M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'équipement, les transports et le logement. I. - Urbanisme et services communs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Henri Collard, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les dix minutes qui me sont imparties m'obligeront à être synthétique. Vous voudrez bien m'en excuser.
Les crédits demandés au titre de l'urbanisme et des services communs atteignent 23,1 milliards de francs en crédits de paiement pour 1998. Ils sont en hausse de 2 % par rapport au budget voté de 1997.
Les seules dépenses ordinaires, qui représentent 98 % des crédits, progressent de 2 %.
En revanche, les dépenses en capital, qui représentent 423 millions de francs en crédits de paiement pour 1998, diminuent de 1 % par rapport à l'an dernier.
Les investissements exécutés par l'Etat chutent ainsi de 8,4 %, tandis que les subventions d'investissement progressent de 4,2 %.
J'évoquerai d'abord l'évolution des agrégats de ce budget, avant de formuler quelques observations.
Les dépenses de personnel, qui constituent le premier agrégat, représentent l'essentiel du budget de l'urbanisme et des services communs. Elles concernent, à 95 %, les services déconcentrés du ministère de l'équipement, des transports et du logement et s'élèvent à 11,3 milliards de francs.
Ces dépenses progressent de 2,3 % par rapport au budget de 1997.
Les charges d'indemnités et de vacations progressent de 14 %, en partie en raison de l'annulation du fonds de concours versé par les sociétés concessionnaires d'autoroutes, au titre des frais de contrôle, dont les crédits ont été réintégrés dans cet agrégat.
Les moyens des services et l'action économique, qui constituent le second agrégat, sont en diminution de 2,3 %, en raison d'importantes mesures d'économie sur les dépenses de fonctionnement.
Le troisième agrégat, qui recouvre les crédits à la recherche, progresse de façon importante : de 23,2 %.
Cette progression résulte essentiellement de deux éléments : d'une part, une dotation complémentaire allouée au programme de recherche dans les transports terrestres ; d'autre part, l'inscription d'une provision de 40 millions de francs pour le changement de statut du Laboratoire central des ponts et chaussées.
La justification de cette importante provision n'apparaissant pas clairement, j'ai souhaité, monsieur le ministre, que vous puissiez nous apporter des précisions sur les modalités et les conséquences budgétaires du changement de statut de cet établissement.
En effet, la transformation du laboratoire central en établissement public à caractère scientifique et technique fait qu'il sera désormais assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. Dès lors, une provision est-elle nécessaire puisque l'Etat récupère cette TVA ?
L'agrégat « École nationale des ponts et chaussées » voit ses crédits augmenter de 4 %.
Quant aux crédits de l'agrégat « Institut géographique national », l'IGN, ils sont réduits de 1 %. Cette réduction est conforme au contrat de plan Etat-IGN de 1994-1998, qui prévoit l'accroissement de l'autonomie financière de l'établissement, même si les moyens consacrés à la recherche sont renforcés.
L'agrégat « Aménagement foncier et urbanisme » diminue de 4 %, après une baisse de 5 % en 1997.
J'en viens à mes observations.
Premièrement, les dépenses de personnel sont de nouveau en augmentation, après une légère diminution, de 0,3 %, en 1997.
La progression des dépenses de personnel s'explique par un ajustement des crédits de rémunération des agents et par des transformations d'emplois d'agent d'exploitation en emplois d'agent spécialisé.
L'incidence budgétaire de ces mesures est contrebalancée par la suppression de 1 000 postes, dont 535 d'agent d'exploitation des travaux publics de l'Etat et 220 d'ouvrier des parcs et ateliers.
Un effort d'adaptation se manifeste par la création de 72 emplois spécifiques dans le secteur du logement social et de la politique de la ville, la recherche et les études générales.
Sera également mis en oeuvre un redéploiement de 50 emplois vers les corps techniques.
On peut toutefois regretter, monsieur le ministre, que l'effort de réduction des effectifs ne soit pas plus significatif.
Deuxièmement, de nouvelles missions sont confiées aux directions départementales et régionales de l'équipement.
L'article 4 de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire a institué les directives territoriales d'aménagement dans le cadre du code de l'urbanisme.
Les sites retenus sont l'aire métropolitaine marseillaise, les estuaires de la Seine et de la Loire, les Alpes du nord et l'aire urbaine lyonnaise.
Les moyens mis à la disposition des services déconcentrés sont en augmentation de 4,6 millions de francs, afin de permettre l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques de l'Etat. D'autres textes récents auront aussi des incidences importantes sur la planification locale.
C'est le cas de la loi du 31 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie, qui a rendu obligatoire l'élaboration d'un plan de déplacement urbain dans toutes les agglomérations de plus de 100 000 habitants.
A ce titre, je souhaiterais connaître, monsieur le ministre, l'état d'avancement des directives territoriales d'aménagement et des plans de déplacement urbain.
Troisièmement, je relève que les moyens d'expertise sont limités au regard des besoins en matière de planification urbaine.
La dotation destinée à assurer l'exercice par l'Etat de ses responsabilités dans la planification et les politiques urbaines et maintenue au même niveau pour 1998, mais elle n'accompagne pas le mouvement de renouveau de la planification urbaine.
Les moyens d'expertise restent réduits : les trente-six agences d'urbanisme, employant 1 100 salariés, interviennent sur la politique de la ville, le développement local et l'action économique.
La dotation nouvelle de 3 millions de francs permettra de renforcer les moyens des agences d'urbanisme en 1998, alors qu'ils avaient diminué en 1997, mais elle ne compensera pas l'annulation de 25 % des dotations inscrites au titre de 1997.
Quatrièmement, la politique d'aménagement foncier nous paraît moins ambitieuse.
Le budget pour 1998 enregistre d'importantes réductions sur les acquisitions foncières en crédits de paiement.
Toutefois, il faut noter la situation particulière de la région d'Ile-de-France, pour laquelle les crédits d'acquisitions foncières font l'objet d'une dotation spécifique, hors du budget « Urbanisme et services communs ».
Le fonds pour l'aménagement de la région d'Ile-de-France, le FARIF, permet en effet de disposer de moyens complémentaires à ceux du budget général pour financer des opérations liées à la concentration urbaine en Ile-de-France.
Les crédits du FARIF consacrés à la politique d'acquisitions foncières augmentent de 25 %, pour s'établir à 128 millions de francs. Cette hausse est destinée à développer une politique active de réhabilitation et d'aménagement urbain sur les sites stratégiques d'Ile-de-France, dans le cadre des contrats de développement urbain.
Enfin, il faut noter une réduction importante de la dotation globale d'équipement aux villes nouvelles, du fait de programmes d'équipement moins ambitieux, liés à une évolution démographique ralentie et à des économies sur les équipements publics.
Il convient cependant de souligner que les moyens des grands projets sont maintenus et sont importants.
Le rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel se poursuit. Des essais hydrauliques seront réalisés en 1998, qui devraient en permettre la réalisation à partir de 1999, du moins le souhaitons-nous. Surtout, le programme « Euroméditerranée » sera poursuivi. Ce programme public d'investissement associe notamment l'Etat, la Ville de Marseille, la région Provence - Alpes - Côte d'Azur et le département des Bouches-du-Rhône.
Les dotations au programme « Euroméditerranée » seront relevées : les dépenses en capital progresseront de 42 % en crédits de paiement.
En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à souligner plusieurs points.
Contrairement aux années précédentes - surtout l'année dernière - l'année 1998 ne donnera lieu qu'à de faibles modifications de structure du budget « urbanisme et services communs ».
Cependant, la présentation du budget demeure opaque, en raison de nombreux transferts internes de lignes budgétaires.
J'estime que le budget « urbanisme et services communs » souffre encore, cette année, de l'importance de ses dépenses ordinaires incompressibles. Les dépenses en capital destinées à l'urbanisme sont toujours contraintes par l'importance des dépenses ordinaires, ce qui aboutit à une compression des investissements de l'Etat. Il apparaît donc essentiel de donner à l'urbanisme les moyens nécessaires, compte tenu des nouveaux enjeux en matière d'aménagement et de planification urbaine.
Enfin, je souhaite que la prochaine fusion de la direction de l'habitat et de la construction avec celle de l'aménagement foncier et de l'urbanisme, préconisée par le rapport de M. Santel, permette une plus grande cohérence de la politique menée dans ce domaine. J'observerai avec attention l'éventualité d'un rapprochement des crédits des logements et de l'urbanisme au sein d'un même fascicule budgétaire, puisque j'ai l'honneur de rapporter ces deux budgets.
En conclusion, la commission des finances vous propose l'adoption des crédits de l'urbanisme et des services communs, réduits par un amendement portant sur le titre III, que je vous présenterai sont à l'heure (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Josette Durrieu, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits inscrits au titre de l'aménagement foncier et de l'urbanisme ont été réduits, cette année encore, de 217 millions de francs en crédits de paiement, soit une réduction de 4 %, et de 208 millions de francs en autorisations de programme, soit une baisse de 1 %.
Le volume de ces crédits étant relativement faible, mon propos sera bref. Je souhaite malgré tout vous poser un certain nombre de questions, monsieur le ministre, qui préoccupent beaucoup les élus.
La première question porte sur la restructuration des services. La direction de l'aménagement foncier et de l'urbanisme, la DAFU, a été créée par la fusion de la direction de l'habitat et de la construction, la DHC, et de la direction de l'architecture et de l'urbanisme, la DAU. Quel sera le rôle de cette nouvelle direction ? Quelles seront ses incidences dans la gestion quotidienne de nos affaires ?
En ce qui concerne le droit de l'urbanisme, il s'agit d'une préoccupation majeure, monsieur le ministre, je vous poserai plusieurs questions.
La première concerne la loi du 28 février 1997 relative à l'instruction des autorisations de travaux données par les architectes des bâtiments de France dans le champ de visibilité des édifices classés ; qui permet aux communes de faire appel de la décision des architectes des bâtiments de France. Huit mois après la promulgation de cette loi, les décrets d'application ne sont toujours pas publiés. Où en sommes-nous, monsieur le ministre ?
Par ailleurs, l'ancien gouvernement avait élaboré un projet de réforme du permis de construire. Ce texte prévoyait, notamment, le non-recours obligatoire aux architectes pour des constructions inférieures à 250 mètres carrés. Il avait été fortement contesté, notamment par les professionnels. Cette réforme a-t-elle été abandonnée ?
Ensuite, le Premier ministre du nouveau Gouvernement avait annoncé, dans sa déclaration de politique générale, une réforme de la procédure des enquêtes publiques. Tout le monde souhaite l'amélioration de la qualité de ces enquêtes et la clarification de la procédure. Quel calendrier le Gouvernement se fixe-t-il pour concrétiser ce projet ?
Il vient d'être fait référence aux directives territoriales d'aménagement du territoire pour les six zones concernées ; je n'y reviendrai donc pas. Malgré tout, la question du calendrier et de la consultation des collectivités locales demeure. Nous souhaiterions avoir des garanties à cet égard.
Je souhaite également insister, monsieur le ministre, sur l'accroissement des contentieux auxquels donne lieu l'application du droit de l'urbanisme, notamment la gestion décentralisée des documents d'urbanisme. Le nombre de recours en annulation contre les permis de construire délivrés au nom de l'Etat s'est accru de 20 %.
En ce qui concerne les recours exercés par les préfets dans le cadre du contrôle de légalité à l'encontre des actes des collectivités locales, la progression est de 60 %. Le nombre des demandes de sursis à statuer a augmenté de 50 % et celui des annulations de 46 %.
Le Conseil d'Etat a parlé d'une « pathologie » du droit de l'urbanisme. Monsieur le ministre, il importe, à l'évidence, de remédier très rapidement à cette situation.
Je terminerai par trois questions d'actualité.
La première a trait aux conseils d'architecture d'urbanisme et de l'environnement, les CAUE ; je l'ai déjà évoquée. Il s'agit de structures qui préoccupent les élus que nous sommes. Qu'entendons-nous faire pour leur permettre de fonctionner et, en ce qui concerne certains d'entre eux, de survivre ? Il existe un certain nombre de missions qui pourraient leur être confiées et qui ne le sont pas aujourd'hui. En tout cas, les CAUE ne sont pas rétribués pour les assumer.
En ce qui concerne l'urbanisme en zone de montagne, vous insistez beaucoup, monsieur le ministre, sur tout ce qui a trait au milieu urbain. J'attire votre attention sur l'autre espace qui existe aussi : l'espace rural et les zones de montagne. Deux problèmes se posent.
Le premier, que nous soulevons assez régulièrement, concerne les unités touristiques nouvelles, les UTN : toutes les communes concernées par une UTN sont obligées de disposer d'un plan d'occupation des sols. Pour les toutes petites communes, le coût d'un POS est élevé : de 60 000 à 150 000 francs pour une petite commune de montagne. Par la force des choses, elles sont toutes petites dans ces zones-là. Le prix du POS représente quelquefois exactement le budget de la commune.
Le second problème - il est peut-être nouveau - a trait aux granges de montagne. De deux choses l'une : ou elles sont utilisées ou elles sont abandonnées. Nous voudrions qu'elles soient utilisées et entretenues. Mais peut-être est-il aussi possible d'envisager de modifier leur affectation dans une procédure légère par adaptation de la situation dans le cadre d'un tourisme rural bien pensé.
Enfin, monsieur le ministre, dans quelle mesure comptez-vous intégrer dans un avenir très proche l'utilisation des nouvelles techniques de l'information et de la communication dans tout ce qui concerne les démarches urbanistiques ?
La commission des affaires économiques a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'adoption des crédits de l'urbanisme. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 7 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Roujas.
M. Gérard Roujas. En préambule à mon intervention, qui portera sur les crédits consacrés à la politique de l'urbanisme, je souhaite vous exprimer, monsieur le ministre, ma satisfaction de constater qu'une direction générale regroupe désormais les attributions jusque-là dévolues à la direction de l'aménagement foncier et de l'urbanisme, d'une part, et à la direction de l'habitat et de la construction, d'autre part.
Cette décision devrait permettre de mieux articuler les politiques du logement et celles de l'urbanisme.
Elle aura également le mérite d'assurer une approche plus globale des problèmes urbains, tant il est difficile de dissocier le logement de l'environnement dans lequel il s'insère.
Si, dans le projet de budget qui nous est proposé, les politiques engagées précédemment pourront être menées à bien, de nouveaux moyens sont également prévus en faveur de l'urbanisme.
Je rappellerai, sans entrer dans le détail, que ces nouveaux moyens concernent les politiques urbaines, pour 38 millions de francs, les agences d'urbanisme, pour 53 millions de francs, les acquisitions foncières dans le cadre du FARIF, pour 128 millions de francs.
D'une manière générale, c'est un projet de budget en hausse de près de 3 % en autorisations de programme et d'environ 2 % en crédits de paiement.
Ces propositions budgétaires vont dans le bon sens et marquent une rupture avec le passé, qui a trop souvent vu l'urbanisme sacrifié. Sans doute faudra-t-il aller plus loin dans les années à venir, mais la direction semble tracée.
En effet, plus que jamais, pour faire face aux difficultés du quotidien - violence urbaine, pollution, etc. - nous avons besoin d'une bonne et grande politique urbaine.
Je crois, par exemple, à la nécessité de réhabiliter le centre non seulement des grandes villes, mais aussi de nos petites communes : réhabiliter les bâtiments anciens, y compris les bâtiments publics désaffectés pour les orienter vers le logement, mais aussi réhabiliter leur environnement.
En tant que président d'un office d'HLM, j'ai pu mener des expériences en la matière et j'ai pu constater, même si cela a un coût, tout l'intérêt de telles opérations.
La réhabilitation des centres ne peut que contribuer à freiner, autant que faire se peut, l'augmentation des surfaces urbanisées, à favoriser la cohésion sociale et à limiter les déplacements quotidiens.
Une telle politique nécessite cependant d'importants moyens et une approche financière différente de celle qui a prévalu jusqu'à maintenant.
Vos choix, monsieur le ministre, nous laissent espérer une meilleure approche de ces questions et je m'en réjouis.
Cela dit, je souhaite, à l'occasion de ce débat, vous faire part de deux préoccupations majeures des élus locaux en matière d'urbanisme.
Les lois de décentralisation ont donné aux maires des responsabilités importantes en matière d'urbanisme, notamment dans l'élaboration des plans d'occupation des sols et la délivrance des permis de construire.
Nous sommes tous d'accord pour dire que la décentralisation est une bonne chose pour notre pays et les maires ont pris à bras-le-corps les nouvelles responsabilités qui leur ont été confiées.
Cependant, ils doivent, au fil des ans, s'adapter aux contraintes nouvelles et relever chaque jour de nouveaux défis.
Ainsi, les directives de 1994 sur la protection des populations contre les risques d'inondation précisent que, pour la définition du périmètre constructible, les plus hautes eaux connues doivent être prises en compte.
Par exemple, dans mon département, celui de la Haute-Garonne, la crue exceptionnelle de 1875 est devenue, en 1994, le critère de référence alors que, depuis 1951, le critère retenu était celui de la crue centennale.
Du jour au lendemain, des dizaines de communes riveraines de la Garonne ou de l'Ariège ont vu une grande partie de leur territoire, quand il ne s'agit pas de latotalité, devenir inconstructible, y compris des zones urbanisées depuis des siècles.
Comment ne pas comprendre le désarroi d'un maire qui voit le développement de sa commune brutalement stoppé, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur l'activité économique ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est sûr !
M. Gérard Roujas. Nous sommes tous soucieux, les élus locaux en premier lieu, d'assurer la sécurité des biens et des personnes, mais il me semble qu'il y a là matière à réflexion.
La prise en compte du critère des plus hautes eaux n'est pas forcément toujours justifiée. Après tout, pour certains d'entre nous ici, les plus hautes eaux connues n'est-ce pas le déluge ? (Sourires.)
Cela pour vous dire, monsieur le ministre, qu'une réflexion avec votre collègue Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement me semble souhaitable, afin de dégager une solution qui permette de trouver le bon compromis entre la nécessaire protection des populations et le tout aussi nécessaire développement de nos communes.
La responsabilité des maires en matière d'urbanisme est d'autant plus lourde qu'ils sont soumis au principe de la responsabilité sans faute. Aussi doivent-ils pouvoir s'appuyer - et c'est particulièrement vrai pour les petites communes - sur les services techniques de la direction départementale de l'équipement, la DDE.
Il me paraît donc indispensable de maintenir et de développer le lien entre les services techniques des subdivisions territoriales et les élus.
Il serait préjudiciable, à tout point de vue, que des projets engagés en 1996 concernant le regroupement des services d'instruction des dossiers d'application du droit des sols - certificats d'urbanisme, permis de construire, etc. - voient le jour, comme cela semble être le cas dans beaucoup de départements.
Considérer que l'application du droit des sols n'est plus ou ne doit plus être une mission de la DDE serait nier la réalité de la structure communale française.
Dans les faits, il s'agirait, à terme, d'une remise en cause pure et simple de la décentralisation en matière d'urbanisme.
Je citerai sur ce point les quelques mots d'un maire de mon département : « Il est très important pour les petites communes que les services techniques de la DDE restent présents sur le terrain pour aider les élus dans leur démarche.
« Pour les petites communes c'est primordial, car elles n'ont pas de techniciens. Et puis surtout nous avons besoin d'une démarche commune sur le terrain, pas de conseils venus de loin. C'est un cri du coeur que je lance ! Ne nous enlevez pas cela ! »
Cette réaction se passe de commentaire et prouve, s'il en était besoin, combien les élus locaux attendent d'être rassurés.
Vous le savez, monsieur le ministre, le chantier qui vous attend est immense. Pour le mener à bien, vous pouvez compter sur l'appui total du groupe socialiste du Sénat. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du budget de l'urbanisme m'amène à traiter du devenir, préoccupant aujourd'hui, des conseils d'architecture d'urbanisme et de l'environnement, les CAUE.
La loi du 3 janvier 1997 a investi les CAUE d'une mission d'intérêt général. L'article 6 dispose que « le CAUE poursuit, sur le plan local, les objectifs définis au plan national, en vue de promouvoir la qualité de l'architecture et de son environnement ».
L'article 1er de ce même texte affirme que « la création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou urbains sont d'intérêt public ».
Or les CAUE n'ont pas les crédits pour assurer la mission qui leur a été confiée.
Le monde rural est le grand perdant de la décentralisation de l'urbanisme qui a placé de petites collectivités locales devant de nouvelles responsabilités qu'elles ne sont pas en mesure d'assurer, car elles ne possédent pas les moyens de se doter des services compétents.
Les CAUE ont, dans ce milieu rural, initié une dynamique de concertation, d'animation et d'aide à la décision qui correspond bien aux besoins exprimés par les élus locaux. Cependant, depuis leur création, ces structures ont toujours eu des moyens de subsistance aussi aléatoires qu'irréguliers.
Dans mon département, la Haute-Saône, comment l'équipe du CAUE, comptant moins de quatre personnes à plein temps, peut-elle faire face aux sollicitations de plus de cinq cents maires, pour la grande majorité à la tête de communes de moins de mille habitants, et conseiller les deux mille pétitionnaires qui déposent des permis de construire chaque année ?
Comment ces élus peuvent-ils assumer la centralisation de l'urbanisme si on limite le nombre de conseils et si l'on restreint toujours davantage la vue d'ensemble nécessaire à une bonne réflexion préalable à un aménagement ?
Dans les départements ruraux, touchés par la désertification, il ne s'agit pas de remettre en cause la qualité de la vie ni celle des paysages, là où les problèmes vont se poser avec une plus grande acuité dans les années à venir.
Il ne s'agit pas non plus d'oublier presque un quart du territoire français, très vulnérable et pourtant tellement significatif d'un terroir, indissociable de l'identité, pour lequel les élus initient inlassablement des politiques de développement local s'appuyant, notamment, sur de nouvelles formes de tourisme, fût-il vert ou culturel.
Il faut bien comprendre, monsieur le ministre, que pour nos communes rurales il n'existe pas de « petit projet ». Toute intervention sur leur territoire prend une ampleur remarquable et fortement dommageable si des travaux sont effectués sans discernement, par exemple, pour des traversées de villages, des abords de fontaine, de lavoirs, d'églises. La France est émaillée de ces témoignages architecturaux du passé dont nous ne sommes que les dépositaires avec obligation de transmission.
Les CAUE sont dans l'incapacité d'assumer leurs missions faute de moyens et d'intervenants.
La taxe départementale qui leur est affectée a, pour le moins, un rendement faible et incertain. En Haute-Saône, il est inférieur à 800 000 francs et retrouve, cette année, le niveau qu'il avait atteint en 1988 après de nets fléchissements.
Ainsi le CAUE est-il étroitement dépendant des subventions allouées par le conseil général qui, depuis 1980, assure le fonctionnement de la structure.
Les communes apportent également leur contribution sous forme d'adhésion à l'association constituée à cet effet. Elles souscrivent volontiers à cette participation, mais est-il bien convenable, compte tenu de leurs faibles ressources, de leur faire soutenir dans cette proportion une mission d'intérêt public ?
Certes, l'Etat apparaît dans la dotation destinée aux architectes-consultants, mais uniquement en faveur des CAUE les plus démunis, là où le rendement de la taxe départementale est très faible. Cette dotation est gérée par les services extérieurs de l'Etat, les directions départementales de l'équipement, les DDE, puis les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, depuis le mois de janvier de cette année.
L'application des circulaires régissant l'utilisation de ces crédits confine au surréalisme.
La durée mensuelle d'intervention de chaque architecte est limitée à douze vacations, soit six jours par mois. En conséquence, en dépit du prélèvement des cotisations sociales légales sur les salaires, les architectes ne peuvent prétendre à aucune couverture sociale. La rémunération, non réévaluée depuis six ans, est de 230 francs bruts par vacation et, dans mon département, elle est versée avec six mois de retard. Dans ces conditions, que peut-on attendre, effectivement, de leurs interventions ?
Dans l'audit réalisé, voilà deux ans, le conseiller d'Etat Christian Vigouroux concluait : « Les CAUE ne sont pas conçus pour survivre. Pour animer et innover, ils doivent disposer des moyens de leur indépendance ou mieux vaut les dissoudre. L'Etat a tout à perdre en laissant vivoter des structures en assistance de survie artificielle ».
Je souhaite, monsieur le ministre, être clairement informé sur le sort réservé aux CAUE. L'Etat va-t-il leur donner les moyens de remplir leurs missions ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, avant de monter à la tribune pour prendre la parole sur le budget de l'urbanisme et des services communs...
M. le président. Madame Beaudeau, sachez que votre temps de parole est dès maintenant décompté.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, vous n'avez pas autorisé tout à l'heure M. Minetti à faire un rappel au règlement.
M. le président. Il ne s'agissait pas d'un rappel au règlement. M. Minetti voulait faire une déclaration sur un tout autre sujet.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il est vrai que, depuis 1994, le rappel au règlement doit se fonder sur une disposition précise du règlement mais, en même temps, l'article 36 dispose : « La parole est accordée sur-le-champ à tout sénateur qui la demande pour un rappel au règlement. » Je n'énumèrerai pas l'ensemble des possibilités offertes par cet article. Je préciserai simplement que le rappel au règlement de mon collègue M. Louis Minetti portait sur le débat relatif au projet de loi de finances. Or, par courtoisie, vous nous aviez toujours permis jusqu'à présent, monsieur le président, de faire un tel rappel au règlement. Nous ne comprenons donc pas aujourd'hui que vous ayez empêché l'un des nôtres de s'exprimer.
M. François Trucy. Il fallait venir, ce matin, à trois heures et demie, madame Beaudeau !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, nous avons perdu beaucoup de temps alors que mon collègue ne disposait que d'une minute pour faire son rappel au règlement.
M. le président. Vous avez déjà perdu plus d'une minute, Madame Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il n'est pas dans les habitudes de la Haute Assemblée d'empêcher un sénateur de s'exprimer.
M. le président. Si, madame Luc, de telles situations se sont déjà produites.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous en reparlerons.
J'en viens au budget de l'urbanisme et des services communs. Ne disposant que de cinq minutes dans ce débat, je centrerai mon propos sur le devenir des services de l'équipement.
Les crédits consacrés aux personnels de l'équipement enregistrent, certes, une légère augmentation mais, en même temps, 861 postes disparaissent sur les 100 000 postes actuels et viennent s'ajouter aux 15 000 suppressions de postes qui sont déjà intervenues depuis dix ans.
Cette année, sont concernés 535 emplois d'agents d'exploitation des travaux publics de l'Etat et 220 postes d'ouvriers des parcs et ateliers.
En revanche, on assiste à une augmentation de 1 % du nombre d'emplois de catégorie A, soit 62 emplois, et de catégorie B, soit 211 emplois. Les personnels d'exécution sont les plus concernés.
Ces 861 suppressions de postes soulèvent bien entendu des questions liées directement au problème de l'emploi. Mais ne vont-elles pas remettre en cause l'entretien des routes nationales et départementales, la maintenance de la signalisation, les opérations de déneigement ou les actions de prévention des catastrophes ?
Autrement dit, la souplesse, la rapidité d'intervention, la disponibilité, en un mot les qualités du service public, ne sont-elles pas appelées à disparaître progressivement si ces suppressions de postes devaient se poursuivre ?
Ce ne sont pas les entreprises privées soumises à l'impératif de rentabilité qui assureront le même service. Elles n'ont pas, comme vous le savez, monsieur le ministre, les mêmes objectifs. La diminution du nombre d'agents dans les centres d'exploitation n'entraînera-t-elle pas la formation d'équipes polyvalentes ce qui fera baisser le niveau de technicité des intervenants et par là même la qualité des interventions ?
Les services de l'équipement sont nécessaires pour les visions d'ensemble, les harmonisations et l'application des politiques générales en matière d'aménagement et d'environnement. Ils apportent aussi une aide aux collectivités locales comme conseillers techniques ou administratifs. Comment feront ces dernières ? Veut-on les livrer aux cabinets ou aux bureaux privés, aux agences multiples ne visant qu'un profit immédiat ? La concurrence disparaîtra et les ententes financières se généraliseront, mais des nombreuses subdivisions entières sont menacées de disparition du fait, par exemple, de la suppression de postes de dessinateur et de technicien.
Je sais, monsieur le ministre, que vous suivez attentivement ce dossier. Vous vous en êtes d'ailleurs préoccupé dès votre arrivée à ce ministère. La qualité du traitement des déchets et de l'eau, par exemple, mais aussi des grands projets routiers ne risque-t-elle pas d'en souffrir ?
Monsieur le ministre, est-il vrai que certains projettent d'aller encore plus loin en envisageant de confier au secteur privé la gestion des autoroutes sans péage, précipitant ainsi la disparition de corps entiers de personnels spécialisés ? Que deviendront, dans ce cas, les agents d'exploitation des travaux publics de l'Etat ?
Monsieur le ministre, démentez également le projet de transformation des parcs routiers en établissements publics ! Que deviendront alors les ouvriers des parcs et ateliers ?
Le maintien d'un service public de qualité, comme les services de l'équipement, évitera le transfert de nouveaux secteurs aux intérêts privés. Les citoyens, sans leur service public, seront pénalisés et les collectivités désarmées.
Regardez, par exemple, ce que devient le service de l'eau : l'eau est de plus en plus chère et les profits réalisés par les grands groupes privés sont de plus en plus élevés. Le traitement des eaux usées est, à son tour, touché.
Monsieur le ministre, vous devez confirmer que l'Etat ne livrera pas les routes, l'environnement et l'aménagement du territoire aux puissances d'argent. L'équipement est un rempart contre ce danger. Si vous refusez de lui donner les crédits nécessaires, si vous réduisez les effectifs, il ne pourra plus jouer ce rôle public rationnel, moderne, en un mot, national. La suppression de près de neuf cents postes dans le budget de l'équipement entraînera de nouveaux dysfonctionnements dans ce secteur. Je sais que vous partagez ce point de vue.
Dans le Val-d'Oise et la Seine-Saint-Denis, l'émotion est grande si j'en juge par les lettres que nous recevons. Monsieur le ministre, nous comptons sur vous pour réaffirmer à nouveau le rôle de l'équipement et le soutien du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la présentation du budget de l'équipement, des transports et du logement est un moment important. Le débat étant organisé autour des sections budgétaires, il risque d'en résulter une vision un peu hachée des responsabilités de mon secteur ministériel. Je voudrais donc saisir l'occasion de ce premier budget pour remercier l'ensemble des rapporteurs de leur travail, de leur réflexion et de leurs propositions, même si je ne les partage pas toutes, ainsi que les orateurs qui viennent de s'exprimer.
Permettez-moi encore de formuler quelques observations d'ordre général, avant d'aborder les crédits du budget de l'urbanisme et des services communs.
Le ministère de l'équipement, des transports et du logement intervient dans des domaines de la vie quotidienne, comme vous l'avez souligné, madame Durrieu, pour permettre à nos concitoyens de se loger dignement, de se déplacer, de partir en vacances et de voyager en toute sécurité.
Il s'agit d'un vaste chantier dont l'actualité montre en permanence les difficultés et les obstacles tout en soulignant la place et le rôle des personnels et des salariés de toutes les catégories concernées.
J'ai conscience de l'ampleur de la tâche. Les Français, par leur vote, ont exprimé clairement, au mois de juin dernier, leur volonté de changement. Ils attendent donc de ce ministère des réponses concrètes.
Naturellement, rien ne se fait en un jour ni même en quelques mois. Mais je pense sincèrement que le budget que je présente constitue, en quelque sorte, une première étape dans l'immense travail qui consiste non pas à opposer l'économie et l'être humain, mais, au contraire, à mettre la première au service du second. Mon ambition est de continuer à faire reculer le chômage, à donner du sens à la politique et à la démocratie.
Bien entendu, les comportements des décideurs changent lentement. Mais je peux vous dire combien est utile la compétence et l'opiniâtreté des élus que vous êtes pour défendre tel ou tel dossier et faire avancer telle ou telle question.
Chacune, chacun d'entre vous travaille déjà en dépassant l'horizon 1998 à ce que devra être le XIIe Plan. Je peux vous assurer que je serai votre partenaire pour prendre le temps nécessaire à l'élaboration commune des nouvelles orientations, des nouveaux aménagements, des nouvelles idées que nous devons mettre en chantier pour l'avenir.
Le budget que je vous présente, s'il reste encore marqué par des choix antérieurs, comporte néanmoins les premières inflexions qui concrétisent les priorités que je souhaite faire avancer.
Au total, les crédits s'élèvent à un peu plus de 146 milliards de francs, si l'on tient compte du budget annexe de l'aviation civile et des comptes spéciaux du Trésor.
Ces crédits augmentent de 4,2 % par rapport à 1997, soit trois fois plus que le budget civil de l'Etat.
Cette augmentation est l'affirmation d'une priorité du Gouvernement : à côté des investissements des collectivités locales, les investissements publics réalisés dans le logement, les transports et l'équipement sont décisifs pour la croissance et l'emploi.
Ainsi, les programmes d'investissement des entreprises ou établissements publics sous sa tutelle - SNCF, RATP, autoroutes, Réseau ferré de France, Aéroports de Paris, Voies navigables de France - s'élèvent à 55 milliards de francs.
Ce poids économique considérable a un fort contenu en emplois et un impact positif sur la balance des paiements. Il en résulte un effet d'entraînement sur de nombreux secteurs tels que la maîtrise d'oeuvre, les matériaux et équipements de construction, les matériels de chantier et de transport, l'immobilier, l'environnement, les services, etc.
Au total, près de 15 % de la richesse nationale est concernée, directement ou indirectement, par l'action de notre ministère, soit environ 4,2 millions d'emplois. A elle seules, les entreprises publiques de transport représentent environ 300 000 emplois.
Le souci de préserver l'investissement public reste au coeur de mes décisions, y compris - nous en reparlerons - quand les réformes apparaissent nécessaires.
L'exercice auquel je vais me livrer au cours de cette journée va me permettre de dérouler la grande diversité des secteurs dont j'ai la charge : l'équipement, les transports sur terre, sur mer et dans les airs, sans oublier le logement et le tourisme.
Je ne présenterai pas les budgets du logement et du tourisme dans la mesure où les secrétaires d'Etat chargés de ces questions, M. Louis Besson et Mme Michèle Demessine, vous les présenteront eux-mêmes, dimanche prochain.
J'en arrive au budget de l'urbanisme et des services communs, que vous venez d'évoquer.
J'ai entendu toutes les questions qui ont été posées. Je répondrai, dès aujourd'hui, à certaines d'entre elles. Pour d'autres, vous le comprendrez, plutôt que de me limiter à des généralités, je les étudierai précisément. Il en est ainsi des questions touchant à la responsabilité des maires, en cas d'inondation. Il s'agit là de questions très importantes, que j'entends lorsque je rencontre les élus et sur lesquelles il me paraît nécessaire d'apporter des précisions.
Les différents services de mon ministère assurent, sur le terrain, des missions importantes pour le compte de plusieurs départements ministériels, avec une forte proximité des collectivités territoriales. Ils sont aussi, en tant que réseau scientifique et technique, en relation étroite avec les entreprises industrielles du secteur.
Toutes mes visites m'ont permis d'apprécier la valeur des agents et l'importance que les élus, comme les entreprises, attachent à la qualité et à l'efficacité des services.
Comme l'a souligné Mme Beaudeau, la question des effectifs est aujourd'hui d'une extrême sensibilité pour le développement local et l'exercice de missions qui sont bien souvent, chacun a encore pu le constater cette semaine, des missions de sécurité.
Depuis vingt ans, près de 15 000 emplois ont été supprimés. Souvent, vous mesurez vous-mêmes, mesdames, messieurs les sénateurs, pour le déplorer, à juste titre, les conséquences des restrictions budgétaires : nous avons aujourd'hui, en certains points du territoire, des chasse-neige qui ne déneigent plus faute de conducteurs, des bâtiments de sécurité en mer immobilisés faute de gazole, des plans de prévention des risques dont l'élaboration est trop longue, etc.
J'ai trouvé à mon arrivée au ministère, comme l'a relevé M. Collard, des engagements contractualisés programmant une réduction des effectifs de 1 000 emplois en 1998. En contrepartie étaient prévues des mesures catégorielles et la maîtrise des crédits de fonctionnement.
J'ai procédé - vous l'avez souligné - à des premières inflexions dans des secteurs très sensibles. J'ai ainsi assuré quelques recrutements spécifiques permettant, d'une part, de résorber des emplois précaires et, d'autre part, d'assurer un flux d'environ 200 embauches.
Un effort particulier a été entrepris en faveur du contrôle et de l'inspection du travail des transports routiers. En effet, les événements récents ont montré l'attachement des professionnels et des salariés au respect des règles du jeu, rendu possible grâce aux services de l'Etat.
Parallèlement, quelques dispositions catégorielles ont pu être améliorées. Il en est ainsi de la suppression du premier niveau de la catégorie C, suppression promise depuis longtemps mais non assurée ; 1 250 postes ouverts à un concours permettront l'accès des agents en question au corps supérieur.
Enfin, les crédits de fonctionnement bénéficient d'une garantie de stabilité, ce qui représente un atout important pour la vie courante des services déconcentrés.
Il ne s'agit, j'en ai conscience, que du début d'une inflexion, qui ne constitue pas encore une réponse satisfaisante au regard des besoins.
C'est pour cette raison que je considère nécessaire, voire indispensable, de redonner un sens à l'action des services autour de trois axes principaux.
Le premier, c'est le rapport au territoire. L'implantation et l'organisation des services en subdivisions sont une garantie certaine de disponibilité et d'offre de service public pour les citoyens et les collectivités locales. Cela vaut au niveau tant des grandes agglomérations que des pays ruraux, avec entre ces extrêmes, si je puis dire, une grande diversité de situations à l'image de la richesse et de la variété de notre territoire national.
S'agissant de l'enjeu pour le service public, permettez-moi, madame Beaudeau, de dissiper les craintes que vous avez exprimées à la suite de certaines déclarations : il n'a jamais été dans l'intention du Gouvernement, ni dans la mienne, bien entendu, de mettre en cause le service public, pas plus que le secteur public.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Dieu sait d'ailleurs si certains me le reprochent !
L'enjeu pour le service public de l'équipement est de savoir s'adapter avec pertinence aux situations qu'il rencontre.
Le deuxième axe, c'est le fonctionnement en réseau scientifique et technique. Il s'agit, pour mon ministère, d'être au meilleur niveau européen, voire mondial - c'est déjà le cas dans de nombreux domaines, comme ceux de la météorologie ou des ouvrages d'art - en ayant la capacité de diffuser auprès des entreprises et des collectivités locales les savoirs techniques aujourd'hui indispensables.
Les atouts sont multiples avec un réseau technique performant aussi bien sur le territoire, grâce aux centres d'études techniques de l'équipement, les fameux CETE, qu'au niveau national, avec des unités spécialisées de recherche comme le Laboratoire central des ponts et chaussées, le LCPC, et grâce à un réseau de formation développé autour de la formation initiale, bien sûr, mais aussi autour de la formation continue.
Le troisième axe, c'est l'exploitation des réseaux et la sécurité. C'est bien évidemment sur cet axe que les enjeux quantitatifs sont les plus importants pour la bonne raison que c'est dans les services chargés de la sécurité et de l'exploitation des réseaux nationaux et départementaux que les personnels sont proportionnellement les plus nombreux.
Il reste que les effectifs ne permettent pas toujours d'assurer correctement la sécurité, en particulier sur les réseaux routiers qui supportent un trafic en constante progression - il a globalement doublé en vingt ans - et par rapport à une attente sociale de plus en plus forte de capacité d'intervention dès le moindre incident. Il y a une véritable demande. J'ai proposé aux représentants du personnel la tenue d'une conférence nationale sur l'entretien et l'exploitation, au cours de laquelle les questions du niveau de service rendu aux usagers et de la sécurité seront centrales. Il demeure que le service ne peut être, selon moi, amélioré et durablement fiabilisé qu'en infléchissant l'approche qui a prévalu jusqu'à présent.
Mon ambition est de retracer des perspectives raisonnables d'emplois pour le ministère avec une forte exigence en matière de qualité du service rendu. De cette façon, nous pourrons remobiliser les services, dans une relation harmonieuse avec les collectivités locales et les entreprises. Pour que la qualité du service aux usagers soit assurée, l'évolution des effectifs au-delà de 1998 est, à mes yeux, une des préoccupations majeures.
En matière d'aménagement foncier et d'urbanisme - là aussi, vous l'avez souligné - la situation que M. Louis Besson et moi-même avons trouvée était préoccupante. L'Etat était en voie de perdre sa capacité à renouveler les réflexions prospectives et à contribuer à la planification ; il était également en difficulté pour définir et coordonner ses propres interventions dans les grandes opérations qui relèvent de sa responsabilité.
Les crédits de ce secteur ont été augmentés de manière significative. Parallèlement, j'ai demandé à M. Gilbert Santel, conjointement avec mes collègues, Mme Dominique Voynet et M. Louis Besson, de proposer la fusion des deux administrations centrales chargées de l'urbanisme et du logement.
Ce rapport nous a été rendu et la mise en oeuvre des propositions que nous avons acceptées est en cours, en concertation avec les personnels.
J'attache de l'importance à cet acte fort, qui améliorera l'articulation entre les politiques urbaines et celles de l'habitat et permettra de mieux prendre en compte les attentes des élus et des citoyens, sur le plan national comme sur le plan territorial, ainsi que vous l'avez souhaité, monsieur Roujas.
L'année 1998 sera une année charnière. J'ai la volonté de relancer les politiques urbaines à partir d'une mise en cohérence des interventions en matière d'habitat et de construction. Cette approche est complémentaire de celle qui a été engagée en matière de déplacements urbains.
Avec M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, nous mettrons donc à profit l'année 1998 pour refonder les axes de la politique urbaine de l'Etat. Ce travail aura, bien évidemment, une dimension législative et une dimension réglementaire, que le Gouvernement soumettra au Parlement à partir du bilan de ce qu'a été l'application sur le terrain de la loi d'orientation pour la ville. Le projet de loi de finances pour 1998 permet de créer des conditions favorables à cette refondation.
En particulier, le projet de loi de finances permet de renforcer les capacités d'études de l'Etat. Dans le domaine de l'urbanisme, il est en effet essentiel de pouvoir mobiliser de la matière grise - urbanistes, architectes, sociologues économistes, paysagistes, etc. - pour aider à la définition des politiques et pour contribuer au montage des projets. Les crédits des agences d'urbanisme augmenteront de 6 %, ce qui permettra de faire face à la création de nouvelles agences. Les crédits d'études des services augmenteront de 14 %, ce qui permettra, notamment, de financer des études correspondant aux projets de directives territoriales d'aménagement.
En outre, les crédits du FARIF feront l'objet, comme l'a souhaité M. le rapporteur spécial, de redéploiements internes au profit des acquisitions foncières. Ces redéploiements permettront à l'Etat de mener une politique d'action foncière plus dynamique pour des opérations stratégiques où il doit agir en partenariat avec les collectivités locales.
Mme le rapporteur pour avis et M. Joly m'ont demandé des éléments de réponse sur le montant des taxes pour les conseils d'architecture, d'urbanisme et d'environnement, liquidées par les DDE. Celui-ci s'est élevé à 228 millions de francs en 1995, dernière année connue.
A ce jour, cinq départements ont institué un CAUE sans taxe correspondante et douze autres n'en ont pas institué. L'essentiel des départements ont voté la taxe au taux maximal prévu par la loi, à savoir 0,3 %. Seuls deux d'entre eux, la Seine-Saint-Denis et la Meurthe-et-Moselle, se satisfont d'un taux minimal de 0,10 %.
Les CAUE sont effectivement un élément très important d'amélioration de la qualité des aménagements et des constructions ; mes services travaillent en coopération avec eux dans des conditions très positives.
Ma collègue Catherine Trautmann, qui est maintenant en charge, de par la loi, des questions relatives à l'architecture, qui ne dépendent donc plus directement du ministère de l'équipement, y est aussi, je le sais, très attachée. C'est d'ailleurs de son budget que relèvent les dotations permettant de payer des architectes-consultants là où le produit de la taxe n'assure pas au CAUE local des ressources suffisantes.
Par ailleurs, Mme le rapporteur pour avis m'a interrogé sur les autorisations de travaux qui sont dans le champ de visibilité des édifices classés ou inscrits.
C'est un projet qui a nécessité un travail interministériel puisqu'il associe mes services à ceux de ma collègue chargée de la culture.
Le projet de texte est en cours d'examen entre les deux ministères ; il sera soumis dès que possible au Conseil d'Etat.
M. le rapporteur spécial m'a interrogé sur l'état d'avancement des directives territoriales d'aménagement. Six directives sont en cours d'expérimentation ; elles en sont à des degrés divers d'avancement, celle des Alpes-Maritimes étant la plus avancée.
Il n'est pas envisagé, pour l'instant, de lancer de nouvelles directives tant qu'une première évaluation de l'expérimentation en cours ne sera pas connue. Cela me semble raisonnable.
Enfin, Mme le rapporteur pour avis m'a interrogé sur les problèmes d'application de la loi montagne concernant la reconstruction des granges de montagne, notamment dans les Pyrénées.
Mes services sont prêts à examiner les différentes situations qui pourraient poser problème localement, mais dans le respect des impératifs de protection du milieu montagnard. C'est d'ailleurs ce qui a été fait pour les chalets d'alpage, pour lesquels bien des difficultés ont pu ainsi être levées.
Mme le rapporteur pour avis a également soulevé la question de la lourdeur de la procédure des unités touristiques nouvelles. Le précédent gouvernement avait créé une instance d'évaluation sous l'égide du Commissariat général du Plan. Les conclusions de ses travaux sont en passe d'être connues. Dès qu'elles le seront, nous aviserons.
S'agissant de la recherche et de la technologie, le budget civil de recherche et de développement technologiques, le BCRD, s'élève, pour ce qui est de mon ministère, à 622,3 millions de francs en moyens d'engagement, hors Météosat, soit une augmentation de 2,9 %, supérieure à la progression générale des crédits de recherche ; c'est logique, car il s'agit de recherche à caractère opérationnel.
Nous pourrons ainsi, par exemple, mieux impliquer le centre scientifique et technique du bâtiment dans la santé publique. A Marne-la-Vallée, démarrera la construction d'un nouveau laboratoire de recherche et d'expérimentation, où des spécialistes des sciences du bâtiment et des sciences du vivant travailleront ensemble sur la qualité de l'air intérieur des bâtiments, notamment sur la pollution par l'amiante.
C'est sur ce même site de Marne-la-Vallée que sont désormais installées l'Ecole nationale des ponts et chaussées et l'Ecole nationale des sciences géographiques, dans de nouveaux locaux que nous avons inaugurés, au côté du Président de la République, voilà quelques semaines. Quant à l'Institut géographique national, l'année 1998 sera celle de l'élaboration d'un nouveau contrat de plan.
Le ministère participe activement aux programmes de recherche et d'innovation dans les transports terrestres, qui portent sur le développement de transports collectifs accessibles, confortables et fiables, et sur la mise rapide sur le marché de nouveaux véhicules plus propres et plus économes.
Le centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques a désormais les moyens d'intervenir de manière pertinente dans de nouveaux domaines, comme les plans de déplacements urbains, rendus obligatoires par la loi sur l'air.
Enfin, les concours de l'Etat à Météo France sont stabilisés à 1,16 milliard de francs. Complétant les recettes propres de Météo France, ils permettront à l'établissement de se développer.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les précisions que je tenais à vous apporter. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant l'urbanisme et les services communs, inscrits à la ligne « Equipement, transports et logement », seront mis aux voix le dimanche 7 décembre à la suite de l'examen des crédits affectés au tourisme.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 218 120 651 francs. »