M. le président. « Art. 12. - A la section 3 du chapitre IV du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 134-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 134-5-1 . - La Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés prend en charge la partie des risques donnant lieu aux prestations en nature des assurances maladie et maternité prévues au livre III, pour l'ensemble des travailleurs salariés en activité et des retraités relevant des régimes des clercs et employés de notaires et de la Banque de France.
« La gestion des risques mentionnés au premier alinéa demeure assurée par les organismes propres aux régimes spéciaux en cause auxquels les intéressés restent affiliés.
« Le taux des cotisations dues au régime général par les régimes des clercs et employés de notaires et de la Banque de France au titre des travailleurs salariés en activité et des retraités est fixé compte tenu des charges d'action sanitaire et sociale, de gestion administrative et de contrôle médical que ces régimes continuent à assumer. Dans les limites de la couverture prévue au premier alinéa, la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés rembourse à la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires et à la Caisse de prévoyance maladie de la Banque de France les dépenses afférentes aux soins et aux prestations en nature.
« Les soldes qui en résultent entre ces régimes spéciaux et la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés sont fixés dans les conditions définies par le dernier alinéa de l'article L. 134-1.
« Des décrets fixent, pour chaque régime spécial, les conditions d'application du présent article. »
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 14 est présenté par M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 1 est déposé par MM. Dejoie, Rufin et les membres du groupe du RPR.
L'amendement n° 39 est présenté par M. Oudin, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 54 est déposé par M. Huriet et les membres du groupe de l'Union centriste.
Tous quatre tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. Descours, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 14.
M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. On peut constater qu'une quasi-unanimité se fait pour demander la suppression de cet article, qui prévoit un prélèvement de 210 millions de francs à la charge de la caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires.
Une telle mesure est en effet de nature à pénaliser un régime qui est déjà fragilisé puisqu'il affiche, avant toute nouvelle mesure, un déficit prévisionnel pour 1998 de 64 millions de francs et que les réserves de sa branche maladie s'élèvent à seulement 148 millions de francs.
Ce prélèvement va donc contraindre le régime en question à augmenter ses cotisations ou à puiser dans ses réserves d'assurance vieillesse.
Il s'agit en outre d'une mesure élaborée sans concertation, et l'importance du courrier que nous avons reçu des personnes concernées...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ça, c'est vrai !
M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. ... montre bien que la concertation dont le Gouvernement nous a tant parlé n'a sans doute pas eu lieu avec les clercs de notaires.
Nous proposons donc la suppression de cette mesure, qui nous paraît discriminatoire.
M. le président. La parole est à M. Blanc, pour défendre l'amendement n° 1.
M. Paul Blanc. J'ajouterai simplement à ce qu'a dit M. le rapporteur que, en raison de l'évolution démographique, ce régime risque de connaître des difficultés financières croissantes, et cela assez rapidement.
Ce dispositif a été imaginé par le Gouvernement dans une optique purement comptable, qui n'aboutit en réalité qu'à déplacer les difficultés.
Il serait plutôt nécessaire de laisser les responsables de ce régime poursuivre leur réflexion sur l'avenir de cette caisse, afin de trouver des solutions permettant d'assurer son équilibre financier.
MM. Alain Gournac et Alain Vasselle. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 39.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Les arguments qui viennent d'être présentés recueillent notre approbation. Nous sommes tous d'accord pour dire que cette mesure, prise sans concertation, est tout à fait inique.
M. le président. La parole est à M. Huriet, pour défendre l'amendement n° 54.
M. Claude Huriet. Je me bornerai à préciser qui, dans l'attente, d'une part, de la conclusion des négociations en cours entre les partenaires sociaux concernés sur l'avenir du régime et, d'autre part, de la présentation au Parlement d'un projet de loi sur l'assurance maladie universelle, nous souhaitons voir maintenues les règles actuelles.
Non seulement cette mesure est injuste, comme cela vient d'être dit, mais, elle est prématurée puisque le Gouvernement a annoncé une mise à plat de l'ensemble de ces régimes dans le cadre du futur débat relatif à l'assurance maladie universelle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 14, 1, 39 et 54 ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. L'avis du Gouvernement est défavorable.
Nous n'avons rien, je vous l'assure, contre les clercs de notaires (Rires et exclamations sur les travées du RPR.) Je ne sais pas pourquoi je déchaîne l'hilarité chaque fois que je vous assure de mon sentiment à l'égard des clercs de notaires. ( Nouveaux rires. )
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Qu'est-ce que ce serait si vous aviez quelque chose contre eux !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Il faut simplement que les gens contribuent en fonction de leur salaire. Les clercs de notaires avaient un statut dérogatoire par rapport aux autres régimes, à ceux des marins, des mineurs, etc. Nous leur demandons de verser, sur une réserve de 3,4 milliards de francs, 200 millions de francs par an. Cela ne nous paraît pas excessif.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 14, 1, 39 et 54.
M. François Autain. Je demande la parole contre les amendements.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Je n'avais pas l'intention d'intervenir dans la discussion de cet article mais, ayant entendu M. le rapporteur évoquer la quasi-unanimité du Sénat, il me paraît absolument nécessaire de préciser que le groupe socialiste soutient le Gouvernement en cette affaire et qu'il votera donc contre les amendements de suppression.
M. Alain Gournac. Quelle surprise !
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Cet article 12 pose un certain nombre de questions de principe qu'il ne faudrait pas éluder dans cette discussion.
La commission des affaires sociales, la commission des finances et les sénateurs du groupe du RPR, ainsi que ceux du groupe de l'Union centriste, nous invitent à supprimer cet article, ce qui, en soi, à s'en tenir aux apparences, pourrait être admissible.
Cela pose toutefois un problème quand on connaît la position de fond de la majorité sénatoriale sur la question des régimes spéciaux.
Toute cette discussion l'a montré, la majorité sénatoriale ne peut pas supporter que certains régimes de protection sociale - et singulièrement des régimes d'assurance vieillesse - proposent à leurs assurés des garanties supérieures à celles qui sont accordées aux bénéficiaires de prestations du régime général. Je ne fais pas de procès d'intention, je constate.
De plus, quand on garde à l'esprit la philosophie générale de ce que l'on a appelé le « contre-projet de loi de financement », on ne peut oublier que les clercs et employés de notaires - et je fais la différence - dont on fait mine de défendre les intérêts, sont eux aussi soumis à la révision à la baisse de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie prônée par ailleurs.
Nous devons donc replacer ce débat dans ses termes exacts.
La majorité sénatoriale défend des positions que je qualifierai de positions de classe.
M. Alain Gournac. C'est la lutte !
M. Jean Chérioux. C'est un peu désuet !
M. Guy Fischer. Mais c'est la réalité ! On peut appeler cela autrement mais, faites-nous confiance, c'est la réalité !
Peu importe que la majorité sénatoriale masque la défense de ces positions derrière celle des intérêts des salariés, comme elle le fait en d'autres domaines.
Sur le fond - et nous aurons l'occasion d'en reparler - ce sont sans doute aussi ces positions, plutôt que le souci de l'intérêt des familles, qui motivent aujourd'hui son rejet de la réforme des prestations familiales.
Pour ce qui est de l'article 12, nous sommes quelque peu dubitatif quant à la procédure.
Nous avons fait l'expérience « grandeur nature » - voyez la CNRACL, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales - des problèmes de compensation généralisée et de surcompensation. Nous ne pouvons, dans ces conditions, admettre qu'au détour d'un projet de loi de financement des dispositions soient prises sans que tous les intéressés aient été consultés.
M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. Eh oui ! Il a raison : il est moins mauvais qu'il n'y paraît !
M. Dominique Braye. Exactement !
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. C'est cela qu'il fallait dire tout de suite !
M. Guy Fischer. Je dis des choses qui vous déplaisent, mais je dis des vérités.
Certes, on nous indique que la caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires jouit d'une forme de dérogation en ce qui concerne les processus de compensation. Cependant, nous inclinons à penser que ce à quoi il convient de s'intéresser, c'est non à un régime particulier, mais à l'ensemble des régimes spéciaux ainsi qu'à leurs rapports avec le régime général et à leurs rapports entre eux.
C'est dans l'attente de cette nécessaire remise à plat que nous ne voterons pas cet article 12. (Ah ! sur les travées du RPR.)
Nous nous abstiendrons donc sur les amendements tendant à sa suppression.
M. Dominique Braye. Que d'explications pour arriver à cela !
M. Guy Fischer. Mon cher collègue, il s'agissait simplement de mettre les points sur les « i ». Et nous aurons certainement l'occasion de revenir sur votre contre-projet au cours de cette séance !
Mme Nicole Borvo. Très bien !
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Mes chers collègues, nous ne pouvons rester insensibles devant la position du groupe communiste républicain et citoyen sur cet article.
Je dirai à M. Fischer que la contradiction ou l'incohérence qu'il croit pouvoir déceler dans la position adoptée par notre groupe n'est pas réelle.
En fait, tout ce que nous voulons montrer c'est que, tant sur le fond que sur la forme, c'est-à-dire sur la manière de procéder, nous sommes en complet désaccord avec le Gouvernement.
Je me suis plu à rappeler, en qualité de rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse, qu'il nous paraissait souhaitable d'engager un examen en profondeur, selon une approche structurelle, de la situation des régimes spéciaux. J'ai dit que ce n'était sûrement pas en prenant des mesures ponctuelles, selon une approche purement comptable qui ne vise qu'à économiser quelques millions de francs par-ci, par-là, pour parvenir au chiffre de 4,3 milliards de francs, qu'on résoudra les problèmes de fond qui se posent et vont se poser.
Mais ce qui, en l'espèce, est particulièrement contestable dans la démarche du Gouvernement, c'est que cette mesure a été inscrite dans le projet de loi sans aucune concertation avec les intéressés. Nous verrons d'ailleurs tout à l'heure, lorsque nous examinerons l'article 19, qu'il en a été de même en ce qui concerne la branche famille.
Cela a d'ailleurs été confirmé par le courrier qu'ont récemment reçu de M. Probst l'ensemble des parlementaires. C'est donc une sorte de constante dans la démarche du Gouvernement : nous constatons une telle façon de procéder avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais aussi à propos d'autres textes, et notamment du projet de loi de finances.
Sur la méthode, il y au moins un point d'accord avec le groupe communiste républicain et citoyen. Simplement, nous, nous prenons nos responsabilités : nous voterons la suppression de l'article 12, quand le groupe communiste républicain et citoyen, sans doute mal à l'aise, se réfugiera dans l'absention. Peut-être des échéances électorales proches l'amènent-elles à prendre cette position.
Mme Nicole Borvo. C'est surtout que nous ne voulons pas voter avec vous !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 14, 1, 39 et 54, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 12 est supprimé.
M. Emmanuel Hamel. Très bien !

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