M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les services du Premier ministre : I. - Services généraux (à l'exclusion des crédits relatifs à la presse, à l'audiovisuel, au Conseil supérieur de l'audiovisuel et à la fonction publique).
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, en remplacement de M. Henri Torre, rapporteur spécial. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord vous prier de bien vouloir excuser notre excellent collègue Henri Torre qui, ayant subi récemment une intervention chirurgicale, ne peut présenter ce budget dont il rapporte normalement les crédits. En formant des voeux pour son prompt et complet rétablissement, je présenterai donc à sa place les crédits des services généraux du Premier ministre.
Comme les années précédentes, ce budget regroupe, pour 1998, des crédits aux destinations très diverses.
Ainsi, il comprend les dotations de trois cabinets ministériels, ceux du Premier ministre, celui du ministre des relations avec le Parlement et celui du ministre de la fonction publique.
Sont également inscrits à ce budget les crédits destinés au secrétariat général du Gouvernement ainsi qu'aux directions, services commissariats et délégations dont la gestion administrative et budgétaire est assurée par la direction des services administratifs et financiers du secrétariat général du Gouvernement.
Enfin, y figurent les crédits alloués au Médiateur de la République, au Conseil supérieur de l'audiovisuel et à la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité.
Bien que les crédits présentés représentent l'ensemble des dotations affectées aux services généraux du Premier ministre, je tiens à rappeler que les moyens destinés respectivement au Conseil supérieur de l'audiovisuel, aux exonérations de redevance de télévision, aux diverses aides à la presse et au fonctionnement du service des rapatriés font l'objet d'études plus détaillées dans les notes de présentation des crédits de la communication, de la presse et des rapatriés. En outre, les observations relatives à la fonction publique font l'objet d'un rapport séparé.
Ces précisions données, je présenterai les crédits des services généraux du Premier ministre.
Les crédits demandés pour 1998, en dépenses ordinaires et crédits de paiement, s'élèvent à 4,07 milliards de francs, en très légère augmentation de 0,47 % par rapport aux crédits votés pour 1997.
Toutefois, cette quasi-stagnation est trompeuse car la structure du budget connaît des modifications notables.
Sont ainsi transférés au ministère de l'emploi et de la solidarité l'ensemble des moyens budgétaires de la délégation aux rapatriés, soit 150,7 millions de francs, et les moyens d'intervention de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, soit 230,5 millions de francs.
Par conséquent, si l'on compare le budget des services généraux du Premier ministre, à structure constante, en 1997 et 1998, on constate, en réalité, une augmentation de 9,63 %.
Deux facteurs expliquent cette augmentation : la hausse sensible de la contribution forfaitaire de l'Etat au financement des exonérations de redevances de télévision, soit 174,2 millions de francs, et l'augmentation de l'aide sociale interministérielle, soit 263 millions de francs.
Par ailleurs, les autorisations de programme demandées atteignent 17 millions de francs, au lieu de 92,6 millions francs en 1997, soit une diminution de 81,6 %.
Arrêtons-nous un instant sur les dépenses ordinaires.
Globalement, elles augmentent de 1,4 % en 1998. Toutefois, cette évolution recouvre deux mouvements contrastés : une forte hausse des moyens des services et une baisse des dépenses d'intervention.
L'augmentation des moyens des services se traduit par une progression des crédits du titre III de 8,3 % par rapport aux dotations votées en 1997.
Les principales augmentations de crédits concernent l'action sociale interministérielle, les abonnements souscrits à l'Agence France Presse, les moyens de fonctionnement des services et les crédits du Fonds pour la réforme de l'Etat.
En contrepartie, d'importantes économies sont réalisées concernant les actions de formation, de perfectionnement et de modernisation dans l'administration, et il faut noter la suppression de douze emplois.
Après une réduction des crédits du titre IV de 10,1 % dans le budget de 1997, la tendance à la baisse se poursuit pour 1998, même si elle est beaucoup moins accentuée.
En effet, alors que les crédits affectés à la contribution forfaitaire de l'Etat au financement des exonérations de redevance de télévision avaient fortement diminué en 1997, passant de 804,7 à 117,9 millions de francs, ils augmentent de nouveau en 1998, pour s'élever à 292,1 millions de francs.
En outre, les crédits finançant, d'une part, les prestations sociales et les actions culturelles en faveur des rapatriés - 150 millions de francs - et, d'autre part, l'action interministérielle de lutte contre la toxicomanie - 230,5 millions de francs - sont transférés vers le ministère de l'emploi et de la solidarité, ce qui conduit à une baisse de 380,5 millions de francs des crédits du titre IV.
D'autre part, les dépenses en capital sont en forte baisse, du fait de l'absence de dotation du chapitre 57-04 - Fonds pour la réforme de l'Etat -, du transfert du chapitre 57-05, concernant les Français rapatriés d'outre-mer au ministère de l'emploi et de la solidarité, et de la forte diminution des crédits en faveur de la Documentation française.
En revanche, les crédits pour l'entretien des hôtels ministériels augmentent de 38,1 % en autorisations de programme et de 14,4 % en crédits de paiement, pour s'élever respectivement à 10,5 millions de francs et 10,7 millions de francs.
En conclusion, permettez-moi quelques observations. Tout d'abord, je voudrais rappeler que la lecture du budget est rendue malaisée par les multiples transferts de crédits en provenance ou en direction des services généraux du Premier ministre, alors même qu'ils n'obéissent à aucune nécessité apparente.
Ainsi, l'année passée, la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie avait été transférée du ministère des affaires sociales vers les services généraux du Premier ministre. Cette année, c'est le mouvement inverse qui est constaté puisque cette mission est de nouveau transférée au ministère de l'emploi et de la solidarité. Il y a sans doute à cela des raisons qui m'échappent, mais le Gouvernement pourra peut-être nous donner des explications tout à l'heure.
De même, je suis étonné du transfert de l'Institut des hautes études de défense nationale, du secrétariat général de la défense nationale aux services généraux du Premier ministre. C'est pourquoi j'espère que le transfert vers le ministère de l'emploi et de la solidarité de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, d'une part, et de l'ensemble des moyens budgétaires de la délégation aux rapatriés, d'autre part, doit être analysé comme un recentrage durable des services généraux du Premier ministre sur leurs fonctions traditionnelles.
Je voudrais également souligner la nécessité d'une plus grande rigueur dans la construction de maisons des services publics. Rappelons d'abord brièvement le contexte de leur création.
Pour répondre aux attentes de citoyens qui souhaitent bénéficier d'une présence plus proche et d'une plus grande polyvalence des services publics, notamment dans les zones de revitalisation rurale et dans les zones urbaines sensibles, le Fonds pour la réforme de l'Etat encourage par une aide financière la création de services publics de proximité, sous l'appellation de « maisons des services publics ». Quatre-vingts projets ont été ainsi financés en 1996 et 1997, soit pour la réalisation d'une étude préalable, soit pour la création d'une maison des services publics.
En tant que rapporteur spécial des crédits des services généraux du Premier ministre, notre collègue M. Torre s'est rendu, dans le cadre de ses missions de contrôle sur pièces et sur place, dans deux maisons des services publics, l'une à Annonay et l'autre à La Côte-Saint-André.
Or le bilan de ces deux visites est particulièrement contrasté. En effet, alors que la maison des services publics d'Annonay constitue, selon lui, une réussite saluée unanimement par l'ensemble des acteurs en présence, la survie de celle de La Côte-Saint-André lui paraît compromise en l'absence de consensus sur la légitimité de la création de cette maison.
Il semble donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que la création de maisons des services publics, pour être efficace, doit répondre à un vrai besoin recensé. Elle doit donc être une décision prise sur le terrain, en accord avec l'ensemble des acteurs en présence, et non satisfaire à une opportunité politique circonstancielle.
Par ailleurs, les maisons des services publics ne peuvent en aucun cas être imposées arbitrairement aux préfets par Paris, sous prétexte que le Fonds pour la réforme de l'Etat dispose de crédits destinés à financer ce genre d'initiative et que ces derniers doivent être utilisés.
Je regrette également la création du Conseil d'analyse économique, que j'estime redondante et peu justifiée.
Le nombre d'organismes rattachés autour du Premier ministre a tendance à augmenter.
En 1997, le Conseil supérieur du cheval a, certes, été supprimé, mais deux organismes ont été créés : la Mission d'études sur la spoliation durant l'Occupation des biens appartenant aux Juifs résidant en France, et le Conseil d'analyse économique. Or la création de ce dernier organisme par le nouveau gouvernement me laisse assez sceptique. En effet, les missions qui lui ont été attribuées - éclairer, par la confrontation des points de vue et des analyses, les choix du Gouvernement en matière économique - sont déjà remplies par d'autres organismes existants comme le Commissariat général au Plan ou le Conseil économique et social. Cette dernière création semble donc redondante et ne fait qu'aggraver la complexité du dispositif existant.
Enfin, je voudrais insister sur la mission de contrôle sur les organismes entourant le Premier ministre, qui a été entamée.
Depuis plusieurs années, monsieur le secrétaire d'Etat, j'exhorte le Gouvernement - quel qu'il soit - à rationaliser la nébuleuse d'organismes rattachés au Premier ministre. Il y a deux ans, le Parlement avait voté un article additionnel qui obligeait le gouvernement à présenter chaque année la liste de toutes les commissions et instances consultatives ou délibératives placées auprès du Premier ministre ou des ministres. L'année dernière, ce document a bien été publié, mais j'ai constaté qu'il contenait dix-sept erreurs concernant les cinquante et un organismes recensés auprès du Premier ministre : soit l'organisme en question avait été abrogé, soit la référence du décret de création était incorrecte, soit encore l'organisme répertorié était, en fait, rattaché à un autre ministère...
Ces informations erronées m'ont conforté dans l'idée qu'il fallait rationaliser cette nébuleuse que les services du Premier ministre eux-mêmes semblent ne plus contrôler.
Ainsi, mes chers collègues, la réforme de l'Etat semble bien utile et, lorsque nous voulons, éventuellement, réduire quelques crédits, nous sommes sur la bonne voie.
Au bénéfice de ces observations, dont je me fais l'écho, encore une fois, au nom de notre excellent collègue et ami M. Henri Torre, la commission des finances a décidé de vous recommander l'adoption du budget des services généraux du Premier ministre, sous réserve des réductions de crédits quelle vous proposera lors du vote du budget, qui aura lieu vendredi soir. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord remercier M. le rapporteur général, qui a défendu avec brio l'examen du budget des services généraux du Premier ministre. J'en profite pour former des voeux de rétablissement pour M. Torre au nom de tout le Gouvernement...
M. Alain Lambert, rapporteur général. Merci !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... et pour vous demander de les lui transmettre.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je n'y manquerai pas !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le budget des services généraux du Premier ministre s'élève à 4 068 millions de francs en 1998, contre 4 049 millions de francs en 1997. Il augmente donc de moins de 0,5 %.
Comme vous l'avez observé, monsieur le rapporteur général, ce taux de progression très modéré résulte pour l'essentiel de transferts entre budgets. A structure constante, la progression réelle du budget est de l'ordre de 11 %.
Cet accroissement s'explique par l'inscription d'une enveloppe exceptionnelle de 230 millions de francs pour l'action sociale interministérielle, et par l'augmentation de 182 millions de francs des crédits consacrés aux aides à la presse et à l'audiovisuel.
Vous avez déjà débattu vendredi dernier de la politique de la communication et de l'audiovisuel avec Mme Trautmann et, dans deux jours, vous vous prononcerez sur les moyens dont disposera le ministre de la fonction publique, M. Zuccarelli.
Mon intervention portera donc sur les crédits de l'administration générale des services du Premier ministre, qui s'élèvent à 1 323 millions de francs contre - il faut noter cette différence importante - 1 544 millions de francs en 1997.
Cette baisse, très significative, résulte de deux transferts : celui des crédits de la délégation aux rapatriés d'une part et, d'autre part, celui des crédits d'intervention en matière de lutte contre la drogue au budget de l'emploi et de la solidarité, puisque cette attribution est désormais rattachée au ministère de Mme Aubry. En revanche, les crédits qui financent les actions interministérielles de lutte contre la drogue restent dans le budget du Premier ministre et progressent de 28 %, pour atteindre 294 millions de francs, contre 230 millions de francs en 1997.
A structure constante, ces crédits sont stables.
Vous pouvez donc constater, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Premier ministre a souhaité que l'évolution du budget de l'administration générale de ses services concoure à l'effort de redéploiement mis en oeuvre en faveur des priorités de l'action du Gouvernement qu'il conduit.
Cette maîtrise réelle de la dépense contribue à la baisse de 3,2 % des crédits de fonctionnement courants des administrations civiles.
Nous avons retenu plusieurs mesures d'économie : la suppression de douze emplois budgétaires, soit près de 1 % des effectifs ; la baisse de 2,5 % des moyens de fonctionnement et de 15 % des crédits consacrés aux dépenses diverses du service d'information du Gouvernement.
S'agissant des emplois, le Gouvernement a décidé de rembourser, à partir de 1998 - et cela est vrai pour d'autres budgets - les dix-huit agents mis à disposition du ministère de la fonction publique par France Télécom et par La Poste. Cette mesure de bonne gestion nécessite l'inscription de 6 millions de francs de crédits.
Enfin, les fonds spéciaux sont maintenus à près de 395 millions de francs, une somme identique à celle de 1997, après l'effort d'économie réalisé sur ce chapitre au cours des années précédentes.
M. le rapporteur général a demandé une rationalisation des organismes rattachés au Premier ministre.
Je rappelle tout d'abord que la plus grande partie des effectifs et des moyens des services généraux du Premier ministre sont consacrés à des structures permanentes : ce sont 1 700 agents, soit 90 % de l'ensemble des effectifs des services et organismes relevant de ce budget.
Les autres organismes sont au nombre de vingt et un et ils ne disposent que du dixième des moyens des services généraux du Premier ministre. Enfin, d'autres structures, comme les comités interministériels, recensés dans l'annexe relative aux instances consultatives ou délibératives et placés auprès du Premier ministre, ne disposent pas d'effectifs ou de moyens permanents, car ceux-ci proviennent d'autres ministères.
Je partage l'avis de M. le rapporteur général sur la nécessité de ne rattacher au Premier ministre que les structures de coordination interministérielle qui ne peuvent être confiées à un seul ministère. Oui, monsieur le rapporteur général, il faut rationaliser les organismes - vous avez parlé de « nébuleuses » - qui sont créées autour du Premier ministre.
J'observe qu'au cours des trois dernières années dix organismes rattachés au Premier ministre ont été supprimés et seulement six ont été créés. Nous allons donc dans le bon sens, et voilà une mesure qui recueillera certainement de nombreux avis favorables dans cette enceinte.
Vous vous êtes également interrogé, monsieur le rapporteur général, sur la création auprès du Premier ministre du conseil d'analyse économique. Si vous le voulez bien, je répondrai tout à l'heure sur ce point, lorsque j'aurai l'occasion de soumettre à l'appréciation du Sénat les crédits du Plan.
La question des maisons de service public a été aussi abordée, et l'enquête sur pièces et sur place de M. Henri Torre aidera M. Zuccarelli - qui répondra sur cette question lors du débat sur son projet de budget - à préciser les axes qui ont présidé à la création, voilà deux ans, par M. Perben, de ces structures.
Par ailleurs, vous avez posé une question sur l'IHEDN, l'Institut des hautes études de la défense nationale. Celui-ci est rattaché aux services généraux du Premier ministre par commodité, car il vient d'être érigé en établissement public, ce qui n'était pas le cas auparavant.
J'ai bien noté que le vote des crédits du projet de budget des services généraux du Premier ministre n'interviendra que vendredi prochain, lorsque M. Zuccarelli, aura présentera le projet de budget de la fonction publique. Je ne doute pas que, ce jour-là aussi, vous soutiendrez, par votre vote positif, l'action du Gouvernement. Vous donnerez ainsi au Premier ministre les moyens d'accomplir encore mieux l'effort de redressement et de dynamisation de l'économie et de la société française que ce gouvernement a entrepris depuis le mois de juin. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je vous rappelle que les crédits d'aides à la presse et à l'audiovisuel, et du Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui sont compris dans les crédits des services généraux du Premier ministre, ont été examinés le vendredi 28 novembre, avec les crédits relatifs à la communication, et que les crédits relatifs à la fonction publique, inscrits au budget des services généraux du Premier ministre, seront examinés le vendredi 5 décembre.
En conséquence, le vote sur les crédits des services généraux du Premier ministre doit être réservé jusqu'à l'examen, le vendredi 5 décembre, des crédits relatifs à la fonction publique.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 277 082 257 francs. »