie mixte de Grosse-Montagne, à laquelle d'importants financements publics ont été alloués, que le liquidateur fasse ce qui lui plaît et que nous ne sachions pas où se trouvent les fonds publics ? En outre, nous venons d'apprendre que l'usine va être vendue en pièces détachées ! A toutes les questions que nous posons, sur le fondement de délibérations prises par notre assemblée, ni le procureur de la République, ni le liquidateur, ni le juge commissaire ne répondent !
Pour conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, je crois que, dans le grand débat qui doit être mené sur l'outre-mer, il faudra parler du FEDER. Nous devrions pouvoir percevoir directement les fonds qui nous sont alloués à ce titre, quel que soit le gouvernement ! En effet, je peux prouver que l'on doit beaucoup, beaucoup d'argent à la région Guadeloupe ! J'ai ainsi en ma possession une lettre de Bruxelles qui me démontre que des fonds ont été votés au budget de l'Etat depuis fort longtemps, mais nous n'avons toujours rien reçu en Guadeloupe. Ainsi, actuellement, ce sont près de 300 millions qui sont dus à la région. Comment pouvons-nous, nous, petites collectivités, continuer à jouer au banquier quand le FEDER n'a pas remboursé dans les délais ce qu'il nous doit depuis 1993 et 1994 ? Certes, ce n'était pas votre gouvernement, monsieur le secrétaire d'Etat - je ne fais de procès à personne - mais tous ces retards accumulés font que nos collectivités ne peuvent avancer.
Ma dernière question sera la suivante, monsieur le secrétaire d'Etat : nous avons demandé la constitution d'un fonds de préfinancement pour les communes. Notre objectif n'est pas de maintenir les communes en tutelle, mais nous nous apercevons que le développement de proximité se fait aussi à travers elles. Or elles sont le plus souvent endettées et elles ne peuvent pas jouer un rôle de banquier pour le retard enregistré en ce qui concerne le remboursement des fonds du FEDER. Mais l'Etat français a considéré que cette idée, adoptée par Bruxelles, ne pouvait être appliquée.
J'émets de très fortes réserves, monsieur le secrétaire d'Etat, sur votre projet de budget, mais j'en émets aussi vis-à-vis de la position adoptée par la commission des finances, qui a voulu, et je le comprends, réduire les crédits de chacun des fascicules budgétaires, qu'il s'agisse de la défense ou de l'outre-mer. Mais elle a perdu de vue que, pour la Guadeloupe, 50 000 chômeurs, c'est insupportable, parce que cela touche ses forces vives. Pour elle, 50 000 chômeurs, c'est inacceptable parce que ses jeunes diplômés frappent à la porte et qu'ils ne veulent ni de la mendicité ni de l'assistanat.
Comme beaucoup de budgets de l'outre-mer, celui que vous nous présentez cette année, monsieur le secrétaire d'Etat, ne me satisfait pas. Il est temps que la France ouvre un grand débat sur les départements d'outre-mer. Il est temps que la France dise si elle veut que l'Europe garde une place dans les Caraïbes à travers l'outre-mer. Il est temps que l'on ait le courage de régler calmement les graves problèmes de dignité et de responsabilité qui se posent à nos populations. Hier, à Cayenne, on a dépêché quatre ministres pour régler la révolte des étudiants. Dépêcherez-vous, demain, dix ministres en Guadeloupe pour régler le problème de l'eau ?
Pour ma part, je fais partie de celles et de ceux qui pensent que la politique, cela se pense, cela se réfléchit, cela s'organise, cela s'exécute. Et je suis respectueuse de la volonté populaire. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Lagourgue.
M. Pierre Lagourgue. Vous avez pu, monsieur le secrétaire d'Etat, vous rendre compte de l'ampleur de nos problèmes lors de votre visite à la Réunion, voilà tout juste un mois.
J'ai abordé tout à l'heure, en tant que rapporteur de la commission des affaires sociales, les questions de l'emploi et du logement.
Bien entendu, j'approuve entièrement, à titre personnel, tout ce que la commission a tenu à exprimer en ce qui concerne ce projet de budget, et je tiens à insister sur ce véritable fléau qu'est le chômage à la Réunion, en rappelant qu'il touche désormais plus de 40 % de la population active.
Au mois de septembre 1997, l'ASSEDIC de la Réunion a envoyé aux demandeurs d'emploi très précisément 120 841 cartes d'actualisation, soit 9 % de plus qu'en septembre 1996.
L'augmentation persistante du nombre des chômeurs se traduit par un désarroi grandissant de la population touchée, et nous sommes, nous, élus, interpellés face à cette réelle désespérance.
La Réunion comptera bientôt un million d'habitants. Quel espoir pouvons-nous donner à ces milliers de jeunes qui viennent chaque année sur le marché du travail ?
En effet, 26 000 d'entre eux n'ont pas d'emploi, et toute offre dans ce domaine se révèle aussitôt insuffisante : la semaine dernière, par exemple, ils étaient 3 000 à se présenter à un concours d'agent administratif de la fonction publique territoriale, pour seulement vingt-six postes !
La situation est à ce point grave dans les DOM qu'elle appelle des mesures spécifiques et volontaristes.
Nous tenons à ce que vous vous rendiez compte, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que, faute de dispositions adaptées à leurs besoins économiques, sociaux et démographiques, les DOM n'ont aucune chance de sortir du marasme qui est le leur.
Je tiens à affirmer qu'il n'existe aucune contradiction entre l'application pleine et entière des lois à nos départements lointains, d'une part, et la mise en oeuvre de mesures adaptées pour tenir compte de leurs handicaps et retards structurels, d'autre part.
Pour prendre un exemple précis, je citerai, comme d'autres orateurs l'ont fait avant moi, le cas de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire de 1995, dont l'application dans les DOM est très limitée, puisque nous ne bénéficions pas de la PAT, la prime d'aménagement du territoire.
Le gouvernement précédent avait déposé un projet de loi visant à mieux intégrer les DOM dans le dispositif national d'aménagement du territoire. Il prévoyait notamment d'ériger chaque DOM en zone prioritaire ultrapériphérique, équivalent de la zone d'aménagement du territoire, la ZAT, caractérisée par un faible niveau de développement économique et par l'insuffisance du tissu industriel et tertiaire ; en complément, il était envisagé de s'attacher au désenclavement économique, grâce à un régime incitatif en faveur des entreprises dont l'activité est tournée vers l'exportation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ce projet de loi répondait en partie à nos besoins, car la notion de ZAT, pas plus d'ailleurs que celle de zone franche urbaine, ne correspond au contexte réunionnais.
Nous attendons donc les adaptations nécessaires, en particulier la mise en oeuvre du concept d'entreprises franches, qui ne ferait plus référence à la localisation en zone franche des entreprises exportatrices, mais qui leur permettrait de bénéficier des avantages des zones franches, quel que soit le lieu d'exercice de leur activité, comme cela est d'ailleurs le cas à l'île Maurice, qui est devenue un grand pays exportateur.
A la Réunion, tous les secteurs de l'activité économique sont en crise : ainsi, la filière canne-sucre voit son avenir menacé, le secteur du BTP voit chaque année le nombre de ses salariés fondre, l'ensemble des PMI se heurtent à l'absence de matières premières, à l'étroitesse du marché et à l'éloignement géographique.
Pourtant, il est indispensable de développer la production, non seulement pour assurer une plus large consommation locale, puisque seulement 75 % des besoins sont actuellement couverts par les produits locaux, mais également pour renforcer une politique d'exportation pratiquement inexistante à l'heure actuelle.
Il est aussi une catégorie d'entreprises à laquelle on ne prête pas attention, mais qui cependant est très dynamique ; il s'agit des très petites entreprises, lesquelles sont exclues du circuit de financement public, privées du bénéfice des aides fiscales à l'investissement, écrasées par les démarches administratives et trop souvent négligées par les banques. Une action devrait donc être menée pour encourager la création de telles entreprises.
En conclusion, je pense qu'il est urgent d'élaborer un contrat pour l'avenir, comme vous l'avez vous-même suggéré au terme de votre visite à l'île de la Réunion, monsieur le secrétaire d'Etat, afin que le chômage dans les DOM ne soit plus comparable à une calamité permanente et sans limite.
L'avenir des départements d'outre-mer vaut bien une vraie messe, et non les « grand-messes » auxquelles nous sommes périodiquement invités. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées socialistes et du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Lauret.
M. Edmond Lauret. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les années passent, les majorités se font et se défont, mais les difficultés de l'outre-mer demeurent, car les timides mesures prises de temps à autre ne tiennent pas sérieusement compte de la situation réelle de nos territoires ultramarins.
A maintes reprises, j'avais eu l'occasion d'interpeller le gouvernement précédent sur les blocages divers qui gênent le développement des départements d'outre-mer.
J'aborderai tout d'abord le dossier du logement social, dont le montage financier doit, à mon sens, être modifié pour nous permettre de construire davantage, car actuellement nous accumulons des retards dans ce domaine, alors que, paradoxalement, certains logements sociaux neufs restent inoccupés à cause de leurs loyers prohibitifs, et que les crédits de la ligne budgétaire unique, la LBU, ne sont pas utilisés en totalité.
Par ailleurs, l'agriculture traditionnelle doit être réactivée, car elle dégage une forte valeur ajoutée, crée des emplois et pourrait permettre l'autosuffisance et même l'exportation.
En outre, les fonctionnaires ne doivent pas être les boucs émissaires de la réforme.
Enfin, l'effort doit également porter sur la décentralisation, qui passe autant par une intercommunalité cohérente que par un redécoupage qui permettra de corriger le déficit démocratique que nous vivons à la Réunion, où n'existent que vingt-quatre communes pour presque 700 000 habitants.
Je pourrais encore citer les difficultés de la mobilité, dont les crédits baissent, de la formation, de l'insertion, qui reste symbolique, et, surtout, des jeunes au chômage qui, malgré les promesses qui leur ont été faites pendant la campagne des dernières élections législatives, voient leur avenir bouché.
Votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat, apporte-t-il un début de solution à ces problèmes ? A l'évidence, je dois répondre non.
Globalement, les crédits soumis à notre vote connaissent une augmentation en trompe-l'oeil.
En effet, un artifice de présentation consistant à inscrire au budget des DOM les crédits de financement de 3 260 contrats emplois-jeunes, crédits qui relèvent, pour le reste de la France, du budget du ministère de l'emploi et de la solidarité, et les crédits de résorption de l'habitat insalubre qui dépendaient jusqu'à présent du ministère de l'équipement, vous permet d'afficher une progression des dépenses pour 1998.
Ce n'est qu'un leurre, et je dois le dénoncer.
En matière de logement, on avait promis aux électeurs le doublement de la LBU mais où en est-on ? La réalité est tout autre, car les crédits votés l'an passé par l'ancienne majorité ont été fortement amputés en juillet dernier.
En conséquence, le retard en matière de logement s'aggravera dans les mois qui viennent.
Pour ce qui concerne l'emploi, les 300 millions de francs inscrits pour le financement des emplois-jeunes feront l'effet d'un cautère sur une jambe de bois, d'autant que nous avons déjà payé 100 millions de francs sur cette somme, du fait du décret d'annulation signé en juillet dernier.
Ce total de 300 millions de francs correspond à 3 260 emplois-jeunes pour la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, la Réunion et Saint-Pierre-et-Miquelon. Nous sommes loin, très, très loin des 12 000 emplois promis par les députés de votre majorité pour la seule Réunion !
A ce rythme-là, une chose est certaine, monsieur le secrétaire d'Etat : le nombre des jeunes Réunionnais au chômage passera de 26 000 à plus de 50 000 !
Le traitement réservé aux DOM par cette loi sur les emplois-jeunes et par votre projet de budget me paraît totalement inacceptable.
En effet, en refusant de tenir compte de l'importance réelle du taux de chômage de nos jeunes - on dénombre 43 % de chômeurs à la Réunion - le Gouvernement a établi la nouvelle équation suivante : un jeune chômeur métropolitain = quatre jeunes chômeurs réunionnais.
Je refuse catégoriquement ce traitement réservé à mes jeunes compatriotes, et je dénonce solennellement cette atteinte à l'égalité, égalité instaurée en 1995 par le Président de la République et sur laquelle le Gouvernement semble revenir.
D'autres menaces pèsent encore sur les DOM.
Je parlerai d'abord des allocations familiales puisque le Gouvernement a voulu remettre en cause l'égalité sociale, à laquelle les familles d'outre-mer ont accédé en 1995 sous le gouvernement Juppé, en essayant de diminuer le plafond des allocations familiales dans ces départements. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez depuis, semble-t-il, renoncé à ce recul social, en mettant cette « bavure » sur le compte des technocrates.
Monsieur le secrétaire d'Etat, Michel Debré m'a enseigné, entre autres choses, que l'administration doit être aux ordres du politique et non l'inverse.
Par ailleurs, la loi Pons est attaquée, alors qu'elle a été, de l'avis de tous, un outil extraordinaire de développement de l'outre-mer.
Renoncez, monsieur le secrétaire d'Etat, à modifier la loi de défiscalisation, sinon vous serez tenu pour responsable de la perte de milliers et de milliers d'emplois.
Je pense, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, que le développement harmonieux de nos îles est possible, si nous acceptons de remettre à plat l'ensemble du dispositif actuel sans toucher au statut départemental, gage de stabilité.
Il faut cesser de croire que l'assistance et la fatalité du RMI sont les deux ingrédients de la paix sociale et les seuls remèdes au mal-vivre dans l'outre-mer.
Au contraire, l'outre-mer réclame le respect de sa dignité et veut activement participer au rayonnement de la France et de l'Europe dans le monde. Cela suppose, au préalable, la confirmation du principe de l'égalité des chances entre Français de l'Hexagone et Français de l'outre-mer.
Ainsi, les jeunes de mon île réclament - et ils ont raison - le même traitement que celui qui est réservé à leurs homologues métropolitains. Si cette règle est acceptée, la solidarité locale fera le reste, en s'ajoutant à la solidarité nationale, et nous pourrons dégager les moyens de redonner une activité à notre population.
Il faudra aussi accepter de traiter différemment le chômage outre-mer : les remèdes à apporter seront nécessairement autres, car, chez nous, le taux de chômage est quatre fois plus élevé qu'en métropole. En particulier, l'emploi marchand devra être favorisé.
Enfin, et c'est le troisième volet d'une proposition de loi que je viens de déposer sur le bureau de notre Haute Assemblée, la dignité par le travail peut être offerte à nos concitoyens RMistes, et cela sans induire de coût supplémentaire pour l'Etat.
La proposition que j'ai formulée bouscule certes quelques mauvaises habitudes, mais elle permettrait de rendre l'espoir et la dignité par le travail à des dizaines de milliers d'exclus.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne voterai pas votre projet de budget, car, ce faisant, je croirais commettre une faute envers les jeunes et les chômeurs de mon île. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Henry.
M. Marcel Henry. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de budget pour l'outre-mer accuse une nette croissance par rapport à celui de l'année dernière. Mais cette évolution, plus apparente que réelle, résulte essentiellement d'un transfert au profit du secrétariat d'Etat à l'outre-mer de dotations pour la résorption de l'habitat insalubre et de crédits de financement du nouveau dispositif sur l'emploi des jeunes.
Malgré ce transfert, le budget de l'outre-mer ne représente qu'environ 10 % des actions de l'Etat dans nos collectivités ultramarines. La vocation d'incitation et d'accompagnement des interventions des autres ministères est donc réaffirmée pour le secrétariat d'Etat à l'outre-mer.
Ainsi, vous demeurez, monsieur le secrétaire d'Etat, notre interlocuteur naturel, et je me réjouis de poursuivre le dialogue commencé avec vous lors de votre récent voyage officiel à Mayotte.
Le projet de budget que vous nous présentez vise deux objectifs essentiels à nos yeux : l'emploi et le développement économique et social. Encore faudra-t-il que les engagements pris soient tenus.
Respecter la parole donnée par l'Etat à notre collectivité territoriale, c'est d'abord veiller à l'exécution des engagements inscrits dans la convention de développement économique et social pour la période 1995-1999.
Nous avons déjà eu l'occasion de vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que les retards dans le versement de la contribution de l'Etat en matière de rémunérations des instituteurs, de dépenses de l'administration pénitentiaire, de programmes d'équipement routier et d'actions sanitaires et sociales sont considérables. Ils atteignent, globalement, 76,1 millions de francs en 1997 pour les trois premières années d'exécution de la convention.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir donné, devant l'ensemble des élus de notre île, lors de votre récente visite officielle à Mayotte, toutes assurances quant au rattrapage des retards constatés.
Outre les engagement financiers, nous attendons également l'édiction de divers décrets d'application des lois étendues à Mayotte après adaptation. Tel est le cas de l'ordonnance relative à l'organisation hospitalière et de protection sociale. Il en est de même pour la fonction publique, où est attendu l'établissement des statuts particuliers, après celui du statut général des fonctionnaires.
Il faut rappeler également que le décret d'application relatif au centre national de la fonction publique territoriale n'est toujours pas pris, or il traite de l'intervention de cet organisme à Mayotte.
Enfin, le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 13 de la loi du 24 décembre 1976 relative à l'organisation de Mayotte est toujours attendu pour la répartition entre l'Etat, la collectivité territoriale et les communes, des immeubles compris dans les domaines public et privé territoriaux.
Respecter la parole de l'Etat, c'est, en second lieu, veiller à l'application de la lettre et de l'esprit de la loi précitée du 24 décembre 1976, qui détermine les voies du développement de l'île.
Cette loi dispose, en particulier aux termes de son article 9, que Mayotte « bénéficie de l'intervention directe des services, des établissements publics, des entreprises publiques et des fonds d'investissement et de développement de l'Etat ». A cet égard, je regrette vivement que le Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM, qui est applicable dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, ne soit pas étendu à Mayotte, malgré la demande insistante de l'ensemble des élus.
Il faut noter que les crédits du fonds de chantiers de développement qui sont censés compenser cette lacune se trouvent seulement maintenus à leur niveau de 1997, alors que ce nouveau dispositif pour l'emploi est censé renforcer les moyens mis en oeuvre.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez souligné, à l'Assemblée nationale, le 13 octobre dernier, l'expérimentation heureuse à la Réunion du Fonds régional d'aménagement foncier et urbain, le FRAFU. Vous avez ensuite annoncé son développement dans les autres départements d'outre-mer ainsi qu'à Mayotte. Je souhaite d'ores et déjà que cet instrument adapté aux réalités locales puisse intervenir très rapidement dans notre collectivité.
Enfin, s'agissant de la lutte contre l'exclusion, il nous tarde que les attributions de l'Agence nationale pour l'intégration et la promotion des travailleurs originaires d'outre-mer soient étendues aux Mahorais qui viennent poursuivre leur formation professionnelle en métropole, souvent au prix de graves difficultés.
Au-delà de ces instruments de lutte pour l'emploi et la cohésion sociale, dont la liste n'a aucun caractère exhaustif, il importe surtout de marquer à travers ce budget la volonté de réaliser le progrès de Mayotte avec des moyens techniques et financiers qui ont fait leur preuve dans les départements d'outre-mer.
C'est pourquoi, à l'heure où notre « collectivité territoriale » s'engage résolument dans le développement du tourisme, je tiens à vous dire tout l'intérêt qui s'attache à la pérennisation du dispositif de la défiscalisation outre-mer, dont les acteurs économiques reconnaissent unanimement qu'il s'agit d'un remarquable instrument d'incitation à l'investissement privé dans l'île.
Nous venons d'obtenir, grâce notamment à l'action tenace du député Henry Jean-Baptiste, président de la Société immobilière de Mayotte, la SIM, l'agrément du ministère des finances pour un prêt de la Caisse française de développement à la construction de logements dans la catégorie des programmes locatifs intermédiaires, les PLI.
Cette opération de « défiscalisation » - la première du genre à la Mayotte - nous apportera une utile relance des investissements productifs créateurs d'activités et d'emplois sur place.
C'est pourquoi je me rallie à l'arbitrage initial du Premier ministre, qui ne prévoyait « ni plafonnement ni tunnélisation » des investissements défiscalisés outre-mer. Il importe, en tout état de cause, de ne pas agir précipitamment pour modifier le système en vigueur. Plus que jamais s'impose la constitution d'une commission parlementaire d'information, composée de députés et de sénateurs, avant toute modification sensible de ce dispositif qui est remis en cause tous les ans.
Respecter la parole donnée, c'est, enfin, s'attacher à organiser la consultation populaire sur l'avenir institutionnel de notre « collectivité territoriale ». Cette consultation, je ne le rappellerai jamais assez, est prévue par la loi du 24 décembre 1976 sur l'organisation provisoire - il faut aussi le rappeler - de Mayotte. La nécessité de cette consultation est, en outre, réaffirmée par la loi subséquente du 22 décembre 1979.
Outre cet engagement législatif réitéré, la consultation de la population mahoraise a été promise par les plus hautes autorités de l'Etat. Je vous sais gré, monsieur le secrétaire d'Etat, d'être venu à Mayotte nous confirmer la volonté du Gouvernement d'organiser, avant l'an 2000, cette consultation.
Le principe étant ainsi acquis, il convient d'envisager à présent les mesures préparatoires de cette consultation depuis si longtemps attendue.
Les deux groupes de réflexion sur l'avenir institutionnel de l'île vont rendre prochainement leurs conclusions. Comme convenu, les avis porteront un éclairage sur les options prévues par les lois de 1976 et 1979, à savoir le maintien du statut actuel, la transformation en département d'outre-mer ou l'adoption d'un statut différent. Parallèlement à ce travail des experts et des personnalités qualifiées, deux séries d'actions méritent d'être engagées.
D'une part, il faudrait remédier aux problèmes multiples qui continuent de se poser en matière de preuve de l'état civil et de la nationalité française des Mahorais. A cet égard, je tiens à vous remercier chaleureusement de nous avoir annoncé, lors de votre visite, le projet d'ordonnance relatif à la présomption de nationalité française en faveur de nos compatriotes de Mayotte.
D'autre part, l'organisation dans les meilleures conditions de la consultation populaire sur le statut de l'île suppose la poursuite d'une politique énergique contre l'immigration clandestine. Il ne faudrait pas que notre « collectivité territoriale » puisse subir les conséquences des soubresauts politiques et de la mauvaise gestion financière qui peuvent sévir dans les pays voisins. Faisant partie intégrante de la République française, Mayotte doit s'inscrire pleinement dans les seules contraintes et les limites propres au progrès de notre Etat.
Telles sont, monsieur le secrétaire d'Etat, les préoccupations que m'inspire l'examen de votre projet de budget. C'est de vos réponses que dépendra mon vote. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Reux.

M. Victor Reux. Depuis votre visite dans notre collectivité territoriale, au début du mois d'octobre, vous avez continué, monsieur le secrétaire d'Etat, à prendre le contact indispensable avec d'autres entités ultramarines. Vous avez donc pu noter que, malgré leurs différences intrinsèques, leur dénominateur commun, économique et social, n'est pas d'une nature différente de celui d'autres collectivités de l'Hexagone.
Ce point commun, c'est la nécessité de jeter ou d'amplifier les bases d'un développement économique durable et créateur d'emplois, dans un contexte régional sans cesse en évolution.
Votre projet de budget apparaît globalement plus important que celui de l'an passé, mais il est vrai qu'il s'est trouvé « gonflé » grâce aux 300 millions de francs inscrits au Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM, pour les emplois-jeunes.
Au bout du compte, ces 3,8 % du budget national qu'il représente indiquent de la part du Gouvernement une certaine attention accordée à l'outre-mer.
Il est vrai aussi que, par ailleurs, les autres interventions dans l'outre-mer se soldent par un transfert global de l'ordre de 37 milliards de francs en provenance des divers ministères.
Je note, comme tout un chacun, une augmentation du FIDOM général de 6,7 %, qui porte son budget à 232,5 millions de francs.
En revanche, comme l'an dernier, je ne peux que déplorer l'effondrement du FIDOM décentralisé, qui était pour notre collectivité un facteur budgétaire très utile. Perdant plus de 50 %, il atteint seulement 15 millions de francs.
Or, en contrepartie de sa suppression, un projet de loi visant l'aménagement du territoire dans les départements d'outre-mer devait être soumis au Parlement par l'ancienne majorité. Qu'en est-il actuellement, monsieur le secrétaire d'Etat ? Votre gouvernement va-t-il oeuvrer dans ce sens ?
Ce budget n'est donc pas globalement moins bon que celui de l'an passé. Néanmoins, nos inquiétudes sont multiples et fondées, car nous sommes loin d'être persuadés que les menaces qui pèsent sur le présent et l'avenir soient en voie d'être écartées. Je veux faire allusion ici, évidemment, aux mesures de défiscalisation connues sous le nom de « loi Pons ».
Elles ont été l'objet d'un débat serré, comme il se devait, ces temps derniers au Parlement, car l'enjeu est énorme, nombre d'activités de l'outre-mer demeurant souvent déficitaires même avec un investissement défiscalisé.
C'est pourquoi, ne serait-ce que pour assurer le maintien ou la création d'emplois et la survie des opérations engagées, je pense, comme mes collègues de l'outre-mer, qu'il est indispensable de ne pas éradiquer les possibilités de défiscalisation dont a bénéficié l'outre-mer, et partiellement jusqu'ici Saint-Pierre-et-Miquelon.
Il ne faut pas, dans le contexte actuel difficile de l'outre-mer, mettre fin à un dispositif qui a fait ses preuves de manière indéniable.
Cela vaut aussi pour Saint-Pierre-et-Miquelon. Il est certain, en effet, que les agréments de défiscalisation nous ont permis, au cours des dernières années, d'accomplir des réalisations ou de lancer des projets maintenant bien avancés dans les secteurs immobilier, aéroportuaire, touristique et maritime. Cela eût été impossible sans les avantages plus que jamais nécessaires de la loi Pons, qui nous aidera à sortir de la politique d'assistance dont nous sommes l'objet malgré nous, depuis cinq ans, à cause de la mise à mort de notre industrie de la pêche.
Il est non moins certain, je tiens à le souligner, que, dans cet archipel que j'ai l'honneur de représenter, il n'y a jamais eu la moindre dérive ou le moindre abus dans ce domaine particulier.
Je me permets donc, monsieur le secrétaire d'Etat, d'insister tout particulièrement sur l'intérêt exceptionnel que nous attachons à l'obtention de l'agrément fiscal pour deux projets. Tout d'abord, pour le nouveau navire roulier qui remplacera celui que nous avons, lequel bat pavillon danois ; c'est le projet « Comat-France ». Ensuite, pour le projet « Transmer », qui prévoit la construction de trois navires d'approvisionnement pour les plates-formes pétrolières existantes et pour celles qui vont s'implanter dans la région avoisinant l'archipel, voire, souhaitons-le, dans notre zone économique exclusive.
Toute la région semble promise à un grand avenir dans ce secteur pétrolier pour les trois ou quatre décennies à venir. Aussi est-il normal, pour nous, de redonner à notre port, qui a été vidé de son activité par la cessation de la pêche industrielle depuis des annés, une part du rôle de station-service en Amérique du Nord qu'il a connu par le passé, ce rôle devant être adapté à la nouvelle donne économique de la région géographique où il se trouve. Ce doit être un objectif majeur de toute négociation de contrepartie avec les Nord-Américains, le moment venu ; il faut s'y préparer.
Ainsi, monsieur le secrétaire d'Etat, il s'agit d'un navire de croisière en construction dans un chantier français, et qui sera basé à Saint-Pierre, de trois navires marchands de Medafret assurant la liaison Amérique du Nord-Europe, d'un navire roulier vers le Canada et les Etats-Unis, et de navires d'approvisionnement des plates-formes pétrolières.
Peut-on imaginer qu'ils arboreront tous un pavillon tricolore ? C'est possible, je le crois, si nous avons votre soutien et celui du Premier ministre pour mener à son terme le dossier concernant le registre d'immatriculation des navire à Saint-Pierre-et-Miquelon. Je le sais, vous n'y êtes pas opposé.
Je n'ignore pas cependant que ce projet n'est pas en odeur de sainteté du côté du ministère des transports. Pourtant, il constituerait pour notre archipel un levier d'action supplémentaire, un levier très favorable à la reprise de son économie. C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande de le soutenir avec ardeur et avec réalisme.
L'archipel compte, pour se redresser, sur la mise en place d'une économie diversifiée, mais dans laquelle les activités de pêche doivent conserver une place importante.
Ce sont ces activités qui nous ont permis, durant des années, d'avoir un taux de couverture de nos importations pour nos exportations avoisinant les 50 %. Ce taux est aujourd'hui inférieur à 5 %, soit dix fois moins.
Depuis trois ans, les efforts réalisés pour déployer la pêche artisanale vers des champs nouveaux ont porté leurs fruits ; ils doivent être encouragés, notamment par une répartition locale des quotas plus équilibrée et plus juste. En revanche, les résultats concernant l'usine de traitement des pétoncles de Miquelon SA et l'alimentation de l'unité industrielle Archipel SA sont bien loin des espérances suscitées.
A ce sujet, les inquiétudes sont grandes. L'épisode récent de l'annonce du plan social dans Interpêche y a été pour quelque chose. Mais si, de ce côté-là, la situation s'est éclairicie, toutes les interrogations demeurent quant au plan de charge de l'entreprise pour l'an prochain.
De surcroît, il serait inadmissible que la direction générale de l'entreprise ne respecte pas - je devrais dire ne continue pas à respecter - ses engagements vis-à-vis du Gouvernement, tant à Miquelon qu'à Saint-Pierre.
Vous savez que nos résultats annuels peuvent nous mettre dans une position difficile à l'égard des Canadiens lors des discussions visant à l'attribution de nouveaux quotas de poissons, puisque ce sont des discussions qui reprennent tous les ans. Il est donc indispensable que le Gouvernement fasse preuve de la plus grande fermeté à l'égard de ceux qui sont de l'autre côté de la table et qui se servent de l'argent public dans leur entreprise.
Toujours en restant dans le secteur de la diversification de la pêche, je voudrais souligner, monsieur le secrétaire d'Etat, l'importance que peut revêtir pour Saint-Pierre-et-Miquelon le fait que la France reste membre de l'ICAT, à savoir la convention internationale pour la conservation et la gestion des thonidés de l'Atlantique.
Même si l'Union européenne se retire de cette institution, il me semblerait très judicieux que la France, comme c'est le cas pour l'organisation des pêches de l'Atlantique du Nord-Ouest depuis l'an dernier, continue à en être membre au titre de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui pourrait être intéressé par une exploitation de thon dans un futur assez proche ; cela pourrait constituer une corde de plus à notre arc. Soutiendrez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, cette position ?
Enfin, pour clore ce sujet, sans pourtant aller au fond de la question, il me semble qu'une réflexion rigoureuse et pragmatique devrait inspirer le Gouvernement afin que la France, dans le cadre de la coopération franco-canadienne avec les provinces maritimes qui avoisinent notre archipel, ne se tienne pas à l'écart des efforts que ces dernières ont entrepris en vue de parvenir à un meilleur équilibre écologique animal dans l'Atlantique du Nord-Ouest entre les mammifères marins, qui y pullulent, et les poissons de fond, dont on attend la reconstitution des stocks. Il y va de notre intérêt.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais attirer votre attention sur le projet de loi d'habilitation, qui doit être examiné par le Parlement au début de l'année 1998, et sur lequel les élus de l'archipel ont émis un vote défavorable, car il contient des mesures qui seraient lourdes de conséquences, si elles étaient effectivement adoptées.
Je ne citerai que l'une d'elles, qui vise à la construction et à la sécurité des immeubles. Elles pourraient nous empêcher de continuer à importer certains matériaux de construction du Canada, mettant ainsi fin à une tradition de bon sens économique et de maîtrise des coûts à l'importation.
Mais tout n'est pas mauvais dans ce texte. Les mesures relatives à l'organisation juridictionnelle sont positives, car elles apporteront une normalisation très attendue par des citoyens français qui ne comprennent pas, par exemple, que, pour une simple affaire de diffamation en première instance, des juges non professionnels intérimaires puissent exiger d'un plaignant une caution de 80 000 francs en garantie, ce qui paraît extravagant.
Enfin, je voudrais évoquer une question qui nous préoccupe gravement, celle du devenir de la desserte aérienne, et plus particulièrement de la compagnie Air Saint-Pierre, employeur local de premier ordre, alors que nous allons bientôt ouvrir le nouvel et très moderne aéroport construit grâce au soutien considérable de l'Etat.
La compagnie Air Saint-Pierre assure un service public indispensable et, à ce titre, compte tenu des spécificités de l'archipel, elle a bénéficié chaque année par le passé d'une subvention d'équilibre.
Des difficultés sont apparues depuis quelque temps au sujet de la convention à passer avec la direction générale de l'aviation civile pour la période 1998-2002 et concernant les conditions de participation du fonds de péréquation des transports aériens. Pour toute personne de bonne foi au fait des données locales, il est évident que les propositions émanant de la direction d'Air Saint-Pierre sont empreintes de bon sens et de réalisme, dans le contexte économique que connaît l'archipel.
Dans ce domaine, les déficits d'ordre structurel incontournables sont tels que, si l'on persistait à les ignorer, c'est la desserte aérienne et la compagnie locale qui se trouveraient totalement et rapidement menacées.
Je rappelle d'ailleurs qu'à ce jour pas un centime de la dotation annuelle à Air Saint-Pierre pour 1997 n'a été versé.
En conséquence, je souhaite vivement, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous interveniez afin que cette question fasse l'objet d'un arbitrage au plus haut niveau gouvernemental.
Malgré les inquiétudes que j'ai exprimées, tout en souhaitant une bonne, une meilleure concertation avec votre ministère et avec le Gouvernement, et en tenant compte des avis pertinents des divers rapporteurs, je ne voterai pas contre votre budget. ( M. Daniel Millaud applaudit. )
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord vous rappeler que, le 19 juin dernier, le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale devant le Parlement, fixait les grandes priorités de l'action gouvernementale : la formation et l'emploi des jeunes, l'approfondissement de la décentralisation et le respect des identités, la préservation des intérêts de l'outre-mer dans l'Union européenne et l'encouragement à la coopération régionale.
C'est dans ces perspectives qu'a été construit ce budget qui, pour l'outre-mer, se veut un budget de combat : combat contre le chômage, dont beaucoup d'orateurs ont souligné l'aspect destructeur, évidemment ici, en métropole, mais encore plus particulièrement outre-mer, combat contre la précarité, combat pour la justice, combat pour le développement économique, social et culturel.
L'outre-mer ne doit ni ne peut faire exception. C'est pourquoi j'ai souhaité que, dans chacun des arbitrages, il soit fait en sorte que s'équilibrent les moyens au service d'une politique de développement fondée sur l'incitation publique et privée, et ce autant pour les recettes que pour les dépenses.
Comme cela a été souligné, ce budget connaît une forte progression de 7,3 %. Au cours de son élaboration, je me suis efforcé de déterminer les moyens d'une action tenant compte à la fois de la diversité géographique et statutaire de l'outre-mer, et de la recherche d'une meilleure convergence des instruments gérés par mon département ministériel.
Je veux aussi rappeler que l'intervention de l'Etat ne se limite pas aux moyens propres du ministère de l'outre-mer, même si celui-ci coordonne l'ensemble - avec parfois, comme l'a souligné M. Lise, certaines difficultés - et en assume la responsabilité politique.
Les 5,2 milliards de francs du budget ne représentent qu'une partie - un peu plus de 11 %, disait M. Blaizot tout à l'heure - de l'effort consenti par le budget de l'Etat, qui excédera au total, en 1998, 47,6 milliards de francs. La progression de ce sous-ensemble est deux fois plus forte que celle du budget de l'Etat dans sa globalité.
Je retiens, après beaucoup d'orateurs, la suggestion d'organiser au sein de la Haute Assemblée un débat relatif à l'outre-mer à l'occasion de l'année 1998.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Très bien !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Cette suggestion, qui a déjà été retenue à l'Assemblée nationale, pourrait nous permettre de discuter de manière plus approfondie des grandes orientations de la politique de l'outre-mer.
Je remercie tous ceux qui se sont exprimés - MM. les rapporteurs, Mmes et MM. les sénateurs - d'avoir ainsi souligné avec pertinence non seulement les grandes lignes de ce budget, mais aussi des aspects particuliers qui concernent tel ou tel département et tel ou tel territoire. Je vais m'efforcer de répondre à chacun d'entre eux.
La première question qui a été évoquée est la question institutionnelle. Il est normal que la Haute Assemblée s'en préoccupe au premier chef.
Comme certains l'ont dit, nous allons avoir, en mars 1998, des échéances électorales : les élections régionales et les élections cantonales. Nous ne pouvons pas, dès aujourd'hui, interférer avec ces échéances ; c'est un principe républicain.
Toutefois, je suis et je serai à l'écoute des propositions qui seront soumises à nos concitoyens. Certaines ont été rappelées dans le débat, notamment par Mme Bidard-Reydet, par M. Larifla, qui préside le conseil général de Guadeloupe, par Mme Michaux-Chevry, qui préside le conseil régional de Guadeloupe, et également par M. Othily. Elles portent sur les évolutions institutionnelles. J'ai pu aussi mesurer - M. Vergès et M. Lagourgue l'indiquaient tout à l'heure - combien les réflexions des élus de la Réunion participent de cette démarche générale visant à faire évoluer les structures de l'outre-mer. Cette question méritera d'être débattue.
Dans l'immédiat, je voudrais vous indiquer que le principe des ordonnances, qui sera soumis prochainement au vote de votre assemblée, est encadré d'abord par une loi d'habilitation, dont le projet vous sera soumis avant que ces ordonnances soient prises, et, ensuite, par une loi de ratification.
Mais entre ces deux lois qui encadrent la démarche des ordonnances, les parlementaires ainsi que les assemblées locales seront bien évidemment consultés - la concertation a d'ailleurs démarré - et nous tiendrons compte des observations. M. Reux vient de parler, en particulier, d'une adaptation concernant Saint-Pierre-et-Miquelon en matière de code de la construction.
Si l'effort de codification, d'adaptation de la législation d'outre-mer doit être réalisé, il faut aussi bien intégrer les particularités sur les plans local et départemental qui pourraient nous être signalées.
Au cours de cette année 1998, nous devrions également examiner le projet de loi relatif aux communes de Polynésie souhaité notamment par M. Jean-Marie Girault. Ce projet semble vivement espéré par les nombreux maires que j'ai rencontrés lors de ma visite sur place, ainsi qu'à l'occasion du congrès de l'Association des maires de France.
S'agissant du cyclone qui vient de frapper la Polynésie, et plus particulièrement certaines îles, des crédits d'urgence ont été dégagés par le haut-commissariat de Polynésie française pour faire face aux premières difficultés, et le comité interministériel des fonds de secours sera réuni dès que les évaluations des dégâts en cours auront été transmises.
Nous avons aussi étudié avec la Caisse des dépôts et consignations comment les prêts, du type « prêts projets urbains », pourraient être mis en place pour les communes qui ont été touchées. Ainsi, la solidarité nationale s'exercera à l'égard de nos compatriotes de Polynésie, et plus particulièrement ceux de Maupiti et de Bora Bora, qui ont été durement touchés par ce cyclone.
Je confirme également à M. Henry que le statut de Mayotte appelle des évolutions. Lors de ma visite de l'archipel à l'occasion des vingt ans du conseil général, la demande m'a été à nouveau soumise. Comme s'y étaient engagés le Président de la République et le Premier ministre au moment de l'élection présidentielle, je pense que nous pourrons procéder, sur la base des rapports des commissions dont vous vous êtes fait l'echo, à la consultation des Mahorais sur l'évolution de leur statut.
Toujours sur le plan institutionnel, le rapport relatif aux terres Australes et Antarctiques françaises fera l'objet d'un examen tout particulier puisque nous avons, sur ces territoires de l'hémisphère sud, à préserver à la fois nos objectifs de souveraineté et la dimension scientifique.
S'agissant de la Nouvelle-Calédonie, l'année 1998 est une année essentielle pour l'avenir du territoire puisque doit être organisé, entre le 1er mars et le 31 décembre 1998, un scrutin d'autodétermination.
La recherche d'une solution consensuelle est évoquée depuis 1991 par les deux partenaires des accords de Matignon. Le référendum prévu pourrait alors devenir le référendum de ratification d'un projet commun.
Nous nous sommes efforcés, au cours des dernières semaines, de dégager des solutions au problème minier. Le rapport de M. Philippe Essig, qui a été remis le 31 octobre, a permis d'envisager le transfert des droits d'exploitation des massifs miniers. Cela permettra la réalisation de l'usine du Nord, projet SMSP (Société minière du Sud-Pacifique-Falconbridge).
Les discussions se poursuivent pour en définir les modalités juridiques, le domaine du droit minier étant complexe. Mais nous allons déboucher sur une solution définitive.
Dès lors, je souhaite que les pourparlers politiques reprennent rapidement.
Monsieur Loueckhote, dès le courant du mois de janvier, les premières discussions permettront de faire le bilan des accords de Matignon et d'engager pour l'avenir un certain nombre de réflexions. Le Gouvernement proposera une méthode et un calendrier de travail pour préciser les grandes orientations sur le plan statutaire. En respectant les échéances fixées par la loi référendaire, il s'engagera pleinement dans la recherche par toutes les communautés de la définition d'un nouveau « vivre ensemble ».
Quoi qu'il en soit, je vous confirme que les moyens budgétaires permettront de réduire en 1998 l'effort de l'Etat pour le développement de la Nouvelle-Calédonie et le rééquilibrage qui a été entrepris depuis neuf ans. C'est donc dans cet esprit que nous aborderons les discussions sur le plan politique dès le début de l'année 1998.
L'outre-mer se trouve confrontée, bien sûr, à l'ardente obligation du développement économique et social.
Nous connaissons ses handicaps. Vous les avez évoqués les uns et les autres : l'éloignement de la métropole, l'insularité, la petite taille des marchés, le climat et la dépendance des monoproductions impliquant des importations, des économies d'une grande fragilité.
A l'inverse, l'outre-mer dispose d'un niveau de formation élevé. J'ai bien pris note, sur ce point, des observations de M. Larifla relatives au rectorat de la Guadeloupe et à la nécessité de le doter de moyens qui permettront de consolider son action. Il en est de même en Guyane.
L'outre-mer a aussi une culture riche, la présence d'une administration solide, l'existence d'infrastructures, qui sont autant d'avantages dont ne disposent pas les économies des pays voisins.
De même, sur le plan fiscal, on peut mentionner de nombreuses dispositions qui concernent la TVA, l'impôt sur le revenu, l'octroi de mer, la défiscalisation des investissements.
L'Europe représente une contrainte, certes, mais aussi une chance pour nos départements et territoires d'outre-mer.
L'Europe est une contrainte parce que ce grand espace impose certaines disciplines. Les règles de concurrence, de libre circulation, de liberté d'établissement ne souffrent que difficilement les multiples dérogations ou adaptations rendues nécessaires par la spécificité de nos îles. Nous en avons déjà débattu à de nombreuses reprises avec M. Millaud. Il y a aussi problématique de l'octroi de mer. Sur ce point, nous attendons la décision de la Cour de justice des Communautés européennes.
Il peut y avoir aussi - Mme Michaux-Chevry le soulignait - des difficultés à recouvrer auprès de Bruxelles des sommes dues depuis fort longtemps : pour ce qui concerne la Guadeloupe, depuis la période 1989-1993. J'ai essayé à Bruxelles, voilà un mois, de plaider ce dossier ; pour que les fonds européens qui sont destinés à financer les investissements déjà réalisés soient enfin débloqués.
Nous avons essayé de procéder à une reprogrammation de ces fonds européens avec les collectivités locales pour en assurer une meilleure consommation.
Je peux vous assurer que les commissaires européens, en particulier Mme Wulf-Mathies, qui est chargée de la politique régionale, sont conscients du fait que l'outre-mer matérialise une présence de l'Europe dans des territoires stratégiques pour le développement économique ultérieur, qu'il faut donc non seulement que les fonds structurels soient consommés, mais qu'il faut aussi favoriser leur évolution et leur adaptation.
Ainsi, malgré les contraintes qu'elle impose l'Europe représente une chance pour nos départements et territoires d'outre-mer. L'appartenance au plus grand marché industrialisé du monde constitue une opportunité de développement sans équivalent.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement et le Président de la République se sont battus avec succès pour obtenir à Amsterdam une nouvelle rédaction de l'article consacré aux régions ultrapériphériques, ainsi que la définition du statut de territoires d'outre-mer, afin de distinguer ceux-ci des territoires ACP.
Nombre d'entre vous ont évoqué la question de la banane et du contentieux qui oppose l'Europe aux pays producteurs.
Ce contentieux a été marqué par la décision récente du panel de l'organisation mondiale du commerce. La position du Gouvernement sur cette question est ferme : nous conditionnons toute mise en conformité à la décision du panel de l'OMC au double objectif de maintien du revenu des planteurs et de la préservation des positions commerciales de la banane antillaise.
S'agissant de la production de canne à sucre, très importante en Martinique, en Guadeloupe et à la Réunion, nous devons poursuivre les efforts de restructuration industrielle.
En Guadeloupe elle a commencé à porter ses fruits depuis juin 1997. La recapitalisation de l'usine de Gardel et le couplage avec la centrale Bagasse-Charbon vont dans ce sens.
A la Réunion, j'ai pu mesurer sur place l'enjeu du retour à la production de 2 millions de tonnes dont parlait M. Vergès, évidemment dans le respect des droits et des revenus des planteurs.
La pêche est importante dans nos départements et territoires d'outre-mer, plus particulièrement à Saint-Pierre-et-Miquelon, où elle était et reste le principe économique fondateur de notre présence dans l'archipel.
Je voudrais indiquer à M. Reux que, dans les négociations que nous menons au niveau national avec les sociétés, notamment la société Interpêche, il est bien entendu que les subventions doivent servir au redémarrage des activités, à leur pérennité et qu'elles ne seront pas distribuées à fonds perdus. Nous tenons tout particulièrement à ce que les engagements soient respectés.
Je veux aussi souligner que la diversification doit être un objectif constant sur le plan économique. Ainsi, il faut développer une logique de substitution à l'importation.
Cela implique un renforcement de la politique du crédit, des mécanismes de garantie et de caution mutuelle.
M. Désiré a évoqué le Crédit martiniquais.
Le Gouvernement, qui est attaché à ce que la solution future préserve l'identité de la banque, a pris jusqu'à présent des dispositions propres à assurer la liquidité du Crédit martiniquais.
Le Gouvernement souhaite cependant que les actionnaires et les emprunteurs assument leurs responsabilités pour que cette banque puisse continuer à vivre et à se développer, en particulier en direction de l'économie locale.
Au-delà, le développement économique passe par celui des organismes et des procédures d'intervention sur le haut de bilan, car ce sont les fonds propres qui font souvent défaut.
Je pense que nous devons réfléchir à la mise en place d'instruments renforcés, notamment pour que les entrepreneurs dans les départements d'outre-mer soient soutenus.
Cela suppose notamment des progrès en matière de capital-risque afin de remédier à la situation qui fait que le crédit outre-mer, aujourd'hui, est de deux points plus cher de ce qu'il est en métropole, ce qui entrave les efforts d'investissement.
Sur la question de la défiscalisation,...
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Ah !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. ... qui a été évoquée, évidemment, par de nombreux orateurs, je rappellerai que le Gouvernement s'était prononcé pour le maintien du système avec renforcement du dispositif d'agrément pour y introduire le critère de l'emploi.
L'Assemblée nationale a amendé la proposition du Gouvernement sans peut-être en mesurer toutes les conséquences sur les plans économique et financier. De son côté, votre assemblée a adopté une nouvelle rédaction de l'article 14 du projet de loi de finances visant à moraliser le dispositif tout en en garantissant l'efficacité économique.
De ce point de vue, je réitère mon accord pour qu'un bilan détaillé soit effectué. Je crois que tel était le sens de l'amendement qui a été repris et déposé par M. le sénateur Lise. Les élus locaux, par leur expérience et leur connaissance du terrain, pourront contribuer à ce nécessaire suivi.
Je souhaite vivement qu'une solution de compromis puisse être dégagée entre les deux assemblées au cours de la navette et que, sans s'écarter excessivement de la proposition initiale du Gouvernement, les meilleures contributions des uns et des autres puissent être retenues.
S'agissant de la défiscalisation, je voudrais préciser qu'il s'agit en réalisé d'une double défiscalisation.
Outre la défiscalisation des investissements, la défiscalisation des pertes d'exploitation a contribué au développement des économies de l'outre-mer dans les secteurs stratégiques que sont l'industrie, l'artisanat, la pêche, les énergies nouvelles, le tourisme et le transport. Nous devrons donc faire preuve d'une grande vigilance avant l'adoption d'un texte définitif.
Je voudrais maintenant aborder la question des statuts et des rémunérations des fonctionnaires outre-mer.
Comme l'a indiqué M. Lauret, il ne s'agit pas de désigner les fonctionnaires comme responsables des déséquilibres économiques qui peuvent se produire dans tel ou tel département, mais nous devons envisager l'évolution de leur statut et de leur situation financière dans une réflexion globale portant sur l'économie générale et en tenant compte de l'impact politique et social de leur situation.
La question est très sensible, car il faut prendre en compte dans l'analyse économique le coût réel de la vie.
Il faut éviter toute décision autoritaire qui ne peut qu'engendrer que des révoltes, comme cela a pu se produire à la Réunion en février dernier. Ce sujet n'est pas uniquement technique, et il ne peut être abordé et résolu que dans la concertation avec les intéressés et les élus.
Je reviendrai maintenant sur la question de l'emploi, qui, vous le savez, constitue une priorité pour le Gouvernement.
Il faut refuser la fatalité du chômage et répondre à l'attente des jeunes dans le domaine de l'emploi, qui, je le sais, est grande.
Nous disposons d'un instrument, le Fonds pour l'emploi dans les DOM, le FEDOM - qui donne au ministère de l'outre-mer les moyens de développer des politiques alternatives en matière d'emploi.
Ce fonds est en croissance grâce aux dotations destinées aux emplois-jeunes, puisqu'il passe de 1,4 milliard de francs à 1,7 milliard de francs. Il permettra de maintenir les contrats emploi-solidarité à leur niveau de 1997 et il contribuera à la création - le mouvement a déjà été engagé - sur des gisements de nouveaux emplois, des emplois-jeunes dont l'attrait est fort dans nos départements d'outre-mer.
Pour répondre au souci exprimé notamment par MM. Lagourgue et Othily, je rappelle que le passage par le FEDOM permet de transposer le mécanisme et d'associer la représentation parlementaire à sa gestion.
Actuellement, la politique des emplois-jeunes est mise en place sur la base du dispositif métropolitain. Le décret à propos duquel on m'a interrogé devrait être examiné par le Conseil d'Etat la semaine prochaine ; il sera opérationnel pour l'année 1998.
J'ai décidé de procéder à une évaluation des autres instruments, c'est-à-dire des autres types de contrats.
En ce qui concerne les agences d'insertion, qui font l'objet de nombreuses critiques de la part des présidents de conseils généraux, je peux dire qu'elles seront opérationnelles d'ici à la fin de l'année. Vous savez que Mme Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, s'est engagée à mener une réforme dans le cadre du projet de loi qui vous sera soumis l'année prochaine sur la prévention et la lutte contre les exclusions.
Pour ce qui est des territoires d'outre-mer, vous savez que nous sommes dans le domaine des compétences territoriales. Il n'empêche que les problèmes sont identiques et que l'Etat participe à leur traitement par le biais de conventions relatives à l'emploi des jeunes et à l'ouverture de chantier ; des conventions de développement on été passées avec la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Wallis-et-Futuna et Mayotte.
Je suis prêt, dans le dialogue que nous menons avec les responsables locaux, à appuyer le développement d'actions analogues au plan emploi-jeunes que nous mettons en oeuvre en métropole et dans les départements d'outre-mer.
En ce qui concerne l'agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer l'ANT, qui a fait l'objet d'un certain nombre d'interrogations, de la part notamment de MM. Lise et Henry, je dois dire que j'ai demandé à sa nouvelle direction d'étudier la reprise de l'action sociale au profit des personnes originaires de l'outre-mer résidant en métropole.
De nombreux compatriotes se trouvent ici dans des situations précaires et l'ANT pourrait justement représenter un soutien quant à leur insertion en métropole.
De même, sur le plan de la santé, nous devons veiller à la mise en place d'un dispositif qui permettrait le retour à l'égalité d'accès aux soins et à la prévention ; je pense, en particulier, au sida - la journée mondiale du sida a eu lieu voilà quelques jours - dont l'évolution est préoccupante dans un certain nombre de départements.
Je dirai à M. Othily que, en ce qui concerne les centres de médecine collective, c'est-à-dire les dispensaires qui assurent des actions de prévention et des actions curatives, ceux-ci feront l'objet d'une mission de la part de l'inspection générale des services de la santé, qui permettra de bien répartir les compétences, donc les financements, entre l'Etat et le département.
J'indiquerai à M. Larifla, qui s'est fait l'écho d'une crainte concernant le centre de transfusion sanguine de la Guadeloupe, que je saisirai le ministre de la santé pour lui demander qu'il y ait pérennité des instruments sur place.
En ce qui concerne le logement, qui constitue le second volume d'intervention de mon budget, nous devons veiller à ce que les crédits soient mis en oeuvre de façon plus rapide et que leur consommation soit accélérée pour répondre à la demande.
Pour l'année 1997, on constate une amélioration puisque, au total, 7 740 logements, sur la base de la ligne budgétaire unique, seront engagés, contre un peu moins de 6 000 en 1996. Mais, sur ce plan, nous devons mobiliser davantage les directions départementales de l'équipement pour répondre à la nécessité de planifier les interventions, afin de soutenir l'activité du secteur du bâtiment et des travaux publics.
La politique du logement s'intègre dans une vision globale de l'urbanisme qui respecte le patrimoine, l'identité des quartiers et les schémas d'aménagements régionaux. En matière d'aménagement du territoire, nous avons engagé une discussion avec Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, afin que le dispositif concernant l'outre-mer soit adapté dans le projet de loi qu'elle doit déposer, l'année prochaine, devant le Parlement.
Nous devons également garantir l'évolution des infrastructures publiques. Je souhaite, sur ce point, rassurer M. Millaud, s'agissant de la Polynésie française : les engagements pris dans la loi d'orientation et dans la convention après CEP seront exécutés par l'Etat. En tout cas, ils sont inscrits au budget de mon ministère. Vous aurez aussi l'occasion, si ce n'est déjà fait, d'interroger mon collègue le ministre de la défense sur cet aspect.
Compte tenu du bref temps de parole qui m'est imparti, je n'ai peut-être pas répondu à toutes les questions qui ont été posées.
En conclusion, j'évoquerai la dimension culturelle de l'Etat outre-mer.
L'outre-mer, ce n'est pas seulement le transfert de près de 50 milliards de francs, ce n'est pas seulement une charge, ni a fortiori une niche fiscale, comme on a bien souvent identifié nos départements et territoires d'outre-mer.
Ainsi que l'indiquait tout à l'heure M. Lise, c'est surtout un atout, à condition d'accepter d'entrouvrir la modernité quotidienne du monde occidental aux cultures de nos départements et territoires d'outre-mer. A condition aussi de reconnaître leurs lettres de noblesse à la création littéraire, artistique, scientifique de l'outre-mer. A condition encore d'admettre la richesse des coutumes de la Caraïbe, du Pacifique, de l'océan Indien. A condition, enfin, de donner toute leur place aux recherches scientifiques - et elles sont nombreuses - qui sont menées autant dans les zones tropicales que dans les zones polaires.
Cette créativité de l'outre-mer est nourrie des métissages culturels qui viennent de tous les continents. Elle est aussi le signe d'une coopération régionale en mouvement.
Elle montre que nous sommes, sur ce plan, en pleine recherche d'identité, mais elle apporte aussi son éclairage sur les questions importantes de l'avenir pour nous Français.
A ceux qui se sont interrogés sur la célébration du cent-cinquantième anniversaire de l'abolition de l'esclavage, qui aura lieu l'an prochain, je dirai qu'il s'agit d'un événement par nature symbolique, que nous devons célébrer à son plus haut niveau.
De même, nous devons inaugurer, en 1998, le centre culturel Jean-Marie-Tjibaou. Ce sera un équipement de grande qualité, qui marquera, me semble-t-il, une étape lumineuse dans l'histoire tumultueuse des relations entre la France et la Nouvelle Calédonie.
Par son étendue géographique, par la multiplicité de ses ethnies, par sa diversité culturelle, l'outre-mer français peut ainsi constituer un exemple du monde que nous voulons construire : un monde où l'intégration s'enrichit de la différence, où le progrès est le fruit de la tolérance et où le métissage est un signe du respect des racines de chacun. (Applaudissements.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant l'outre-mer et figurant aux états B et C.

ETAT B

M. le président. « Titre III : 20 739 089 francs ».