M. le président. « Art. 9. _ Les transferts mentionnés aux articles 4 et 5 sont réalisés à la valeur nette comptable des actifs correspondants.
« Les conséquences dans les comptes de la Société nationale des chemins de fer français de ces transferts et des opérations juridiques et comptables réalisées à cette occasion sont inscrites directement dans les comptes de capitaux propres de la Société nationale des chemins de fer français. »
Sur l'article, la parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la densité exceptionnelle du réseau ferroviaire dans notre pays, qui lui a permis d'irriguer très largement l'ensemble du territoire, devrait en faire un outil privilégié de l'aménagement du territoire. Or, le développement du réseau routier et les objectifs de rentabilité assignés à la SNCF ont progressivement conduit cette dernière à réduire son offre ferroviaire.
La Société nationale des chemins de fer français a dû faire face à la carence des pouvoirs publics, qui n'ont pas pris à temps les mesures nécessaires pour faire participer, à la hauteur des besoins, notre Société nationale à un aménagement cohérent du territoire.
L'Etat, garant d'une vision globale et équilibrée du développement du territoire national, doit, à titre principal, définir les missions de la Société nationale.
La question du financement des infrastructures est au coeur des débats concernant le devenir de la Société nationale des chemins de fer français.
La création de Réseau ferré de France ne permettra pas - nous nous sommes efforcés de le démontrer - de répondre à la question fondamentale du financement des infrastructures, qui sont, par essence, déficitaires.
Pour notre part, plutôt que les fausses solutions qui nous sont proposées et qui consistent en une division de la dette de la SNCF entraînant, à terme, une remise en cause sérieuse de l'unicité du service public, nous préconisons une reprise de la dette par l'Etat.
Il convient, enfin, de clarifier le rôle des banques et des institutions financières puisque plus de 115 milliards d'intérêts ont été versés par la SNCF.
Autre solution encore, celle qui consisterait à envisager une mutualisation de fonds provenant des industriels du secteur ferroviaire, métallurgique et sidérurgique, avec la mise en place d'un pôle de régulation publique au sein du secteur financier.
D'autres ressources sont encore imaginables en améliorant les coopérations entre les entreprises de service public ; ce pourrait être le cas, par exemple, dans le secteur des télécommunications en raison de la surcapacité du réseau de télécommunications de la Société nationale des chemins de fer français.
Il s'agit là - nous le voyons - d'autres choix, que l'on pourrait étudier de manière précise et qui vont à l'inverse de ceux qui sont faits à travers l'article 9 que nous examinons.
Ce sont là des réflexions dont je tenais à faire part à notre Haute Assemblée avant qu'elle se prononce sur un projet de loi dont nous savons qu'il ne permettra en rien une logique de développement et de maintien de l'offre de transport ferroviaire dans notre pays.
M. le président. Sur l'article 9, je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 61 est présenté par MM. Garcia, Bony, Chervy, Courteau, Fatous, Mélenchon, Peyrafitte et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 166 est déposé par MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
Par amendement n° 167 rectifié, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit cet article :
« Le capital de l'établissement public national visé au premier alinéa de l'article premier est incessible. »
Par amendement n° 168, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après le premier alinéa de l'article 9, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les reprises de provisions résultant des transferts mentionnés aux articles 4 et 5 sont sans perception d'impôts, de droits ou de taxes de quelque nature que ce soit, inscrites dans les comptes de capitaux propres de la Société nationale des chemins de fer français. »
La parole est à M. Garcia, pour défendre l'amendement n° 61.
M. Aubert Garcia. Nous demandons logiquement la suppression de l'article 9.
M. le président. L'amendement n° 166 est-il soutenu ?...
La parole est à Mme Luc, pour présenter l'amendement n° 167 rectifié.
Mme Hélène Luc. L'article 9 du projet de loi porte sur une question relativement importante : celle des conditions des transferts de propriété des infrastructures.
Ces transferts s'effectueraient dans des conditions un peu particulières, c'est-à-dire à la valeur nette comptable et non à la valeur d'acquisition ou de renouvellement de ces actifs.
On peut presque dire que, dans le calcul réel des choses, il y a une petite insuffisance de détermination de la valeur réelle des actifs dont RFF assumerait la pleine propriété en dotation.
Pour notre part, nous avions, dans notre proposition alternative de création d'un fonds de financement de Réseau ferré national, déterminé un actionnariat à parts égales entre l'Etat et la SNCF, actionnariat à concurrence de 16 milliards de francs, dont le caractère public se devait d'être affirmé au travers de son incessibilité. Tel était, à l'origine, l'objet de l'amendement n° 167.
Le débat ayant été tranché en faveur d'une solution proche de celle que le Gouvernement a proposée dans le texte initial, nous avons donc transféré ce principe d'incessibilité au capital de Réseau ferré de France.
Il s'agit d'affirmer, par cet amendement, le caractère public et intangible de ce capital, caractère public qui découle d'ailleurs du principe de domanialité publique de la majeure partie des actifs de RFF.
A ce propos et parce que cette question est assez importante, je me permettrai de poser une question à notre collègue M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis de la commission des finances : comment l'Etat, qui est son propre assureur, demandera-t-il à RFF, dont le patrimoine lui appartient, de s'assurer pour les risques encourus en dommages et sinistres, ainsi que semble nous l'avoir indiqué ce matin M. le ministre ?
C'est donc sous le bénéfice de ces observations que nous sommes amenés, dans les termes de cet amendement, à vous proposer d'apporter cette précision au statut du nouvel EPIC.
Evidemment, un amendement de réécriture est aussi, d'une certaine façon, un amendement de suppression en ce qu'il modifie la rédaction du projet de loi.
Nous sommes donc contraints de préciser ici quelques-unes des conséquences de la naissance de RFF sur les comptes de la SNCF et notamment sur ses capitaux propres.
Ces capitaux propres sont ainsi répartis : dotation en capital, dotation immobilière, réserves constituées, subventions d'investissement et provisions réglementées.
A ces chapitres, il convient d'ajouter la variable du résultat et du report à nouveau.
S'agissant de la SNCF, la situation en 1995, qui est celle du dernier bilan connu, est la suivante : capital initial, 9 867 millions de francs ; dotation immobilière, 34 029 millions de francs.
A cette somme d'un peu moins de 43,9 milliards de francs, il convient d'ajouter environ 470 millions provenant de la réévaluation des actifs.
Les réserves de la SNCF s'élèvent à un peu moins de 13,2 milliards de francs tandis que les provisions réglementées qui s'y apparentent consistent en un volume d'un peu plus de 1 063 millions de francs. Le total des fonds concernés est donc de 58,7 milliards de francs fin 1995.
Les subventions d'investissement de la société, essentiellement imputables aux infrastructures, constituent un ensemble de plus de 19,5 milliards de francs.
Le transfert des actifs vers RFF va donc modifier cette ventilation.
Par ailleurs, à la fin de l'année 1995, le report était à nouveau négatif de plus de 41 147 millions de francs et ce montant, compte tenu du compte de résultat de 1996, doit aujourd'hui s'élever à quelque 55 milliards de francs.
Nous allons donc avoir une SNCF appauvrie de l'essentiel de sa dotation immobilière, tandis que le montant du déficit comptable reporté est pratiquement l'équivalent du montant des ressources de l'entreprise.
Avec la création de RFF, entreprise largement déficitaire, la SNCF est donc pratiquement sans capitaux propres. C'est une raison de plus d'adopter notre amendement.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour présenter l'amendement n° 168.
M. Guy Fischer. Ce projet de loi a, nous l'avons déjà longuement souligné, comme conséquence de procéder à la séparation juridique et comptable du compte d'infrastructure et du compte d'exploitation de la Société nationale des chemins de fer français.
Cette séparation juridique et comptable est évidemment assortie d'une cession, à la valeur nette comptable, des biens apportés au nouvel établissement public gestionnaire de l'infrastructure.
Dans les faits, cela signifie que les charges d'amortissement technique consenties par la SNCF sur le patrimoine apporté n'ont plus lieu d'être, puisque l'amortissement résiduel de ces infrastructures, et, à plus forte raison, l'amortissement des infrastructures ultérieures, sera pris en charge - on se demande d'ailleurs encore comment - par le nouvel EPIC.
Cette situation nouvelle a d'ailleurs une conséquence relativement simple : l'EPIC aura à sa charge la reconstitution du patrimoine soumis en moyenne à la plus longue durée d'amortissement, notamment les voies, les terrassements et une part non négligeable des bâtiments, tandis que la SNCF gardera la charge de l'amortissement technique du matériel le plus vite frappé d'obsolescence et notamment du matériel roulant.
Je rappelle à ce propos que, pour des raisons assez objectives, la SNCF a retenu pour les plus récentes rames de TGV un amortissement à quinze ans, tandis que les rames du TGV Sud-Est ont été, elles, marquées par un amortissement à vingt ans.
Si l'on considère que l'apport en pleine propriété à la valeur nette comptable du bilan de la SNCF ne dégage pas de plus-values au bénéfice de cette dernière et aux dépens du nouvel EPIC, il permet toutefois la désaffectation des provisions et dotations constituées.
Il nous semble que l'on peut dès lors envisager de faire passer ces provisions en consolidation des fonds propres, selon les modalités que nous préconisons dans le cadre de cet amendement que je vous invite à adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 61, 167 rectifié et 168 ?
M. François Gerbaud, rapporteur. Pour les raisons précédemment énoncées, l'avis de la commission est défavorable sur l'amendement de suppression n° 61.
S'agissant de l'amendement n° 167 rectifié, l'avis de la commission est également défavorable, par cohérence.
Sur l'amendement n° 168, la commission émet aussi un avis défavorable. En effet, il paraît quelque peu inutile. Les transferts concernés ne donnent pas lieu à reprise de provisions et sont, par ailleurs, neutres sur le plan fiscal.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?
M. Bernard Pons, ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Pour les mêmes raisons que la commission, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 61, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 167 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 168, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 est adopté.)

Article 10