M. le président. Par amendement n° 260 rectifié, M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 95, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 374 du code de procédure pénale est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. 374 . - La partie civile à l'égard de laquelle un arrêt de cour d'assises statuant sur ses intérêts est définitif est avisée de la date de l'audience de la cour d'assises de renvoi après cassation. Elle peut y faire valoir ses intérêts moraux et réclamer à nouveau, au titre des frais non payés par l'Etat et exposés par elle, la somme visée à l'article suivant. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je serais ravi de convaincre le Sénat, n'ayant pas réussi, ce matin, à persuader la commission des lois.
En l'occurrence, il s'agit des intérêts de la victime. L'action publique relève du ministère public et la victime doit s'occuper de ses intérêts civils, des dommages et intérêts qui sont réclamés par elle, ou par ses ayants droit si elle n'est plus là.
Cependant, la peine qui sera prononcée contre le coupable - même si elle ne peut en faire appel, ce qui est tout à fait normal - importe tout de même à la victime et aux siens.
Or, lorsqu'un arrêt de cour d'assises deviendra définitif à l'égard de la victime à laquelle il est alloué des dommages et intérêts - même si elle ne les a pas touchés parce que, par définition, l'accusé est insolvable -, que l'accusé se pourvoira sur l'action publique et que la Cour de cassation cassera la décision, un nouveau procès interviendra, mais la partie civile y sera totalement étrangère. En effet, elle ne sera pas avisée de la date de l'audience. Elle ne pourra plus faire valoir ses intérêts moraux. Or, rien n'empêche qu'elle soit salie à l'audience. Sans doute le ministère public a-t-il le droit de la défendre, mais elle n'aura plus la possibilité d'être présente, pas plus que son avocat. Cela nous paraît anormal.
Nous pourrions citer bien des décisions où l'accusé - il ne se pourvoit évidemment pas sur l'action civile, et il ne paiera donc jamais un sou - s'en tire beaucoup mieux la seconde fois, où ni la partie civile ni son avocat ne sont présents, que la première.
C'est pourquoi nous proposons que, dans ce cas, la victime soit avisée de l'intervention d'un nouveau procès, qu'elle puisse y faire valoir ses intérêts moraux et réclamer une indemnité pour couvrir les frais qui découlent de l'obligation de comparaître une deuxième fois avec l'assistance d'un avocat.
Cet amendement me paraît très important pour les droits de la victime, dont il est beaucoup fait état. En l'occurrence, il s'agit bien de défendre ses intérêts.
On m'objectera que cette disposition irait à l'encontre de l'autorité de la chose jugée. La victime a demandé des dommages et intérêts et elle les a obtenus ; elle n'a donc plus le droit à la parole.
Mais il suffit que le législateur intervienne pour lui donner ce droit à la parole. La victime peut avoir obtenu satisfaction sur les dommages et intérêts, mais elle a encore le droit de faire valoir ses intérêts moraux et, éventuellement, de réclamer une indemnité plus importante pour couvrir les frais non payés par l'Etat et exposés par elle.
Je me permets d'insister, car il s'agit de savoir, quand on est au pied du mur, si l'on veut que la victime puisse continuer à être entendue lorsque le coupable ou celui qui est prétendu tel est rejugé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. La commission des lois est partagée. A titre personnel, j'étais plutôt favorable à cet amendement, mais le scrutin a donné un résultat différent. Il serait bon que nous entendions le Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Comme la commission, je suis quelque peu partagé sur cet amendement. Si je comprends bien les explications deM. Dreyfus-Schmidt, nous sommes dans l'hypothèse où la partie civile n'a pas fait appel et où elle n'est pas avisée de la date de l'audience de renvoi.
Je suis assez favorable à ce que la partie civile soit avisée. Cependant, faut-il l'autoriser à réclamer une nouvelle fois des frais ?
Si le Sénat adopte le texte présenté par M. Dreyfus-Schmidt, nous aurons le temps d'y revenir au cours de la navette, car la question peut effectivement se poser.
Dans ces conditions, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission.
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Elle s'en remet également à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 260 rectifié, pour lequel la commission et le Gouvernement s'en remettent à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 95.
Par amendement n° 261, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 95, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le troisième alinéa de l'article 513 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Les parties en cause ont la parole dans l'ordre prévu par l'article 460. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Notre intention était de demander que, devant la cour d'assises, on entende les parties dans l'ordre normal, c'est-à-dire d'abord la partie civile, ensuite le ministère public, enfin la défense, les deux premiers pouvant, bien sûr, répliquer et la défense ayant la parole en dernier.
C'est déjà le cas devant la cour d'assises, mais nous voulions qu'il soit précisé que cela reste le cas dès lors que la cour d'assises devient une juridiction d'appel. En effet, dans les juridictions correctionnelles, ce n'est malheureusement pas le cas. Cela s'est pratiqué pendant quelques mois, car le Sénat avait pris l'initiative de voter un amendement précisant que les parties devaient être entendues devant la cour d'appel dans le même ordre que devant le tribunal, afin que le procès se déroule de la même manière. Malheureusement, cette disposition a été supprimée en décembre 1994.
Aujourd'hui, dans le texte du présent projet de loi, un article prévoit qu'il en ira ainsi devant la cour d'assises, et comme aucun amendement n'est déposé à cet égard, il subsiste. Aussi, je retire l'amendement.
J'ai tenu à apporter cette précision parce que le temps n'est pas loin où nous tirerons argument de cet accord pour demander qu'il en soit de même devant la cour d'appel en matière correctionnelle.
M. le président. L'amendement n° 261 est retiré.
Par amendement n° 262, MM. Dreyfus-Schmidt, Badinter et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 95, un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 515-1 du même code, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - La partie civile à l'égard de laquelle une décision frappée d'appel est définitive reste néanmoins partie en procès. Elle est avisée de la date de l'audience à laquelle elle peut faire valoir ses intérêts moraux et peut à nouveau réclamer, au titre des frais non payés par l'Etat et exposés par elle, la somme visée à l'article 475-1 du code de procédure civile. »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le problème a été résolu tout à l'heure, et j'en suis reconnaissant au Sénat.
La partie civile doit continuer à être présente devant la cour d'assises statuant en appel, même si elle a obtenu satisfaction sur le plan financier devant le tribunal criminel. Le problème est exactement le même que celui qui a été approuvé tout à l'heure par le Sénat en ce qui concerne la cour d'assises de renvoi.
En l'état actuel, lorsque l'accusé forme un pourvoi, la victime n'est même pas prévenue. Là encore, il est légitime que la victime, même si les dommages et intérêts qui lui ont été octroyés sont normaux et qu'elle n'en fait donc pas appel, puisse continuer à faire valoir ses intérêts moraux devant la juridiction d'appel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Cet amendement tend à modifier l'article 515-1 du code de procédure pénale, qui ne concerne que le domaine correctionnel. Par conséquent, il est hors sujet.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, afin de tenir compte de la remarque de M. le rapporteur, je rectifie l'amendement en supprimant les mots « après l'article 515-1 du même code, il est inséré un article ainsi rédigé : ». Ainsi, il s'agit bien de la procédure criminelle.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 262 rectifié.
Quel est l'avis de la commission sur cet amendement n° 262 rectifié ?
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. Je souhaite entendre le Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Il s'agit, là encore, du statut de la partie civile.
Tout à l'heure, s'agissant de l'amendement n° 260 rectifié, j'ai indiqué que la question me paraissait se poser et je m'en suis remis à la sagesse du Sénat. J'étais conscient que cette disposition allait être adoptée et que nous aurions l'occasion de revenir sur ce point au cours de la navette, c'est-à-dire de nous pencher plus posément sur les droits de la partie civile.
En ce qui concerne l'amendement n° 262 rectifié, je prendrai une attitude différente. Puisque le Sénat a adopté l'amendement n° 260 rectifié, la question des droits de la partie civile est maintenant posée et, si j'ose dire, incluse dans la procédure de la navette.
L'amendement n° 262 rectifié me semble trop imparfait pour que je puisse m'en remettre à la sagesse du Sénat.
Aussi, j'émets un avis défavorable. Je demanderai au Sénat de suivre la position de la commission, si du moins celle-ci veut bien m'écouter ! En contrepartie, je m'engage à ce que, au cours de la navette, lors de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale et au Sénat, nous examinions plus précisément la question des droits de la partie civile.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. La commission émet, elle aussi, un avis défavorable, sous les réserves exprimées par le Gouvernement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 262 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'avoue que je ne comprends pas. En effet, le problème est très exactement le même. Il ne faudrait pas oublier que la question des droits de la partie civile se pose non seulement lorsqu'un recours en cassation est introduit, mais aussi lorsqu'il y a appel.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. C'est ce que je viens de dire !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Dans la pratique, la partie civile qui sera prévenue de l'appel pourra elle-même faire appel incident. Mais pourquoi devrait-elle faire appel incident ? Ce serait vicieux ! Il est préférable de reconnaître à la partie civile le droit de continuer d'être présente devant la cour d'assises statuant en appel comme elle a été présente devant le tribunal criminel, afin de continuer à faire valoir ses intérêts moraux. Franchement, je ne vois pas de différence avec ce qui a été adopté tout à l'heure par le Sénat.
Aussi, je me permets d'insister pour que cet amendement soit, lui aussi, mis en navette, de manière que l'Assemblée nationale puisse être saisie de l'ensemble du problème de la partie civile, soit en appel, c'est-à-dire devant la cour d'assises, soit après renvoi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 262 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 263, MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 95, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après les mots : ", par la chambre criminelle, soit sur requête du", la fin du deuxième alinéa de l'article 665 du code de procédure pénale est ainsi rédigée : "ministère public établi près la juridiction saisie soit sur requête des parties.". »
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit de la délocalisation... d'un procès !
En cas de suspicion légitime, les parties ont le droit de demander la délocalisation.
M. Jean-Jacques Hyest. Par définition !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Par définition, dites-vous. En revanche, lorsqu'il s'agit d'une bonne administration de la justice, les parties ne peuvent demander directement la délocalisation du procès et doivent passer, pour obtenir satisfaction, par l'entremise du ministère public.
Il paraît tout à fait normal que les parties aient le droit de demander directement la délocalisation, et c'est ce à quoi tend notre amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marie Girault, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Elle considère que le parquet doit continuer à jouer le rôle de filtre pour juger de ce qui est utile pour une bonne administration de la justice.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
La disposition que veut mettre en cause M. Dreyfus-Schmidt a été adoptée dans la loi du 4 janvier 1993, dont il a été l'un des protagonistes actifs : elle prévoit un filtre dont M. le rapporteur vient de dire, à juste titre, qu'il faut le maintenir.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 263, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Chapitre III

Modifications concernant la procédure
devant la Cour de cassation

Article 96