La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Josette Durrieu, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, je tiens d'abord à vous remercier de l'ensemble de vos réponses. Je me félicite, par ailleurs, de la priorité que vous accordez aux crédits affectés à la recherche.
En l'instant, je souhaite faire deux remarques, la première, qui concerne l'espace, son occupation et son utilisation par les hommes, m'ayant été inspirée par ce que je viens d'entendre.
A-t-on bien pris conscience du fait que, s'il y a une concentration urbaine qui regroupe 80 %, voire 90 %, de la population, tout le reste du territoire ne compte qu'une population permanente minime ?
Et puisque vous êtes aussi ministre du tourisme, je vous invite à réfléchir au fait qu'il y a sur deux jours de la semaine et probablement aussi sur trois mois de l'année une fantastique mobilité.
Dans les Hautes-Pyrénées, département éminemment touristique, où l'activité touristique est même devenue, hélas ! l'activité économique première, alors que c'était encore, il y a peu, l'industrie, nous avons 3 200 kilomètres de routes départementales. Nous n'avons pas forcement besoin d'autant. Mais, en l'espace de quelques heures, la population double ou triple. Pour prendre l'exemple d'une station connue, Saint-Lary, qui compte 900 habitants permanents, voit parfois affluer 30 000 touristes.
Cela a un coût, monsieur le ministre. Aussi, quand vous parlez de restructuration des subdivisions, avec les réductions de personnel que cela suppose, imaginez-vous toutes les conséquences immédiates sur l'entretien des routes, voire sur leur déneigement, puisque tout à l'heure quelqu'un se plaignait qu'aujourd'hui même, on ne pouvait pas circuler dans la Marne ?
Monsieur le ministre, quel est le lien exact entre ce problème que je viens d'évoquer et les restructurations qui sont en cours ?
Ma seconde remarque a trait aux nouvelles technologies, aux nouvelles techniques de l'information et de la communication, qui font partie intégrante de la recherche.
Quelle place le ministère de l'équipement fera-t-il à ces nouvelles techniques de travail à partir des images satellitaires s'agissant des études d'impact ? (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Par amendement n° II-61, M. Collard, au nom de la commission des finances, propose de réduire les crédits du titre III de 325 477 229 francs et, en conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles à moins 107 356 578 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Henri Collard, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet de réduire les crédits figurant au titre III, c'est-à-dire les dépenses ordinaires du budget de l'urbanisme et des services communs, de 325 millions de francs, correspondant à un abattement de 1,44 % sur chacun des chapitres composant ce titre.
Il vise à faire participer ce budget à l'effort de maîtrise des dépenses publiques engagé par la commission des finances sous l'impulsion de son rapporteur général, M. Lambert, et de son président, M. Poncelet.
Je rappelle que ce budget connaît, de fait, des mesures de régulation budgétaire. L'arrêté du 9 juillet dernier a déjà annulé 37 millions de francs en crédits de paiement et 67 millions de francs en autorisations de programme. L'arrêté du 19 novembre dernier a procédé à de nouvelles annulations de crédits, à hauteur de 35 millions de francs en crédits de paiement et de 20 millions de francs en autorisations de programme.
Le budget pour 1998 traduit, certes, un effort de réduction des services votés, mais cette réduction ne porte que sur 0,6 % de la masse totale et ne permet pas de stabiliser les dépenses ordinaires, qui, je le répète, continuent de croître au détriment des dépenses en capital. Elles progressent en effet de 2 %, alors que les dépenses d'investissement diminuent de 1 %.
Personnellement, je le regrette. Si nous menions la même politique à l'échelon départemental, les routes départementales seraient en bien mauvais état. Or, elles sont, me semble-t-il, en moins mauvais état que certaines routes nationales.
Afin de témoigner de son engagement à contenir la dépense publique, j'invite le Sénat, au nom de la commission des finances, à adopter cet amendement de réduction des dépenses.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le rapporteur, ce n'est pas raisonnable !
M. Marc Massion. Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Cet amendement, comme, d'après ce que je sais, tous ceux qui vont suivre et tous ceux qui ont précédé dans d'autres budgets, vise à réduire de manière uniforme et un petit peu aveugle les crédits relatifs aux mesures nouvelles inscrites aux dépenses ordinaires, aux titres III et IV de mon budget.
Cette baisse conduit, en fait, à des coupes arbitraires remettant en cause l'exercice même du service public.
Ainsi, dans le budget des services communs, l'adoption de cet amendement reviendrait à supprimer environ 3 000 emplois, soit l'équivalent de cinq directions départementales de l'équipement.
Pour prendre un autre exemple - je réponds dès maintenant de manière globale sur l'ensemble des amendements pour ne pas avoir à répéter les mêmes arguments ce soir, cette nuit et dimanche - la suppression de 600 millions de francs sur le budget des transports terrestres aboutirait à réduire de moitié l'effet du désendettement de la SNCF, que ce Gouvernement a voulu pour redresser la situation financière de cette entreprise.
De même, vous proposez de réduire de manière aveugle les crédits de la sécurité routière, alors que nous avons à peine commencé à les redresser en nous fixant l'objectif de réduire le nombre des morts sur les routes. Je vous rappelle en effet que, chaque jour, six jeunes de moins de vingt-quatre ans, dont un de moins de quatorze ans, sont tués.
Ainsi, au moment où nous avons décidé de réduire de moitié en cinq ans le nombre des morts, vous proposez de réduire les crédits de la sécurité routière !
Non, monsieur le rapporteur, votre proposition n'est pas recevable, et c'est pourquoi je demande au Sénat de repousser cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, et sur les travées socialistes.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-61.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il faut se méfier des modèles comptables ; nous avons déjà eu l'occasion, dans la discussion de cette seconde partie de la loi de finances, de le souligner lors de l'examen des crédits de tel ou tel budget.
Dans le cas qui nous occupe, M. le rapporteur spécial pour les crédits de l'urbanisme et des services communs, M. Collard, nous propose, au nom de la majorité de la commission des finances, une réduction sensible de plus de 325 millions de francs sur les dépenses inscrites. Or, comme le titre III représente 218,120 millions de francs, si on le réduit de 325 millions de francs, on aboutit à un solde négatif de moins 107 millions de francs ! Nous nous sommes donc livrés à ce petit calcul.
Certes, le ministère de l'équipement, M. le ministre nous l'a dit tout à l'heure, a connu une réduction assez régulière de ses effectifs, puisqu'il a perdu 15 000 personne en vingt ans. Tout le monde reconnaît que cette situation n'est pas tout à fait satisfaisante, et nous escomptons bien du nouveau gouvernement qu'il pose de nouveau, et dans un avenir proche, la question de l'évolution des moyens matériels et humains des directions départementales de l'équipement.
L'amendement de M. Collard a une autre portée. Il s'agit, en effet, de rompre avec le processus de maintien de la qualité des interventions des agents des subdivisions des DDE en supprimant 1 500 emplois supplémentaires, mais sans contrepartie.
M. le rapporteur spécial estimerait-il que nos routes ne doivent pas être entretenues ? Faut-il, au prétexte de préserver l'avoir fiscal et les quirats, laisser, par exemple, la RN 10 demeurer l'une des voies les plus dangereuses de notre réseau routier ?
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Très bien !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Faut-il renoncer à réduire les « points noirs » de Millau, sur la RN 9, ou laisser en plan le bouclage de la Francilienne ou de l'autoroute A 20, autour de Châteauroux ? On pourrait multiplier les exemples, et je suis sûre, monsieur Collard, que vous en connaissez dans votre propre département.
Vous comprendrez donc que nous ne votions pas cet amendement et que nous vous demandions de le repousser par scrutin public.
M. Gérard Roujas. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Roujas.
M. Gérard Roujas. Le groupe socialiste considère, comme M. le ministre, que cette réduction des crédits n'est pas raisonnable. Elle relève d'une tactique mise en oeuvre ici de plus en plus fréquemment depuis quelque temps. Dès que le gouvernement en place n'est pas de droite, on vote contre les projets, un peu au hasard. (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.) C'est dommage pour la Haute Assemblée ; cela nuit à son image, elle qui n'est pas élue au suffrage universel. Elle devrait y faire attention ! La Haute Assemblée devrait trouver davantage d'arguments lorsqu'elle s'oppose à un membre du Gouvernement ou à un budget.
Par conséquent, le groupe socialiste ne votera pas cet amendement.
M. Louis Minetti. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Minetti.
M. Louis Minetti. Je trouve cet amendement assez irresponsable. Réduire les moyens de l'équipement, il faut le faire, alors que nous entrons dans un hiver qui ne s'annonce pas, me semble-t-il, très clément ! Il aurait mieux valu que la commission des finances songe à modifier le projet de budget de l'Etat dans un autre sens.
Je m'explique. M. François Pinault, la neuvième fortune du pays et l'une des plus importantes du monde, vient de révéler qu'il n'a pas payé d'impôt sur la fortune en 1997.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il l'a trouvé, l'article du règlement ! (Rires.)
M. le président. J'accepte de ne pas rappeler l'orateur à l'objet strict du débat. (Nouveaux rires.)
Continuez, monsieur Minetti, cela fait rire tout le monde ! (Sourires.)
M. Louis Minetti. Merci, monsieur le président, de m'autoriser à continuer !
La fortune de M. Pinault est donc comprise, d'après ses propres estimations, entre 12,2 milliards de francs et 12,7 milliards de francs. Grâce à l'exemption d'impôt sur la fortune pour les biens professionnels, et à l'aide d'un tour de passe-passe fiscal, M. Pinault, l'un des hommes les plus riches de France, au lieu de participer au niveau où il le devrait à l'effort de redressement de notre pays, décide de ne pas payer ses impôts !
Nous avons d'ailleurs proposé, lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, d'alourdir l'impôt sur la fortune. Cette mesure n'a pas été adoptée, mais nous y reviendrons.
Quoi qu'il en soit, la situation que j'évoquais est d'autant plus scandaleuse que ce grand patron dispose, je l'ai appris dans la presse, de multiples résidences luxueuses qui, elles, en tant qu'actifs, devraient aussi être comptabilisées pour le calcul de sa fortune. De quels appuis hauts placés bénéficie donc M. Pinault, pour échapper ainsi à l'administration fiscale ?
J'ajoute que cette affaire est à rapprocher d'un autre fait révélé, il y a peu, par la presse, je veux parler de l'exemption d'impôt sur le revenu de dix contribuables français percevant plus d'un million de francs de revenus annuels !
Voilà qui mérite réflexion, avant de réduire le budget de l'équipement de la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Très bien !
M. Henri Collard, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. Gérard Roujas. Pour retirer votre amendement ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Henri Collard, rapporteur spécial. Je veux seulement préciser à l'attention de Mme Beaudeau que la demande de réduction des dépenses du budget porte sur à peu près 22 milliards de francs, ce qui ne représente que 1,44 % du montant total des dotations inscrites aux titres III et IV.
M. Jean Dérian. Si c'est si peu, alors pourquoi proposer cette réduction ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Au nom de l'idéologie !
M. Henri de Raincourt. Pas du tout ! Au nom de la logique !
M. Henri Collard, rapporteur spécial. Par ailleurs, je soumets à M. le ministre une proposition, plutôt d'ailleurs en tant qu'élu local, comme nombre d'entre nous qui sont, notamment, présidents de conseils généraux ou maires de grandes villes.
Les lois de décentralisation prévoyaient une décentralisation des services. Dès lors, pourquoi, depuis 1982, a-t-on freiné la décentralisation des directions départementales de l'équipement ? Je suis convaincu qu'il y aurait, après réflexion et négociations avec les services de la DDE et du ministère, une source de réduction des dépenses importante pour l'Etat.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-61, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission des finances, l'autre, du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 44:

Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 315
Majorité absolue des suffrages 158
Pour l'adoption 218
Contre 97

Le Sénat a adopté.
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 3 829 596 637 francs. »