Par amendement n° II-43, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose de réduire ces crédits de 77 347 431 francs et, en conséquence, de porter le montant des mesures nouvelles à moins 737 009 961 francs.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Monsieur le président, si vous le souhaitez, avec l'accord de M. le secrétaire d'Etat, je défendrai en même temps les amendements n°s II-43 et II-44 puisqu'ils ont la même inspiration. En effet, ils participent d'une démarche constante de la commission des finances et de la majorité du Sénat, qui souhaitent réduire la dépense publique.
L'an dernier, une intervention de même nature a conduit le Gouvernement à limiter au niveau zéro la croissance de la dépense publique. Il convient de maintenir cette démarche. C'est la raison pour laquelle M. le rapporteur général, lorsqu'il a présenté ses conclusions sur le budget de 1998, a souhaité, par le dépôt d'amendements, que la dépense pour 1998 soit limitée en francs courants à la dépense pour 1997, marquant ainsi la volonté de réduire la dépense publique.
Le coût de fonctionnement de la maison France est particulièrement élevé. En effet, le budget de la France est de l'ordre de 1 600 milliards de francs. Or, sur ce budget, vous ne le contesterez pas, monsieur le secrétaire d'Etat, à peine 10 % sont consacrés à l'investissement. Est-ce raisonnable ? Non ! Par conséquent, il faut limiter au maximum les crédits de fonctionnement pour avoir une plus grande disponibilité de crédits pour l'investissement, afin de financer les infrastructures et les structures indispensables pour assurer l'avenir et permettre à nos concitoyens de recevoir une part légitime des progrès.
Les deux présents amendements traduisent la recommandation de la commission des finances et tendent à contenir les dépenses du budget de l'Etat. J'insiste beaucoup sur le fait qu'ils ne visent à réduire que les crédits de fonctionnement. En effet, ils portent sur les titres III et IV, et non sur les titres V et VI, dont les crédits sont réservés à l'investissement.
En France, la dépense publique - cela est reconnu, même par M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - est trop élevée, puisqu'elle atteint 55 % du PIB. Par voie de conséquence, les prélèvements obligatoires sont les plus élevés des pays européens et représentent 46 % du PIB...
M. Gérard Delfau. Merci M. Juppé !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Cela n'est pas contesté, monsieur Delfau, et vous le savez très bien ! L'an dernier, vous aviez d'ailleurs vous-même rappelé que nous étions sur une pente croissante et vous aviez cité ce chiffre pour le critiquer.
Il ne faut pas que les prélèvements obligatoires augmentent et, pour ce faire, il ne faut pas que la dépense publique augmente.
Conséquence d'une dépense publique et de prélèvements obligatoires qui croissent le taux de chômage en France est parmi les plus élevés des pays européens. Il faut donc, je le répète, réduire la dépense publique et les prélèvements obligatoires pour, tout en accompagnant certaines dispositions que vous avez prises, réduire réellement le chômage en France.
C'est pourquoi la commission des finances, qui ne se contente pas de simples déclarations incantatoires, souhaite porter un coup d'arrêt à la croissance de la dépense publique, en réduisant de 164 millions de francs les dépenses de fonctionnement du ministère de l'industrie.
Cette réduction ne nous paraît pas, aujourd'hui, représenter un sacrifice qui pourrait être lourd à supporter par le ministère de l'industrie.
Et ne me dites pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que ce chiffre est insupportable. En effet, depuis juillet 1997 - vous étiez aux responsabilités - ont été annulés, au niveau de votre ministère, 448 millions de francs de crédits : d'abord le 9 juillet, puis, tout récemment, le 19 novembre dernier. De plus, parmi ces 448 millions de francs, il y avait - et je le regrette - 329 millions de francs consacrés à l'investissement. Vous avez donc pénalisé encore une fois l'investissement !
Par conséquent, je vous demande d'approuver notre démarche, qui est aussi la vôtre, je n'en doute pas, car lorsque vous aviez la responsabilité d'une municipalité, vous aviez souhaité - et je vous avais approuvé - réduire les crédits de fonctionnement de ladite municipalité et du département. C'est ce que nous invitons à faire pour la maison France et c'est la raison pour laquelle vous allez, je l'espère, accepter ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. J'ai un peu le sentiment que ces amendements sont largement teinté d'idéologie, car ils ne répondent absolument pas à la problématique que vous présentez. Il s'agit d'un signal, pour fustiger, une fois de plus, l'action publique, l'action de l'Etat, les crédits publics à travers les titres III et IV, et peut-être aussi - je ne veux pas vous faire de procès ni ouvrir une polémique - la fonction publique.
D'une manière générale, ce qui sous-tend ce type d'amendement, c'est, au fond, très clairement, l'idéologie libérale et le refus de l'intervention de la puissance publique dans un certain nombre de secteurs pour orienter, susciter et développer.
M. Gérard Braun. Le GAN !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Ce n'est pas notre philosophie.
Pour illustrer mon propos, je vais vous présenter quelques comparaisons, même si, je le sais bien, elles ne sont pas, en fait, la véritable réponse. En effet, la vraie réponse, c'est qu'il est deux manières de concevoir le budget de l'Etat, l'intervention de l'Etat et la dynamique d'une politique industrielle.
Vous avez la vôtre, elle a sa logique et est marquée par un libéralisme total, débridé. La nôtre est empreinte à la fois de confiance dans l'initiative, dans l'entreprise, dans le développement individuel et dans la créativité et, en même temps, de la nécessité, dans certains cas, à certains moments, pour certains types d'actions, de l'intervention publique.
Je vous donne quand même mes comparaisons. Votre amendement tendant à réduire de quelque 77 millions de francs les crédits du titre III représente 48 % des subventions de fonctionnement aux écoles des mines,...
M. Gérard Delfau. Merci pour Alès, monsieur Poncelet !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... 54 % de la dotation de fonctionnement de l'Agence nationale des fréquences, élément essentiel, souligné par plusieurs d'entre vous, du nouveau paysage des télécommunications !
Au titre IV, vous souhaitez réduire les crédits de 87 millions de francs, ce qui correspond à un tiers de la subvention de fonctionnement de l'ANVAR...
M. Gérard Delfau. Voilà !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Nous aurions débattu pratiquement toute une nuit pour réduire d'un tiers cette subvention. Est-ce raisonnable ? Cette diminution représente aussi un tiers des crédits affectés à la normalisation et à la qualité, ainsi que 90 % des crédits de fonctionnement alloués à l'ADEME.
Bref, ces exemples montrent bien le caractère idéologique de ces amendements. Aussi, je demande fermement au Sénat de les repousser.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-43.
M. Pierre Lefebvre. Je demande la parole, contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Je décèle une certaine incohérence entre les propos que tiennent un certain nombre de nos collègues de la majorité sénatoriale et la teneur de ces amendements.
Ainsi, comment comprendre la réflexion de la majorité de la commission des finances sur la nécessaire subvention à Charbonnages de France et cet amendement qui vise, en fait, à la diminuer ? Comment comprendre une volonté affirmée de soutenir l'innovation, la recherche, le transfert de technologie, et la présentation d'un amendement qui a pour objet, en fait, de diminuer les crédits concernant ces domaines ?
En réalité, nous avons bien compris, depuis quelques jours, qu'il s'agit d'une logique avant tout politicienne et, surtout, libérale, qui s'oppose à la nôtre et qui exclut l'intérêt de notre industrie, de la population et donc de notre pays. C'est pourquoi nous voterons résolument contre ces deux amendements.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Plus la discussion budgétaire avance et plus la tactique de la majorité de la commission des finances apparaît pour ce qu'elle est, c'est-à-dire dérisoire.
En effet, monsieur le président Poncelet, vous irez expliquer aux écoles des mines, notamment à celle d'Alès, dans le Gard, que la moitié de ces crédits seront supprimés ! Vous irez l'expliquer à l'ADEME et à toutes les autres agences ou structures qui participent à l'encadrement et à l'animation économique de notre industrie !
Surtout, monsieur le président Poncelet, vous semblez oublier le passé récent.
M. Juppé, Premier ministre - vous vous en souvenez ? - qualifiait la gestion de son prédécesseur, M. Balladur - vous connaissez aussi ? - de « calamiteuse ».
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est faux !
M. Gérard Delfau. Il visait les prélèvements obligatoires opérés par ce gouvernement !
M. Jean-Pierre Raffarin. Non, les finances publiques !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. C'est encore pire !
M. Gérard Delfau. M. Juppé lui-même, devenu Premier ministre, a porté les prélèvements obligatoires à leur plus haut niveau historique depuis la Libération. C'est inscrit dans les faits. Il s'agit de chiffres incontestables et incontestés.
Alors, monsieur le président Poncelet, il ne fallait pas nous dire, les deux années passées et cette année encore, que le Sénat a pour mission d'essayer de limiter la dépense gouvernementale.
Il fallait, l'an passé, par exemple, expliquer au ministre des finances, M. Arthuis, issu de notre Haute Assemblée, que la politique du gouvernement dont il était membre devait effectivement avoir pour objet de prélever moins d'argent sur l'ensemble des Français. D'ailleurs, je dis « sur l'ensemble des Français », mais c'est inexact. Vous auriez dû expliquer à M. Arthuis et à nos concitoyens qu'il fallait cesser de prélever sur la majorité des Français et, au contraire, augmenter le prélèvement sur une minorité de Français privilégiés.
Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le président Poncelet, je regrette de vous le dire compte tenu du respect que je vous porte, l'attitude de la commission des finances - ou plutôt de sa majorité - au terme, ou presque, de ce débat budgétaire, apparaît pour ce qu'elle est, c'est-à-dire une attitude dogmatique, partisane, qui ne peut en quoi que ce soit faire honneur au Sénat.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. Monsieur le président, je vais, bien sûr, vous donner la parole. Permettez-moi néanmoins de vous faire observer qu'il est deux heures du matin, que nous avons déjà reporté l'examen de trois budgets à dimanche et que, si nous continuons ainsi, le Sénat ne pourra pas siéger demain matin.
Vous avez la parole, monsieur le président.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Je veux simplement dire d'un mot, et très courtoisement, à M. le secrétaire d'Etat, qui a considéré que notre démarche était empreinte d'idéologie, que l'on ne prête aux autres que ce qu'on possède soi-même. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
C'est parce que vous avez vous-même l'habitude de marquer ainsi vos démarches, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous considérez que les autres en font autant.
Eh bien non !
Sur le fond, je fais observer que la réduction des crédits porte sur les titres III et IV, qui concernent le fonctionnement, et non sur les titres V et VI, qui concernent l'investissement.
Monsieur Delfau, puisque vous avez employé le terme « dérisoire », permettez-moi de vous citer quelques chiffres très rapidement - pour respecter la recommandation de M. le président.
Pensez-vous vraiment qu'il est impossible de réduire de 164 millions de francs les crédits de fonctionnement sur un budget de 16 milliards de francs ? Là, vous pourriez me dire que la réduction est dérisoire. En fait, je l'ai déjà expliqué, cette réduction marque la volonté délibérée de la majorité du Sénat de conduire le Gouvernement à procéder à une réduction des dépenses de fonctionnement.
Ainsi, 77 millions de francs, c'est exactement 1,44 % des crédits du titre III, qui s'élèvent à 5,24 milliards de francs, et 87 millions de francs, c'est 1,44 % des crédits du titre IV, qui s'élèvent à 6 milliards de francs.
Que l'on ne vienne pas nous dire qu'une réduction de crédits de cet ordre va paralyser le fonctionnement du ministère !
Par ces amendements, je le répète, nous voulons marquer notre volonté de réduire les crédits de fonctionnement. La France, sur un budget de 1 600 milliards de francs, ne dispose que de 10 % pour l'investissement. C'est inadmissible, et aucun Gouvernement ne pourra longtemps le supporter. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-43, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 43:

Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 318
Majorité absolue des suffrages 160
Pour l'adoption 215
Contre 103

Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : moins 98 318 250 francs. »