M. le président. « Art. 10. _ Les biens immobiliers appartenant à Réseau ferré national, affectés au transport ferroviaire et aménagés spécialement à cet effet, ont le caractère de domaine public.
« Les atteintes à l'intégrité et à la conservation du domaine public de Réseau ferré national sont constatées par ses agents assermentés, conformément aux dispositions de l'article 23 de la loi du 15 juillet 1845 modifiée sur la police des chemins de fer. Ces atteintes peuvent également être constatées, dans les mêmes conditions, par les agents assermentés de la Société nationale des chemins de fer français. Réseau ferré national exerce concurremment avec l'Etat les pouvoirs dévolus à ce dernier pour la répression de ces atteintes.
« Les biens immobiliers utilisés pour la poursuite des missions de Réseau ferré national peuvent être cédés à l'Etat ou à des collectivités territoriales pour des motifs d'utilité publique, moyennant le versement d'une indemnité égale à la valeur de reconstitution.
« Les déclassements affectant la consistance du réseau sont soumis à l'autorisation préalable de l'Etat. »
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'article 10 affine le caractère de domanialité publique des biens transférés à RFF.
Ces biens sont donc soumis à la loi de juillet 1994 sur le code du domaine de l'Etat relativement à la constitution de droits réels sur le domaine public.
Cette loi ouvrait la possibilité de constitution de droits privés réels pour les investisseurs.
Avant cette loi, les opérateurs ne pouvaient se voir conférer qu'un titre d'occupation temporaire.
Ce droit réel donne aux occupants du domaine les prérogatives et obligations du propriétaire.
Ce titre permettait aux opérateurs de recourir à la garantie hypothécaire et au crédit-bail pour assurer le financement de leurs installations sur le domaine public.
Il rend également possible la cession des installations.
Enfin, il a ouvert un droit à indemnisation comme en matière d'expropriation dans le cas où l'intérêt général conduirait à sa résolution.
Avec cette loi, nous sommes en présence d'une véritable boîte de Pandore qui, une fois ouverte au vent du libéralisme qui le guide, peut conduire au dépeçage du fond patrimonial de la nation.
On voit ce que cela pourrait donner dans le cas de Réseau ferré de France.
L'opérateur public RFF propriétaire du réseau ferré pourrait donc conclure des baux de soixante-dix ans avec des opérateurs privés, leur donnant des droits réels pendant la durée du bail.
Vous ouvrez aussi largement la porte aux sociétés privées, avec le risque d'un recul du service public et du statut social du personnel, d'autant que la perspective du transfert de la gestion d'une partie du réseau se précise. Nous avons déjà largement, au cours des débats, montré la nocivité, selon nous, mais aussi selon l'avis de la majorité des agents de la SNCF, d'une régionalisation faisant éclater l'unité du service public. D'autres que nous le disent, vous le savez. Par exemple, dans un article du Bulletin des transports et de la logistique, on peut lire - et je cite le professeur de droit qui a rédigé cet article : « L'appât du gain aiguisera vite les imaginations publiques. »
Bien entendu, nous ne contestons pas le fait que, si l'éclatement de la SNCF et le transfert d'une partie de ses biens vers une nouvelle structure ont été finalement mis en oeuvre, les biens transférés continuent de relever du domaine public.
Mais, à notre sens, il faudrait envisager une dérogation au droit commun et en particulier exclure le patrimoine de RFF du champ d'application de la loi de juillet 1994.
En effet, la SNCF doit être l'exploitant unique de Réseau ferré de France ; il ne peut y avoir de concession sur le réseau ferroviaire.
Accepter le droit commun, c'est laisser la possibilité au privé de monter des infrastructures privées ; c'est laisser ouverte la possibilité de l'accès des tiers au réseau.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, le groupe communiste républicain et citoyen refuse cette perspective.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l'article 10 du projet de loi, nous tenons le lien de la cohérence politique qui guide la méthode gouvernementale pour avancer sur des projets sensibles au regard des réactions qu'ils suscitent parmi les salariés qui en subissent les conséquences.
En effet, après avoir entendu M. le ministre décider d'aligner l'intitulé du nouvel établissement public sur la forme retenue pour celui des voies navigables, nous constatons maintenant qu'une loi de 1994 a été promulguée pour permettre l'accès de tiers opérateurs privés sur les terrains publics portuaires, dans le cadre de la réforme portuaire tournée contre les dockers ; cette loi trouverait une nouvelle extension sur le domaine ferroviaire. Nous sommes bien là au coeur du problème, surtout à la lumière des informations publiées par la presse d'aujourd'hui.
Avec la formulation retenue, rien n'empêcherait de concéder à des groupements internationaux de transports combinés tels que prévus par le décret n° 95-666, les infrastructures, triages et chantiers dont la SNCF dirait ne pas avoir l'usage. Cela permettrait d'ancrer des tiers entrants sur ces infrastructures. Dans le cadre des baux établis avec RFF, ces tiers accédants resteraient libres d'exploiter et de valoriser ces infrastructures.
La crainte des cheminots de voir, dans votre projet de loi, un bradage du patrimoine foncier national trouve là une concrétisation qu'il vous sera difficile de contester. Bien entendu, la lumière s'est faite au cours de ces débats !
Il est bien aimable à vous de prévoir la manière de réprimer les atteintes à l'intégrité et à la conservation du domaine public du nouvel établissement public, du moins les atteintes que votre texte n'aura pas permises dans ce cadre institutionnalisé.
Cela dit, ne serait-il pas aussi judicieux de déléguer à la surveillance générale de la SNCF les missions de police que le nouvel établissement public ne pourra pas assumer, vu la dimension réduite que vous prétendez vouloir lui donner ?
S'il prévoit bien les éventuelles cessions des biens immobiliers, votre texte n'envisage pas la rétrocession des produits de cession d'infrastructure à la construction et la modernisation de celles dont le réseau a besoin pour assurer les missions que vous lui proposez.
Si la volonté de moderniser et de développer les transports publics dans notre pays avait réellement piloté votre politique, vous auriez pu envisager, comme la LOTI et ses décrets d'application auxquels vous fîtes longuement référence le prévoient, d'inscrire cette affectation dans la loi.
Dans la LOTI qui, à mon sens, a toujours valeur législative, et notamment dans les décrets d'application qui ont été publiés, figurent expressément les contrats de plan. Cela me paraît en contradiction avec la réponse de M. le ministre selon laquelle le projet industriel se substitue au contrat de plan.
Pour toutes ces raisons, notre groupe ne votera pas l'article 10, sauf si des modifications profondes y étaient apportées. Mais ne nous leurrons pas !
M. le président. Sur l'article 10, je suis saisi de vingt amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Toutefois, pour la clarté du débat, je les appellerai successivement.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 62 est présenté par MM. Garcia, Bony, Chervy, Courteau, Fatous, Mélenchon, Peyrafitte et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 169 est déposé par MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. Garcia, pour défendre l'amendement n° 62.
M. Aubert Garcia. Je tiens à souligner le caractère particulièrement dangereux de l'article 10. En effet, il prévoit des possibilités de déclassement, lesquelles ne sont pas encadrées comme dans la LOTI : celle-ci prévoit uniquement le déclassement des biens immobiliers qui cessent d'être affectés à la poursuite des missions de la SNCF.
En l'absence de cette précision, il est à craindre que les déclassements ne soient opérés de façon un peu légère, notamment avec l'objectif d'aliéner ces biens. On organise la spoliation du domaine public, en tout cas son impossibilité de servir au fonctionnement du service public.
Les déclassements seront opérés sans aucune transparence. C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 10.
M. le président. La parole est à M. Renar, pour défendre l'amendement n° 169.
M. Ivan Renar. Nous vous proposons également, par cet amendement, de supprimer l'article 10 du projet de loi.
Je vous rappelle tout d'abord que cet article est censé conférer le caractère de domaine public aux biens transférés à RFF.
Le deuxième alinéa prévoit que les agents assermentés de RFF pourront contrôler les atteintes à ces biens commerciaux.
Le troisième alinéa, que nous repoussons tout particulièrement, crée la possibilité de cession à l'Etat ou aux collectivités territoriales, pour des motifs d'utilité publique, des biens immobiliers du nouvel établissement public.
Le dernier alinéa indique que les déclassements seront possibles avec la nécessaire autorisation préalable de l'Etat.
Notre proposition de suppression est, bien sûr, justifiée par notre opposition générale au projet de loi et à la création de RFF.
Il serait erroné, pourtant, de ramener cet amendement à une simple position de principe de notre groupe.
En effet, et cela a été évoqué dans les deux interventions de notre groupe sur cet article, on risque de voir ouvrir au privé le maintien dans le domaine public des biens transférés à RFF, sans prévoir une dérogation à la loi de juillet 1994 réformant le code du domaine de l'Etat, qui offre la possibilité à des intervenants privés de constituer des droits réels sur le domaine public.
Dans l'environnement actuel, marqué par un ultralibéralisme imposé par le Gouvernement et par les instances de la Communauté européenne, il est à craindre qu'accepter l'article 10 n'ouvre la voie à tous les appétits sur le patrimoine ferroviaire public.
C'est là le principal danger de cet article 10.
Mais notre opposition à l'article ne se fonde pas uniquement sur cet aspect des choses.
Nous ne pouvons accepter le deuxième alinéa, qui semble créer pour RFF l'équivalent du service de sûreté générale de la SNCF. Si cela était le cas, on ne resterait sûrement pas dans la fourchette de 100 à 200 agents à RFF !
C'est donc bien le développement de RFF comme entreprise de plus en plus distincte de la SNCF que contient en germe le projet de loi.
Comment pourrait se coordonner le travail entre agents de sûreté des deux entreprises ? Le texte n'apporte aucune précision à cet égard. Notre groupe fera, à l'article 11, une proposition qui devrait permettre d'apporter une solution à ce problème.
A la lumière de l'ensemble de ces explications, vous comprendrez, mes chers collègues, que nous proposions la suppression de l'article 10. Nous vous suggérons de suivre cette position en votant cet amendement.
M. le président. Par amendement n° 170, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit l'article 10 :
« Dans le cadre de ses activités, l'établissement public national de crédit "Fonds de financement du Réseau ferré national" est soumis à des règles prudentielles et de sécurisation de ses comptes fixées par décret. »
Du fait de l'adoption de l'amendement n° 42 à l'article 1er, cet amendement n'a plus d'objet.
Par amendement n° 171, Mme Luc, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa de l'article 10, de remplacer les mots : « affectés au transport ferroviaire et aménagés spécialement à cet effet » par les mots : « définis au premier alinéa de l'article 4 ».
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Permettez-moi de citer le premier alinéa de l'article 10 du projet de loi : « Les biens immobiliers appartenant à Réseau ferré national, affectés au transport ferroviaire et aménagés spécialement à cet effet, ont le caractère du domaine public. »
Nous proposons, par notre amendement, de ne pas limiter aux biens affectés au transport ferroviaire et aménagés spécialement à cet effet la caractérisation de domaine public.
Il ne s'agit pas d'une question mineure, loin s'en faut, car sont abordés par ce biais les rapports entre privé et public.
En effet, dès 1833, dans son Traité du domaine public, Jean-Baptiste Proudhon, doyen de la faculté de droit de Dijon, développait la distinction entre domaine public et domaine privé. Il avançait deux propositions : seuls les biens qui ne sont pas susceptibles d'appropriation font partie du domaine public, selon les termes du code civil ; les personnes publiques peuvent être propriétaires de biens, qui sont alors rangés dans le domaine privé. Le critère de la distinction repose ainsi sur la possibilité ou non d'appropriation.
Plus tard, notamment sous l'influence de Maurice Hauriou, le critère sera abandonné, mais la séparation entre domaine public et domaine privé, acquis de la Révolution française, ne sera pas pour autant remise en cause.
Sans entrer dans le détail des analyses doctrinales, ni l'appartenance des dépendances domaniales au domaine public ni leur affectation ne légitiment, dans le cas de l'ensemble de biens dépendant du futur établissement public chargé de l'infrastructure du chemin de fer, un transfert au domaine privé.
Les dispositions du premier alinéa de cet article 10 comporteraient une menace de « grignotage » du domaine public, de pans entiers de la propriété de RFF, ce qui peut avoir des conséquences importantes, notamment sur le droit des usagers.
Dans son rapport écrit, M. Gerbaud indique : « Le premier alinéa de l'article 10 affirme le caractère de domanialité publique des biens transférés à RFN. Il s'agit là d'une indispensable précision. » Nous estimons que cette précision sera d'autant plus indispensable que l'ensemble des biens de RFF demeureront du domaine public.
M. le président. Par amendement n° 172 MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de remplacer les deux premières phrases du deuxième alinéa de l'article 10 par les dispositions suivantes :
« Les atteintes à l'intégrité et à la conservation du domaine public constitué par le réseau ferré national sont constatées par les agents assermentés de la Société nationale des chemins de fer français conformément aux dispositions de l'article 23 de la loi du 15 juillet 1845 modifiée sur la police des chemins de fer, pour le compte de l'établissement public visé au premier alinéa de l'article premier qui rétribue la Société nationale des chemins de fer français pour ce service. »
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Cet amendement a pour objet de souligner qu'il n'y a pas lieu de créer, au sein de RFF, un corps d'agents assermentés destiné à constater les atteintes à l'intégrité et à la conservation du domaine public constitué par Réseau ferré de France. Nous estimons, en effet, que la SNCF peut très bien continuer à assurer cette fonction.
Cela est d'autant plus possible que, comme nous l'avons constaté, notamment lors de l'examen de l'article 4, la SNCF conserve des prérogatives en matière de propriété immobilière, par exemple, qui auraient très bien pu revenir à RFF.
L'ambiguïté de la rédaction de ce deuxième alinéa de l'article 10 pose, en tout état de cause, des questions quant au statut du personnel.
Deux catégories d'agents assermentés - ceux qui relèvent de RFF et ceux qui dépendent de la SNCF - pourront constater les atteintes à l'intégrité et à la conservation du domaine public du réseau ferré national.
Comme l'indique M. Gerbaud dans son rapport écrit, cette précision « suscite des interrogations sur les effectifs nécessaires à une telle mission lorsqu'on la rapproche de l'effectif attendu de RFN - 100 à 200 emplois. Mais la deuxième phrase du même alinéa ouvre la possibilité de charger les agents, agents de maîtrise, chef de district et cadres de la voie, appartenant à la SNCF, de cette tâche. 1 200 emplois sont concernés. »
Nous estimons prioritaire la nécessité de préserver l'unité du statut du personnel. Or, de toute évidence, cet alinéa ouvre une brèche qui ne peut être acceptée.
Outre l'intérêt évident des salariés à la préservation de l'unicité du statut, nous considérons que l'intérêt des moyens dans ce domaine qui touche de près à la sécurité est engagé.
Un éclatement du statut des contrôleurs aurait sans nul doute des conséquences sur la formation de ces derniers.
Enfin, je tiens à rappeler qu'une réflexion sur le rôle des contrôleurs dans le chemin de fer, trop souvent cantonnés à un rôle de répression, dans des conditions difficiles - conditions sociales, mais aussi de sécurité des agents eux-mêmes - devrait être rapidement engagée.
C'est au regard de ces quelques réflexions que je vous propose d'adopter le présent amendement, sur lequel nous demandons un scrutin public.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. Par amendement n° 20, M. Gerbaud, au nom de la commission des affaires économiques, propose, dans la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 10, après les mots : « Ces atteintes peuvent », de remplacer le mot « également » par les mots : « , en outre, selon des modalités fixées par la convention prévue au troisième alinéa de l'article 1er, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Gerbaud, rapporteur. Cet amendement d'apaisement, qui vient en écho à ce qui a été dit par certains de nos collègues, ouvre la possibilité à 1 200 agents, agents de maîtrise, chefs de district et cadres de la voie, appartenant à la SNCF - de se consacrer à la surveillance du réseau. Il me paraît prudent de maintenir le recours à leurs services, moyennant une rémunération de la SNCF à ce titre par RFF, nouveau propriétaire des infrastructures, rémunération qu'il appartiendra à la convention passée entre RFF et la SNCF, prévue à l'article 1er, de fixer.
Nous souhaitons que cet amendement soit de nature à donner satisfaction aux personnels de la SNCF.
M. Jean Chérioux. Très bien !
M. le président. Par amendement n° 173, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer le troisième alinéa de l'article 10.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Nous proposons, par cet amendement, de supprimer le troisième alinéa de cet article 10.
Ce troisième alinéa est sans ambiguïté, je vous le rappelle : « Les biens immobiliers utilisés pour la poursuite des missions de Réseau ferré national peuvent être cédés à l'Etat ou à des collectivités territoriales pour des motifs d'utilité publique, moyennant le versement d'une indemnité égale à la valeur de constitution. »
Il ne s'agit, me direz-vous, que d'une simple reprise de dispositions figurant l'article 20 de la LOTI. Mais chacun sait que le contexte national et européen est très différent de celui de 1982 et que de lourdes menaces pèsent sur un service public confronté au dogme de la libre concurrence.
Le commentaire de M. Gerbaud dans son rapport sur le troisième alinéa de l'article 10 confirme nos inquiétudes : « Votre commission, qui déplore la pesanteur de la gestion des terrains délaissés de la SNCF, en particulier dans le centre des localités, accueille avec intérêt cette précision. »
Soyons clairs, monsieur le rapporteur, sur le sens de votre remarque. J'ai le sentiment, peut-être me contredirez-vous, que vous souhaitez que la création d'un nouvel établissement chargé de l'infrastructure du service public ferroviaire autorise de nouveaux espoirs en matière de spéculation immobilière.
Vous comprendrez notre profonde méfiance sur ce point, étant donné le nouveau contexte que j'évoquais d'entrée, celui du diktat du marché au détriment de la satisfaction de l'intérêt général.
Bien entendu, le texte lui-même n'autorise pas l'engagement de ce processus puisqu'il évoque la seule cession de ces biens à l'Etat et aux collectivités territoriales.
M. Jean Chérioux. Heureusement !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je comprends bien mais, monsieur le rapporteur, pouvez-vous m'indiquer ce qui empêche l'Etat et les collectivités territoriales d'effectuer une cession à des acquéreurs privés ?
Le cas des collectivités territoriales est particulièrement propice à ce type d'opération puisqu'elles sont confrontées à de tels problèmes financiers que, malheureusement, tous les moyens peuvent être bons - et là je n'incrimine pas les élus, mais on sait bien où l'on en est - pour maintenir un équilibre précaire.
Par ailleurs, l'éclatement de la propriété des biens immobiliers liés aux transports ferroviaires ne peut qu'obérer le sens du service public et la nécessité de sa conservation.
Nous vous proposons donc d'adopter notre amendement afin d'éviter de nous engager dans l'engrenage du démantèlement progressif, à l'anglaise devrais-je dire, des biens immobiliers mais, en fait, de l'infrastructure elle-même du service public des chemins de fer.
Compte tenu de l'importance de cette question, nous demandons, monsieur le président, un scrutin public sur cet amendement n° 173.
M. le président. Par amendement n° 174, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le dernier alinéa de l'article 10, après les mots : « sont soumis », d'insérer les mots : « à l'avis des organisations syndicales représentatives des personnels des établissements de la Société nationale des chemins de fer français géographiquement concernés et ».
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. L'article 10 porte sur les biens immobiliers appartenant à Réseau ferré de France et leur appartenance au domaine public. Il s'agit donc d'infrastructures lourdes, coûteuses, dont l'existence et le classement sont les signes tangibles de la politique de transport public menée dans notre pays.
Cette politique, quelle est-elle aujourd'hui ?
Depuis plus d'un an maintenant, les transports, leur organisation, les pressions pour plus de déréglementation et de concurrence liées à l'intégration européenne sont au coeur des contradictions de notre société.
En dix ans, près de 75 000 emplois ont été supprimés à la SNCF. Des milliers de kilomètres de réseaux secondaires sont abandonnés au profit du « tout automobile », alors que l'on sait les méfaits de ces choix sur l'environnement.
Il est prévu à l'article 10 que les déclassements affectant la consistance du réseau seront soumis à l'accord de l'Etat. Mais peut-on faire aujourd'hui confiance à un Etat qui sacrifie bien des intérêts nationaux à la seule mise en oeuvre de l'intégration européenne et à la libre concurrence ?
S'agissant du dispositif de déclassement des lignes du réseau, nous savons là qu'il est très souvent annonciateur de fermetures de lignes, notamment de lignes dites secondaires.
Ces fermetures interviennent souvent sans véritable concertation ni même consultation des élus locaux, qui sont mis devant le fait accompli.
Notre amendement vise à rétablir une meilleure transparence dans le processus des déclassements en associant à celui-ci, et pour avis, les organisations syndicales représentatives des personnels des établissements de la Société nationale des chemins de fer. Je suis sûr que tous les maires des communes rurales de France nous entendront.
Tel est le sens de cet amendement, que je vous demande de bien vouloir adopter.
M. le président. Par amendement n° 175, Mme Luc, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le dernier alinéa de l'article 10, après les mots : « sont soumis », d'insérer les mots : « à l'avis des comités d'établissements de la Société nationale des chemins de fer français concernés et ».
La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Nous sommes pour notre part très attachés au maintien du maillage et au renforcement du réseau SNCF, ce qui impose une tout autre logique que celle du déclassement.
Le maintien du réseau existant, son renforcement, doivent se faire dans un esprit de concertation et de dialogue associant à la fois personnel de la SNCF, usagers, élus locaux et représentants de l'Etat.
Cette logique de réunion et de concertation est loin de celle que vous défendez, laquelle consiste à remettre en cause à terme l'unité du service public pour mieux l'anéantir.
Certes, la région est un échelon pertinent de recensement des besoins des usagers et des populations, mais encore faut-il viser pour cela des complémentarités améliorant le service rendu aux usagers.
Il importe de soumettre les éventuels déclassements affectant la consistance du réseau aux comités d'établissements de la SNCF concernés. Tel est le sens de l'amendement que nous vous proposons d'adopter.
M. le président. Par amendement n° 176, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le dernier alinéa de l'article 10, après les mots : « sont soumis », d'insérer les mots : « à l'accord du conseil d'administration de la Société nationale des chemins de fer français et ».
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Le déclassement affectant la consistance du réseau a permis jusqu'alors la fermeture d'une multitude de lignes jugées peu rentables du seul point de vue d'une logique financière dont on sait qu'elle n'entre pas obligatoirement en cohérence avec les aspirations et les besoins de notre population.
Tout comme pour la politique du fret, c'est toute la logique du transport de voyageurs qui est à revoir.
Il importe aujourd'hui de mettre en place sur notre territoire un maillage cohérent permettant de desservir un maximum de localités, tout en réduisant le temps de parcours des usagers situés en bout de ligne.
Il importe encore d'intégrer dans ce maillage des trains rapides en ayant pour souci l'accélération des relations.
Pour éviter le déclassement, la fermeture de lignes ou la diminution de capacités ferroviaires, le voyage en train doit redevenir accessible ; le prix d'un billet plein tarif est insuffisamment attractif, en deuxième classe comme en première classe.
L'ensemble de ces solutions est le fruit de la réflexion des multiples agents de la SNCF dont on connaît la détermination à promouvoir la Société nationale à laquelle ils appartiennent.
Une réflexion d'ensemble sur les transports dans notre pays, notamment sur les transports publics, aboutirait, à n'en pas douter, à d'autres choix que ceux qui prévalent aujourd'hui.
C'est pourquoi nous pensons que toute grande décision concernant la densité d'un réseau aussi important que celui de la SNCF se doit d'être accompagnée d'une concertation la plus large possible.
L'accord du conseil d'administration de la Société nationale des chemins de fer nous paraît être un préalable nécessaire à toute procédure de déclassement.
C'est le sens de l'amendement que nous vous proposons d'adopter.
M. le président. Par amendement n° 177, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le dernier alinéa de l'article 10, après les mots : « sont soumis », d'insérer les mots : « à l'avis des associations représentatives des usagers des transports ferroviaires et ».
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement concerne le dernier alinéa de l'article 10.
Il tend à autoriser les associations d'usagers à donner leur avis sur les propositions de déclassement affectant la consistance du réseau.
Trop souvent, l'avis des usagers n'est pas pris en compte.
Lors de son intervention devant une commission ad hoc à l'Assemblée nationale le 23 février 1994, M. Jean Sivandière, de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports, déclarait : « Bien qu'ils reconnaissent notre représentativité, certains de nos interlocuteurs sont parfois un peu sourds, aussi bien du côté des exploitants, tels que la SNCF, que du côté de la tutelle ministérielle. »
Il poursuivait en notant que « la SNCF, qui est une organisation très technocratique, ne réagit que lorsqu'elle est en difficulté. C'est ce qui s'est passé avec le système Socrate (...). En période normale, nos avis ne sont pas pris en compte. »
Le président de cette fédération, qui était administrateur à la SNCF, a pu bien mesurer cet état de choses : il explique ainsi que lorsqu'il était au conseil d'administration, il a dit et répété « que l'on allait dans la mauvaise direction en rendant de plus en plus complexe l'usage du train ou en laissant se dégrader un certain nombre de services ». « Personne ne m'a entendu, déclarait-il alors. Comme dans toute grande entreprise, les responsables de la SNCF vivent loin du public et ont du mal à entendre les messages éventuels. Quant à la tutelle ministérielle, elle ne me paraît pas suffisamment attentive à l'état de l'opinion. »
Vous m'excuserez, mes chers collègues, de la longueur de cette citation, mais elle résume bien le problème d'un manque de considération des usagers dans la politique ferroviaire de notre pays.
Et avouons que les usagers ont des choses à dire sur la consistance du réseau, parce qu'ils sont utilisateurs.
Le Gouvernement et la SNCF doivent entendre les usagers quand ils affirment, comme le président de la fédération : « Au fond, la logique de la SNCF est de supprimer des services s'il n'y a pas beaucoup de trafic, et de les transférer sur route s'il n'en reste plus beaucoup. »
Or, cette politique est mauvaise, car le transport sur route finit toujours par se traduire par une diminution de la fréquentation du service public et conduit à la disparition, à son tour, du service d'autocar. Cette évolution s'est souvent produite, notamment dans le département de l'Ardèche.
Nous proposons donc d'inscrire dans la loi que, face aux risques de déclassement de biens affectant la consistance du réseau, l'avis des usagers est obligatoire.
Je pense que vous serez sensible, mes chers collègues, à ce souci de démocratie et de transparence, et que vous ne manquerez pas d'approuver notre amendement.
M. le président. Par amendement n° 180, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le dernier alinéa de l'article 10, après les mots : « sont soumis », d'insérer les mots : « à l'avis des Conseils économiques et sociaux régionaux géographiquement concernés ».
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Le déclassement affectant la consistance du réseau permet, pour l'essentiel, la fermeture de lignes. Il s'agit le plus souvent d'une logique à laquelle nous nous opposons dans la mesure où elle ne permet pas une réelle prise en compte des besoins de nos concitoyens.
Le plus souvent, nombre d'élus locaux sont mis devant le fait accompli s'agissant de l'abandon de dessertes locales sans concertation préalable.
Nous pensons pour notre part que le service public de la SNCF aurait un rôle réel à jouer en matière d'aménagement du territoire, en matière de décentralisation, en matière de préservation de notre environnement.
Une régionalisation dont le seul but serait un transfert des charges de l'Etat vers les collectivités régionales n'est pas acceptable.
Il s'agit là d'une remise en cause de l'un des principes fondamentaux du service public, à savoir l'égalité géographique sur notre territoire national.
Notre amendement vise à imposer l'avis des conseils économiques et sociaux régionaux pour toutes les opérations de déclassement à venir.
Tel est le sens de cet amendement, que je vous demande de bien vouloir adopter.
M. le président. Par amendement n° 181, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le dernier alinéa de l'article 10, après les mots : « sont soumis », d'insérer les mots : « à l'avis des Chambres d'agriculture géographiquement concernées ».
La parole est à Mme Luc. Mme Hélène Luc. Le dernier alinéa du texte proposé par le Gouvernement prévoit que les déclassements affectant la consistance du réseau seraient soumis à l'autorisation préalable de l'Etat.
Il nous semble cependant que c'est une vision très restrictive de la démocratie.
Qu'une infrastructure ferroviaire rétrograde dans l'ordre d'importance ou qu'elle soit purement et simplement supprimée n'est pas sans conséquences sur la vie économique d'une région, d'un département ou même d'un bassin d'emploi.
Lorsque les rails sont enlevés et que l'infrastructure est démantelée, cela signifie même qu'elle va être abandonnée ou destinée à une autre utilisation, que les ouvrages d'art seront bien souvent démolis et que la situation deviendra irréversible.
Le transport qui s'opérait auparavant par fer prendra alors définitivement le chemin de la route.
Ces décisions sont donc graves de conséquences : elles ne peuvent être prises en comité restreint et relever de la seule décision conjointe de l'établissement public chargé des infrastructures et du ministère des transports.
Il existe certes aujourd'hui des procédures de consultation, mais elles sont, de toute évidence, largement insuffisantes et, dans l'immense majorité des cas, ce sont les mauvaises décisions de suppression de dessertes, de fermeture de lignes, de démolition de voies qui finissent par s'imposer.
Nous savons très bien qu'une partie des difficultés que connaît aujourd'hui la SNCF vient de l'amenuisement de son réseau au cours des trente dernières années.
On n'entretient pas une seule ligne ; on fait circuler des trains trop lents, inconfortables, qui ne permettent pas les correspondances et qui voient leur fréquence réduite. On supprime des voies dans les zones industrielles. On envisage, comme c'est le cas à Rungis, de supprimer certaines gares. (M. le ministre fait un signe dubitatif.)
Si, monsieur le ministre ! Il est envisagé de supprimer la gare de Rungis ; je vous poserai d'ailleurs, prochainement, une question sur ce sujet.
Pourtant, quand s'est créé le Marché d'intérêt international de Rungis, 40 % des marchandises passaient par cette gare, contre 10 % aujourd'hui.
La SEMARIS envisage de supprimer totalement le transport par chemin de fer. C'est absolument inacceptable.
Ce scénario, cent fois répété, est, hélas ! bien connu dans notre pays.
Petit à petit, les usagers cherchent d'autres solutions et se tournent vers le transport routier.
La ligne accroît ainsi peu à peu son déficit, au point qu'on en arrive à la fermeture, qui est montrée comme inéluctable alors que peut-être d'autres solutions seraient envisageables après la réalisation des investissements qui s'imposent pour maintenir la qualité du service public.
Il nous faut aujourd'hui passer d'une logique de régression à une logique de reconquête du transport ferroviaire, laquelle passe, bien évidemment, par le maintien de ce qui existe.
Dans ces conditions, pour tout déclassement, il nous apparaît utile qu'il soit procédé à la plus large concertation avec les représentants de tout ce qui fait la vie institutionnelle, économique et sociale du bassin d'emploi concerné.
Les chambres consulaires, qui représentent l'activité économique, ont donc besoin de prendre toute leur place dans ce processus de consultation.
Dans bien des départements ruraux où l'activité agricole prédomine, de nombreuses voies ferrées pourraient être soit réouvertes, soit construites si les pouvoirs publics avaient une véritable ambition ferroviaire.
En tout cas, avant de réduire les capacités, de fermer une ligne ou de vendre les terrains qui pourraient servir au développement du transport ferroviaire, il convient d'instaurer une large concertation dans laquelle les chambres d'agriculture géographiquement concernées auraient leur mot à dire.
Quand on sait que de nombreuses lignes ont été supprimées, dépecées, les terrains vendus pour d'autres usages, dans de nombreux départements producteurs de fruits et légumes, on ne peut que s'opposer à ce que, dans des départements comme le Lot-et-Garonne, le Tarn-et-Garonne, les Pyrénées-Orientales ou le Vaucluse, de nouvelles voies ferrées soient fermées ou déclassées sans l'avis des chambres d'agriculture.
Permettez-moi de citer l'exemple de mon département : dans la gare de triage de Villeneuve-Saint-Georges, la SNCF loue actuellement de très vastes terrains à des entreprises qui ont un nombre incroyable de camions. Ceux-ci engendrent dans la ville de Choisy-le-Roi une circulation insupportable. Pourtant, la gare de Villeneuve-Saint-Georges est l'endroit idéal pour développer le transport multimodal. Nous aurons l'occasion d'en parler de nouveau. Vraiment, monsieur le ministre, un grand débat portant non pas seulement sur la SNCF mais sur tous les transports serait nécessaire.
M. le président. Je vous invite à conclure, madame Luc.
Mme Hélène Luc. Je conclus, monsieur le président.
Il convient de préserver nos capacités de transport ferroviaire dans le monde rural, car ce sont les plus menacées, et de rétablir une saine concurrence avec le transport routier.
Pour toutes ces raisons, nous vous invitons, mes chers collègues, à réserver un accueil favorable à cet amendement, qui, je l'espère, ne laissera pas insensibles le grand nombre d'élus ruraux que compte le Sénat. M. le président. Par amendement n° 182, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, dans le dernier alinéa de l'article 10, après les mots : « sont soumis », les mots : « à l'avis des chambres de métiers géographiquement concernées et ».
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Les modalités qui président aux déclassements affectant la consistance du réseau ferré national constituent une question très importante, puisqu'il s'agit, en fait, de fermer des lignes et de vendre les terrains classés dans le domaine public.
J'observe, d'ailleurs, qu'il n'est pas ici question de déclassements mineurs ou d'essence mobilière, car le dernier alinéa de l'article 10 fait bien état de « déclassements affectant la consistance du réseau ».
Même si, en théorie, il doit être possible de procéder à « des déclassements affectant la consistance du réseau », ce passage du texte gouvernemental est dans la ligne de toute la politique de fermeture de lignes menée depuis tant d'années et qui s'est traduite, dans notre pays, par la fermeture de dizaines de milliers de kilomètres de voies ferrées.
Le processus est, en fait, toujours le même : d'abord, on laisse vieillir le réseau en n'effectuant pas les investissements qui seraient nécessaires pour préserver le caractère concurrentiel de la ligne. Ensuite, cette ligne devient de plus en plus déficitaire et on la ferme, avant de vendre, finalement, les terrains sur lesquels passaient les voies.
On précipite donc la clientèle vers le transport routier.
L'abandon progressif du collectage des marchandises par ce qu'on appelle le système du « wagon isolé » sape la cohérence du transport de marchandises, favorise les transferts vers le transport routier et précipite les lignes secondaires dans un déficit chronique qui, ensuite, se retrouve au niveau de la globalité de l'entreprise publique.
Depuis une vingtaine d'années, sous l'impulsion des collectivités territoriales, bon nombre d'entreprises se sont regroupées dans les zones industrielles situées à la périphérie des agglomérations, qui comptent maintenant très souvent plusieurs centaines de salariés.
Elles trouvent dans ces zones industrielles un environnement plus favorable pour leur activité que celui qu'offre le coeur des villes, et on peut constater que les zones industrielles sont aujourd'hui peuplées de PME, parmi lesquelles on compte beaucoup d'entreprises artisanales.
Ces petites entreprises de moins de dix salariés recèlent très souvent des trésors de compétences, sont souvent très compétitives et ont des productions très spécifiques, souvent très sophistiquées, pour des clients très éloignés.
Or, la SNCF concentrant désormais son activité sur les grand convois pour de longues distances et dédaignant le collectage des wagons isolés, elles n'on la plupart du temps que le seul choix du transport routier.
Bien entendu, cette attitude de la SNCF constitue l'une des multiples raisons de son déficit structurel chronique.
Quand moins de wagons sont collectés sur les petites lignes en amont ou par le SERNAM, les trains de grande ligne en aval sont évidemment moins longs et le déficit de la SNCF encore plus important.
La SNCF doit donc repenser sa politique de transport de marchandises afin, notamment, de préserver et de développer les dessertes des zones industrielles au lieu de les supprimer et de neutraliser, voire de détruire, les voies ferrées qui y conduisent.
Les PME ont besoin du rail pour se développer car le transport ferroviaire de marchandises a de l'avenir et peut présenter des avantages certains par rapport au transport routier. Encore faut-il que la SNCF et, demain, RFF fassent, en termes de réseau et d'action commerciale, les efforts de reconquête qui s'imposent.
Nous l'avons dit à plusieurs reprises dans ce débat, le processus de consultation sur la fermeture des lignes et le déclassement des voies n'est pas satisfaisant car l'avis des structures représentatives des acteurs de la vie économique et sociale des bassins d'emplois concernés n'est pas suffisamment pris en compte, voire n'est pas sollicité.
Il nous semble donc tout à fait important que les chambres de métiers qui représentent l'artisanat et les petites PME soient consultées à propos des projets de déclassements des voies affectant la consistance du réseau ferré.
M. le président. Par amendement n° 183, MM. Billard, Leyzour et Minetti, les membres du groupe communiste, républicain et citoyen proposent d'insérer, dans le dernier alinéa de l'article 10, après les mots : « sont soumis », les mots : « à l'avis des chambres de commerce et d'industrie géographiquement concernées et ».
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le développement du transport ferroviaire constitue un élément incontestable du progrès social et économique de la nation dans son ensemble.
Il l'est d'abord par le fait de la réalisation, par la Société nationale, d'investissements industriels particulièrement importants.
Notons d'ailleurs que le niveau des investissements de la SNCF conditionne une part importante de l'activité de secteurs aussi divers que le bâtiment et les travaux publics, la construction mécanique et bien d'autres, et que la baisse du niveau des investissements de l'établissement, qui dure depuis plusieurs années, est analogue à celle qui a frappé le niveau général des investissements publics et le niveau de progression du produit intérieur marchand.
Un volume d'investissements de 15 milliards ou 20 milliards de francs en lignes nouvelles représente environ deux millièmes de point de produit intérieur brut et conditionne l'existence de plusieurs milliers d'emplois.
Au-delà de ces observations, soulignons également que la raison d'être de la SNCF est de permettre de gérer les flux de voyageurs et de marchandises dans une approche cohérente et globale permettant de prendre en compte la réalité au plus près des besoins locaux tout en menant une stratégie au plus haut niveau.
Ce qui guide la SNCF quand elle transporte des voyageurs, ce n'est pas le souhait de dégager une marge financière susceptible d'engendrer des dividendes, comme en matière de transport routier, mais c'est celui de répondre à un besoin objectif de la collectivité.
Dans les faits, les entreprises, parce que l'on assure la desserte des zones d'activité, des centres commerciaux et les liaisons entre lieu de résidence et lieu de travail des salariés, sont pleinement bénéficiaires des efforts d'aménagement du territoire que la Société nationale des chemins de fer français accomplit dans le cadre de ses missions.
Dans certains cas, la qualité de la desserte de telle ou telle zone d'activités est d'ailleurs un facteur de valorisation des entreprises implantées dans cette zone d'activités.
Ainsi, par exemple, la reconstruction de la gare de La Plaine-Voyageurs et la réalisation d'une nouvelle gare de banlieue dans la zone du Landy, deux investissements compris dans l'enveloppe globale des travaux d'aménagement de la zone du Stade de France à Saint-Denis, vont sans doute avoir comme incidence de valoriser relativement les implantations commerciales environnant cet important équipement sportif.
Il en est de même si l'on regarde les effets de l'interconnexion des TGV Nord et Sud-Est autour de la zone aéroportuaire de Roissy et de Marne-la-Vallée.
C'est dire que le monde des entreprises est directement concerné par l'évolution du réseau des infrastructures ferroviaires dans notre pays.
Il est donc tout à fait naturel qu'il puisse avoir, en quelque sorte, son mot à dire dans la gestion des actifs du nouvel établissement gestionnaire de l'infrastructure.
Tel est le sens de cet amendement, qui permet que les décisions de déclassement éventuel de lignes soient soumises à l'avis des chambres consulaires exerçant leurs compétences dans le ressort des départements concernés.
Les chambres de commerce et d'industrie sont, en effet, les représentants naturels du monde de l'entreprise et tout à fait habilitées à faire part des interrogations comme des voeux de ce dernier.
Vous voyez, mes chers collègues, toute l'importance de cet amendement n° 183 ! C'est la raison pour laquelle je vous invite à l'adopter par scrutin public.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)