Par amendement n° II-72, M. du Luart, au nom de la commission des finances, propose de réduire les crédits figurant au titre III de 14 834 148 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Cet amendement a simplement pour objet de tirer les conséquences des choix effectués par le Sénat sur l'ensemble de la loi de finances pour maîtriser la dépense publique.
Cette réduction de crédits correspond à 1,44 % des crédits figurant au titre III ; elle a été appliquée à chacun des budgets examinés par le Sénat.
Je rappelle à la Haute Assemblée que ces réductions ne touchent que le fonctionnement, à hauteur de 14 millions de francs, à la différence des annulations de crédits qui vont intervenir dans le collectif budgétaire et qui concerneront surtout l'investissement, à hauteur de 2,5 % pour l'ensemble du budget de l'outre-mer, soit 123,7 millions de francs.
A ceux qui s'étonnaient de la démarche du Sénat, je ferai remarquer que la mesure d'annulation de crédits que nous proposons est beaucoup plus modeste que les dispositions qui figurent dans le collectif budgétaire, et dont l'examen interviendra dans quelques jours.
M. Emmanuel Hamel. C'est tout de même une réduction !
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Il faut être responsable !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. Outre le caractère systématique des propositions de la commission des finances, qui sont appliquées à chaque budget, je souhaite tout de même souligner, à la suite de ce débat, qu'il me paraît difficile de réduire les moyens du budget des départements et territoires d'outre-mer, alors que tant d'orateurs, sur toutes les travées de cet hémicycle, se sont prononcés pour un renforcement de l'action de l'Etat,...
Mme Hélène Luc. C'est complètement illogique !
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat. ... notamment en faveur des personnels qui font preuve de beaucoup de persévérance et de compétence dans l'action en outre-mer.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. Emmanuel Hamel. Et il a raison !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-72.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. Je vais, bien sûr, vous donner la parole, madame Michaux-Chevry, mais j'informe nos collègues que, si nos débats devaient se prolonger au-delà de vingt heures, je me verrais dans l'obligation de reporter la fin de cette discussion à la séance de ce soir.
La parole est à Mme Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Je ne peux voter cet amendement de réduction des crédits, et ce pour une raison très simple.
Je suis d'accord avec le fait que nous devons tous apporter notre contribution à l'effort de redressement des finances de l'Etat. Seulement, personne ne prend en compte le coût de l'éloignement pour les départements et territoires d'outre-mer.
Mme Hélène Luc. Alors, qu'est-ce que vous votez ?
M. le président. Vous le verrez, un scrutin public est demandé !
Mme Lucette Michaux-Chevry. Alors, je vote contre !
Mme Hélène Luc. La commission craint d'être battue dans un vote à main levée !
M. Edmond Lauret. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lauret.
M. Edmond Lauret. Je tiens à saluer ici la qualité du travail effectué par la commission des finances, qui, de façon constante, montre à la Haute Assemblée et au pays tout entier la voie à suivre pour redresser les finances de notre pays, à savoir la maîtrise des dépenses, donc du déficit, et la diminution progressive des impôts.
En ce qui concerne la loi Pons en particulier, l'action de la Haute Assemblée et celle de la commission ont été remarquables ; elles ont fait montre de leur volonté de sauvegarder l'emploi outre-mer.
Toutefois, en ma qualité de parlementaire de la Réunion, département sinistré par le chômage, je ne peux accepter de cautionner l'inscription d'un montant aussi faible de crédits pour lutter contre le chômage des jeunes. Je voterai donc contre l'amendement. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur celles du groupe socialiste. - M. Emmanuel Hamel applaudit également.)
M. Pierre Lagourgue. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Lagourgue.
M. Pierre Lagourgue. Je serai très bref.
Je comprends tout à fait la position de la commission des finances, qui demande une réduction des crédits. Cela répond à un souci normal de maîtrise des dépenses de l'Etat.
Je rappelle, toutefois, que la situation des départements d'outre-mer est catastrophique. Elle a fait l'objet, de la part de ceux qui ont pris la parole, de ce qui, pour certains, a pu apparaître comme une litanie, mais qui, pour nous, représentait la réalité.
Par conséquent, je voterai contre l'amendement de la commission des finances. (« Très bien ! » et applaudissements sur les mêmes travées.)
Mme Hélène Luc. Un scrutin public dans ces conditions, c'est quand même un peut fort !
M. Paul Vergès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vergès.
M. Paul Vergès. Mes chers collègues, il faut que chacun d'entre vous se rende compte de la situation et des sentiments des élus d'outre-mer.
Au Parlement, il y a une majorité et une opposition. Il est tout à fait normal que cette opposition cherche toutes les occasions de s'opposer à la politique gouvernementale. C'est le jeu démocratique normal !
Toutefois, faire rejeter le budget des départements et territoires d'outre-mer,...
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Nous ne rejetons pas le budget !
M. Paul Vergès. ... qui comptent des dizaines et des dizaines de milliers de chômeurs et de jeunes sans emploi, et ce après les discours que nous avons entendus ici, selon lesquels nous étions solidaires, nous comprenions les chômeurs, nous étions favorables à une aide, me paraît inconcevable.
Mme Hélène Luc. Il a raison !
M. Paul Vergès. Ce budget peut faire l'objet de remarques ou de critiques dans tel ou tel domaine ; il n'en reste pas moins l'espoir, même pour quelque temps, de nos jeunes et de nos chômeurs.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Paul Vergès. C'est la raison pour laquelle nous demandons le rejet de cet amendement. Il sera incompris dans tout l'outre-mer ! Dans une situation aussi dramatique, ce n'est pas par un geste de principe sur un budget que l'on doit s'attaquer au problème du chômage dans notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes. - M. Marcel Henry applaudit également.)
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Je ne peux pas laisser dire que le Sénat rejette le budget de l'outre-mer ! (Vives protestations sur les mêmes travées.)
Nous avons recommandé son adoption, sous réserve d'une réduction de crédits.
Mme Hélène Luc. Si vous réduisez les crédits, cela veut dire que vous ne votez pas le budget !
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Mes chers collègues, je ne voudrais pas que vous soyez mal informés.
M. Pierre Biarnès. On est très bien informés !
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Si vous connaissez bien la procédure budgétaire, vous savez que, dans quelques jours, il y aura 123 millions de francs de réductions de crédits sur l'investissement outre-mer. Et vous osez dire que c'est la commission des finances du Sénat qui fait une mauvaise action ?
M. Pierre Biarnès. Oui, on le dit !
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Nous, nous nous limitons simplement aux crédits de fonctionnement des titres III et IV.
M. Pierre Biarnès. Idéologue !
M. Emmanuel Hamel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Je n'ai pas l'honneur d'être sénateur d'un département d'outre-mer. Je suis sénateur de la métropole et je crois exprimer le sentiment de nombreux collègues de la majorité sénatoriale actuelle et de l'opposition nationale en déplorant que, pris dans la mécanique d'une logique maastrichtienne et pour faire en sorte que le déficit budgétaire ne dépasse pas un certain pourcentage du produit intérieur brut, nous demandions la réduction des crédits du ministère de l'outre-mer, alors que, d'un point de vue social, l'aide de la métropole y est vitale. Cette réduction, je ne la voterai pas ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - MM. Marcel Henry et Victor Reux applaudissent également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-72, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 51:

Nombre de votants 232
Nombre de suffrages exprimés 232
Majorité absolue des suffrages 117
Pour l'adoption 109
Contre 123

Le Sénat n'a pas adopté. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - MM. Emmanuel Hamel et Marcel Henry applaudissent également.)
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. Monsieur le président, je demande une suspension de séance afin de pouvoir réunir la commission des finances.
M. le président. Dans ces conditions, et puisqu'il est plus de vingt heures, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures quinze.)