M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Lorrain, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Lorrain. Si nous abordons cette fin de discussion avec satisfaction, il n'en demeure pas moins que d'autres discussions seront encore nécessaires.
En cet instant, j'aimerais simplement évoquer quelques points concernant les agences et notamment le rôle qu'elles pourraient jouer pour les publications. En effet, elles pourraient émettre un avis sur la qualité des publications scientifiques qui paraissent ici et là.
Elles pourraient aussi émettre un avis en ce qui concerne la communication.
Actuellement, dans le feu de l'actualité, nous rejetons l'hôpital-silence, mais nous rejetons tout autant les réactions pseudo-scientifiques. J'aimerais insister sur la nécessité d'une information, une information à la fois transparente et responsable.
Nous avons beaucoup parlé de technique à l'occasion de la mise en place de ces agences. Permettez-moi d'exprimer le souci, que je partage avec beaucoup d'autres sans doute, d'une approche éthique de la sécurité sanitaire. Il sera nécessaire de poursuivre notre réflexion devant l'« évolutivité » des matières qui nous occupent. La spécificité de l'approche éthique dans le domaine de la sécurité sanitaire me paraît très importante et doit être intégrée au reste du discours.
M. le président. La parole est à M. Louis Boyer.
M. Louis Boyer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au terme du débat sur la proposition de loi relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme, nous émettons le souhait que la portée du texte soit bien celle qui était escomptée, c'est-à-dire qu'il débouche sur une réforme d'ensemble du mécanisme, basée sur le décloisonnement et la coordination des différents acteurs de la chaîne sanitaire.
Nous nous félicitons que le Gouvernement ait perçu tout l'enjeu de ce texte, dont l'inscription à l'ordre du jour de cette session extraordinaire est suffisamment exceptionnelle pour être saluée.
L'excellent rapporteur, Claude Huriet, a présenté l'économie de cette ambitieuse réforme tout en indiquant la nécessité de ne pas bouleverser l'équilibre au profit d'une agence unique, qui nuirait à la volonté de transparence et de meilleure lisibilité, tout en décevant les attentes de l'opinion publique.
Je me félicite que les amendements qu'il a proposés, au nom de la commission des affaires sociales, aient été adoptés, ce qui donnera aux deux agences les moyens suffisants et le pouvoir de décision nécessaire à leur action.
Grâce à nos débats constructifs conduits sur la base du travail de la commission des affaires sociales, l'Agence de sécurité des produits alimentaires préserve toute la place qui lui était assignée dans l'architecture initiale de cette réforme.
A l'impact qu'aura ce texte en termes de réorganisation des structures s'ajoutent un nouvel état d'esprit et des principes clairement affirmés : la précaution et l'indépendance.
Nous ne pouvons pas maîtriser tous les risques ; c'est pourquoi il faut les prendre en charge, avec pour seul objectif de préserver l'intérêt général.
C'est ce qui nous est proposé dans cette réforme. C'est pourquoi le groupe des Républicains et Indépendants votera sans réserve ce texte tel qu'il résulte des travaux de notre Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voici donc arrivés à la fin du débat en première lecture de la proposition de loi relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire.
L'objet principal de ce texte est de répondre aux angoisses légitimes de nos concitoyens, qui craignent pour leur santé. Ce souci est le nôtre, car nous voulons tous des réponses concrètes : est-ce que je cours un risque en utilisant tel produit de santé ou en consommant tel ou tel aliment ?
Bien sûr, nous le savons, le risque zéro n'existe pas ; mais la sécurité sanitaire est-elle aujourd'hui assurée de manière satisfaisante ?
L'expérience montre que ce n'est toujours pas le cas, malgré des progrès qui semblent indéniables, en matière de médicament par exemple.
Nous l'avons déjà dit, nous partageons complètement le souci des initiateurs de la proposition de loi, partagé, je pense, par chacun dans cet hémicycle, d'améliorer la sécurité sanitaire dans notre pays.
Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des arguments qui ont été présentés avec conviction par M. le rapporteur et la plupart des intervenants pour défendre le dispositif proposé.
Ils ont raison de relever les insuffisances des actions des pouvoirs publics en la matière. Pour notre part, nous pensons - nous l'avons dit dans la discussion générale, et nous l'avons répété lors de l'examen des articles - que les problèmes que nous connaissons en matière de sécurité sanitaire sont d'abord dus à la faiblesse de la santé publique dans notre pays, qui tient à l'insuffisance des effectifs, des moyens et de l'autorité même de l'administration de la santé.
Nous estimons donc nécessaire une intervention croissante de l'Etat pour assurer la protection sanitaire de la population ; c'est là où nous divergeons. Le ministère de la santé doit pouvoir intervenir mieux, en matière alimentaire notamment.
Par ailleurs, nous ne sommes pas entièrement convaincus par l'idée qui voudrait que la réponse se trouve nécessairement dans un système d'inspiration anglo-saxonne se substituant à notre système spécifique fondé sur la fonction publique et le droit administratif.
Ainsi, dans le débat qui oppose les Etats-Unis à l'Europe quant à l'importation de viande de boeuf américaine, de produits « gonflés » aux hormones, on peut prendre la mesure de la différence qui existe entre les critères et les valeurs servant de référence.
Si les services de l'Etat ne peuvent évidemment pas continuer de fonctionner comme ils le font actuellement, je ne suis pas sûr que la véritable solution soit celle qui est proposée par le texte en discussion : le transfert de leurs missions à des agences.
Oui, une modernisation de l'intervention de l'Etat s'impose effectivement. Il n'en demeure pas moins que celui-ci doit garder ses moyens de contrôle et donc d'intervention.
Plus largement, ce sujet ne méritait-il pas au préalable un véritable débat sur les missions de santé publique de l'Etat, missions qui vont bien au-delà des questions de sécurité sanitaire et alimentaire dont nous traitons aujourd'hui ? Nous avons évoqué ici même l'actuel débat sur les hôpitaux qui a fait l'objet d'une enquête dont les premiers comptes rendus me semblent à certains égards contestables. Ce débat montre qu'une telle remise à plat est nécessaire et urgente.
En effet, au bout du compte, si le souci de rassurer une population rendue inquiète par plusieurs drames récents est légitime, l'objectif est d'assurer sur la durée une réelle sécurité en matière de santé, ce qui exige à mon sens le réel débat démocratique sur la santé et la protection sociale dont notre pays a besoin.
Ainsi, malgré le réel souci d'apporter une amélioration en matière de sécurité sanitaire dont ce texte fait preuve - là, nous sommes positifs ! - en son état actuel, il n'a pas levé les réserves que nous avons exprimées au cours du débat.
C'est pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen a décidé de s'abstenir sur l'ensemble de la proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le groupe de l'Union centriste votera en première lecture ce texte très important qui aura un effet sur chacun de nos compatriotes.
Je tiens à vous remercier, monsieur le secrétaire d'Etat, de l'action que vous avez menée avec nous en ce domaine, ce qui montre bien que la santé publique n'est pas un problème politique de gauche ou de droite, mais qu'elle concerne tout le monde.
Je voudrais saluer le travail exceptionnel de M. le rapporteur, mon collègue et ami Claude Huriet, qui, malgré l'emploi de termes médicaux quelquefois difficiles à comprendre, a su faire preuve de pédagogie pour éclairer nos décisions.
Je salue une nouvelle fois la volonté de précision de M. le président de la commission, ainsi que sa vigilance dans l'accomplissement de sa fonction. Je le remercie de ses analyses toujours pertinentes et constructives.
Enfin, je voudrais saluer M. Descours, qui a pris une part active à l'élaboration de ce texte, comme je salue toutes celles et tous ceux qui ont participé à ces travaux dans la saine ambiance qui caractérise notre assemblée.
M. le président. La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à la fin de ce débat, je puis affirmer que je voterai ce texte avec plaisir, de même que tous les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, que je préside.
Il s'agit d'un texte important, qui constitue une réforme profonde du fonctionnement de la santé publique en France.
Certes, ce texte n'est peut-être pas parfait ; il aura besoin d'une période de rodage, et l'excellent amendement de notre collègue M. Autain va nous permettre d'y voir plus clair.
La France avait effectivement besoin d'un organisme de veille sanitaire. Il ne s'agit pas de vouloir suivre à tout prix les dispositions anglo-saxonnes, mais si notre organisme de veille sanitaire se révélait rapidement à la hauteur du Center for disease control d'Atlanta, j'en serais heureux pour mon pays.
En effet, nous avons besoin d'organismes de cette qualité, capables de percevoir sur le terrain les frémissements d'une pathologie nouvelle, l'apparition de difficultés particulières, capables de disposer des moyens de prélèvement, d'analyses nécessaires et d'alerter les autorités politiques et tout le corps médical en ébauchant parfois déjà une ligne de conduite. Le Center for disease control d'Atlanta joue ce rôle. Je souhaite donc que notre centre de veille sanitaire soit à la hauteur de la réputation de cette institution internationalement connue.
C'est là un premier point.
Mais il faudra aussi que cet organisme de veille sanitaire ait une capacité d'organisation sur le terrain. La communication entre ceux qui percevront les frémissements d'une pathologie nouvelle, que j'évoquais tout à l'heure, ceux qui les analyseront et ceux qui ensuite devront prendre les décisions sur le terrain, c'est-à-dire les médecins, devra suivre un circuit court. J'ai déjà exprimé ce souhait dans un rapport que j'avais rédigé entre 1980 et 1981 lorsque, en tant que parlementaire, j'ai été chargé d'une mission sur la santé. Ce voeu s'est concrétisé avec plus ou moins de succès avec les observatoires régionaux de santé. Mais il faudra peut-être trouver autre chose.
J'en viens au second point de mon explication de vote : faut-il une ou deux agences ?
La Food and Drug Administration fournit un bon exemple d'agence unique capable de surveiller et les médicaments et les produits alimentaires.
La centralisation en une seule structure peut présenter des avantages. Toutefois, l'option qui a été choisie constitue aussi une solution qui a sa logique : celle de la spécificité des produits de santé proprement dit. Le débat sur les produits de diététique médicale et non médicale a montré que des différences assez nettes existaient entre les deux. Finalement, je me suis rallié sans arrière-pensée à la création de deux agences de sécurité sanitaire : l'une pour les produits de santé et l'autre pour les aliments.
Cela étant, la phase de trois ans qui va s'ouvrir maintenant, monsieur le secrétaire d'Etat, va imposer à tous vos services une adaptation, car il s'agira de savoir ce qui entre la compétence de cette agence-ci ou de cette agence-là.
Certes, s'agissant des produits de santé, ce sera plus facile, le cadre étant mieux défini. Mais il faudra tout de même déterminer quels services devront appuyer l'action de cette agence. C'est un point sur lequel on n'a peut-être pas assez insisté. On vous demande en quelque sorte de déléguer une partie de votre tutelle. Au fond, on vous demande d'avoir l'humilité de laisser à un certain nombre de techniciens le soin d'accomplir des tâches qui encombreraient votre administration, votre cabinet et vous-même, ne vous laissant que le pouvoir ultime de décision.
A mon sens, c'est une adaptation considérable que l'administration va devoir accomplir. Je ne suis pas de ceux qui optent pour le « moins d'Etat » ou pour le « plus d'Etat » ; je suis de ceux qui pensent qu'il faut un nouvel Etat à la République française, un nouvel Etat gouverné par logique.
A cet égard, se pose le problème de la décentralisation, qui a surgi tout à l'heure avec l'amendement deM. Lorrain. Il est vrai que cette remise en ordre nous conduit aussi à mener une réflexion sur ce que nous devons faire de la décentralisation.
Ici, sur les bancs du Sénat, on crie « Décentralisation ! Décentralisation ! » à chaque débat. Mais, en réalité, il s'agit moins aujourd'hui d'appliquer des dispositifs existants que de les réformer. Bien sûr, les lois de décentralisation ont constitué une oeuvre remarquable, que nous devons à Gaston Deferre, mais ce sont leurs fondements mêmes qui doivent être maintenant revus.
Il existe des intrications de compétences - c'est flagrant dans le domaine de la santé publique - entre les collectivités territoriales qui reçoivent des pouvoirs décentralisés et l'Etat. Il faut revoir tout cela en définissant des blocs de compétences.
Là encore, votre administration devra peut-être faire preuve de beaucoup d'humilité, se gardant de trancher tous les débats. Pour que notre République soit vraiment moderne et démocratique, il faut accepter que certains problèmes de santé publique soient traités au niveau de la région ou à celui du département.
Au-delà de ces quelques réflexions que je tenais à formuler, j'adhère totalement à la démarche qui a été entreprise par la commission des affaires sociales et son président, que je tiens à féliciter.
Il se trouve que je n'ai jamais siégé au sein de cette commission, mais j'ai eu l'occasion de participer à de nombreux débats sur des textes dont elle était saisie. Je crois pouvoir dire que le président Fourcade - qu'il me pardonne ! - exerce sur cette commission une sorte d' imperium. (Sourires.)
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Oh !
M. Guy Cabanel. Je précise que c'est un imperium utile, car cette commission a restauré le pouvoir législatif dans les affaires de santé.
J'ai d'ailleurs cosigné deux propositions de loi avec nos collègues de la commission des affaires sociales, et je m'en félicite.
La première concernait la prestation spécifique dépendance, par laquelle la commission des affaires sociales du Sénat a permis de régler un dossier qui était terriblement enlisé...
M. le président. Mon cher collègue, je vais utiliser mon imperium temporel pour vous dire que vous avez d'ores et déjà dépassé votre temps de parole d'une minute. (Sourires.) Mais je vous laisserai le temps d'achever de chanter la gloire - méritée ! - de la commission des affaires sociales ! (Nouveaux sourires.)
M. Guy Cabanel. Merci, monsieur le président.
J'ai été tout aussi heureux de signer la présente proposition de loi, qui constitue une nouvelle illustration de notre rôle en matière d'initiative législative.
Je remercie donc très chaleureusement le président Fourcade, le rapporteur, M. Claude Huriet, ainsi que M. Charles Descours, qui a beaucoup oeuvré à la préparation de ce texte, un texte que je serai heureux de voter.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Au terme de ce débat, je constate avec satisfaction que l'équilibre général du texte a été préservé.
On peut considérer que nous disposons désormais d'un ensemble cohérent, avec un Institut de veille sanitaire chargé d'assurer une meilleure coordination entre les diverses institutions qui étaient jusqu'à présent chargées de cette mission, mais - certains l'ont souligné à juste titre - qui étaient trop cloisonnées et agissaient de manière peut-être trop verticale. L'efficacité de l'alerte devrait en être améliorée.
En ce qui concerne les produits de santé, les compétences qui étaient celles de l'Agence du médicament ont été élargies, et je m'en félicite.
Un second pôle a été constitué avec la création de l'Agence de sécurité sanitaire des aliments.
L'amendement de M. Descours, adopté par notre assemblée à une voix de majorité - comme tous les amendements historiques ! - ne modifie pas fondamentalement, me semble-t-il, l'économie de l'article 4. Au contraire, il confère plus de poids, plus de force à l'Agence de sécurité sanitaire des aliments, qui en aura bien besoin. Il présente aussi l'avantage de ne pas dissocier l'Agence du médicament vétérinaire du CNEVA, conformément, je crois, à ce que souhaitait la commission des affaires économiques.
Ainsi que j'ai eu l'occasion de l'indiquer à plusieurs reprises au cours du débat, ce texte ne constitue à mes yeux qu'une étape, aussi importante soit-elle, dans le processus qui a été enclenché, dans les années 1990-1993, avec la création de l'Agence française du sang et qui doit se poursuivre dans les années futures.
C'est la raison pour laquelle je me réjouis de l'adoption de l'amendement que j'avais déposé et qui nous donne rendez-vous dans trois ans pour faire le point. Je souhaite, pour ma part, que cela nous permette alors d'aller plus loin dans la constitution de ces instruments destinés à offrir une plus grande sécurité sanitaire de nos concitoyens.
Il va sans dire que le groupe socialiste votera ce texte sans état d'âme. Qu'il me soit permis de féliciter à mon tour M. le président de la commission des affaires sociales, M. le rapporteur et M. Descours, qui ont été à l'origine de cette proposition de loi.
Je tiens aussi à dire ma satisfaction quant au climat dans lequel se sont déroulés nos débats. Je crois que, sur ce texte de loi, nous avons pu obtenir un certain consensus. Je m'en réjouis, car je pense que les problèmes de sécurité transcendent les clivages politiques et il n'est pas étonnant que nous puissions nous rassembler sur ce point.
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est une satisfaction toute particulière qu'on est en droit d'éprouver au terme de ce débat, et il va de soi que nous allons, avec beaucoup de plaisir, approuver ce texte tel qu'il est issu de nos travaux.
Nous devons adresser de chaleureux compliments à nos deux collègues qui ont été à l'origine de cette proposition de loi, le docteur Charles Descours et le professeur Claude Huriet. Ils ont accompli un travail remarquable, auquel ils ont tenu à associer tous les présidents des groupes parlementaires représentés au sein de cette assemblée. Je regrette seulement qu'ils n'aient pas demandé au délégué des non-inscrits d'ajouter son nom à cette liste impressionnante, car il l'aurait fait avec joie. (Sourires.)
Le président de notre commission des affaires sociales, M. Jean-Pierre Fourcade, a animé toute cette équipe de travail avec l'intelligence et la diligence que nous lui connaissons.
Il convient de souligner en outre que ce texte est aussi le fruit d'une excellente collaboration entre le législatif et l'exécutif. Plusieurs orateurs l'ont rappelé, dès l'année 1992, monsieur le secrétaire d'Etat, vous vous êtes associé à cette démarche ; vous en avez même été un élément moteur. Il s'agit là d'un travail de cinq ans mené en commun par le législatif et l'exécutif. Félicitons-nous de cette continuité dans l'effort, au-delà de l'alternance des gouvernements et des majorités politiques.
Bien que n'étant pas spécialement compétent en ces matières, j'ai suivi avec un grand intérêt nos débats, dont la hauteur, sur les plans tant humain que scientifique, forçait l'attention.
Il est inutile de rappeler ici, mes chers collègues, les drames qui sont à l'origine de tout ce travail et de toutes ces initiatives : du sang contaminé à la vache folle, en passant par l'amiante, sans oublier les accidents d'anesthésie qui ont encore émaillé, hélas ! l'actualité récente et vous ont amené, monsieur le secrétaire d'Etat, à intervenir. Tout cela a suscité une profonde interrogation dans la population française et appelait une réponse. Cette réponse, le Sénat et le Gouvernement l'apportent aujourd'hui d'une façon tout à fait remarquable.
Vous avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, que, avec ce texte, la France allait disposer d'un système complet de protection sanitaire, qui ferait référence en Europe. Je crois pouvoir affirmer que c'est même au regard du monde entier que la France se montre ainsi pionnière.
Les Etats-Unis, en particulier, pourront s'en inspirer à beaucoup d'égards, car les contrôles qui sont exercés dans ce pays ne sont pas toujours exempts de préoccupations commerciales.
Sur la question du partage des compétences et des pouvoirs, je ne suis pas certain, contrairement à l'un des orateurs précédents, que la cohérence soit parfaitement réalisée. Mais je ne doute pas que la navette permettra de progresser à cet égard.
M. le rapporteur a estimé qu'il s'agissait du texte le plus important depuis la création du ministère de la santé, voilà soixante-dix ans. Eh bien, cette importance est effectivement indéniable, et je suis d'autant plus heureux que ce texte découle d'une initiative sénatoriale. Que tous nos collègues de la commission des affaires sociales en soient remerciés, comme doit être remercié le Gouvernement, qui a inscrit cette proposition de loi à l'ordre du jour.
C'est à l'unanimité que les sénateurs non inscrits voteront ce texte.
M. le président. La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme on m'a reproché, la nuit dernière, d'être un peu trop long dans mes explications - à juste titre, je dois le reconnaître, d'autant que je n'ai pas su me montrer suffisamment convaincant -, j'essaierai d'être beaucoup plus bref ce matin.
Ce texte, tel qu'il va être sans aucun doute adopté aujourd'hui, va, selon moi, comme de l'avis de la totalité de mes collègues vétérinaires, améliorer sensiblement le traitement des problèmes de santé publique mais il reste très imparfait sur quelques points pourtant importants.
Je tiens à renouveler auprès de mes éminents collègues MM. Huriet et Descours une remarque que j'ai formulée hier soir : il m'aurait semblé bien préférable d'associer, notamment à la préparation du titre III, qui traite de l'Agence de sécurité sanitaire des aliments, la profession vétérinaire, celle-ci comptant dans ses rangs non seulement les meilleurs spécialistes de la question mais aussi la quasi-totalité des professionnels chargés de faire respecter sur le terrain la grande majorité des mesures en matière de sécurité sanitaire des aliments d'origine animale ainsi que des mesures beaucoup plus générales.
Je vous rappelle, mes chers collègues, qu'au moment où nous parlons aux consommateurs de sécurité, qui doit aller de l'étable à l'assiette, si l'on est citadin, ou de la fourche à la fourchette, si l'on est rural, c'est la profession vétérinaire qui exerce presque tous les contrôles garantissant cette sécurité sur le terrain. Cela va des vétérinaires libéraux ou salariés qui suivent les animaux dans les élevages aux vétérinaires qui contrôlent toutes les unités de restauration collective, qu'elles soient privées ou publiques, en passant, naturellement, par les vétérinaires inspecteurs des abattoirs.
Si la profession vétérinaire avait été associée, pour les domaines qui la concernent, à la préparation de cette proposition de loi, je suis certain que nous serions parvenus à un bien meilleur résultat sur certains points. Cela m'aurait en outre évité d'apparaître comme un détestable corporatiste - ce qui me paraît tout à fait exécrable -, alors que mon seul but était de faire aboutir certaines modifications que vous avez vous-mêmes, messieurs les rapporteurs, jugées « souhaitables et évidentes ».
Je regrette, et je partage sur ce point l'opinion de M. le secrétaire d'Etat, que nous ayons traité le problème du CNEVA, le Centre national d'études vétérinaires et alimentaires, un peu à la va-vite et dans la passion. Il nous faudra manifestement y revenir, d'autant plus que j'ai constaté, en écoutant l'explication de vote de M. Autain, que le souhait formulé à cet égard par l'ensemble des membres de la commission des affaires économiques n'avait pas été compris.
Je reste naturellement pleinement confiant, messieurs les rapporteurs, en votre compétence et en votre bonne volonté, ainsi d'ailleurs qu'en la sagesse du Sénat. Je suis certain que la deuxième lecture nous permettra d'apporter tous ensemble les améliorations indispensables à ce texte, et c'est pourquoi je le voterai sans état d'âme, en espérant obtenir des apaisements sur le point que j'ai soulevé.
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de cette première lecture d'un texte important, sur lequel les gouvernements successifs et la commission des affaires sociales du Sénat travaillent depuis maintenant cinq ans.
L'effort que nous avons accompli en vue d'améliorer la qualité sanitaire des produits de santé et des aliments devra bien sûr être poursuivi.
Je voudrais, à l'issue de ce débat, insister sur un certain nombre de points qui ont occupé une place essentielle dans notre réflexion.
J'aimerais d'abord tenter de dissiper les inquiétudes qui subsistent.
Lorsque nous avons entamé notre travail, un certain nombre de préoccupations se sont exprimées, notamment en ce qui concerne l'Agence de sécurité sanitaire des produits de santé, par exemple parmi les donneurs de sang ou dans les centres de transfusion sanguine. Après de nombreuses rencontres avec les intéressés et grâce aux amendements que M. le secrétaire d'Etat a fait voter hier, je crois que nous avons pu élaborer un texte équilibré et que les inquiétudes qui s'étaient manifestées ici ou là sont désormais apaisées.
Nous n'avons eu qu'à nous louer, je le répète, de la qualité du travail effectué par les organismes intervenant dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments ou des médicaments. Il est hors de question de remettre en cause leurs personnels, leurs directeurs ou leurs structures.
C'est l'architecture générale du dispositif qui est à revoir, c'est-à-dire qu'il existe un défaut structurel qui amène ces organismes à travailler en « tuyaux d'orgue ». A cet égard, une petite révolution administrative doit être envisagée, et, sans juger des femmes et des hommes qui accomplissent un travail excellent, nous devons faire évoluer les structures à l'échelon administratif.
Si nous faisons de la politique, mes chers collègues, c'est parce que nous croyons en l'homme. Or la santé représente pour lui un droit fondamental. Cette conception nous a constamment inspirés et, au-delà des problèmes de statut ou, veuillez m'excuser du terme, de « boutique », nous voulons renforcer la protection de la santé de nos concitoyens.
Les interrogations qui subsistent doivent donc être levées, et nous nous y efforcerons au cours de la navette, mais les axes fondamentaux de réflexion qui nous ont guidés doivent demeurer : la santé de l'homme doit rester au coeur de nos préoccupations. Cela étant, nous ne nous laisserons pas envahir par un souci sécuritaire excessif, et nous interpréterons de façon mesurée le principe de précaution.
Cependant, nous serons extrêmement attentifs quant à la qualité du travail des agences. Ainsi, nous ne laisserons pas se créer, à côté d'une Agence de sécurité sanitaire des produits de santé qui remplirait efficacement ses missions, une Agence de sécurité sanitaire des aliments qui ne serait qu'une coquille vide.
De même, nous pensons que la crédibilité des agences aux yeux de l'opinion, qui est essentielle en ce domaine, sera fondée sur leur indépendance scientifique. Ce n'est pas en renforçant le rôle de l'Etat que nous assurerons aux agences la confiance du public, puisque, malheureusement, l'Etat n'est pas aujourd'hui synonyme de crédibilité, quel que soit le gouvernement en place.
En revanche, les chercheurs et les experts qui s'expriment en toute indépendance scientifique, économique et politique conservent un réel crédit auprès de nos concitoyens.
Tel est l'acquis que nous devons préserver, et, dans ces conditions, nous ne souhaitons pas que l'Etat et les ministères, au-delà de l'exercice d'une indispensable tutelle, détiennent un pouvoir excessif sur les agences. Celles-ci, ainsi que leurs directeurs, doivent être indépendantes scientifiquement, politiquement et économiquement, sauf à compromettre définitivement la pertinence de leurs avis aux yeux de l'opinion.
Sachez enfin, mes chers collègues, que j'ai voté avec plaisir l'amendement prévoyant que nous reprendrons ce débat dans trois ans. En effet, je crois que, dans un domaine aussi sensible, il convient de progresser pas à pas, en tenant compte de notre histoire et de la structure de notre administration et de notre Etat. Notre réflexion nous permettra sans doute d'améliorer le fonctionnement du dispositif que nous mettons en place aujourd'hui.
En tout état de cause, ce sujet extrêmement sensible a donné lieu à un débat au sein du Gouvernement et des groupes politiques, et la sensibilité de chacun s'est exprimée. J'invite l'ensemble des membres de mon groupe à adopter ce texte, tout en ayant conscience que, surtout dans un tel domaine, la liberté de vote est évidemment essentielle. Je ne m'offusquerai donc pas que l'un ou l'autre d'entre nous refuse, en raison d'un désaccord ponctuel, de voter cette proposition de loi.
M. Claude Huriet, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, chacun comprendra que j'exprime, au terme de ce débat, un sentiment non pas de victoire sur quiconque, mais de profonde satisfaction.
Au-delà du simple constat qu'une proposition de loi d'initiative sénatoriale a été prise en compte par deux gouvernements issus de majorités différentes, ma satisfaction tient au fait que, quelles que soient les divergences politiques, notre souci de renforcer la sécurité et la veille sanitaires ait été partagé par tous ceux qui exercent des responsabilités dans le pays.
J'ai également pu constater avec plaisir que, malgré l'ambition de l'objectif que nous nous étions assigné sur la proposition de M. le président de la commission des affaires sociales, nous avions oeuvré dans un sens que chacun, semble-t-il, considère comme positif.
Ce sont donc des motifs de satisfaction que nous pouvons tous apprécier, dans la mesure où ce débat nous a amenés, les uns et les autres, à confronter nos arguments et à approfondir notre réflexion, ce qui est bien le caractère fondamental d'un débat démocratique.
En outre, nous éprouvons le sentiment que notre travail servira, une fois de plus, de référence sur le plan international. Ainsi, il a été fait plusieurs fois mention de directives européennes auxquelles le droit national doit s'adapter.
Mais nous sommes en l'occurrence, mes chers collègues, des « défricheurs », comme nous l'avons déjà été à plusieurs reprises sur des thèmes proches de celui sur lequel nous avons travaillé hier et aujourd'hui. Il n'est pas indifférent de répéter ici que la création de l'Agence française du médicament a marqué une date à l'échelle européenne et que, fort heureusement, du fait d'une volonté politique partagée, elle a pu contribuer à inspirer la mise en place de l'Agence européenne du médicament. C'est un point d'histoire que je tenais à rappeler.
Par ailleurs, je voudrais vous livrer des éléments d'information tout récents.
Un document diffusé sur le réseau Internet au cours du mois d'août dernier faisait état de nouvelles méthodes contestables d'engraissement du bétail.
M. Guy Fischer. Dans quel pays ?
M. Claude Huriet, rapporteur. Je passe sur des détails qui ne sont pas tous très appétissants, mais voici quelle a été la base de cette alimentation : l'adjonction de fumier d'élevage de poulets, qui, coûtant de 15 à 45 dollars la tonne contre 125 dollars la tonne pour la luzerne, est utilisée par des éleveurs américains pour l'engraissement des bovins de chair, malgré les risques potentiels que cela comporte pour la santé humaine.
M. Guy Fischer. Et l'on veut nous imposer cela !
M. Claude Huriet, rapporteur. Je vous livre maintenant l'appréciation du directeur de la sécurité de l'alimentation animale de la Food and drug administration , la FDA : « Les nouveaux additifs sont introduits si rapidement que le Gouvernement ne peut garder le rythme pour que de nouvelles réglementations les couvrent ».
Je ne veux pas là faire le procès du système américain. Ce que je souhaite simplement souligner, mes chers collègues - surtout peut-être dans la perspective du débat qui s'ouvrira prochainement à l'Assemblée nationale -, c'est que nous ne devons pas toujours admettre de nous voir imposer comme références et comme exemples des systèmes qui, outre-Atlantique, ne sont pas aussi performants que certains le croient.
C'est d'ailleurs bien la raison pour laquelle le président Clinton souhaite faire du renforcement de la sécurité sanitaire alimentaire l'une des priorités de son second mandat.
Je suis également parfois excédé d'entendre certaines personnes porter des jugements à l'emporte-pièce sur la qualité du travail de la FDA et, par là même, exprimer le regret que la France ait choisi pour l'instant, à travers le débat sénatorial, d'envisager la création de deux agences de sécurité sanitaire plutôt qu'une seule.
Mes chers collègues, la vérité est la suivante : l'administration américaine, en matière de protection et de prévention des risques sanitaires, est divisée en huit services répartis entre quatre départements ministériels distincts.
Par conséquent, le dispositif que le Sénat a la satisfaction d'avoir contribué à mettre en place ne doit nous inspirer aucun complexe, ni de supériorité ni d'insécurité.
En tout état de cause, notre tâche n'est pas achevée. Nous devons, comme M. Descours l'a souligné, faire preuve de vigilance, d'attention et d'une certaine modestie, car le travail parlementaire va se poursuivre, et à terme la loi votée par le Parlement devra être appliquée.
Ce débat a donné lieu à des échanges parfois assez vifs, mais il n'a jamais été dans les intentions de votre rapporteur de mettre en cause telle ou telle profession, bien au contraire, ni de contester l'autorité et la responsabilité de l'Etat. Ce que nous souhaitons, c'est réfléchir avec vous, monsieur le secrétaire d'Etat, et avec les autres membres du Gouvernement, au rôle qui revient, dans le domaine de la sécurité et de la veille sanitaires, à un Etat moderne, à un Etat qui n'est pas omnipotent, mais qui tient sa place et exerce ses responsabilités propres, en sachant également les déléguer. C'est l'un des enjeux du débat qui a vu certains d'entre nous s'engager avec force et détermination.
Je conclurai mon propos en adressant mes remerciements à ceux qui ont contribué à l'élaboration de cette proposition de loi, et je rends ici un hommage particulier à M. le président Fourcade, ainsi qu'à MM. Charles Descours et François Autain. Vous voyez que ma gratitude s'étend de la droite à la gauche de l'hémicycle, en passant par le centre, ce qui montre que les artisans de ce texte étaient répartis sur toutes les travées de la Haute Assemblée. Je crois que l'importance du sujet le justifiait.
Mes remerciements vont également à nos collaborateurs de la commission des affaires sociales, dont vous savez par expérience, mes chers collègues, la compétence ; leur collaboration nous était indispensable.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'espère que lorsque nous reprendrons l'examen de ce texte en deuxième lecture, nous aurons, encore plus qu'aujourd'hui, le sentiment du devoir accompli. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.- M. Autain applaudit également.)
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je souhaite d'abord remercier à mon tour tous ceux qui ont participé à l'élaboration de ce texte, notamment M. le rapporteur, M. Descours et M. César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, qui s'est beaucoup investi dans la discussion.
Je remercie également le Gouvernement, qui a accepté d'inscrire la proposition de loi à l'ordre du jour de la session extraordinaire et qui a beaucoup contribué - je tiens, monsieur le secrétaire d'Etat, à vous en rendre un témoignage public - à l'amélioration de ce texte. A cet égard, les dispositions relatives aux produits sanguins qui ont été adoptées la nuit dernière sont tout à fait importantes, et elles nous permettent d'envisager des modifications assez profondes de notre dispositif dans ce domaine.
Il faut maintenant que le Gouvernement nous aide à faire inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Chacun sait que celui-ci sera très chargé au cours des prochaines semaines, mais il est très important, compte tenu des espoirs qu'ont suscités MM. Claude Huriet et Charles Descours, que l'examen de ce texte soit mené à son terme et que nous parvenions, avec le concours l'Assemblée nationale, à un résultat satisfaisant.
Vous l'avez constaté, la presse nous crédite de progrès manifestes en ce qui concerne le contrôle sanitaire des produits de santé, mais d'un peu d'hésitation et de montages difficiles en matière de contrôle des produits alimentaires. Il faut que tout cela cesse et que nous parvenions à présenter un visage unitaire sur l'ensemble de ce texte.
Enfin, je tiens à souligner l'originalité du Sénat, parfois mal comprise. J'ai ainsi encore entendu récemment quelqu'un dire : à quoi sert le Sénat sinon à ajouter des virgules aux textes que nous lui envoyons ? Je dédie donc mon propos à tous ceux qui s'interrogent, à ceux qui sont ignorants de la réalité du Sénat : à l'écart des modes, des groupes de pression et des débats politiciens, nous nous occupons, au Sénat, de l'évolution de la société française et nous travaillons ensemble, avec tous nos collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, même avec ceux qui s'abstiennent mais qui ont participé au débat, avec ceux qui ont voyagé avec nous et ont travaillé avec nous, comme M. Autain, et avec ceux qui nous ont soutenus, qu'ils soient médecins, vétérinaires... ou autres, puisqu'il y a maintenant une répartition tripartite au sein du Sénat. (Sourires.)
Nous nous intéressons aux problèmes de fond et nous essayons de répondre à l'attente de l'opinion. Je sais que cela étonne souvent les membres du Gouvernement et les commissaires du Gouvernement, qui s'interrogent : mais qu'est-ce donc que cette assemblée qui, au lieu d'ajouter des virgules ou des paragraphes à des textes que nous avons longuement mûris, élabore toute seule un texte et le présente pour essayer de réformer un certain nombre de structures ? Je leur réponds que là est le rôle du Parlement.
La démarche que nous avons menée depuis hier montre clairement que, dans notre système constitutionnel, avec deux assemblées, il est normal que l'une soit plutôt l'interprète des pulsions et des sentiments et que l'autre soit plutôt celle qui travaille à l'amélioration en profondeur de nos mécanismes sociaux, dont certains sont relativement déréglés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ce que nous souhaitons maintenant, c'est que les administrations et les professionnels, notamment les professionnels de santé - les experts, les académiciens, les scientifiques - participent à l'effort de rénovation profonde que nous avons engagé.
Par-delà le débat avec nos collègues de l'Assemblée nationale, c'est donc à tous les professionnels de santé que je veux m'adresser pour qu'ils acceptent ce texte, mais aussi pour qu'ils contribuent à en faire une réalité, un facteur de la modernisation de notre société. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Autain applaudit également.)
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement vous remercie de votre initiative, du travail accompli, long, acharné, précis.
Plus particulièrement, le secrétariat d'Etat à la santé vous remercie d'avoir fait en une deuxième étape, la première vous appartenant également, progresser la sécurité sanitaire, c'est-à-dire l'attention portée à chacun des Françaises et des Français. Nous parlons toujours de « santé publique » ; il ne faut pas oublier que, derrière cette expression générale, se cachent des individus, malades ou bien portants potentiellement malades.
Personnellement, je vous remercie beaucoup parce que j'ai beaucoup appris. J'ai passé avec vous d'excellents moments, pas toujours faciles. Vous avez pu le constater, être le représentant d'un gouvernement est une leçon d'humilité. C'est à chaque fois apprendre, s'enrichir.
La commission, au travail de laquelle vous m'avez convié à participer souvent, en 1992 et en 1993, puis maintenant, m'a permis de beaucoup apprendre. Vous le savez, comme chaque ministre, j'y venais avec quelques certitudes administratives - la position l'autorise, mais parfois on dépasse cette autorisation ! A chaque fois, je constatais que vous en saviez plus que moi-même, que vous aviez beaucoup plus travaillé et que des voyages que vous aviez effectués dans les pays où se forge, en Europe et ailleurs, cette sécurité sanitaire essentielle, vous aviez rapporté des connaissances et un jugement qui nous étaient précieux.
Je vous remercie donc, d'abord vous, monsieur le rapporteur - vous vous êtes acharné, comme nous l'avons fait à votre suite, à bâtir cet édifice - et vous aussi, monsieur Descours.
Vous avez apporté, l'un et l'autre, avec des éclairages qui n'étaient pas toujours exactement les mêmes, comme M. Autain l'a fait, beaucoup à l'oeuvre accomplie. Mme Dieulangard a également beaucoup travaillé.
Quant au président Fourcade, je ne saurais, bien entendu, passer sous silence son apport essentiel.
Je formulerai encore quelques remarques avant d'en terminer. Il y a eu de la gravité, un peu de force dans les débats. Mais comment pouvait-il en être autrement ? Si vous croyez qu'au Gouvernement il n'y en a pas eu, vous vous trompez !
Nous avons profondément secoué l'édifice, pas encore assez. Je suis persuadé qu'il y aura d'autres étapes, grâce à vous, à votre initiative, peut-être avec mon concours, je n'en sais rien. Nous avons fortement remué les administrations, les corporatismes et les individus. C'est comme cela lorsque l'on fait oeuvre novatrice. Il ne faut pas s'en étonner et pourtant quelques-uns d'entre nous, ici même, se sont excusés pour l'ardeur de leur propos. Non, ne vous excusez pas ! C'est tout à fait naturel. Moi-même, si j'avais pu en dire plus, je l'aurais fait volontiers. (Sourires.)
Je salue, une fois de plus, l'initiative parlementaire, en constatant que, de la gauche à la droite, sur toutes les travées de cet hémicycle, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez pensé aux Françaises et aux Français malades, ou qui le seront demain, et je vous en remercie.
Permettez-moi tout de même de dire que nous aurions pu obtenir une unanimité ; je l'aurais souhaitée sur ce sujet. A cet égard, je voudrais dire un mot.
Au moment où nos hôpitaux sont tant critiqués, parfois justement, mais très injustement sur les chiffres et les personnels, nous renforçons la sécurité sur les lieux où l'on travaille, pour les produits que l'on emploie et grâce au personnel qui se déploie.
Cela concerne en effet le personnel, avec l'ANAES que nous mettrons en place le 14 octobre - évaluation, accréditation - les lieux, également avec l'ANAES, et maintenant les produits, qui sont essentiels mais qui étaient laissés de côté. Ce n'est pas mal ! Nous pouvons véritablement nous en réjouir.
Je suis surpris d'entendre dire que les agences, à l'origine desquelles - de « laquelle » au début - on trouve un amendement de votre Haute Assemblée, sont éloignées du ministère de la santé. Pardonnez-moi, je suis le ministre de la santé, elles dépendent de moi, elles ne sont pas éloignées. Vous vous trompez, elles sont composées de fonctionnaires ou de personnels contractuels.
Vous vous trompez, dis-je, et c'est dommage, précisément parce que c'est la modernité du système qui est en cause, son ajustement aux nécessités de notre temps. N'attendons pas que, dans la presse, comme hier, se manifeste le courroux de journaliste ou de tel rédacteur en chef - courroux légitime parfois ! - pour transformer notre système ! Nous avons été surpris par les drames, on le rappelle à chaque fois ; ne soyons pas surpris par le prochain !
Je l'ai dit : personnellement je ne crois pas au risque zéro, et je ne veux pas le risque zéro car il correspond à une société fade et sans intérêt. Mais le risque sanitaire, nous en sommes comptables !
J'ai entendu dire, et cela m'a surpris, que les agences allaient échapper à l'armature renforcée du ministère de la santé. Lorsque je vais à l'Agence du médicament, je suis chez moi ! Demain, à l'Agence de sécurité sanitaire des aliments, je serai un tiers chez moi ! (Sourires.) mais peut-être n'en sera-t-il pas ainsi !
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'aimerais bien continuer avec vous. (Sourires et applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi n° 329 (1996-1997).

(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que vous êtes conviés par M. le président Monory et le bureau à la présentation du CD-ROM du Sénat, salle Médicis.

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